Œuvres de Saint François De Sales

 

TOME XXIII. OPUSCULES — VOLUME II

 

 

 

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Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales

 

Index OCR

 

Index OCR. 2

Opuscules de saint François de Sales. Troisième série. Controverse. 6

I. Fragment sur la Prédestination [1594-1596] (Inédit). Saint Thomas, dont les adversaires auraient pu tirer quelque parti, fournit contre eux un argument essentiel. — Observations sur plusieurs de leurs propositions. — Même avec saint Augustin, ils ne sont d'accord qu'en paroles. 6

II. Notes theologiques [1594-1596] (Inédit). 10

Homo vi naturæ an possit cognoscere veritates naturales?. 10

An etiam facere bonum opus moraliter?. 10

Objectio. 11

Responsio. 11

Notabile. 12

III. Fragment d'un catéchisme dialogué. Dialogue pour le 16e julliet 1596 entre François et Bernard de Sales  12

IV. Formule de l'abjuration de Monsieur Gabriel de Saint-Michel. Abondance, 4 octobre 1596 (Inédit)  15

V. Briefve meditation sur le symbole des apostres pour confirmation de la verité catholique touchant la reelle presence du cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement de l'autel [Janvier-avril ?] 1597. 16

Je croy. 16

I. En Dieu le Père tout puyssant, Createur du ciel et de la terre. 16

II. En Jesus Christ son Filz unique, Nostre Seigneur. 17

III. Qui a esté conceu du Saint Esprit, né de la Vierge Marie. 17

IV. A souffert sous Ponce Pilate, a esté crucifié, mort et ensevely. 17

V. Est descendu aux enfers, le tiers jour est resuscité des mortz. 17

VI. Est monté aux cieux, est assis a la dextre de Dieu le Père tout puyssant. 17

VII. Et de la viendra juger les vivans et les mortz. 18

VIII. Je croy au Saint Esprit. 18

IX. La Sainte Eglise universelle, la communion des saintz. 18

X. La remission des pechés. 18

XI. La resurrection de la chair. 19

XII. La vie eternelle. 19

Note critique sur le Traité de la Démonomanie attribué a saint François de Sales. 19

VI. Lettre au Ministre Louis Viret en réponse a ses attaques contre la Virginité de Marie, Mère de Dieu (Inédite)  23

VII. Autre lettre au même, sur le même sujet (Inédite). 26

VIII. Demandes aux ministres de la prætendue religion reformee sur leur doctrine touchant la cene. 29

IX. Fragment du Quatrième Livre de la Defense de l'Estendart de la Sainte Croix [Mai-octobre 1598] (Inédit)  32

Que le mot adorer ou adoration est souvent employé pour l'honneur pait aux creatures selon la Sainte Escriture   32

X. Documents relatifs a une conférence entre le Père Chérubin de Maurienne, Capucin et les Ministres de Genève   34

1. Première réponse du Père Chérubin a Monsieur Jean Sarasin, délégué de Genève (Minute inédite)  34

2. Deuxième réponse du même a Monsieur Sarasin. 35

3. Troisième réponse du même a Monsieur Sarasin. 36

4. Quatrième réponse du même a Monsieur Sarasin. 37

XI. Déclaration au sujet d'une conférence avec les Ministres de Genève. 39

XII. Premier titre du Code Fabrien. 40

I. Prima nota hæreticorum nostri temporis: Negatio. 42

II. Affirmationes Novatorum.. 62

Secunda haereticorum nota: Vocationis defectus. 74

Tertia nota hæreticorum: Contemptus Ecclesiæ.. 78

Quarta nota hæreticorum: Contemptus Conciliorum.. 79

Quinta nota hæreticorum: Contemptus Sedis Apostolicæ.. 80

Sexta hæreticorum nota: Contemptus Patrum.. 83

III. Novationes hæreticorum nostrorum.. 84

Septima nota hæreticorum: De studio novitatis. 88

Octava nota hæreticorum: De spiritu dissensionis. 97

Nona hæreticorum nota: De spiritu contentionis. 102

Decima nota : De spiritu maledicentiæ, procacitatis, irrisionis et calumniæ.. 112

IV. De principiis haeresium nostri temporis. 114

V. Hæreses nonnullæ politicæ novatorum.. 120

XIII. Notes sur le Culte des Saints, 608 et 1613 (Inédit). 130

XIV. Notes sur la Sainte Trinité [1600-1616] (Inédit). 131

XV. Note sur la présence réelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'Eucharistie [Paris, 1619] (Minute inédite)  132

XVI. Déclaration touchant une conférence avec le Ministre du Moulin (Minute). 132

Appendice. 134

A. Lettres de Monsieur Claude de Prez, Syndic de Thonon. 134

I. A Monsieur Jean Gauthier, Secrétaire d'état a Genève. 134

II. A Monsieur Simon Goulard, Ministre a Genève. 134

III. Aux Ministres de l'Eglise de Genève. 135

B. Eloge de saint François de Sales par le President Antoine Favre. 137

Quatrième série. Administration Episcopale. 139

A- Diocèse de Genève et clergé en général 140

I. Mandement pour le Carême et le Synode de 1603. Obligation des bénéficiers a la résidence. 140

II. Constitutions faites au Sinode du Diocese de Genève celebré a Annessi le 2 octobre 1603. 140

III. Règlements pour l'enseignement du Catéchisme. 144

1. Pour la ville d'Annecy (Fragment). 144

2. Pour les paroisses du diocèse. 145

IV. Avertissements aux confesseurs, 1603 ou 1604. 146

Epitre dédicatoire. 146

Chapitre I. De la disposition du confesseur. 147

Chapitre II. De la disposition exterieure. 148

Chapitre III. Des demandes qu'il faut faire au penitent avant qu'il s'accuse. 148

Chapitre IV. De quoy il faut que le penitent s'accuse. 149

Chapitre V. Du soin que doit avoir le confesseur de ne point absoudre ceux qui ne sont point capables de la grace de Dieu. 150

Chapitre VI. Comme on doit imposer les restitutions ou reparations du bien et honneur d'autruy  150

Chapitre VII. Des cas reservés et de la confession de ceux qui sont en evident peril et article de mort  151

Chapitre VIII. Comment il faut imposer les penitences et des conseilz qu'on doit donner aux penitens  152

Chapitre IX. Comme il faut donner l'Absolution. 153

V. Fragment de conseils aux confesseurs [1603 ou 1604?]. 154

Ordonnances Synodales. 154

VI. Avis aux confesseurs et directeurs pour discerner les opérations de l'Esprit de Dieu et celles du malin esprit dans les ames [Après 1604]. 154

VII. Exhortation aux ecclésiastiques pour qu'ils s'appliquent a l'étude [1603-1605?]. 156

VIII. Constitutions synodales. 157

IX. Compte-rendu de l'état du diocèse de Genève envoyé a sa Sainteté Paul V, Novembre 1606 (Minute)  159

Status Ecclesiae Gebennensis. 159

Ecclesiæ Gebennensis incommoda ac mala quæ opportunis remediis a Sancta Sede Apostolica curari possunt et auferri 162

X. Mémoire touchant les revenus et les charges de la mense Episcopale. 167

XI. Premier mandement pour le Jubilé de Thonon (Minute). 168

XII. Publication d'Indulgences (Minute inédite). 170

XIII. Second mandement pour le Jubilé de Thonon. 171

XIV. Requête de saint François de Sales et de Monseigneur Milliet, Evêque de Maurienne au duc de Savoie. La piété, apanage des princes de Savoie. — «Maligne production de proces» contre les gens d'Eglise. — Prière au duc d'assurer aux suppliants et à leur clergé la conservation et la paisible jouissance des revenus ecclésiastiques, suivant la teneur des «Articles» qu'ils envoient à Son Altesse. 172

Articles presentés a son Altesse pour la conservation des biens ecclesiastiques de Savoye affin qu'il luy playse d'en ordonner l'observation. 173

XV. Quelques pièces du rituel de 1612. 173

1. Præfatio ad parochos. 173

2. Appendix ad calendarium in quo index habetur festorum quorum officia, non solum in ecclesia cathedrali, sed etiam ab omnibus clericis Diocesis Gebennensis recitari debent. 178

3. Formulaire du prone. 183

4. Fêtes commandées et fêtes de dévotion. 187

5. Casus episcopales Gebennensis Diæcesis. 189

6. Exorcismus pro impeditis in matrimonio a dæmone vel maleficis. 189

XVI. Notes pour des Ordonnances Synodales 24 avril [1613?] (Inédit). 191

XVII. Fragment d'un compte-rendu de l'état du Diocèse de Genève concernant les monastères [Janvier ou février 1614] (Minute). 192

XVIII. Ordonnances Synodales (Minute). Ordonnances faictes et prononcees par Monseigneur le Reverendissime au Synode de l'an 1617. 194

XIX. Sentiment sur la collation des bénéfices et la nomination des curés. 199

Appendice. 200

I. Sommaires des Ordonnances Synodales de saint François de Sales. 200

A. Ordonnances du 5 mai 1604. 200

B. Ordonnances du 12 avril 1606. 201

C. Ordonnances du 30 juin 1607. 202

D. Ordonnances du 23 avril 1608. 203

E. Ordonnances du 6 mai 1609. 204

F. Ordonnances du 28 avril 1610. 206

G. Ordonnances du 20 avril 1611. 207

H. Ordonnances du 9 mai 1612. 207

I. Fragment d'Ordonnances de 1605-1613. 208

J. Ordonnances du 16 avril 1614. 208

K. Ordonnances du 6 mai 1615. 209

L. Ordonnances du 20 mai 1616. 210

II. Lettre de Charles-Emmanuel Ier au Sénat de Savoie. 210

Extrait des Registres du Souverain Senat de Savoie. 211

 

 

Opuscules de saint François de Sales. Troisième série. Controverse

 

 

I. Fragment sur la Prédestination [1594-1596] (Inédit). Saint Thomas, dont les adversaires auraient pu tirer quelque parti, fournit contre eux un argument essentiel. — Observations sur plusieurs de leurs propositions. — Même avec saint Augustin, ils ne sont d'accord qu'en paroles.

 

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            De divo Thoma quid dicam, eu jus authoritate aliquam, relictis omnibus Patribus, si non justam at saltem minus temerariam vobis poteratis praetendere excusationem? Is sane tantum abest ut voluerit prævisam gratiam sufficientem [1] et distributam in illa visione vestra conditionata, ut suae sententiae praecipuum contra vos afferat argumentum. Prius agens, ait, intendit et vult finem quam media ad finem; at gloria est finis, praeparatio gratiae est medium: eigo prius vult dare gloriam electis quam velit dare gratiam. Non ergo, secundum eum, praedestinatio est volitio illa et electio ad gratiam primo, deinde ad gloriam consequenter, quod vos ut subterfugiatis argumenta imaginamini, sed potius e contra vult uni prae aliis dare gloriam, aliis negare; deinde consequenter iis negare efficacia media, illis dare. Atque ratio Sancti Thomae omnino convincit de voluntate in genere, abstrahendo ab absoluta et conditionata, antecedente et consequente: quod contra vos est, non contra nos. Nam ut satis ad volitionem mediorum sufficientium praecessisse volitionem antecedentem finis et velleitatem seu voluntatem conditionatam, ita voluntas mediorum sufficientium omnino praesupponit volitionem et intentionem finis; quae intentio finis differat a voluntate mediorum sitque prior ipsa natura. Quare [2] argumentum Sancti Thomae omnino probat prius Deum velle cuique dare antecedenter gloriam, deinde ut eam consequerentur media necessaria: quod est contra vos. Non probat autem prius esse volitionem efficacem finis quam volitio efficax mediorum non efficacium, sed sufficientium: quod esset contra. Relinquitur ergo: praedictam sententiam nullius gravis authoris clypeo protegi, ac adeo cum in tanta tamque gravi materia solum esse sit maxime periculosum, eam sententiam esse male tutam.

            Jam vero, ut sigillatim de singulis eorum propositionibus aliquid dicamus, prima refutata est argumento Sancti Thomae; cum enim volitid finis sit prior volitione mediorum, praeparatio finis debet esse prior praeparatione mediorum, imo praeparantur media propter finem. Ergo volitio illa finis est prima radix omnium bonorum supernaturalium. Per praedestinationem autem, omnes eam radicem primam intelligunt: ergo praedestinatio est, vel saltem praecipue complectitur praeparationem finis, non gratiae tantum, ut ipsi volunt. Praeterea, eo argumento divi Thomae ostenditur divum Thomam aliter sensisse, scilicet praedestinationem [3] esse mediorum et finis; et primo finis, deinde mediorum. Tertio, ita intelligunt omnes fere scolastici, ut videre est apud Lexicon theologicum. Quarto, hoc primum dictum pugnat cum quarto, nam fere nulli sunt qui in tota serie, seu ordine gratiae, non habeant gratiam plus quam sufficientem qua justificantur, concipiunt bona desideria (inter Christianos maxime); at in quarto dicitur reprobis solam sufficientem dari, quod falsum erit, cum plurimi reprobi sint ex Christianis qui habent plus quam sufficientem.

            Sed secundo eandem consequentiam ostendo clare; nam dum dicitur «antequam quicquam facerent,» intelligitur antequam facerent in mente Dei, proculdubio, secundum eorum sententiam. Atqui per vos jam non utebantur gratia sufficienti quam praevidebantur habere. Ergo non «antequam quicquam fecissent;» facere enim illic non tantum facere positive, sed privative intelligitur. [4]

            Tertio: si usi fuissent ut poterant gratia sufficienti, omnes dilexisset. Ergo, ideo odio habuit, id est non dilexit (ita enim interpretantur), quia non usi sunt. Nam si posita affirmatione diligit, et affirmatio est causa dilectionis, posita negatione non diliget, et negatio erit causa non dilectionis. Ergo ex operibus, opera enim privationem operum cum ordine ad debitum complectuntur. Ex iis constat hanc sententiam destitui praecipua Pauli authoritate.

            Quod autem Sancti Augustini authoritatem spernant probatur quia verbis tantum cum eo conveniunt, ab ejus autem mente longissime recedunt. Hoc enim in eo tantum sequuntur quod negent praevisionem; quid autem hac negatione intelligat ac velit, nihil curant. Siquidem Augustinus praedestinatis tantum vult dandam gratiam sufficientem, isti omnibus; Augustinus vult reprobationis causam esse peccatum originale, isti nullam; Augustinus vult praedestinationem factam praeviso peccato, isti ante; [5] Augustinus [non] negat Deum velle omnes homines salvari, isti negant. Sane, in eo tantum conveniunt quod cum Augustino negent causam ullam esse in nobis praedestinationis, in explicatione autem sententiae omnino discrepant; hoc est, conveniunt in verbis, non in re. Isti enim volunt praevideri non usum gratiae; Augustinus nihil, nisi peccatum originale. Longeque mitior est Augustinus istis, cum non sine culpa abjici quemquam velit, sed juste ob peccatum originale; isti nulla prorsus culpae habita ratione nullumque ob peccatum innumeros abjici, aliquos tantum salvari. Sane, si ita dure loquendum erat, cum Augustino fieri debuerat; intolerabile enim est sine Augustino cum omni Patrum veneranda caterva contendere.

            At dicunt: convenimus cum Augustino in praecipuo totius negotii, scilicet in negando causam praedestinationis, quod satis est. Enimvero et nos quoque convenire cum eo dicemus; scimus namque id quod maxime optavit Augustinus, esse debellare Pelagium qui cum diceret nos solo [6] libero arbitrio mereri salutem, Augustinus ut eum fortius impeteret, negavit praedestinationis dari causam ex parte nostra. Quod si nos negemus dari causam ex parte nostra, quatenus nostra est, cum Augustino sentire merito dicendi erimus. Cum is fuerit praecipuus scopus Augustini ut debellaret Pelagium, si id recte faciamus, ab Augustino dissentire non possumus magis quam vos: scilicet, ut cum gratis omnes nos praedestinatos fateamur et Dei misericordia, Augustinus suo, vos alio, nos alio explicemus modo, tantoque securiores ab Augustino discedimus quanto aliorum Patrum omnium signis adjungimur; vos vero tanto periculosius Augustinum deseritis quanto longius ab aliis omnibus solitarii fugitis et aberratis.

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Revu sur l'Autographe appartenant à M. Pératé, à Versailles. [7]

 

 

 

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            Que dirai-je de saint Thomas, sur l'autorité duquel vous pouviez vous appuyer, en laissant de côté tous les Pères, pour présenter une justification de votre doctrine qui fût, sinon juste, du moins d'une témérité moindre? Ce Docteur, bien loin d'avoir admis la [1] prévision d'une grâce suffisante; distribuée dans la vision conditionnelle que vous supposez, apporte, dans son enseignement, un argument de toute première force contre vous. L'agent, dit-il, vise et veut d'abord la fin, avant les moyens; or, la gloire est la fin, et la préparation par la grâce est le moyen: donc, Dieu veut donner la gloire aux élus avant de vouloir leur donner la grâce. La prédestination n'est donc pas, d'après saint Thomas, la volonté et l'élection se rapportant d'abord à la grâce, ensuite et conséquemment à la gloire, comme vous l'imaginez afin de vous soustraire à nos arguments; mais au contraire, elle consiste plutôt à vouloir accorder la gloire aux uns de préférence aux autres, et à la refuser à ceux-ci: par conséquent, à refuser aux derniers les moyens efficaces, et à les donner aux premiers. D'un autre côté, la raison de saint Thomas a toute sa force de conviction en entendant la volonté en général, abstraction faite de savoir si cette volonté est absolue ou conditionnelle, antécédente ou conséquente: ce qui est contre vous, non contre nous. Car, de même qu'il suffit que la volition des moyens suffisants ait été précédée par une volition antécédente de la fin et d'une velléité ou volonté conditionnelle, ainsi la volonté des moyens suffisants présuppose absolument la volonté et l'intention de la fin, cette intention de la fin devant différer de la volonté des moyens et la précéder d'une priorité de nature. C'est pourquoi [2] l'argument de saint Thomas prouve sûrement que Dieu veut d'abord accorder antécédemment à chacun la gloire, et ensuite les moyens nécessaires pour l'obtenir: ce qui est contre vous. Mais il ne prouve pas que la volition efficace de la fin soit antérieure à la volition efficace des moyens, non pas efficaces, mais suffisants: ce qui serait contre nous. Il reste donc que l'opinion ci-dessus ne s'appuie sur aucun auteur sérieux; et comme en matière de telle importance être seul est souverainement dangereux, cette opinion est loin d'être sûre.

            Maintenant, quelques mots en particulier sur chacune des propositions de nos adversaires. La première a été réfutée par l'argument de saint Thomas: la volition de la fin, en effet, précédant celle des moyen?, la préparation de la fin doit précéder aussi celle des moyens; bien plus, les moyens ne sont préparés qu'en vue de la fin. Par suite, cette volition de la fin est la racine première de tous les biens surnaturels. Mais cette racine première, tout le monde la voit dans la prédestination: il s'ensuit donc que la prédestination est, ou tout au moins embrasse principalement la préparation de la fin, et non de la grace seulement, comme le veulent nos adversaires. En outre, l'argument dé saint Thomas montre que ce Docteur a été d'un avis différent, puisque, selon lui, la prédestination [3] comprend les moyens et la fin; d'abord la fin, ensuite les moyens. En troisième lieu: ainsi l'entendent presque tous les scolastiques, comme on peut le voir dans le Lexicon theologicum. En quatrième lieu, la première proposition des adversaires est en contradiction avec leur quatrième, car il n'y a presque personne (surtout parmi les chrétiens) qui, dans toute la série ou économie de la grâce, n'ait pas en partage une grâce plus que suffisante qui le justifie, lui fasse concevoir de bons désirs; et cependant, dans la quatrième proposition il est dit que les réprouvés reçoivent la seule grâce suffisante: ce qui est faux, attendu que de nombreux réprouvés se trouvent être des chrétiens, lesquels ont plus que la grâce suffisante.

Deuxièmement, j'établis clairement la même conséquence: lorsque nos adversaires, [à propos de la réprobation des damnés,] emploient cette expression: «avant toute action de leur part,» selon eux cela doit s'entendre évidemment ainsi: avant toute action de leur part dans la pensée de Dieu. Or, d'après vous, ils ne se servaient pas déjà de la grâce suffisante qui était prévue devoir leur être donnée. Par conséquent, vous ne pouvez dire: «avant toute action de leur part,» car le mot «action» doit se prendre là, non seulement dans le sens positif, mais dans le sens privatif. [4]

            En troisième lieu, si les futurs réprouvés avaient usé suivant leur pouvoir de la grâce suffisante, Dieu les eût tous aimés. Par suite, si Dieu les a haïs, c'est-à-dire ne les a pas aimés (selon l'interprétation même des adversaires), s'est qu'ils n'ont pas employé cette grâce. En effet, si Dieu aime dans l'hypothèse qu'ils ont fait usage de la grâce, et si cet usage est cause de sa dilection, il n'aimera pas dans l'hypothèse qu'ils n'en ont point fait usage, et cette omission sera cause de sa non dilection. Donc d'après les œuvres: non seulement les œuvres faites, mais aussi l'absence des œuvres par rapport au devoir à accomplir. De tout cela il résulte que l'opinion des adversaires va contre l'autorité de saint Paul, primordiale en la matière.

            Leur mépris pour l'autorité de saint Augustin se voit en ce qu'ils ne sont d'accord avec lui qu'en paroles, tout en s'éloignant grandement de son sens. La seule chose qu'ils adoptent de celui-ci, c'est qu'ils nient comme lui la prévision [des mérites et des démérites]; mais ce qu'il entend et prétend par cette négation, c'est ce dont ils ne s'embarrassent pas. Effectivement, Augustin veut que la grâce suffisante soit accordée aux seuls prédestinés; eux, qu'elle l'est à tous. Augustin veut que le péché originel soit la cause de la réprobation; eux, qu'il n'y en ait aucune. Augustin entend que la prédestination a lieu après la prévision du péché; eux, qu'elle a lieu avant. Augustin ne nie pas qu'en Dieu soit la volonté de sauver [5] tous les hommes; eux le nient. En vérité, leur seul point de contact avec Augustin, est qu'ils nient en nous toute cause de prédestination; mais dans l'explication de leur pensée, ils s'écartent de lui: en somme, ils sont d'accord avec lui en paroles, non en réalité. Ils veulent, en effet, que le non usage de la grâce soit prévu; pour Augustin, le péché originel seul est prévu. Et Augustin est bien moins sévère qu'eux, car il n'admet pas que quelqu'un soit rejeté sans faute, mais il donne comme cause juste à cette réprobation le péché originel; eux, au contraire, prétendent qu'innombrables sont les réprouvés, sans relation aucune à une faute ou à un péché quelconque, et que seulement quelques-uns sont sauvés. Vraiment, à émettre de si dures paroles, il fallait le faire en union avec Augustin; c'est, en effet, chose intolérable qu'on se mette en contradiction avec l'entière phalange si vénérable des Pères, sans avoir avec soi Augustin.

            Mais, disent-ils, nous sommes d'accord avec Augustin sur le point principal de toute la question, à savoir en niant que la prédestination ait une cause: ce qui suffit. Nous aussi, à la vérité, nous sommes d'accord avec lui, car nous savons que le but poursuivi par Augustin a été par dessus tout de combattre Pélage: celui-ci [6] enseignant que nous méritons le salut par le seul usage de notre libre arbitre, Augustin, pour l'attaquer avec plus de force, a nié qu'il y ait en nous une cause à la prédestination. Si nous nions, nous aussi, l'existence d'une cause à la prédestination de notre part, en tant que cette part est bien nôtre, nous avons le droit d'être considérés comme d'accord avec Augustin. Le but principal de celui-ci ayant été de combattre Pélage, notre opinion, en lui donnant un sens droit, ne peut s'éloigner plus que la vôtre de celle d'Augustin: en d'autres termes, s'il est vrai que nous avouons tous que c'est gratuitement et grâce à la miséricorde de Dieu que les prédestinés le sont, Augustin donne là-dessus son explication, vous une différente, nous encore une troisième; mais nous, au moins, nous nous séparons d'Augustin avec d'autant plus de sécurité que nous suivons les traces de tous les autres Pères; tandis que pour vous, l'abandon que vous faites de saint Augustin est d'autant plus dangereux, que vous vous éloignez et écartez davantage, en solitaires, de tous les autres.

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II. Notes theologiques [1594-1596] (Inédit)

 

 

Homo vi naturæ an possit cognoscere veritates naturales?

 

            Naturales intelliguntur eae quae ex objectis sensibilibus possunt elici.

            Prima propositio. Potest tum speculativam, tum practicam divisim, quia non est extra proportione objectivam cum vi naturali; quia id habetur Ro., I, Psal. 4, Sap., 13; quia caeterae res naturales faciunt suae formae consentaneas operationes.

            Secunda propositio. Non potest conjunctim nec speculativam, nec practicam, quia omnes philosophi erraverunt; sic Justinus, in Parenetica; Theodoretus, De curandis Graec. aff; Lactantius, 3 [Divin.] Instit., Augustinus, 8 Civit. Quia error est pcena peccati originalis; Clemens Alex., 5 Strom., id vero ita habet ob impedimenta extrinseca, brevitatem, scilicet, vitae, et caetera. Alioqui non sunt [8] extra objectum proportionatum intellectus humani, sed opus esset infinita vita et memoria. Verum haec impedimenta, licet sint extrinseca intellectui humano, non sunt extrinseca sed intrinseca homini, quia per se mortalis est.

 

 

 

L'homme peut-il par le seul effort de ta nature connaître les vérités naturelles?

 

            Par vérités naturelles nous entendons celles qui peuvent être tirées des objets sensibles.

            Première proposition. L'homme peut connaître séparément, soit telle vérité spéculative, soit telle vérité d'ordre pratique, parce que cela n'est pas hors de proportion objective avec la force naturelle; parce que cela est indiqué [par l'Ecriture]: Romains, 1, Ps. IV, Sagesse, XIII; parce que les autres choses naturelles font des opérations en proportion avec leur forme.

            Deuxième proposition. L'homme ne peut connaître dans leur ensemble ni les vérités spéculatives, ni celles d'ordre pratique, car tous les philosophes ont fait quelque erreur. Cette raison est apportée par Justin, in Parenetica; par Théodoret, De curandis Græcar. aff.; par Lactance, lib. III Divin. Inst.; par Augustin, lib. VIII Civit. [Autre raison:] parce que l'erreur est la peine du péché originel; Clément d'Alexandrie (lib. V Strom.) présente cette [8] preuve en s'attachant aux empêchements extrinsèques, à savoir la brièveté de la vie, etc. Par ailleurs, les vérités en question ne sont pas en dehors de l'objet proportionné à l'intelligence humaine, mais il faudrait, pour les connaître, une vie d'une durée infinie et une mémoire également d'une étendue infinie. Toutefois les empêchements ci-dessus, quoique extrinsèques par rapport à l'intelligence humaine, ne sont pas extrinsèques, mais bien intrinsèques à l'homme, parce qu'il est mortel.

 

 

 

An etiam facere bonum opus moraliter?

 

            Prima propositio. Potest etiam conducens ad salutem aeternam (Conc. 2 Araus., c. 23, 22, 25; Trid., Sess. 6, c. 7 et 21), quia videtur contra principium naturae hominem non posse bene agere. Deinde, quia talis homo non posset peccare cum tamen haberet legem naturalem. Quod vero dicitur de salute ad quam conducit, removendo, scilicet, impedimentum majus, minus enim impeditur quia moraliter bene agit. Math., 5: Nonne et ethnici hoc faciunt?

            Si ergo cognoscit Deum et referat opus in Deum, erit bonum, iicet non perfecte; si non cognoscit et operetur [9] quia honestum et rationi consentaneum, tunc is actus natura sua fertur in Deum.

 

 

 

L'homme peut-il de même faire une œuvre moralement bonne?

 

            Première proposition. Il peut en faire, et même conduisant au salut éternel (Second Concile d'Orange, canons XXIII, XXII, XXV; Concile de Trente, Sess. VI, chap. VII et XXI), attendu qu'il semble être contre le principe de nature que l'homme ne puisse faire le bien. En second lieu, parce qu'un tel homme ne pourrait autrement pécher, tout en portant en lui la loi naturelle. Quand nous parlons du salut auquel conduit l'œuvre moralement bonne, nous voulons dire qu'un empêchement majeur est supprimé: l'homme a moins d'entraves pour arriver au salut, puisqu'il agit moralement bien. [Dernier argument scripturaire:] Matt., V: Est-ce que les payens ne font pas cela?

            Si donc l'homme connaît Dieu et rapporte son acte à Dieu, cet acte sera bon, bien que non d'une bonté parfaite; s'il ne connaît pas Dieu, et qu'il fasse telles œuvres parce qu'honnêtes et conformes [9] à la raison, alors ces œuvres de par leur nature même sont rapportées à Dieu.

 

 

 

Objectio

 

            Deus magis concurrit ad opus moraliter bonum quam ad malum; ad malum autem concurrit generali concursu: ergo ad bonum speciali.

 

 

 

Objection

 

            Dieu concourt davantage à une œuvre moralement bonne qu'à une mauvaise; mais il concourt à l'œuvre mauvaise d'un concours général: donc il concourt à la bonne d'un concours spécial.

 

 

 

Responsio

 

            Quo ad materiale boni et mali eodem modo concurrit phisice; sed ad formale mali non concurrit, cum sit privatio. Ad formale boni concurrit; est enim differentia realis: ergo ad totum bonum, non ad totum malum. Item, Deus tantum permittit malum, at bonum vult, consulit, dictat. Item, ad materiale peccati Deus concurrit, ut est causa naturalis et necessaria ex suppositione; ad bona vero etiam potest concurrere, ut est causa libera. [10]

 

 

 

Réponse

 

            Quant à l'élément matériel de l'acte bon et du mauvais, il y concourt physiquement de la même manière; pour ce qui est de l'élément formel de l'acte mauvais, il n'y concourt d'aucune façon, cet élément formel étant une pure privation; tandis qu'à l'élément formel de l'acte bon, il donne son concours. Il y a, en effet, différence réelle entre acte mauvais et acte bon: par conséquent, [le concours de Dieu s'exerce] à l'égard de l'acte bon tout entier, non à l'égard de l'acte mauvais tout entier. De même, Dieu permet seulement le mal, tandis qu'il veut, approuve, commande le bien. De même encore, Dieu concourt à l'élément matériel du péché, en tant qu'il est cause naturelle et nécessaire par supposition; mais pour ce qui est du bien, il peut aussi y concourir en tant que cause libre. [10]

 

 

 

Notabile

 

            Opinio porro Ariminensis Deum concurrere ad actus malos influendo cum voluntate se determinante, ad bonos praedefiniendo et determinando voluntatem, non mihi probatur, quia fere tollit libertatem jn actibus bonis; de quo plura infra. Deinde, est omnino impossibile quod dicit; nam si ad actum malum Deus voluntatem non determinat, ergo necessario permittit, ut si velit efficiat bonum actum quando facit malum.

            Explico aliter: vel illa determinatio est omnino necessaria ut faciamus actum bonum, vel non. Si secundum, ergo non est semper ponenda; si primum, ergo quando non adest, necesse est ut malum operemur, maxime si operemur. Ergo, non solum permitteremur malum operari, nam permissio indifferens est ad utrumque oppositorum, et quotiescumque est in nostra potestate determinare [11] nos ad actum malum, est etiam determinare ad actum bonum.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

 

 

 

Remarque

 

            L'opinion de Grégoire, [docteur] de Rimini, sur le concours de Dieu donné aux actes mauvais au moyen d'une influence s'unissant à la volonté qui se détermine, et aussi sur son concours aux actes bons au moyen d'une prédétermination de la volonté, cette opinion, dis-je, ne me satisfait pas, parce qu'elle supprime presque la liberté dans les actes bons, comme nous le dirons mieux plus loin. Ensuite, ce qu'elle avance est tout à fait impossible; car si Dieu ne détermine pas la volonté à l'acte mauvais, il permet nécessairement que l'homme, s'il le veut, puisse faire un acte bon au moment où il en fait un mauvais.

            Je l'explique autrement: ou bien la détermination en question est tout à fait nécessaire pour que nous fassions un acte bon, ou bien elle ne l'est pas. Dans le second cas, elle ne doit pas toujours être mise en ligne de compte; dans le premier, il devient nécessaire pour nous, en son absence, de faire le mal, au moins si nous agissons. Par suite, ce ne serait pas Seulement une permission que nous aurions à l'égard du mal à accomplir; car la permission est indifférente aux deux termes de l'opposition, et toutes les fois qu'il est [11] en notre pouvoir de nous déterminer à un acte mauvais, il est aussi en notre pouvoir de nous déterminer à un acte bon.

 

 

III. Fragment d'un catéchisme dialogué. Dialogue pour le 16e julliet 1596 entre François et Bernard de Sales

 

            Au nom du Pere et du Filz et du Saint Esprit, et de lit benite Vierge Marie.

            FRANÇOIS, parlant le premier, dira: Mon frere, estes vous Chrestien?

            BERNARD, placé vis a vis de François, respondra: Ouy, mon frere, je le suis, par la grace de Dieu.

            FRANÇOIS — Quand vous a on fait Chrestien?

            BERNARD — Au saint Sacrement de Baptesme.

            FRANÇOIS — Combien de choses principales promistes vous alhors?

            BERNARD — Troys: premierement, je renonçay au diable et a toutes ses œuvres qui sont toutes les sources du peché. [12]

            FRANÇOIS — La seconde qu'est elle?

            BERNARD — Je promis de garder les douze articles de nostre sainte foy.

            FRANÇOIS — Dites la troysiesme.

            BERNARD — Je promis de garder les dix Commandemens de Dieu et ceux de la sainte Eglise nostre Mere.

            FRANÇOIS — Combien de sortes de Chrestiens y a il?

            BERNARD — Il y en a de troys sortes: les premiers sont ceux qui le sont de nom seulement; les secondz, ceux qui le sont de nom et de foy, et les troysiesmes, ceux qui le sont de nom et de foy et d'œuvres.

            FRANÇOIS — Les premiers que sont ilz?

            BERNARD — Ce sont les heretiques, qui n'ont rien que le nom, a cause du Baptesme qu'ilz ont receu.

            FRANÇOIS — Seront ilz sauvés, mourans en ceste sorte?

            BERNARD — Non, car ilz n'ont ni foy ni œuvres necessaires a salut, estans dehors de l'Eglise Catholique, Apostolique, Romaine.

            FRANÇOIS — Les secondz Chrestiens que sont ilz?

            BERNARD — Ce sont les mauvais Chrestiens, qui ont la foy et le nom, mays qui ne font pas ce qu'ilz croyent.

            FRANÇOIS — Seront ilz sauvés, mourans ainsy?

            BERNARD — Il n'y a pas moyen, s'ilz ne font une entiere penitence.

            FRANÇOIS — La troysiesme sorte de Chrestiens qu'est elle?

            BERNARD — Ce sont ceux qui, a leur nom et a leur foy, joignent toutes sortes de bonnes œuvres.

            FRANÇOIS — Ceux ci seront ilz sauvés?

            BERNARD — Ouy, sans doute, et leurs bonnes œuvres les accompaigneront apres leur mort.

            FRANÇOIS — Le mot de Chrestien, que signifie il?

            BERNARD — Il signifie d'estre oinct d'huyle.

            FRANÇOIS — De qui descend ce nom de Chrestien?

            BERNARD — De Nostre Seigneur JESUS qui s'appelle Christ.

            FRANÇOIS — Pourquoy a il voulu que nous fussions ainsy nommés? [13]

            BERNARD — A fin de nous honnorer de ce nom, et nous induire a le suyvre et a imiter sa sainte vie.

            FRANÇOIS — Que represente ceste unction que ce nom porte?

            BERNARD — Elle marque la grace que nous recevons dans ce saint Sacrement.

            FRANÇOIS — L'unction exterieure que l'Eglise ordonne aux Chrestiens, que signifie elle?

            BERNARD — Elle denote les effectz que la grace divine opere en l'interieur de nostre ame.

            FRANÇOIS — Aves vous esté oinct?

            BERNARD — Ouy, par la grace de Dieu, en quattre parties de mon cors, au Baptesme et en la Confirmation.

            FRANÇOIS — Combien de foys vous a on oinct au Baptesme?

            BERNARD — Troys foys: la premiere sur l'estomach, la seconde sur les espaules, la troysiesme sur la teste.

            FRANÇOIS — Pourquoy cela? dites le.

            BERNARD — L'unction sur l'estomach est pour nous embraser en l'amour de Dieu; celle sur les espaules est pour nous fortifier a porter la charge des commandemens et des ordonnances divines; celle sur le front, a fin que, publiquement et sans honte ni crainte, nous confessions la foy de Nostre Seigneur Jesuschrist.

            FRANÇOIS — Et pourquoy l'unction de la teste en la Confirmation?

            BERNARD — Pour un accroissement de graces de force et d'esclaircissement pour comprendre et accomplir tout ce que nous devons sçavoir et fayre pour nostre salut.

            FRANÇOIS — Estant donques Chrestien, vostre premier desir que doit il estre?

            BERNARD — D'aymer et servir Dieu, d'estre eternellement avec luy au Ciel.

            FRANÇOIS — Vostre response est bonne; mays combien deves vous sçavoir de choses pour estre sauvé?

            BERNARD — Autant que j'ay de doigtz a la main: la premiere, la foy; la seconde, l'esperance; la troysiesme, la charité; la quatriesme, les Sacremens; la cinquiesme, les bonnes œuvres. [14]

            FRANÇOIS — Ou trouveres vous la foy, l'esperance et la charité des Chrestiens?

            BERNARD — Au Credo, au Pater et aux Commandemens de Dieu et de l'Eglise.

            FRANÇOIS — Combien y a il de Sacremens?

            BERNARD — Il y en a sept.

            FRANÇOIS — Combien y a il de bonnes œuvres?

            BERNARD — Troys, qui sont la source de toutes les autres: orayson, jeusne et aumosne.

            FRANÇOIS — Pourquoy croyes vous d'avoir esté mis en ce monde?

            BERNARD — Pour connoistre, aymer et glorifier mon Createur, et jouyr a jamais de la redemption de mon Sauveur.

            FRANÇOIS — Quelle est la marque plus frequente que vous donnes pour prouver que vous estes Chrestien?

            BERNARD — C'est le sacré signe de la Croix, qui est le veritable signe du Chrestien. L'Eglise s'en sert en toutes ses saintes ceremonies et Sacremens, et le Chrestien s'en doit servir en toutes ses prieres et actions principales.

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Revu sur le texte inséré dans un ancien Ms. de l'Année Sainte de la Visitation,

conservé au Ier Monastère d'Annecy.

IV. Formule de l'abjuration de Monsieur Gabriel de Saint-Michel. Abondance, 4 octobre 1596 (Inédit)

 

            Ego GABRIEL A SANCTO MICHAELE, contrito et humiliato corde, agnosco et confiteor coram Sanctissima Trinitate et tota caelesti Curia ac vobis testibus, me graviter peccasse adhaerendo haereticis et credendo varias eorum haereses, praesertim has: sacrosanctum Corpus Domini nostri Jesu Christi non esse vere, realiter et substantialiter in augustissimo Eucharistiae Sacramento; nec esse verum et propitiatorium [16] Sacrificium pro Vivis et defunctis, cum, incruente, a sacerdotibus in Missa offertur; nullum esse post hanc vitam ignem purgatorium; Sanctos et Beatos qui in Caslis sunt non esse invocandos; Ecclesiam Catholicam visibitem errare posse et deficere; et alias quam plurimas.

            Jam autem per Dei gratiam resipiscens, has praedictas et omnes alias, cujuscumque gentis, generis aut nominis sint, haereses, libere, sponte et sincere abjuro, execror et anathematizo, atque firmiter assentior et consentio in omnibus cum sancta Catholica, Apostolica et Romana Ecclesia; et corde oreque profiteor ac promitto, spondeo ac juro, me semper retenturum fidem quam praedicat eadem sancta Romana Ecclesia. Ita me Deus adjuvet et haec sancta Dei Evangelia.

            Abundantiae, praesentibus nobilibus DD. Ferdinando de Prez, domino de Corselles, Stephano de Compesio, equite, et Claudio de Blonnay, die 4 Oct., anno 1596.

GABRIEL DE SAINCT MICHEL.

 

Revu sur 1'Autographe conservé à la Visitation de Turin. [17]

 

 

 

            Moi GABRIEL DE SAINT-MICHEL, je reconnais et confesse, de coeur contrit et humilié, devant la Très Sainte Trinité et toute la Cour céleste, et vous autres témoins, que j'ai gravement péché en adhérant aux hérétiques et en croyant leurs diverses hérésies, surtout celles-ci: que le saint Corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ n'est pas vraiment, réellement et substantiellement dans le très auguste Sacrement de l'Eucharistie; qu'il n'est pas un vrai et [16] propitiatoire Sacrifice pour les vivants et les morts, lorsque, d'une manière non sanglante, il est offert à la Messe par les prêtres; qu'il n'existe aucun feu purificatoire après cette vie; que les Saints et les Bienheureux qui sont dans les Cieux ne doivent pas être invoqués; que l'Eglise Catholique visible peut errer et se tromper; et autres très nombreuses.

            Venant maintenant, par la grâce de Dieu, à résipiscence, librement, spontanément et sincèrement j'abjure, j'exècre et j'anathématise ces hérésies et toutes autres, de quelle provenance, espèce ou nom qu'elles soient. J'adhère en outre fermement et je me range en toutes choses aux enseignements de la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine. Je professe de cœur et de bouche, et je promets et jure de toujours garder la foi qu'enseigne cette même sainte Eglise Romaine. Ainsi Dieu me soit en aide et ces saints Evangiles de Dieu.

            A Abondance, en présence des nobles seigneurs Ferdinand de Prez, seigneur de Corcelles, Etienne de Compois, chevalier, et Claude de Blonay, le 4 octobre 1596.

Gabriel de Saint Michel.

 

 

V. Briefve meditation sur le symbole des apostres pour confirmation de la verité catholique touchant la reelle presence du cors de Nostre Seigneur au Saint Sacrement de l'autel [Janvier-avril ?] 1597

 

Je croy

 

            Si je considere sur vos saintz autelz, o mon Sauveur, mon Dieu, vostre tres sacré Cors, que vous aves assaysonné par tant de miracles pour nous nourrir en ces desers, et que, tout ravy en admiration, autre ne me demeure en bouche que ceste protestation de mon insuffisance: Qu'est cecy? qu'est cecy? Manhu? manhu? o Seigneur, regardes a moy! mon jugement naturel, ma chair, mes sens, me livrent [18] mille assautz: Hé, ce me disent ilz, comme se peut il faire que le Sauveur aye donné sa chair a manger? O que ceste parolle est dure! et qui la peut ouyr ni croyre?

            Mays, c'est par vostre grace, mon Dieu, que ces seducteurs n'ont encor rien gaigné sur moy; je leur ay tousjours opposé le mot et Symbole que vos Apostres enseignerent jadis a nos anciens. Suyvant le conseil de ces deux grans serviteurs de vostre Majesté, Ambroyse et Augustin, je m'en suys armé comme de la marque de vostre sauvegarde, j'ay fermé et cacheté mon cœur de ce sceau, affin qu'il ne fust ouvert a leurs suggestions; ce m'a esté comme un [19] carquois qui m'a fourny mille et mille traitz pour les combattre. Et quoy? disois je, ceste sacree parolle qui est sur le commencement de ce Symbole, ne suffiroit elle pas, quand il n'y auroit autre, pour rompre tous les effortz de ces seditieux? JE CROY: c'est le mot que j'ay ja prononcé des mon Baptesme par la bouche de ceux qui m'y presenterent; je suis donques croyant et fidelle, non pas entendeur ou compreneur, et partant, plus on me rend ce Sacrement malaysé a entendre et comprendre, plus on me le rend croyable et venerable. La foy a plus de lustre ou l'entendement a plus d'obscurité.

 

I. En Dieu le Père tout puyssant, Createur du ciel et de la terre

 

            Dieu est Dieu en toutes, ses œuvres, mais en celles qui sont plus grandes il faict mieux voir sa Divinité. Et puysque ce Sacrement est un grand œuvre de Dieu, quelle plus asseuree marque peut il porter de son Ouvrier, pour estre receu en ma croyance, que d'estre admirable et incomprehensible?

            N'y a il pas troys Personnes, Pere, Filz et Saint Esprit, en une mesme, simple et seule essence? La foy qui a digeré ceste sauveraine difficulté, quelle peyne peut elle avoir a croyre qu'un seul cors soit en plusieurs lieux? Dieu ne veuille que je face comme ces rebelles qui mesdisoyent de sa divine Majesté, disant: Pourra il nous dresser une table au desert? Ce que je ne pourray mascher de cest Aigneau paschal, je le jetteray dans le feu du pouvoir infiny de ce Pere tout puyssant auquel je croy. Ces petitz nuages de difficultés que nostre œil naturel void en ce Sacrement, comme dureront ilz au vent de la force de Dieu? quelle dureté tant insoluble que ce feu ne devore?

            La parolle de Dieu a eu tant de vertu que, par elle, les choses qui n'estoyent ont esté: combien plus en aura elle, pour faire estre ou bon luy semble celles qui sont, et les changer en autres? Elle a bien mis en un lieu ce qui n'estoit point: pourquoy ne mettra elle en plusieurs ce qui estoit en un? [20]

 

II. En Jesus Christ son Filz unique, Nostre Seigneur

 

            Quand je voy, o mon Sauveur, vostre Pere avoir tant aymé le monde qu'il vous a donné pour en estre le Pasteur et Medecin, hé, quelle merveille est ce, dis je, [si] le Filz, d'esgale ains de mesme bonté, s'est encor donné luy mesme pour estre la pasture et la medecine, pour se rendre tousjours tant plus Sauveur, Roy et Seigneur, du tout et par tout nostre?

 

III. Qui a esté conceu du Saint Esprit, né de la Vierge Marie

 

            Comme fustes vous conceu, o mon Dieu, au ventre d'une Vierge, sans aucune œuvre virile? Et pourquoy recherchera on l'ordre naturel en vostre cors qui a esté faict outre tout ordre naturel et est né d'une Vierge?

            Et puysque vostre cors n'occupa desja point de place a la sortie qu'il fit du ventre virginal de vostre Mere (autrement il eust faict bresche a sa virginité), mais le penetra comme un rayon faict au verre, pourquoy trouvera on incroyable s'il n'en occupe point en cest admirable Sacrement?

 

IV. A souffert sous Ponce Pilate, a esté crucifié, mort et ensevely

 

            Celuy qui [t'a] tant aymé, o mon ame, que te pouvant sauver par une seule goutte de son sang et la moindre de ses souffrances, a voulu neantmoins tout exposer son cors aux douleurs et passions d'une mort tres amere pour te donner la vie, hé! c'est Celuy la mesme qui, pour la te conserver, te nourrit de ce mesme cors. N'est il pas bien croyable? L'amour des meres ne se contente pas d'avoir produit l'enfant de la substance d'icelles s'il ne l'en faict encor nourrir, Et pour vray, apres tant d'exquises representations de ceste Passion desquelles ont esté repeuz les serviteurs, comme ont esté l'aigneau paschal, la manne et plusieurs autres, c'eust esté une trop maigre et froide commemoration d'icelle, pour les enfans, de n'y employer autre que du simple pain et du vin. [21]

 

V. Est descendu aux enfers, le tiers jour est resuscité des mortz

 

            C'est luy qui, pouvant visiter en mille autres façons les siens qui estoyent au sein d'Abraham, descendit toutesfois es enfers pour les visiter en la reelle presence de son ame; ce n'est merveille si, pouvant nous nourrir en plusieurs autres manieres, il a choysi la plus chere, admirable et aymable, qui est de nous donner en viande sa propre chair.

            Que si, par la resurrection, il a delivré son cors des qualités grossieres de passibilité, pesanteur, espesseur et obscurité et autres semblables, si qu'il a traversé la pierre, est entré les portes fermëes (ce qui ne s'est peu faire sans mettre deux cors en un lieu, en sorte que l'un n'en occupast point); s'il s'est rendu, invisible, impalpable, imperceptible et sans occuper place, pourquoy ne sera il, en ce saint Sacrement, invisible et sans occuper lieu, puysqu'il a dict qu'il y estoit? A quel propos rechercherions nous plus en luy les conditions d'un cors mortel et corruptible?

 

VI. Est monté aux cieux, est assis a la dextre de Dieu le Père tout puyssant

 

            Trouverons nous estrange que ce cors vienne reellement et de fait, quoy que surnaturellement, dans les nostres, puysque, plus leger qu'un oyseau, outrepassant toutes les regles d'un cors humain, il est monté sur tous les cieux? «Il est assis a la dextre de Dieu le Pere,» sur tous les cieux, ou il n'occupe plus ni lieu ni place; car, quelle superficie peut environner le cors qui est au pardessus de tout autre cors? Pourquoy ne sera il bien icy bas sans tenir ni remplir aucun heu ni aucune place?

 

VII. Et de la viendra juger les vivans et les mortz

 

            Ainsy, n'estant pas sujet a lieu, ni place, ni pesanteur, il comparoistra en l'air au dernier jour avec ses Saintz, visible a tous les hommes ou qu'ilz soyent, quoy qu'avec divers effectz; non sans aussy grand miracle que celuy par lequel il est invisible en ce grand Sacrement. [22]

            Et lhors il jugera coulpables de son Cors et de son Sang ceux qui auront mangé et beu indignement ce tant pretieux et adorable Sacrement, pour n'avoir discerné le Cors de Nostre Seigneur. De quelle viande fut il jamais dict que qui la mangeroit indignement estoit coulpable du Cors de Jesuschrist, sinon de celle cy, laquelle estant reellement le Cors de Jesuschrist, rend aussy reellement coulpables d'iceluy ceux qui en abusent et ne le discernent point? On n'avoit pas rendu un si severe arrest pour la manne et l'aigneau paschal, quoy qu'en iceux on mangeast, par foy et spirituellement, Jesuschrist mesme.

 

VIII. Je croy au Saint Esprit

 

            Comme tout ce que Dieu a faict il l'a faict par l'œuvre du Saint Esprit, ainsy maintenant il faict, par l'œuvre du Saint Esprit, ces choses supernaturelles qu'autre que la foy ne peut concevoir. Comme me sera faict cecy, dict la Sainte Vierge, car je ne connois point d'homme? L'archange Gabriel respond: Le Saint Esprit surviendra en toy et la vertu du Souverain t'enombrera. Et maintenant tu demandes comme le pain sera faict Cors de Jesuschrist? Et je te respons aussy, moy: Le Saint Esprit enombre et opere ces choses par dessus toute parolle et intelligence.

            Le Saint Esprit a dicté les Saintes Escritures; eust il mis en icelles des parolles si expresses et vives comme sont celles cy: Cecy est mon cors, si ce n'estoit le vray Cors de Nostre Seigneur? N'y eust il pas faict mettre quelque declaration de son intention, s'il l'eust eu autre que ces parolles ne portent en leur sens propre et premier? Et luy, qui est Docteur en l'Eglise, l'eust il laissee aller, en un article si important, a l'erreur et mensonge? l'eust il abandonnee si longuement?

 

IX. La Sainte Eglise universelle, la communion des saintz

 

            Et pour vray, comment pourroit on appeller l'Eglise sainte (qui n'est qu'une seule universelle), si elle n'eust [23] maintenu la verité tant en ce faict comme es autres, en tous teins, en tous lieux et parmy toutes nations? Ce qu'elle n'auroit pas faict si le vray Cors de Nostre Seigneur n'estoit en ce Sacrement.

            Mays y a il plus parfaitte communion des Saintz que celle cy, en laquelle nous sommes tous un pain et un cors, d'autant que nous sommes participans d'un mesme pain qui est descendu du Ciel, vivant et vivifiant? Et comme mangerions nous tous d'un mesme pain, si ce pain n'estoit le Cors de Jesuschrist? autant de lieux, autant de pains divers y auroit il. Et si nous ne mangions qu'une mesme viande spirituelle par foy, quelle plus grande communion auroit le Chrestien avec les autres Chrestiens qu'avec les anciens Juifz qui mangeoyent aussy Jesuschrist par foy, et par consequent une mesme viande spirituelle? N'avons nous rien plus qu'eux?

 

X. La remission des pechés

 

Seigneur, vous aves dict que vostre Cors et vostre Sang en ce Sacrement estoit donné, rompu, respandu pour plusieurs en remission des pechés; ah! ja n'advienne que je croye qu'autre sang ayt esté respandu et autre cors donné pour la remission de mes pechés que le vostre propre et naturel. Et quoy? une simple figuré et commemoration auroit elle bien ce pouvoir? Le sang de la genisse respandu, quoy que figure du sang respandu sur la croix, ne sanctifioit que quant a la pureté de la chair; non, c'est le propre sang de vostre Majesté qui nettoye nos consciences des œuvres mortes, pour servir au Dieu vivant.

 

XI. La resurrection de la chair

 

            Hé, beny Jesus, quand sera ce qu'en un moment, en un clin d'oeil, a la derniere trompette, les mortz resusciteront, et la mesme chair d'un chacun, ja dissipee en cent mille façons, sera reproduitte l'autre foys en chair incorruptible et immortelle? Mon Dieu, quelle merveille Mays ce pendant, j'admireray chose presque pareille: [24] en un moment, en un clin d'œil, a la trompette de vostre parolle, vostre mesme Cors, qui est assis a la dextre du Pere au Ciel, est en certaine façon reproduit en ce saint Sacrement par tout ou le mistere en est celebré.

            Mays, o Seigneur admirable, si un peu de levain faict bien lever toute une grande masse de paste, si une blüette de feu suffit pour embraser une mayson, si un grain mis en terre faict fertile la terre et en reproduit tant d'autres, combien dois je esperer que vostre beny Cors entrant au mien, la sayson estant venue il le relevera de sa corruption, l'enflammera de sa gloire et le produira immortel, impassible, subtil, agile, resplendissant et assorty de toutes les qualités glorieuses qui se peuvent esperer! Ceste vigueur ne se peut trouver es figures; il faut qu'elle parte de la verité de vostre tres pretieux Cors.

 

XII. La vie eternelle

 

            Et de faict, quelle autre viande, o Sauveur, si ce n'est vostre Cors, peut donner la vie eternelle? Il faut un pain vivant pour donner la vie; un pain descendu du Ciel pour donner une vie celeste, un pain qui soit vous mesme, mon Seigneur et mon Dieu, pour donner la vie immortelle, eternelle et perdurable. La manne, quoy que vraye figure de vostre Cors, ne pouvoit pas tant; il faut une viande plus solide et moëlleuse, pour une telle vie. Quelle autre y peut estre employee que vous, qui estes vivant es siecles des siecles? Amen.

FOI SANS DES-CALER. [25]

 

 

 

Note critique sur le Traité de la Démonomanie attribué a saint François de Sales

 

            L'Apôtre du Chablais a-t-il vraiment écrit un Traité sur la Démonomanie?

            Dans son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, Charles-Auguste donne l'indication suivante au n° 138 de la Table des Preuves: «Traicté de la Demonomanie ou des Energumenes, par François de Sales, Prevost de l'Eglise de Geneve. Livre qui n'a pas encore esté mis en lumiere, composé lors qu'il estoit à Tonon pour la conversion des Heretiques, escrit en partie de sa main propre. Nous avons l'original en papier.» Et au Livre III de la même Histoire, p. 140, il parle en ces termes de la composition de l'ouvrage:

            «En ces temps, plusieurs Chablaisiens estoyent tourmentez des malins esprits, et le Bien-heureux François prenoit beaucoup de peine pour les chasser de leurs corps, et de faict les chassoit.» Les «ministres continuoyent à dire que le Papiste estoit un sorcier et magicien; les autres disoyent que ceste apparence de vexation se faisoit par la force de l'imagination...; d'autres encores, ou nioyent qu'il y eust des diables, ou, s'il y en avoit, qu'ils eussent tant de pouvoir sur les corps humains. Et ce qui aydoit à la continuation de telles meschantes parolles, estoit le pernicieux livre d'un certain qui se disoit medecin de Paris, combattant la puissance des exorcismes, contre le commun sentiment de l'Eglise; lequel livre, tout remply de calomnies, quoy qu'il eust esté dédié au Roy, monstroit bien par son tiltre l'impieté et tromperie de son autheur. Ce qui fut cause que le Bien-heureux François, voyant que chacun se tenoit en silence, prit la liberté, non pas d'agir, mais de parler;... et escrivit un livre de la Demonomanie, ou bien des Energumenes, lequel toutesfois il n'a pas mis en lumiere, quoy qu'il soit parfaict; et ne sçait-on pas pourquoy.» Le biographe donne ensuite les titres des neuf chapitres de ce Traité et un sommaire de l'ensemble. Il place sa composition avant la controverse touchant la virginité de Marie, Mère de Dieu, soutenue par notre Saint contre le ministre Viret en 1597. (Voir ci-après, la note des pp. 30, 31.)

            Le marquis de Cambis (Vie manuscrite de saint François de Sales, 1762, vol. Ier, p. 245) attribue également l'ouvrage à l'Apôtre du Chablais: «parce que le livre du medecin estoit fort gousté dans le» bailliage, dit-il, c François de Sales se crût en droit d'y répondre.» Le «precis» qu'il en fait est beaucoup plus long que celui de Charles-Auguste. [26]

            D'après Grillet (Dictionnaire historique... des départemens du Mont-Blanc et du Léman, Chambéry, 1807, tome III, p. 318), le Traité sur les inergumines, Mss., 1597, se «conservoit, en 1792, dans les archives de Thorens,» avec les autres «manuscrits non imprimés de saint François de Sales.»

            De même que M. de Cambis, les historiens de l'Evêque de Genève n'ont fait que répéter l'assertion de Charles-Auguste; l'avocat Alibrandi, défendant en Cour de Rome la cause du Doctorat de notre Saint, n'hésita pas à classer ce Traité dans la liste de ses Œuvres; D. Mackey lui-même, s'appuyant sur le témoignage du biographe, témoignage irréfragable, lui semblait-il, a maintenu cette opinion dans son Introduction générale (tome Ier de la présente Edition, note (88), p. LXXXV). Quelques passages de la correspondance échangée entre François de Sales et Antoine Favre paraissent la favoriser. Le 16 avril 1596, le premier répond ainsi à une demande du second: «Selon vos désirs, j'écris au R. P. Chérubin au sujet de cette démonomanie.» Plusieurs mois après, le 14 janvier 1597, le sénateur dit à son ami: «J'ay remis au Pere Cherubin vostre traitté incontinent que je le vis a Necy apres vous avoir laissé. Je m'asseure qu'il l'aura veu diligemment, car il me le promit, et je sçay qu'il desiroit extrêmement de le voir.» (Tome XI, pp. 194 et 426.) — Qu'était ce «traitté»? s'agit-il ici de celui des Energumènes? Le savant Bénédictin l'a cru; mais ne pourrait-on pas voir plutôt dans ces lignes une allusion à quelque partie des Controverses?

            Des objections furent faites, en effet, aux éditeurs, et ceux-ci, au moment de trancher définitivement la question, ont voulu l'étudier de nouveau, l'approfondir davantage. Des preuves que nous allons exposer, se dégagera la conclusion finale.

            1. — Charles-Auguste n'est pas un témoin infaillible; ce ne serait pas la première fois qu'il aurait attribué à son saint onclè un écrit qui n'est pas de lui. On a vu au tome précédent, p. 158, note (575), qu'il a indiqué sous son nom, à la Table des Preuves, n° 94, des Mémoires rédigés par le P. Chérubin de Maurienne, auxquels il fait de larges emprunts dans son Histoire (liv. II, pp. 120-122). A cette fausse attribution, s'ajoute encore une erreur de date.

            2. — Le même biographe, suivi par Cambis, place en 1597 la rédaction du Traité de la Démonomanie, motivée, dit-il, par «le pernicieux livre d'un certain... medecin de Paris... dedié au Roy» Henri IV. Or, ce livre est, sans nul doute, le Discours veritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin, imprimé à Paris par Mamert Patisson, en 1599; il fut, en effet, dédié au Roi, et même écrit sur son ordre; le privilège est du 13 juillet. L'auteur avait caché son nom, mais on le sait aujourd'hui, grâce à un billet de Henri IV, du «dernier de may 1599», à «M. Marescot» Michel, [27] docteur médecin de la Faculté de Paris. (Voir Lettres missives de Henri IV, publiées par Berger de Xivrey, tome V, 1850 pp. 127- 129.) Sa Majesté ordonne au destinataire «de faire un discours à vray» de ce qu'il a reconnu en Marthe Brossier et lui enjoint de le faire imprimer. (Cf. Houssaye, M. de Bérulle et les Carmélites de France, Paris, Plon, 1872, chapitres IV, V, et notamment les pp. 166-171.) — Charles-Auguste et M. de Cambis se contredisent donc eux-mêmes quant à la date de la composition du Traité, qu'ils placent en 1597; cette composition, ayant suivi l'apparition du Discours veritable de Marescot, ne pouvait être antérieure aux derniers mois de 1599, puisque l'opuscule du médecin dut paraître au plus tôt vers la fin de juillet. Le témoignage du biographe est déjà fort infirmé par cette contradiction; mais il y a plus.

            3. — Habert (La Vie du Cardinal de Berulle, Paris, Camusat et Le Petit, 1646), pariant des ouvrages du fondateur de l'Oratoire, dit: «Le premier a esté celuy de l'Abnegation interieure... En suite on le pressa d'escrire celuy... des Energumenes, pour deffendre, à propos d'une possedée qu'il exorcisoit, la verité des possessions en general... Il est vray que ce traité, qui peut passer pour une merveille d'esprit, de doctrine et d'éloquence, ayant esté imprimé sans nom, a esté attribué au Bien-heureux Evesque de Sales... Une copie que M. de Berulle avoit envoyée A ce Bien-heureux Prelat pour luy en demander son sentiment, s'estant trouvée apres sa mort parmy ses papiers, avec quelques remarques faites de sa main, donna sujet de croire que l'original estoit à luy... Mais le digne neveu et successeur de ce grand Prelat, M. de Geneve que nous avons aujourd'huy, ne s'est pas plutost apperceu de cette erreur, que par une lettre escrite au Reverend Pere Gibieuf, il a renoncé pour son Bien-heureux Oncle à ce bien qui s'estoit trouvé dans sa succession; il a voulu, pour user de ses propres tomes, faire restitution à nostre saint Cardinal pour cét autre Saint, quoy qu'il n'en fust pas besoin entre deux grands hommes à qui toutes choses avoient esté communes par l'amitié.» (Liv. III, chap. XII, pp. 818, 819.) — Ainsi, Charles-Auguste lui-même se serait dédit plusieurs années après la publication de son Histoire du Bien-Heureux François de Sales, parue en 1634.

            4. — Aucun déposant aux Procès de Béatification du saint Evêque n'a fait mention du Traité qui nous occupe, plus considérable, cependant, que la Briefve Meditation sur le Symbole et les deux Lettres au ministre Viret dont plusieurs témoins ont [28] parlé. Quelques-uns de ceux-ci, dans leurs dépositions au IId Procès de Genève, empruntent parfois leurs témoignages au neveu et successeur du Bienheureux; leur silence au sujet du livre sur la Démonomanie semble prouver qu'on avait alors reconnu, malgré les affirmations du biographe, que sa composition ne devait pas être attribuée au Serviteur de Dieu.

            5. — Si l'on compare le Traicté des Energumenes de M. de Bérulle avec l'analyse détaillée que M. de Cambis donne de l'ouvrage qu'il croyait être de notre Saint, on y retrouve absolument les mêmes divisions et le même ordre de pensées, (Voir Œuvres complètes de de Bérulle publiées par l'abbé Migne, Paris, 1856, tome unique, col. 835-874.)

            De tout ce qui précède on doit conclure que l'hypothèse émise par D. Mackey dans la note indiquée plus haut ne peut plus être soutenue et qu'il faut penser tout le contraire; au lieu de céder à M. de Bérulle un écrit sorti de sa plume, saint François de Sales reçut de lui le Traité qu'il venait de composer. Cela concorde parfaitement avec la déposition de des Hayes citée par le savant Bénédictin (tome Ier, note (7), p. XXXVII): «En l'annee mil six cens, ayant a passer dans la ville de Necy, quantité de personnes me donnerent des lettres et des livres pour luy; entre aultres, un docte Traicté des Energumenes, composé par monsieur de Berulle.» (Process. remiss. Parisiensis, ad art. 1.) La première partie de l'ouvrage avait été imprimée l'année précédente; la seconde ne le fut jamais. Est-ce le manuscrit de celle-ci et un exemplaire de celle-là que l'auteur fit parvenir à notre Saint, ou bien le manuscrit complet de l'une et de l'autre? On ne saurait le dire; Charles-Auguste, nous l'avons vu, le désigne ainsi: «Livre... escrit en partie de sa main propre,» et parle d'un «original». Habert l'appelle «une copie», ce qui pourrait s'entendre aussi d'un imprimé, puisqu'au XVIIe siècle ce mot était fréquemment employé pour exemplaire. Grillet le classe parmi les manuscrits, et ajoute qu'il portait la date de 1597. Cette date fut sans doute mise au dos de la pièce par Charles-Auguste, comme il l'a fait pour d'autres documents qu'il a cotés, non sans commettre parfois quelques erreurs.

            On pourrait objecter, au sujet de l'envoi fait par Pierre de Bérulle à François de Sales: Se connaissaient-ils déjà en 1600? leurs relations ne datent-elles pas de 1602? — L'on ne rencontre, en effet, aucune trace de relations antérieures; Bérulle était de huit ans plus jeune que notre Saint, et quand il entra au collège de Clermont, le gentilhomme savoyard avait quitté Paris. Toutefois, la conversion très récente du Chablais dut porter jusque dans la capitale le nom de l'Apôtre; sa Briefve Meditation sur le Symbole y avait été réimprimée par Binet en 1598, la Defense de l'Estendart de la sainte Croix venait de paraître à Lyon (1600): dès lors, rien d'étonnant que M. de Bérulle ait eu la pensée [29] d'envoyer son Traité à «M. le Prevost de Sales» pour «luy en de mander son sentiment.»

            La question reste donc désormais tranchée: saint François de Sales n'est pas l'auteur du Traité des Energumenes; et lors même qn'il aurait, en 1597, composé un petit écrit touchant les possessions diaboliques, si fréquentes en Chablais à cette époque, le sommaire qu'en donnent Charles-Auguste et Cambis n'est certainement pas celui de cet écrit, mais bien celui de l'ouvrage de Pierre de Bérulle, puisqu'on y retrouve le même nombre de chapitres et les mêmes divisions.

 

VI. Lettre au Ministre Louis Viret en réponse a ses attaques contre la Virginité de Marie, Mère de Dieu (Inédite)

 

[Mai ou juin ?] 1597.

 

                        Monsieur,

            Les raysons que vous produyses contre ma Consideration sur le Symbole establissant tousjours tant plus sa verité par les fausetés sur lesquelles elles sont fondëes, prenes a gré, je vous prie, que je les vous monstre.

            Voyci l'une de vos propositions: Estre faict de la semence de la femme, porté en son ventre l'espace accoustumé [30], estre nourry de sa propre substance, n'est pas estre faict outre tout ordre de nature. — Je dis que si, par le nom de femme, vous entendes une femme qui aÿe eu accointance d'homme, vous parles bien; mays vostre assumption, par laquelle vous dites Jesuschrist avoir esté faict ainsy, est un blaspheme. Que si vous entendes, par le mot de femme, quelque femme que ce soit, quoy que vierge, vostre assumption sera vraye, mays vostre premiere proposition sera tres inepte; car estre faict de la semence d'une vierge, estre porté en son ventre, quoy que l'espace accoustumé, estre nourry de son laict et substance, sont choses outre tout ordre de nature. Si donques il est dict a la Vierge: Tu concevras et enfanteras, il est dict aussy cela devoir estre faict outre l'ordre de nature, par les paroles [31] suyvantes: Le Saint Esprit surviendra en toy, et caetera. C'est outre l'ordre de nature que la semence de la femme vierge Brise la teste du serpent; c'est encor outre l'ordre de nature que Nostre Seigneur soit descendu d'Abraham et de David sans aucune œuvre virile. Quant au terme qu'il a demeuré au ventre de sa Mere, supposé la virginité d'icelle, c'est tousjours outre l'ordre de nature; et neantmoins je n'ay point parlé de ce terme en ma Consideration, ni aussy n'ay point dict quil soit creu outre l'ordre naturel, mays seulement qu'il a esté faict outre iceluy.

            La proposition de saint Pol, que Jesuschrist a esté faict semblable a nous en tout et par tout, hormis le peché, n'est veritable au sens que vous la proposes contre l'intention de l'autheur, car voyci des instances inevitables: Jesuschrist a esté faict en tout et par tout semblable a nous; nous ne sommes point nés d'une vierge, ne marchons dessus les eaux, n'entrons pas en aucun heu les portes fermëes; donques, ni Jesuschrist. Qui ne voit ceste absurdité ? Il faut donques entendre la generale proposition de saint Pol avec ces deux declarations: l'une, que Nostre Seigneur a esté faict semblable a nous, mays non pas en semblable façon; car il a esté faict par l'operation surnaturelle du Saint Esprit, et nous par l'operation naturelle de l'homme. La seconde, qu'il a esté semblable a nous, non pour demeurer ainsy perpetuellement, mays pour endurer et souffrir, ayant parfois monstré qu'il n'estoit suject a demeurer en la condition de ceste nostre mortalité et infirmité, marchant sur les eaux, jeusnant quarante jours, se transfigurant, sortant du sepulchre, entrant les portes fermëes. Il a esté donq faict semblable a nous, mays non pas sinon pendant quil luy a pleu.

            Cependant, la piece que vous attaques de ceste mienne Consideration n'est pas mienne, mays de saint Ambroyse, lequel vous attaques sous mon nom: «Liquet igitur,» ce dict il, «quod praeter naturae ordinem Virgo generavit, et hoc quod conficimus corpus ex Virgine est; quid hic quaeris naturae ordinem in Christi corpore, cum praeter naturam sit ipse Dominus Jesus partus ex Virgine?» Voyla mon garand, duquel la citation est a la marge; mays peut [32] estre que la chaleur du desir de reprendre vous aura empesché de la voir.

            Vostre second argument est faict en ceste sorte: Tout cors humain occupe place; le cors de Jesuschrist est cors humain, ergo le cors de Jesuschrist occupe place. — Si, en la premiere proposition, vous entendes du cors humain selon l'ordinayre de la nature, vous parles bien; si vous entendes du cors humain eslevé et assisté par la vertu divine, vous parles mal, car l'instance est inevitable en la sortie de Jesuschrist du ventre de sa Mere et du sepulchre, et a l'entrëe qu'il fit les portes fermëes. Et vostre argument ne vaut non plus que celuy ci: Tout cors humain est faict de l'accointance de l'homme a la femme; le cors de Jesuschrist est cors humain, donques il est faict par l'accointance. La faute gist en ce que en la premiere proposition il est parlé du cors humain qui n'a rien outre le naturel; en la seconde il est parlé d'un cors humain qui a beaucoup de surnaturel.

            Quand vous dites que si le cors de Nostre Seigneur n'occupa point de place sortant du ventre de sa Mere, il n'en occupa donques point estant dans iceluy, d'autant que la virginité n'est non plus lezee par l'un que par l'autre, il semble que vous ne consideries pas bien en quoy gist la parfaitte virginité. Or, tous les medecins, philosophes, jurisconsultes et bons theologiens establissent la perfection de la virginité corporelle en deux choses: l'une est l'integrité des parties naturelles genitales; l'autre, a n'avoir jamais eu connoissance d'homme: d'ou sont sorties les loix de ventre inspiciendo. Si donques la Sainte Vierge fut ouverte en l'enfantement, elle ne demeura plus vierge en sa perfection. Mays quant a avoir le ventre gros et remply de l'enfant, pourveu qu'il n'y ayt aucune ouverture ni fraction au ventre, n'est point contrayre a la perfection de la virginité; et partant, Nostre Seigneur occupoit place dans le ventre de sa Mere, d'autant que cela ne violoit son integrité, et n'en occupa point en sortant, pour ne la point violer. Or, qu'il soit ainsy, Isaïe le monstre asses, cottant pour chose insigne, que celle qui concevroit vierge, enfanteroit vierge. Ce n'eust pas esté chose [33] rare d'enfanter vierge apres avoir conceu vierge, si elle eust enfanté avec ouverture a la façon des autres; de quoy eust il servy de noter si particulierement la virginité de ceste Mere en l'enfantement, s'il n'y eust rien eu de singulier et extraordinaire?

            Certes, Siricius et saint Ambroyse, en l'epistre 80 et 81, tiennent pour haeresie ce que vous dites de la Vierge; et saint Augustin, parlant de Jovinien en l'Haeresie 82, ad Quodvultdeus, dict en ceste sorte: «Virginitatem Mariae destruebat, dicens eam pariendo fuisse corruptam.» Et tout au commencement du Livre premier contre Julien, Pelagien: «Hoc de Manichaeorum nomine et crimine faciebat etiam Jovinianus, negans Mariae sanctae virginitatem, quae fuerat dum conciperet, permansisse dum pareret: tanquam Christum ami Manichseis phantasma crederemus, si Matris incorrupta virginitate diceremus exortum. Sed in adjutorio ipsjus Salvatoris, sicut spreverunt Catholici velut acutissimum quod Jovinianus exseruerat argumentum, et nec sanctam Mariam pariendo fuisse corruptam, nec Dominum fuisse phantasma crediderunt, sed et illam virginem mansisse post partum, et ex illa tamen verum Christi corpus exortum, sic» spreverunt «vestra calumniosa vaniloquia.» Et quelle virginité pouvoit nier Jovinien estre en la Vierge en l'enfantement, sinon celle que vous nies? Et quelle autre corruption y pouvoit il mettre que celle que vous y mettes? car de méttre en l'enfant la corruption qui se faict par l'accointance de l'homme, c'est une chose inintelligible. Parlant donques a Jovinien, je parle a vous.

            Saint Augustin, en l'epistre ad Dardanum, parle des cors selon l'ordre naturel, monstrant qu'ilz dependent du lieu et de la place; et qu'au contrayre, la nature divine ne depend d'aucun lieu ni place, ains conserve tous les lieux et toutes les places. Mays quand il parle en particulier du cors de Jesuschrist, disant qu'il est «in aliquo caeli loco [34] propter veri corporis modum,» conforme au dire de saint Pierre, il ne faict rien contre nous, car les bons entendeurs sçavent qu'il y a difference entre estre en un lieu, et occuper un lieu ou place; tesmoins les Anges et les ames. Saint Augustin donques, en ceste epistre, combat les Ubiquitaires qui disent le cors de Nostre Seigneur estre par tout, et non les Catholiques qui confessent qu'il est en certains lieux, quoy que sans occuper lieu, a la façon des espritz; ainsy qu'il penetra dedans la salle, les portes estans fermëes. Miracle lequel saint Augustin compare a la sortie que Nostre Seigneur fit du ventre de sa Mere (ep. 3. ad Volusianum), en ceste sorte: «Ipsa virtus per inviolatae Matris virginea viscera, membra infantis eduxit, quae postea per clausa ostia membra juvenis introduxit. Demus Deum aliquid posse, quod nos fateamur investigari non posse. In talibus rebus tota ratio facti est potentia facientis.»

            Vous opposes le passage: Tout masle ouvrant la matrice, sera appellé saint au Seigneur. Mays en ce lieu la, ouvrir la matrice ne veut dire autre qu'estre conceu; ainsy est il dict que le Seigneur ouvrit la matrice de Rachel et Lia long tems apres qu'elles furent desfleurëes, lhors qu'elles conceurent des enfans. Adjoustes que ces loix, selon leur rigueur, ne touchent point a Nostre Seigneur qui n'y avoit aucune obligation; mays il s'y est sousmis, parce qu'en apparence et selon la commune estimation des hommes il y sembloit estre obligé. Ceste loy donques est observëe par ses parens, parce qu'il estoit estimé né comme les autres. Saint Augustin declaire cecy en ceste sorte, Quaest. 40. in Leviticum: «Tale aliquid nato ex Virgine Domino» facerent, «magis propter consuetudinem [Legis] quam propter necessitatem. Sic enim baptizari etiam ipse dignatus est baptismo Joannis, qui erat baptismus pœnitentiae in remissionem peccatorum, quam vis nullum haberet» ipse «peccatum.»

            Quand Nostre Seigneur s'esvanouït devant les deux disciples (en S. Luc, 24, verset 31), ne se rendit il pas invisible et imperceptible? Item, se representant au milieu des Disciples, n'entra il pas imperceptiblement, impalpablement et sans occuper place? puysque, comme dict [35] saint Jan, chap. 20, verset 19, il entra les portes fermëes. Et de faict, son entrëe fut tant esloignëe de la façon naturelle des choses, que, comme dict saint Luc, chap. 24, verset 36, [37], les Disciples pensoyent voir un esprit ou fantosme. Et le dire de Nostre Seigneur: Touches et voyes, n'y est point contrayre; car je ne dis pas que Nostre Seigneur fut tousjours invisible et imperceptible, mays confesse que, comme il a esté visible et perceptible, il a aussy esté invisible et imperceptible quand il luy a pleu: l'un n'empeschoit point l'autre, non plus que d'estre mortel et immortel en divers tems. Le «tangere vel tangi nisi corpus, nulla potest res,» n'est pas a propos, car on ne dict pas qu'autre que le cors soit palpable, mais on dict que le cors peut estre parfois impalpable.

            Au reste, Monsieur, consideres, je vous prie, si vos raysons sont telles et vos consequences si fortes que, sans autre jugement de l'Eglise, il fallust appeller ma Consideration haeretique. Certes, c'est chose bien aysëe de trouver des difficultés es misteres de nostre sainte foy, mays cela ne suffit pas pour les rejetter. Ce pendant, prenes garde qu'admettant ouverture au ventre de la Vierge, vous vous rendes coulpable de l'haeresie de Jovinien et que, nous accusant de nier la verité du cors de Nostre Seigneur, vous ne faites rien que ce qui a esté faict contre les plus anciens Catholiques, ainsy que tesmoigne saint Augustin. La rayson humaine a bien tousjours dequoy debattre contre la foy, mays elle n'a pas asses dequoy l'abbattre.

            Si vous n'aves les livres que je cite, venes, et je les vous ferav voir, et peut estre vous leveront ilz la honte de vous repentir quand vous verres de n'avoir pas tant contredit a ma Consideration qu'a la doctrine de l'ancienne Eglise.

            Je m'offre du tout a vous pour estre, Monsieur,

                                                                       Vostre tres humble serviteur selon Dieu,

                                                                                  FRANÇS DE SALES.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier et le IId Procès de Canonisation. [36]

 

VII. Autre lettre au même, sur le même sujet (Inédite)

 [Mai ou juin ?] 1597.

                        Monsieur,

            J'ay cecy a dire sur vos repliques. Vous confesses en fin que la conception de Nostre Seigneur est surnaturelle; donques, il a esté conceu surnaturellement et outre tout ordre de nature. Or, estre conceu c'est estre faict; donques, il a esté faict outre l'ordre de nature. C'est ce que vous aves nié formellement en vostre premier escrit.

            Jamais, selon l'ordre naturel, enfant ne fut faict de la semence d'une vierge, ni porté au ventre d'une vierge, ni nourry au ventre d'une vierge; c'est la rayson pour laquelle je dis que cela est outre tout ordre naturel. Ce que faisant, je ne destruis aucunement la verité de l'humanité de Nostre Seigneur, quoy que vous en puyssies imaginer, non plus que d'Adam, qui fut faict et produit outre tout ordre naturel. Les bons entendeurs sçavent que la diversité de la production des choses ne destruit point leur substance. Aussy n'ay je jamais dict que Nostre Seigneur n'aÿe [37] un cors naturel aussy bien qu'Adam et Eve, quoy que je nie que aucun d'iceux ayt esté faict selon l'ordre de nature. D'ou s'ensuit que Nostre Seigneur est reellement la semence de la femme, d'Abraham et David; mays tout cela n'a point esté faict selon l'ordre naturel, mays selon la vertu d'En Haut. Et quand l'Escriture dict que Nostre Seigneur est descendu d'Abraham et de David selon [la] chair, ce n'est pas a dire selon l'ordre naturel, mais selon la nature humaine, d'autant que selon la divine il n'est filz d'Abraham ni de David. Le sens de ceste parolle, selon la chair, c'est a dire, [d'après vous,] «selon l'ordre naturel,» est infiniment absurde, puysque la conception, qui est le fondement de tout le reste, est purement surnaturelle.

            Ce n'est pas aussy un argument a causa non clausa de dire que la virginité, pour estre en sa perfection, consiste en deux choses: l'une, l'integrité des parties genitales; l'autre, n'avoir jamais eu connoissance d'homme. Or, la Vierge a esté vierge en perfection; donques, elle a eu l'un et l'autre. Vous ne refutes point les confirmations que j'ay produittes a ce mien dire, mais seulement persistes a vostre premiere proposition; j'attendray donques que vous y respondies, avant qu'en alleguer d'autres, s'il y eschoit.

            Naistre d'une Vierge, marcher sur les eaux, entrer les portes fermëes, ne destruit point la nature humaine de Jesuschrist, qui ne laisse pour cela d'avoir un tres vray cors humain et naturel, non plus que saint Pierre. Mais cela destruit bien la consequence que vous tiries de saint Pol, disant Jesuschrist avoir esté faict semblable en tout et par tout a nous, hormis le peché, dont vous faisies conclusion: donques il n'a pas esté faict outre l'ordre naturel; car ces instances monstrent evidemment quil faut entendre le texte de saint Pol comme je vous ay declairé.

            Je ne sçay a qui autre qu'a vous, puysque Vous le voules ainsy, il pourrait sembler que j'aye jamais attribué a Nostre Seigneur un cors phantastique. Jovinien en reprocha autant aux Catholiques de son tems, comme saint Augustin vous a tesmoigné; il n'en estoit rien pour tout cela. Je dis donques que, quant a sa substance, le cors de Nostre Seigneur est vrayement humain; mais que, quant a [38] ses operations et qualités, il est bien different maintenant des nostres, et l'a esté parfois pendant quil estoit icy bas : je l'ay asses prouvé, et ny a point de responce ni replique vallable contre ceste verité. Et si, n'estime qu'un cors semblable aux nostres ne puisse entrer les portes fermëes, et cæt.; mays je dis que lhors que cela se feroit, il ne seroit plus semblable aux nostres en cela. L'Apostre met si clairement difference entre un cors reel, vray et humain, mais mortel et animal ou charnel, et ce mesme cors reel, vray et humain, mais immortel et spirituel, que, a qui le considerera, il ny a plus moyen de resister. (I Cor., 15.) Ce n'est cependant qu'un mesme cors en substance, mais different en qualités; ainsy dis je que Nostre Seigneur n'a eu qu'un seul cors, vray, reel, humain, mais qui a eu des grandes diversités de qualités naturelles et surnaturelles. Il jeusne 40 jours surnaturellement, il a faim naturellement; il est conceu d'une Vierge et né d'une Vierge surnaturellement, il pleure, dort et mange naturellement; il marche sur les eaux surnaturellement, il marche parmi Hierusalem naturellement; il est transfiguré surnaturellement, il est en la table naturellement. Confessons donq qu'estant vray Dieu et vray homme, il a peu sortir son cors du sepulchre, entrer les portes fermëes, sortir d'une Vierge sans ouverture, estre en plusieurs lieux et sans occuper place, sans que pour cela il laisse d'avoir un tres vray et reel cors humain, composé d'os, de chair et de sang: autant possible l'un que l'autre a Celuy auquel rien n'est impossible.

            Ma these, que vous appelles, ne dict sinon que le cors de Nostre Seigneur a esté faict outre tout ordre de nature. Je croys que l'homme est faict quand il est conceu; le reste s'appelle croistre et perfectionner. Mon garand en avoit dict de mesme, ains bien plus, car le mot de partus ex Virgine se peut entendre non seulement de la conception, mays de toutes les autres actions ou entremises necessaires a la parfaitte disposition d'un filz: qui me faict tant plus croire que quelque chaleur, ou du desir de reprendre, ou du zele sans science, vous a empesché de considerer que vous enveloppies dans vostre censure mon garand avec [39] moy, pensant peut estre vous opposer a quelque absurdité.

            N'occuper point de place n'est aucunement contraire a la nature d'un vray cors humain, mais c'est bien sur et outre la nature; et partant, un vray cors naturel humain, estant eslevé et assisté par la vertu divine, peut n'occuper point de place: vous ne prouveres jamais le contraire. Or, saint Pierre, assisté de la vertu divine, marchoit sur les eaux, et neanmoins occupoit place; aussi ne dis je pas qu'un cors eslevé par la vertu divine n'ayt jamais occupé place, mays seulement quil peut estre sans l'occuper, asçavoir estant assisté et eslevé a cest effect, qui n'est aucunement possible.

            Mes instances ne m'ont point esté niëes cy devant, sinon celles de la sortie du ventre de la Mere, laquelle j'avois tellement prouvëe que je la pouvois bien reproduyre; et de faict, vous n'aves aussi rien respondu a mes preuves, sinon par simples negatives qui vous sont fort aysëes. Et quand vous me dites que peto principium, vous me faites juger que vous me croyes du tout ignorant a la maniere de raysonner, comme si je ne sçavois pas que petitio principii est argumentantis, non respondentis or, je suis respondant. Vous attaques mes theses; demeurer en son principe est vice a vous, mays non pas a moy. Or, vous le faites avec ces repetitions: «Le cors humain doit occuper place, le cors qui n'occupe place n'est pas naturel; si le cors de Nostre Seigneur n'occupe place, il est phantastique.»

            Quant au renversement, que vous appelles, de mon argument, vous n'aves que faire d'y employer vostre tems, car je confesse qu'il ne vaut rien. Pour bien respondre, il failloit monstrer que le vostre vaut mieux, car c'est cela que je nie; et de faict, comme vous accommodes le mien, j'accommoderay les vostres.

            Le cors de Nostre Seigneur est cors humain; le cors de Nostre Seigneur n'a pas tousjours occupé place, donques tout cors humain n'occupe pas tousjours place. Il y a donques plusieurs choses surnaturelles au cors de Nostre Seigneur, particulierement maintenant quil est triomphant; et si ne laisse pas d'avoir esté faict en tout et par [40] tout semblable aux nostres, quoy quil n'ayt pas tousjours demeuré en mesme façon.

            Il n'est vrayement pas necessaire que copula et partus concurrat ad violationem virginitatis, car l'un des deux suffit; qui est ce que je dis, et que les Anciens ont soustenu contre Jovinien. Et bien que l'un viole plus que l'autre, si est ce que l'un et l'autre repugne a la perfection de la virginité de la Vierge Marie; je craindray donques tous-jours de dire et de penser que Nostre Seigneur ayt ouvert le ventre de sa Mere, et par consequent quil ayt occupé place, d'autant que c'est une proposition condamnee pour haeretique de l'ancienneté.

            Et quand a advoüer que la Mere de Dieu soit vierge pour n'avoir point eu connoissance d'homme, cela ne me suffit pas, puysqu'il ne suffit pas aux Anciens pour ne tenir Jovinien haeretique.

            Je ne vous fais donques point de tort de vous attribuer l'erreur de ceux qui ont dict la Vierge avoir esté corrompue en l'enfantement, quoy que sans aucune connoissance d'homme; car, quelle autre corruption ont ilz peu mettre en l'enfantement que celle que vous y mettes? et dequoy est ce que les anciens Peres les ont repris que de ce dont je vous reprens? Si vous ne quittes l'erreur de Jovinien, je ne quitteray point les reprehensions de saint Ambroyse, saint Hierosme et saint Augustin. Vous aves beau advancer le mot de virginité, si vous n'en accordes le double effect; vous seres haeretique en effect, si vous adjoustes l'opiniastreté a l'erreur.

            Ceux qui attribuent un cors aeré a Nostre Seigneur pour nier quil occupe place, sont fondés en l'air; mays ceux qui, luy attribuans un cors reel, naturel et vrayement humain, client que nonobstant ce il n'occupe point place quand et ou il luy plaist, sont fondés en l'Escriture et toute puyssance de Dieu. Ceux qui veulent le cors de Jesuschrist estre en plusieurs lieux sont autant esloignés de ceux qui le veulent estre par tout ou Dieu est: comme il y a difference entre te tout et une petite partie, entre le fini et l'infini. Les bons entendeurs sçavent cela.

            Nous sçavons fort bien les fondemens pretenduz de [41] l'Escriture, des Brentiens et autres reformés Ubiquitaires, a la façon de les combattre. Il me semble, si je sçay lire, que vous dites que les deux natures sont unies ensemble en une mesme hipostase, хоινωνίαν. Si cela est, c'est parler de la theologie en clerc d'armes. Je vous dirois pourquoy si je vous voyois, mays je n'ay loysir d'escrire; aussy est ce hors nostre propos.

            Vous prenes et reprenes le principe quand vous finisses disant, que c'est oster la verité du cors de dire quil n'occupe place. Je l'ay nié, je le nie. Vous ne le sçauries prouver, et moins encor vous eschapper de la force des authorités des Peres que j'ay cité, qui font droitement contre vous, nonobstant ce que vous dites quilz font contre moy; ce qui vous est autant aysé a dire qu'impossible a prouver. Mays c'est l'ordinayre des vostres de nous imposer des opinions que nous detestons infiniment, comm'est celle ci, d'un cors phantastique en Nostre Seigneur et de l'ubiquité. C'est pour se bailler beau jeu en leurs accusations, lesquelles autrement seroyent impertinentes. Vous avés veu que Jovinien et Julien, Pelagien, en faisoyent de mesme, tesmoin saint Augustin; mais ce ne sont sinon «calumniosa vaniloquia.» C'est chose claire qu'en l'Escriture: tunc Deus aperit vulvam mulieribus cum concipiunt, et concludit cum steriles sunt, ut sint virum expertæ. Ainsy est il dict d'Anne, que Dominus concluserat vulvam ejus, non pas certes a l'endroit du mary, cui satis aperta erat, mais eo quod non conciperet. Quant a ce que vous dites, que non fœtus aperit vulvam, sed genitor, je confesse que et l'un et l'autre aperit, et quidem pater primo; mays je dis que, selon le stile des Escritures, aperiri vulva tunc dicitur cum mulier concipit. Et ne sçauries prouver qu'en saint Luc ces phrases soyent dites de l'enfantement, plustost que de la conception.

            Quand a l'observation de la Loy, argumentum hoc non est extra rem, car je dis que si bien Nostre Seigneur non aperuisset vulvam, neanmoins ceste Loy luy compete, non ex rei veritate, sed ex communi hominum existimatione; lesquelz tenoyent que more aliorum conceptus et natus esset, unde etsi ea Lege non teneretur, eam [42] tamen adimplevit, non tam «propter necessitatem» quam «propter consuetudinem.» Et quant a la pleige quil avoit prise pour nous, il s'en acquitte en sa Passion, et tres abundamment.

            Qui a jamais dict que, quod repente Christus ab oculis discipulorum evanuit, fuerit umbrae aut phantasmatis? Imo sane virtus Dei est quae corpora, etiam solidissima et humana, oculis mortalium eripit, et les rend invisibles pro tempore, comm'il luy plaist: ainsy fit il quand, transiens per medium illorum, ibat.

            Quant a son entrée januis clausis, vous n'aves aucunement respondu. Ou il occupa place, ou il n'en occupa point. Si vous dites quil occupa place, vous gastes l'Escriture; si vous dites quil n'en occupa point, vous gastes vostre generale proposition, laquelle, a la verité, n'est ni de l'Escriture ni de la Theologie, mais de vostre imagination. Estre parfois impalpable et invisible, ce n'est pas n'estre point cors parfois, mais seulement avoir des qualités surnaturelles; non plus qu'estre immortel ou cors spirituel, comme parle saint Pol, n'est pas n'estre point cors, mais estre cors accompaigné de conditions spirituelles et glorieuses.

            Et me croyes aussy, Monsieur, que le seul honneur que je porte a la verité de l'Evangile, a l'ancienne Eglise de Nostre Seigneur, qui est la colomne et fermeté de verité, et le desir de voir ceux qui ont presté le serment a Jesuschrist au Baptesme rëunis en la mayson de leur Pere, delaquelle ilz se sont sequestrés et hors laquelle neanmoins ilz ne peuvent que se perdre, me faict courir apres toutes sortes de travaux et difficultés, esperant que incrementum dabit Deus. Plus donques je m'oppose a vous en cest endroit, plus je suis, et de vous et de tous les autres,

            Monsieur,

                                                                                  Tres humble serviteur selon Dieu,

                                                                                              FRANÇS DE SALES.

 

Revu sur l'original indiqué ci-dessus, note (109), page 37. [43]

VIII. Demandes aux ministres de la prætendue religion reformee sur leur doctrine touchant la cene

 

[Avril-juin] 1598

 

I

 

            Le saint mistere de l'Eucharistie ne fut onques appellé Cene en la Sainte Escriture. Au contraire, saint Pol tesmoigne expressement qu'il fut institué apres la cene. Pourquoy donques est ce que ces pretenduz reformateurs ont laissé les anciens et accoustumés noms de ce Sacrement pour luy imposer celuy de Cene? Ne monstrent ilz pas en cela un'extreme affectation de nouveauté? Que s'ilz estiment que saint Pol aye employé le mot de cent pour signifier l'Eucharistie, quand il reproche aux Corinthiens la façon de faire leurs cenes, ne sont ilz pas ineptes? veu que l'Apostre declaire qu'il parle d'une cene en laquelle on s'enyvroit, ou s'avançoit on de manger son souper en particulier, [que] les riches en avoyent plus que les pauvres, et qu'on pouvoit faire chacun chez soy: ce qui ne peut arriver en la manducation de la sacree viande. [44]

 

II

 

            Les Apostres ayans connoissance des langages de tous les coins du monde ou ilz ont conversé, qui sont en grand nombre et fort divers, n'ont toutesfois laissé l'ordre et façon de celebrer l'Eucharistie qu'en troys langages au plus. Pourquoy donques est ce, et par quelle authorité, que les ministres l'ont produit a leurs gens en tant de differens langages, difformes, desreglés et bastars? Ont ilz eu plus de soin et de charité vers les peuples que les Apostres?

 

III

 

            Nostre Seigneur proteste qu'il ayme les petitz enfans, veut qu'on les laisse venir a luy, ains dict que qui n'est semblable a eux n'est sortable au Royaume des cieux. Pourquoy donq est ce que les ministres leur refusent la Cene et l'accordent aux femmes, que l'Escriture n'appelle point? notamment s'il est vray ce que Calvin escrit au milieu du § 33. du chap. 17. de son Livre 4 des Institutions, que le 6 chap. de saint Jan ne traitte point «du manger sacramental» du cors de Jesuschrist. Quel rideau pourront ilz tirer pour voyler ceste acception de personnes, preferans, en l'usage de ce Sacrement, les femmes aux petitz et innocens enfans, sinon qu'ilz ayent recours a la sainte Tradition?

 

IIII

 

            Saint Luc descouvre tres clairement que ces parolles de Nostre Seigneur: Je ne boyray du fruicl de la vigne jusqu'à ce que le Royaume de Dieu soit venu, furent dittes sur autre subject que celuy de la sainte Eucharistie, quoy qu'elles soyent rapportees apres le recit de l'institution d'icelle, par saint Matthieu et saint Marc. Quelle asseurance donques peuvent avoir les ministres, qu'il faille employer, en l'usage du calice, le vin pur plustost que l'eau, ou la cervoise, ou le vin attrempé par l'eau? Si cela revient plus a leur goust, si n'est il pas pourtant plus commandé [45] en l'Escriture. Pourquoy ont ilz, en cest endroit, violé l'ancienne tradition de l'Eglise sans avoir aucune parole de Dieu a garand?

 

V

 

            L'Evangile porte expressement que Nostre Seigneur, donnant ce saint Sacrement, dict: Cecy est mon cors, cecy est mon sang, et commanda qu'on fist ce qu'il avoit faict. Puys donq qu'il dict ces sacrosaintes parolles a mesme qu'il presentoit ceste sainte viande, pourquoy est ce que les ministres baillent leur Cene sans les dire, se contentans de les dire avant la communication? Que ne font ilz ce que Nostre Seigneur fit, ou que ne confessent ilz qu'ilz ne le font ni veulent faire!

 

VI

 

            Puysque nul autre Sacrement au Viel ni au Nouveau Testament, voire ni aucun sacrifice ni ceremonie n'ont jamais esté institués avec parolles figurees, comme peut estre que ce tres grand et, sur tous les autres misteres de la religion chrestienne, principal Sacrement du Cors de Jesuschrist, ayt esté institué par un parler figuré, comme vous dites? Au lieu qu'il est escrit: Cecy est mon cars, vous voules gloser: «Cecy signifie mon cors.» Dieu commanda aux Israëlites de se circoncire: c'estoit un commandement un peu difficile; toutesfois on le prend tout simplement, sans l'eluder et divertir par figures et metaphores. Il commande l'immolation et manducation de l'aigneau; il ordonne les oblations de plusieurs animaux; il commande le Baptesme aux Apostres: toutes ces choses, sont entendues comme sonne la lettre, on n'a point de recoure aux figures. Et quand il a dit; Cecy est mon cors, vous y alles inventer un significat pour est; une figure pour cacher ceste verité si claire!

 

VII

 

            Pourquoy vous couvres vous du dire de saint Augustin disant, qu'es choses absurdes et mal sonnantes, il faut recourir aux figures? et pour ce, vous dittes les paroles. [46] de Nostre Seigneur en la cene devoir seulement estre entenduës figurement. On accordera bien que si, pour choses mal sonnantes, saint Augustin entendoit ce qui est contre la loy de nature, blasmer, mentir, et, comme vouloyent les Capharnaïtes, deschirer Jesuschrist vivant, qui sont choses qui ne se peuvent jamais droittement commander, vous entendes saint Augustin comme il faut. Mays si vous voules entendre toutes choses qui semblent absurdes, quoy qu'elles ne le soyent, devoir estre expliquees par figure, on vous soustient que vous estes lourdement trompés. Et que dires vous a ce que le mesme saint Augustin escrit: Que cest adversaire de la Loy et des Prophetes demeure «en arriere avec ses semblables, qui dirent: Ceste parolle est dure, et qui la peut ouyr? Car nous autres, d'un cœur fidele et de la bouche, nous recevons Jesuschrist nous donnant sa chair a manger et son sang a boire, encores qu'il semble plus horrible de manger la chair humaine que de la massacrer, et de boire le sang humain que de le respandre.» Voyla comme saint Augustin ne çourt pas soudain aux figures, et dict aussi qu'on reçoit «d'un cœur fidele et de bouche» les choses qui, de prime face, semblent absurdes.

            En l'Escriture Sainte, vous verres plusieurs choses qui, de premier abord, sembleront absurdes, lesquelles toutes-fois on ne lira point a sens figuré: comme, lhors qu'il fut commandé a Abraham de mettre les mains sur son propre filz; a Esaye, de cheminer tout nud; a Ezechiel, de manger du pain trempé en la fiente. Aucun d'eux ne voulut recourir aux figures et interpreter spirituellement, par metaphore, ce qui estoit commandé; tout fut prins comme il sonnoit; ni l'apparence du crime, ni du deshonneste ne leur fit chercher aucune figure.

            Et outre plus, si tout ce qui semble absurde ne se doit croire, que respondres vous aux haeretiques Ariens, Montanistes et Manicheens, qui sentoyent mal de l'Incarnation du Filz de Dieu? car il leur sembloit aussi absurde et indecent que la Divinité fust meslëe parmy les souilleures de nostre nature, que Dieu souffrist faim, playes et mort: qui n'est gueres different des absurdités que vous dites [47] estre en la reelle presence du Cors de Jesuschrist en la sainte Hostie; et toutesfois, vous tenes ces pestes d'haeretiques anciens pour hommes tres malheureux qui ont advancé ces choses la.

 

VIII

 

            En la simple et toute pure loy de nature, Abel, Noë, Abraham, Melchisedech, Isaac et Jacob faisoyent des sacrifices exterieurs, outre les prieres et louanges. Or, la loy de nature n'a pas esté abolie, ains consolidëe par l'Evangile: pourquoy donques ne veulent les ministres recevoir en leur religion aucun sacrifice exterieur?

 

XI

 

            Saint Pol proteste que nous avons un autel duquel n'avoyent puissance de manger ceux qui servoyent au tabernacle. Or, ceux qui ont servi au tabernacle ont eu l'autel de leur cœur, sur lequel ilz pouvoyent offrir les sacrifices spirituelz, et ont mangé par foy et en esprit Jesuschrist crucifié; autrement ilz seroyent tous damnés. Quel autel donques est celuy la que nous avons de plus qu'eux?

 

X

 

            De Beze escrit clair et net, en sa Preface sur Josué, que c'est à Calvin, «apres Dieu, qu'appartient l'honneur de la resolution despuis suyvie par toutes gens de bon jugement,» touchant «ce qu'il faut croire, chercher et recevoir en la Cene.» Que sont donques devenuz tous les devanciers? Ce mistere si important aura il esté caché a toute l'Eglise ancienne, pour estre descouvert a ce seul pretendu mignon et favory du Saint Esprit? Que ne confesse on donques franchement que ceste reformation est toute nouvelle et non jamais conneûe a l'ancienneté!

 

XI

 

            Quelle loy vous exempte de laver les piedz les uns aux [48] autres avant la celebration de la Cene, comme Nostre Seigneur fit et ordonna? Si ce n'est la Tradition, ce ne peut estre que vostre propre jugement.

 

XII

 

            Nostre Seigneur establit ce saint mistere de son Cors et Sang le soir apres souper: qui vous a dispensés de le faire a autre heure? Ou si vous estimes que les circonstances observees par Nostre Seigneur sont peu considerables?

 

XIII

 

            Le texte de l'Evangile porte que le sang de Nostre Seigneur, qui estoit dans la couppe, fut respandu pour plusieurs en remission des pechés. Pourquoy nies vous que ceste remission aye lieu pour les pechés des deffunctz, plustost que pour ceux des mortelz? Qui vous a baillé pouvoir de restraindre les graces de Dieu mesme, puysque Calvin, 1. 3 de son Inst., chap. 5, § 10, confesse que la priere pour les mortz estoit en usage en l'Eglise «avant treize cens ans»?

 

XIV

 

            Pourquoy prives vous les malades de ce Sacrement, contre l'institution d'iceluy qui ne les rejette point? puysque telles gens en ont plus de necessité que les autres, et que «l'ancienne Eglise» le leur conferoit tres soigneusement, comme Calvin mesme confesse 1. 4. [Inst.,] chap. 17, § 39.

 

XV

 

            Calvin confesse librement, 1. 4. Inst., ch. 2, § 3, que c'estoit une chose notoire et sans doute, que despuys l'aage des Apostres jusques au tems de saint Augustin, «il ne s'estoit faict nul changement de doctrine,» ni a Romme ni aux autres villes; ce sont ses propres parolles. Pourquoy donques a il aboly de faire le signe de la Croix, tant en l'usage de ce Sacrement que des autres? puysque saint Augustin proteste que l'Eglise y employoit ce saint signe, [49] et avant luy saint Chrisostome, et avant ces deux Saintz, Cyprian; et long tems avant ces troys grans Peres, saint Clement et saint Denys.

            Ce qui soit dict, attendant que l'ample responce dressëe sur un petit traitté de la Croix, nagueres imprimé a Geneve, sorte de la main des imprimeurs.

 

 

 

IX. Fragment du Quatrième Livre de la Defense de l'Estendart de la Sainte Croix [Mai-octobre 1598] (Inédit)

 

Que le mot adorer ou adoration est souvent employé pour l'honneur pait aux creatures selon la Sainte Escriture

 

CHAP. 4

 

            Quelle origine que le mot d'adoration aÿe eü, si est il certain qu'il ne veut dire autre que faire reverence, profession de submission ou honneur a celuy que nous reconnoissons avoir quelque praeeminence. Venerer et adorer sont peu differens, sinon en ce, peut estre, que venerer signifie un peu plus l'habitude, adorer l'acte et l'exercice. Et partant, le mot d'adoration ne signifie pas seulement la reverence ou hommage que la creature doit a son Dieu immediatement, mais aussi l'honneur ou veneration qu'on porte aux creatures superieures ou qui ont rapport aux superieures; si que l'Escriture et tous les anciens Peres [50] employe (sic) le mot d'adorer ores pour la reverence faitte a Dieu, ores pour celle qu'on fait aux creatures.

            Et de fait, saint Augustin tesmoigne que nous autres Latins n'avons point de simple mot latin pour signifier la veneration deuë a Dieu seul, mais avons emprunté et approprié a cest effect le mot grec latrie, faute d'autre plus commode. Et neanmoins, qui considerera de plus pres l'Escriture et les Anciens, trouvera que le mot d'adorer panche un peu plus a l'honneur deu a Dieu seul que non pas a l'autre; de façon que l'hors que le mot d'adorer est seul en l'Escriture, il s'entend ordinairement de l'adoration de latrie. Nos peres ont adoré en ce mont, disoit la Samaritaine, et vous dites qu'il faut adorer en Hierusalem; c'est a dire sacrifier, qui est la seule action exterieure qui est particulierement et perpetuellement destinee a l'adoration de latrie. C'est pourquoy les devanciers ont quelquefois fait difficulté d'appliquer le mot d'adoration a l'honneur des creatures, quoy qu'ilz sceussent que cela se pouvoit fort bien faire; sur tout, ilz ont observé cecy quand ilz ont eu a faire avec les chicaneurs, heretiques, schismatiques et reformeurs.

            Que le mot adorer s'applique a l'honneur des creatures, en voicy une preuve trop abondante Abraham adora les enfans de Heth et l'Ange, comme firent aussi Loth, Josue et Balaam; Saul adora l'ame de Samuel; David commande qu'on adore l'escabeau des piedz de Dieu parce qu'il est saint; l'Eglise d'Israël adora Salomon. Adjoustes les lieux ja cités au chapitre precedent et en l'Advant Propos.

            Que les Peres en ayent fait de mesme et neanmoins ayent estimé que le mot d'adoration tirast un peu plus a l'honneur de latrie, j'en produiray ces exemples. Saint Hierosme, etc……..

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. [51]

 

X. Documents relatifs a une conférence entre le Père Chérubin de Maurienne, Capucin et les Ministres de Genève

 

1. Première réponse du Père Chérubin a Monsieur Jean Sarasin, délégué de Genève (Minute inédite)

 

Thonon, 16 août 1598.

 

            Frere Cherubin, respondant a la proposition faitte ce [52] jourdhuy, seziesme d'aoust 1598, par noble Jean Sarazin, envoyé par les seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit:

            Premierement, que la sommation faitte et affichee au pilier de la Place a esté faitte en consequence des conventions et promesses passees entre le sieur Herman Lignarius et luy, suivant lesquelles maistre Loüys Viret, ministre, auroit esté comminé, par ordonnance du lieutenant du [53] sieur Juge maje de Chablaix, le sixiesme de ce moys, d'advertir dans six jours ledit Herman de comparoistre en ceste ville dans ledit tems, ppur parachever ladite conference a la forme desdites conventions; delaquelle ordonnance fut baillé extrait audit Viret, et l'original du passeport. Apres lequel terme expiré, ne pouvant avoir aucune responce, ni moins treuver ledit ministre Viret en la ville, fut affigé ledit advertissement; dont, pour verification de ce que dessus, on exhibe audit sieur Sarazîn l'extrait de ladite ordonnance.

……………………………………………………………………………………………………..

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.

 

2. Deuxième réponse du même a Monsieur Sarasin

 

Thonon, 18 septembre 1598.

 

            Frere Chérubin, respondant a la proposition faitte ce jourd'huy, 18 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, [54] deputé des sieurs Scindiques et Conseil de Geneve, dit: qu'outre l'ample acceptation des offres faitz par ledit sieur Sarazin en une sienne prœcedente proposition (laquelle acceptation auroit esté redigee en escrit et signee, puys remise a iceluy sieur Sarazin), il n'a a respondre autre, sinon que, quant a sçavoir la volonté des Seigneurs de Berne, il ne s'en estoit aucunement chargé, moins s'en veut charger des-ores, pour ny estre obligé, ni tenu de faire aucune consideration sur l'alliance qui pourrait estre entre lesdits Seigneurs dé Berne et lesdits Seigneurs de Geneve; et que touchant la lettre envoyee a l'advocat des Prez, n'y ayant reconneu aucune marque publique, il attendoit de la voir authorisee, selon l'advis des seigneurs magistratz de ce pais de Chablaix. Ce qu'estant fait maintenant par [55] carte proposition en laquelle ell'est advoüee, il accepte de nouveau les offres contenus en laditte lettre.

            Et quant a la nomination des termes usites en toute legitime dispute, que ledit sieur Sarazin dit estre venu ouïr, a sçavoir: du lieu et tems, du nombre des disputans, des pointz de doctrine desquelz sera traitté en la dispute, des secretaires et des moderateurs, estant chose* reciproque qui se doit passer de commun accord entre les parties, il prie tres affectionnement ledit sieur Sarazin de se treuver icy mercredy prochain, 23 de ce moys, avec amples memoires et pouvoir d'en traitter; et l'hors, il s'offre passer une pleyne et asseuree resolution touchant les pointz requis et autres tendans a mesme fin, sil y escheoit. Ou n'en voulant lesdits seigneurs Scindiques et Conseil de la ville de Geneve prendre aucune resolution sans avoir premierement communiqué le tout auxditz Seigneurs de Berne, pour le respect qu'ilz leur ont, on pourroit au moins, audict jour de mercredy, dresser les articles et memoyres touchant le lieu, tems, nombre de disputans, moderateurs, secretaires, et les pointz de doctrine a disputer; en reservant une pleyne resolution apres que lesdits Seigneurs de Berne auront fait sçavoir ausdits seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve leur volonté. Dont la communication pourra estre faitte [56] par lesdits Seigneurs de Geneve aux Seigneurs de Berne, ne voulant ledit Fr. Cherubin s'en charger, puysqu'a luy n'appartient, comme estant prest a recevoir ceste conference, soit qu'elle vienne ou de Geneve ou de Berne, ou de tous deux ensemble.

FR. CHERUBIN.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Bibliothèque publique de Genève (Mis. M. f. 8). [57]

 

3. Troisième réponse du même a Monsieur Sarasin

 

Thonon, 24 septembre 1598.

 

            Frere Cherubin, suyvant la demande faite ce jourdhuy, 24 septembre 1598, par noble Jean Sarazin, tendant a ce que communication luy soit faite des termes et justes conditions a observer en la conference dont a esté traitté cy devant, et suyvant les offres faitz en la premiere proposition du susdit sieur Sarazin, en date du 16 aoust, an present, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve et acceptee par ledit Frere Cherubin, ainsi quil appert par les actes cy devant sur ce passés, sur lesquelz il insiste, respond quant a present par les articles suyvantz:

            1. Quant au lieu, pour plus grande commodité des parties, il nomme Thonon ou la ville mesme de Geneve, avec les asseurances requises en tel cas, pour entrer, sortir et demeurer.

            2. Quant au tems, pour bailler loysir aux preparations necessaires de part et d'autre, il nomme le cinquiesme novembre de la presente annee 98, laissant neanmoins ces deux articles du lieu et tems souz le bon plaisir de Son Altesse, puisqu'on aura dans peu de jours lhonneur de sa presence en ce lieu de Thonon.

            3. Quant aux moderateurs de [la] dispute, il nomme R. M. François de Sales, Prevost de l'Eglise cathedrale, et magnifique seigneur Anthoyne Favre, conseillier de Son Altesse, senateur au sauverain Senat de Savoye et President de Genevoys. [58]

            4. Pour secretaires, il nomme R. M. Claude d'Angeville, chanoyne de la Cathedrale, et spectable sieur noble François Portier de Germinex, advocat au sauverain Senat de Savoye et Conseil de Genevoys.

            5. Pour conferer, il prend avec soy jusques au nombre de cinq theologiens, luy faisant le sixiesme; outre lesquels il appellera trois ou cinq tesmoins sortables, pour tant plus rendre auctentique ce qui se passera.

            6. Et quant aux pointz a traitter, pour prendre les plus import antz il propose ceux cy:

            De la vraye regle pour connoistre les Livres canoniques;

            Du droit d'interpreter les Escritures;

            De la verité des Traditions catholiques;

            De la perpetuelle visibilité de l'Eglise militante;

            Des marques d'icelle assignees par le Symbole Constantinopolitain: une, sainte, catholique, apostolique;

            Du primat de saint Pierre et de ses successeurs;

            De la verité et realité de la presence du Cors de Jesuschrist en l'Eucaristie;

            De l'invocation des Saintz;

            De la Justification par les œuvres.

            Sauve (sic) neanmoins, appres la conference faicte sur lesditz pointz nommés, de la poursuyvre sur autres articles, sil y eschoit.

            Sauve aussi, entre cy et le commencement de laditte conference, de nommer autres moderateurs et secretaires, [59] si quelque incommodité survenoit pour laquelle les nommés ne puissent se trouver pour faire ce dont est question.

            Et pour faire une bonne et solide conclusion de tous articles a passer touchant laditte conference et y mettre la derniere main, il demande que tout au plustost on aye communication de l'intention desditz seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve touchant les pointz sus escritz, pour en pouvoir faire une claire et finale resoulution en la presence de Son Altesse pendant que l'on en a la commodité.

FR. CHERUBIN.

 

Revu sur l'original conservé à la Bibliothèque publique de Genève

(Mss. M. f. 8). [60]

 

 

 

4. Quatrième réponse du même a Monsieur Sarasin

 

Thonon, 15 octobre 1598.

 

            Frere Cherubin, respondant a la proposition produicte ce jourdhuy, 15 octobre 1598, de la part des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve par noble Jean Sarazin leur deputé:

            Dit premierement: Que la matiere de la conference de laquelle a esté traicté cy devant ne peut estre le livre des Articles de la confession des esglises pretendues reformees dont on luy a exibé l'exemplaire, dautant que l'on n'est pas en different de tous lesditz articles; mais il faudroit premierement conferer ensemble pour choisir ceux tant seulement desquelz on est en controverse. Pour ce, ceste proposition ne satisfait point au devoir. Et ayant pleu aux seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve que Fr. Cherubin nommast les pointz sur lesquelz on disputeroit, ayant fait ceste nomination, il semble tres raisonnable que lesditz pointz soyent vuydés les premiers; ce qu'estant fait, il offre d'opposer et d'entrer en la discution de ceux qui seront choysis audit livret de Confession comme contraversés [61] entre les parties, ou bien telz que les ministres voudront nommer.

            2. Que le moyen choysi par les ministres de seulement s'escrire l'un a l'autre n'a aucune conformité a ce qui a esté cy devant traitté touchant la conference, ains en rompt la suitte et le fil; c'est sortir hors les termes d'icelle, et venir a nouveau traitté et renoncer au precedent.

            3. Que ce moyen empeche beaucoup le fruict de la dispute, puisque l'experience monstre que, quoy qu'on aye tant escrit de part et d'autre, on est aussi frais de recommencer telle maniere de dispute qu'au commencement, et que ceste procedure a besoing de tout l'aage d'un homme, encor ny suffiroit il pas. Et de plus, que la conference de laquelle a esté traitté cy devant comprent asses touttes les commodités de ce nouveau moyen proposé maintenant, puisqu'on y devoit tout escrire, et fidellement; et, outre cela, apportoit plusieurs autres commodités, comme: le bien de la briefveté des resoulutions; de l'exibition des aucteurs qu'on auroit a proposer; de la plus particuliere et claire declaration de l'intention d'un chacun, laquelle est bien souvent mal aisee a tirer des escritr faitz entre absentz, et y va une grand piece de temps a envoyer et renvoyer, et les raisons se presseront plus et mieux en presence; avec autres telles occasions qui se perdent par la voye proposee par les ministres. Ne voyant qu'on puisse amener autre difficulté sur ceste conference verballe, si non la crainte de l'aigreur des parolles: a quoy desja a esté remedié, tant par les protestes faites cy devant d'apporter toutte la douceur et tranquilité d'esprit possible et necessaire en chose si importante, qu'aussi par la nomination des moderateurs, qui sont personnes d'honneur et empecheront les desordres et accidentz sinistres (en tant que touchent les nostres), par l'auctorité de Son Altesse qu'on offre d'y faire entrevenir. Et de nouveau proteste ledit Fr. Cherubin, d'apporter tout ce qu'on sçauroit desirer d'amitié et de bonne affection.

            4. Ce moyen est trop adventageux pour les ministres, non pour la substance du moyen, car elle n'est pas autre que celle de celluy de la conference reduicte par escrit, [62] mais pour plusieurs circonstances; car les ministres sont tousjours en grand nombre, dans Geneve, ensemble, pour s'entraider et entreprester la main les uns aux autres, la ou, de nostre cousté, nous ne pouvons demeurer longuement plusieurs ensemble. Ilz sont en lieu ou ilz peuvent empecher que noz escritz ne soyent ni veuz ni sondés, mais les leurs; qui seroit un brave moyen pour nous faire condamner entre les leurs: la ou nous n'avons telles commodités.

            5. Dit que ce moyen ne semble viser a autre qu'a tirer les choses en longueur, dissiper et faire esvanouir tout le desseing projette de ceste conference.

            Dont il conclud a ce que l'on demeure dans les justes termes d'une conference de mesme forme qu'elle a esté cy devant proposee. Et prie fort instamment que, comme de sa part il a apporté toutte diligence a respondre et nommer les termes de ladicte conference, n'ayant jamais esté le sieur Sarazin arresté icy que demy jour pour avoir les responces, qu'aussi du cousté des seigneurs Scindiques et Conseil de Geneve il y soit procedé avec telle diligence, franchise et naifveté que l'affaire requiert, affin qu'au plustost on en sache la resoulution finale, mesme pendant que l'on a icy lhonneur de la presence de Son Altesse: dont il demande que pour ceste sepmaine, au plus tard, il aye advis certain de la vraye intention desditz Seigneurs; autrement, il sera a croyre qu'on n'aye point de vollonté d'entrer en conference amiable.

FR. CHERUBIN.

 

Revu sur l'original conservé à la Bibliothèque publique de Genève

(Mss. M. f. 8). [63]

 

XI. Déclaration au sujet d'une conférence avec les Ministres de Genève

 

Annecy, 6 août 1605.

 

            Sur les propos qui ont esté ci devant tenus, pour l'ouverture d'une conference dans la ville de Geneve, pour le sujet de la religion tant seulement, entre moy avec quelques predicateurs catholiques d'une part, et les ministres de la mesme ville de Geneve d'autre, j'ay fait cet escrit, et i'ay signé de ma main et seellé de mon sceau, pour declairer et attester que toutes fois et quantes que les ministres [65] voudront y entendre, et convenir de conditions raysonnables, sortables et legitimes pour une telle assembles ou conference, je m'y porteray avec toute promptitude et sincerité, esperant en la bonté de Dieu que son nom en sera glorifié, au salut et bien de plusieurs ames, ainsy que je l'en supplie.

            Fait a Neci, le 6e du mois d'aoust, l'an mil six cens et cinq.

FRANÇOIS, Evesque de Geneve. [66]

 

XII. Premier titre du Code Fabrien

 

[1595-1605]

 

TITULUS PRIMUS

 

«DE SUMMA TRINITATE ET FIDE CATHOLICA

ET UT NEMO DE EA PUBLICE CONTENDERE AUDEAT»

 

            Prodiit superiore saeculo ab inferis horrendum nescio, an miserandum potius, hominum genus, qui, a Christianae religionis et sacrosanctae fidei nostrae Catholicae unitate ac, [67] quod omnino consequens est, veritate desciscentes, nova passim dogmata novasque haereses, sed ex veteribus et jam pridem damnatis magna ex parte consutas conflatasque, invexerunt, in tot pene sectas divisi quot fuerunt eorum capita, qui sectatores habere quam esse maluerunt. Diceres Samsonis esse vulpeculas, capitibus quidem disjunctis alio atque alio tendentes singulas, sed omnes tamen, caudis coadunatis, in unius Ecclesiae Romanae incendium et excidium, si velle sufficeret, colligatas conglobatasque. [68]

            Inter omnes istos praecipui et sicut impietatis ita nominis fama conspicui Lutherani, Ubiquitarii, Zuingliani, Anabaptistae, Suenckfeldiani, Davidici, Samosatenici, Calvinistae, Anglocalvinistae, Puritani, Adiaphoristae, Osiandrini, Melanchtonici, ut reliquos permilltos, ne dicam pene innumeros, veluti ipinorum gentium daemones, taceamus. Omnium tamen summa divisio illa esse potest, ut eorum tria veluti genera et praecipua capita constituantur, ad quae caeterorum omnium sectae inferiores, veluti species referri possint: Lutheranorum, Calvinistarum et Anabaptistarum. Quanquam ea jam Anabaptistarum conditio est, ut caeteris, licet non insania et impietate, attamen numero longe inferiores, ab omnibus propemodum tanquam imbelles nulliusque pretii hostes contemnantur, solis Lutheranis et Calvinianis locum sibi pene omnem relictum gloriantibus. Itaque de his solis dicendum nobis erit, cum nec ipsa fere aliorum nomina, nisi per libros et famam, ad nos usque pervenerint.

            Etsi quae apud nos extant de religione edicta Principum nostrorum, Senatusque nostri consulta et decreta [69] quamplura (quae tamen, quia publice excusa prostant, huc transcribenda minime putavimus), non Lutheranos tantum et Calvinianos notant et insectantur, sed reliquos etiam omnes haereticos, quales sine dubio sunt quotquot a sancta Ecclesia Catholica, Apostolica et Romana, quocumque tandem censeantur nomine, defecerunt, ac quorum errores sacrosanctum Concilium Tridentinum, Spiritu Sancto suggerente, justissimo anathemate damnavit.

            Praeclare vero et in tanta infaelicitate satis faeliciter actum est cum Republica Christiana, quod has ipsas sectas, quae tanto impetu in eam conjurarunt, iis notis infames esse contigit, propter quas vel primo ipso intuitu dubitare nemo possit, quin «haereticae», ut sacri Canones loquuntur, pravitatis speciem et insignia prae se ferant.

            [Adferemus tantum aliquas, et de singulis aliqua, ne cum sutoribus Lutheranis et Calvinianis theologos agere [70] videamur nos, qui solam Jurisprudentiam, nec aliud praeterea quicquam profitemur. Reliqua theologis, qui tam multi tamque praeclari ex professo ista tractarunt, consulto relinquemus.] Adferemus autem ipsissima Lutheri et Calvini verba, ut qui non poterunt facile credere, quod sane incredibile est, tam absurdas et plane diabolicas impietates, tamque impias absurditates tot assertoribus superbientes cuiquam mortalium in mentem venire unquam potuisse, nihil tamen a nobis effictum aut immutatum conqueri jure possint. [Sed illud primum a catholicis et piis lectoribus concedi nobis postulamus, ne hoc facto nostro offendantur, quasi libros prohibitos contra sacrosanctae Ecclesiae decreta legerimus. Possumus enim vere affirmare, nihil a nobis hac in re factum esse, nisi quod pio et Christiano cuilibet facere licuerit, eamque nos in tanti momenti negotio adhibuisse cautionem, quae fuit necessaria, ne justissimas Ecclesiae censuras, quas et veremur ut par est, et reveremur, ullo modo incurreremus. [71]

 

 

 

TITRE PREMIER

 

«DE LA SOUVERAINE TRINITÉ ET DE LA FOI CATHOLIQUE:

QUE PERSONNE NE DOIT SE PERMETTRE D'EN DISCUTER EN PUBLIC»

 

            Au siècle dernier, s'échappa de l'enfer une race d'hommes dont je ne sais si elle est plus digne d'horreur ou de pitié. Abandonnant l'unité de la religion chrétienne et de notre sainte foi catholique, et, par une juste conséquence, la vérité, ils introduisirent de tous côtés [67] de nouveaux dogmes et de nouvelles hérésies, mais tirés en grande partie d'erreurs anciennes déjà condamnées. Ils se divisèrent en presque autant de sectes qu'il y eut parmi eux de chefs, préférant avoir des adeptes qu'être adeptes eux-mêmes. Semblables aux renards de Samson, dont les têtes séparée? se mouvaient chacune de son côté, mais qui tous avaient leurs queues réunies, ils eurent entre eux un lien commun: celui de porter l'incendie au sein de l'Eglise Romaine et de la détruire, s'il suffisait pour cela de le vouloir. [68]

            Parmi eux tous, les principaux et les plus fameux de nom et d'impiété furent: les Luthériens, les Ubiquitaires, les Zwingliens, les Anabaptistes, les Swenckfeldiens, les Davidiens, les Samosaténiens, les Calvinistes, les Anglocalvinistes, les Puritains, les Adiaphoristes, les Osiandriens, les Mélanchtoniens. Nous laissons de côté les autres nombreux, pour ne pas dire innombrables, démons de moindre importance. L'extrême division de tous, ces hérétiques permet cependant d'établir parmi eux trois genres principaux auxquels peuvent se rattacher, comme autant d'espèces, les autres sectes inférieures: celui des Luthériens, celui des Calvinistes et celui des Anabaptistes; bien que la situation des Anabaptistes soit déjà telle, que tout le monde, à cause de leur infériorité, non certes en folie et en impiété, mais en nombre, les regarde à peu près comme des ennemis sans force et sans valeur. Aussi, Luthériens et Calvinistes se font-ils une gloire de ce que toute la place, pour ainsi dire, leur ait été abandonnée. C'est donc d'eux seuls que nous nous occuperons, car des autres, si ce n'était par les livres et renommée, nous ignorerions presque jusqu'au nom.

            Du reste, les édits de nos Princes et les nombreux décrets de notre Sénat touchant la religion (édits et décrets que nous n'avons pas [69] jugé à propos de transcrire ici, parce qu'ils ont été imprimés) flétrissent et poursuivent non seulement les luthériens et les calvinistes, mais tous les autres hérétiques, comme sont évidemment tous ceux qui, sous un nom quelconque, ont abandonné la sainte Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, et dont les erreurs ont été frappées d'un très juste anathème par le saint Concile de Trente agissant sous l'impulsion du Saint-Esprit.

            Ç'a été une belle chose et, au milieu d'un si grand malheur, un bonheur pour la République Chrétienne, que ces sectes, qui avaient conjuré contre elle avec tant d'ardeur, eussent des caractéristiques si infamantes que personne ne pût au premier aspect douter qu'elles ne portent au front ce que les saints Canons appellent les apparences distinctives de la perversité «hérétique».

            [Nous parlerons seulement de quelques-unes de ces caractéristiques et dirons peu de chose de chacune, pour ne pas avoir l'air de prétendre au rôle de théologien avec les savetiers luthériens [70] et calvinistes, nous qui faisons profession de juriste et de rien autre. Nous laissons à dessein le reste aux théologiens qui ont traité en si grand nombre et si bien ces matières ex professo.] Nous citerons les paroles mêmes de Luther et de Calvin, afin que n'aient pas le droit de se plaindre d'une invention ou d'un changement de notre part, ceux qui croiront difficilement cette chose en vérité incroyable, qu'un esprit humain ait pu imaginer des impiétés si absurdes et si clairement diaboliques, et des absurdités si impies qui ont cependant réussi à gagner tant d'adeptes. [Toutefois, nous prions tout d'abord les lecteurs catholiques et pieux de ne pas se scandaliser à notre sujet, comme si nous avions lu, contre les décisions de la sainte Eglise, des livres défendus. Nous pouvons, en effet, affirmer en toute vérité que rien n'a été fait par nous en cela qui ne soit permis à tout homme pieux et chrétien; nous avons, dans une affaire de si haute importance, apporté les précautions nécessaires pour n'encourir en aucune façon les très justes censures de l'Eglise, censures que nous craignons et respectons.] [71]

 

I. Prima nota hæreticorum nostri temporis: Negatio

 

            Prima illa, nec meo judicio parva nota est, quod omnia propemodum negant, affirmant pene nihil, nisi quod et negando affirmant plerumque, et affirmando negant, ut facile appareat ex eorum numero illos esse qui, ut Tertullianus de haereticis omnibus scripsit: «Credendo non credunt,» dissimiles in eo a paganis qui, ut idem ille ait: «Non credendo credunt.» Nec video quibus magis quam istis convenire possit quod de Antichristo magni plerique viri existimarunt: άρυοΰμαι nomen illi esse; quando-quidem antichristianorum omnium, id est haereticorum, solemnis mos iste est, ut doctrinam suam fere omnem constituant in negando. Quod si faciunt eo consilio, ut nos onerent probatione, nec quicquam ipsi probare teneantur, nae pessimi sunt non modo theologi, sed etiam jure-consulti. Nec enim apud Juris nostri sive auctores sive interpretes dubitationem res habet, quin actor, quisquis [72] est, probare debeat suam intentionem, etiam quae in negando consistat, praesertim vero si agat quis ad turbandum eum, qui sit in pacifica rei de qua controvertitur possessione. Alioqui, quid, obsecro, certum erit, quid tutum, si actori etiam calumnianti sufficiat negare? Digni sane quibus id etiam accommodemus, quod D. Joannes in Apocalypsi de locustis illis scribit exeuntibus de puteo abyssi, quas ait habere super se regem, angelum abyssi, cui nomen hebraice אבדד Abaddon, graece άπολλύων Apollyon, latine Exterminans; ut significet haereticos omnes nihil propemodum adstruere, omnia vero destruere, nihil affirmare, omnia negare; tales denique illos esse ut possit quis non insulse nec falso contendere, si Christiani dicendi sunt, negative illos, non affirmative, Christianos dici debere. Porro negative Christianum quem esse quid aliud rogo est, quam omnino non esse Christianum?

 

De potentia Dei absoluta

 

            1. Negant in Deo potentiam ullam esse absolutam: [73] «Commentum,» inquit Calvinus, «de absoluta Dei potentia, quod scholastici invexerunt, execranda blasphemia est.» Et alibi, «impossibile» appellat quod nunquam aut fuit aut futurum est. Huic autem negationi contraria est affirmatio Christi dicentis potuisse se rogare Patrem, et exhibuisset illi Pater plus quam duodecim legiones Angelorum; et camelum per foramen acus transmittere; item affirmatio illa Joannis Baptistae, posse Deum ex lapidibus suscitare filios Abrahae. Sed nec negaverit quisquam sanae mentis, possibilia Deo esse omnia quae ille factumm se minatur, ut puta Ninivem subvertere, et alia hujusmodi infinita, quae tamen nunquam fecit Deus, aut facere voluit. Et, ut eleganter Tertullianus contra Praxeam: «Potuit (ita salvus sim) Deus pennis hominem instruxisse, quod et milvis praestitit; non tamen quia potuit, statim fecit. Potuit et Praxeam» (addamus, si lubet, Lutherum et Calvinum) «et omnes pariter haereticos extinxisse; non tamen quia potuit extinxit.» Haec autem omnia non potuit Deus de potentia ordinaria; alio enim ordine res et stabilitae sunt et peractae; ergo de potentia absoluta, id est, [74] quae soluta sit ab omni lege promulgata, et ab ordine rerum constituto; sed non absoluta eo sensu, quasi soluta sit ab aequitate et justitia, quomodo perperam interpretatur Calvinus; aequitas enim et justitia lex Dei intrinseca est, ipsa vero nihil aliud quam ipsemet Deus, qui, ut sibi ipsi lex est, ita recedere a lege et aequitate minime potest.

 

De voluntate Dei permissiva

 

            2. Negant in Deo voluntatem permissivam, contra in-numeras Sacrae Scripturae affirmationes, inter quas Psalm. 80: Dimisit eos secundum desideria cordis eorum; Act., 14: Dimisit omnes gentes ingredi vias suas; Luc., 8: Rogaverunt eum ut permitteret eis ingredi in porcos, et permisit eis. Vult ergo Deus permulta, non voluntate efficiente aut committente, sed permittente tantum; ea scilicet quae cum mala sint malitia, ut aiunt, morali, a Deo qui bonus et bonitas ipsa est proficisci nunquam possunt. [75]

 

De simplici Dei præscientia

 

            3. Negant Dei simplicem praescientiam. Calvini enim verba haec sunt: «Ne Augustinus quidem illa superstitione interdum solutus est, quemadmodum ubi dicit indurationem et excaecationem non ad operationem Dei, sed ad praescientiam spectare; at istas argutias non recipiunt tot Scripturae,» etc. Huic autem negationi contrarium est quod passim affirmat Sacra Scriptura, Deum praevidisse proditionem Judae, negationem Petri, excaecationem Judaeorum; quae quidem praedixit et praescivit Christus, nec tamen voluit aut effecit.

 

De essentia quam Dei Filius habet a Patre

 

            4. Negant Filium Dei a Patre essentiam habere, contra quam affirmant Scripturae et Christus ipse, Christum esse Filium Patris, et a Patre procedere per generationem. Quis enim, vel intellectu solo mentisque ulla cogitatione, assequi possit, eum qui Filius sit et dicatur, Filium ejus esse a quo essentiam naturamve non habeat? Quid vero [76] aliud Filius a Patre habere potuit, quam Divinitatem? Quid Patri et Filio commune est, prseter essentiam? Quid ergo Filio communicavit Pater, si non essentiam ipsam? Quare passim clamant Scripturae, Concilia, Patres, universus denique Christianorum orbis, Filium esse «Deum de Deo, Lumen de Lumine, Deum veyum de Deo vero»? Habet ergo Deus Pater veram essentiam divinam, quae nec a se, ut parum caute loquitur Calvinus, nec ab aliquo alio est; sed prorsus a nullo, cum essentia neque generet, neque generetur. At vero Filius, qui hanc ipsam habet essentiam, habet non a nullo, nec a se, sed a Patre; denique essentia quae, si in se consideretur, a nullo est, ea in Filio a Patre est.

 

De morte Christi

 

            5. Negant Christi mortem corpoream, si solum illam Christus obiisset, quicquam nobis fuisse profuturam: «Nihil actum erat,» inquit Calvinus, «si corporea tantum morte Christus defunctus fuisset.» Deus immortalis! omnes Sacrarum Scripturarum apices ad sanguinem, ad [77] crucem, ad mortem Christi salutem nostram referunt; omnes Christiani Christum morte sua mortera nostram destruxisse proclamant; omnes Sancti redemptionis suae canticum concinunt in haec verba: Redemisti nos, Deus, in sanguine tuo. [Et audent bufones isti in lacunis obstrepere,] nihil ea vivifica morte actum esse! Isaias autem hoc amplius praedicat, vel solo Christi livore sanatos nos esse. Denique vita nostra filia Christi mortis est; qui alibi quam in hac morte vitam quaerit, vitam perdidit. Qua vero fronte possunt isti dicere, nihil morte Christi actum fuisse, cum, propter infinitam patientis dignitatem, minima regii illius ac divini sanguinis guttula innumeris mundis redimendis satisfuisset?

 

De Christo Legislatore

 

            6. Negant Christum esse Legislatorem, atque adeo ullam in Evangelio legem proponi; sic enim Lutherus: «Necesse est,» inquit, «ut scias quid sit Christus definitive: Christus autem definitive non est Legislator.» Mox doctrinam de Christo Legislatore «pestilentem» appellat. [78] Et paulo post: «Labor mihi est,» inquit, «ut dediscam veterem illam inolitam opinionem de Christo Legislatore et Judice, utque damnem et repellam illam.» At contra, hoc ipsum affirmat Epistola D. Jacobi, quae disertis verbis Christum Legislatorem appellat, quem Isaias prius Legiferum vocarat: Dominus, inquit, Legifer noster.

 

De Christo Judice

 

            7. Negant Christum esse Judicem; sic enim Lutherus eodem loco: «Persuasus,» inquit, «eram pestilentibus illis opinionibus.» Quas subinde explicans, ponit hanc, inter caeteras, quod Christus sit Judex; seque laborare ait, ut illam dediscat. At non ita D. Petrus, qui palam testatur Christum constitutum esse a Deo Judicem vivorum et mortuorum; nec aliter caeteri Apostoli, qui omnes uno ore praedicant Christum judicaturum vivos et mortuos.

 

De Traditione non scripta

 

            8. Negant Traditionem ullam esse, quae solo sermone [79] tradita sit, contra expressam D. Pauli affirmationem, qui in Epistola ad Thessalon.: Tenete, inquit, traditiones quas accepistis, sive per sermonem, sive per epistolam. Et vero quaenam Sacrarum Scripturarum certitudo erit, quaeoam auctoritas, si Traditionem tollas, cum sola Traditione non etiam Scripturae ullius fide probari ea certitudo et auctoritas possit? Cur Evangelium Matthaei et Lucae, potius quam Thomae et Nicodemi, Libros canonicos esse dicemus? Aut si quis neget, atque cum istis Traditionem non scriptam rejiciat, quomodo probabimus? Rursum, ubinam gentium erat Ecclesia, aut fides Ecclesiae, totis illis saeculis quibus nihil dum de fide tractatum erat per scripturam, sed per sermonem tantum? An non fuit Ecclesia Scripturis antiquior? Aut quonam Sacrae Scripturae loco scriptum probabunt isti, ut cogant nos credere nihil credendum esse, nisi quod scriptum? Quid de Baptismo infantium, de Dominico die potius quam alio in Sabbathi judaici vicem sanctificando, de Angelorum creatione, ac de aliis hujusmodi tam multis quorum certissima fides in Ecclesia, et etiamnum apud ipsos quoque haereticos [80] omnes, probatio vero per Scripturam plane nulla? Longe aliter, et praeclare ut omnia, Augustinus: «Non crederem Evangelio, nisi» Ecclesia diceret esse Evangelium.

 

De Libris canonicis

 

            9. Negant ex Libris Sacrae Scripturae Libros Judith, Baruch, Sapientiae, Ecclesiastici, Machabaeorum et Tobiae auctoritatem canonicam habere, quod in Canone Hebraeorum adscripti non sint; quasi plus auctoritatis judaicae Synagogae tribuendum sit, quam Ecclesiae Catholicae universae quae, unanimi consensu, habuit semper Libros illos pro canonicis. Ex quibus etiam cum nonnulli non nisi post Hebraeorum Canonem conscripti fuerint, quis eos in Canone illo descriptos non fuisse mirabitur, nisi qui per chronographiae imperitiam nesciat describi nullo modo potuisse? [81]

 

De Epistola D. Jacobi

 

            10. Negant Epistolam D. Jacobi esse canonicam, cum si quando ex ea urgeantur, dubiam faciant ejus fidem et auctoritatem, quae tamen, ut caeterorum canonicorum Librorum, semper certissima fuit et explorata. Nam Lutherus, in libro quem conscripsit De captivitate Babylonica, cap. De Sacramento Extremæ Unctionis, respondens ad argumentum ductum ab auctoritate manifestissima D. Jacobi pro Extrema Unctione, his ipsis verbis sententiam exponit suam: «Ego autem dico, si uspiam deliratum est, hoc loco praecipue deliratum est. Omitto enim quod hanc Epistolam non esse Apostoli Jacobi, nec apostolico spiritu dignam, multi valde probabiliter asserant, licet consuetudine auctoritatem, cujuscumque sit, obtinuerit. Tamen, si etiam esset Apostoli Jacobi, dicerem non licere Apostolo sua auctoritate Sacramentum instituere.»

            Viden'hominis audaciam et impudentiam, qui non contentus ademisse quantum potuit auctoritatem Epistolae apostolicae, insimulat etiam Apostolum arrogantiae, quod [82] instituendi Sacramenti facultatem sibi adrogaverit, si eam Epistolam conscripsit! Non videt furiosus apostata id Apostolum agere, non ut instituat Extremae Unctionis Sacramentum, sed ut ad ejus usum fideles hortetur; non facturus utique, nisi Christus ipse instituisset.

 

De Scripturarum difficultate

 

            11. Negant Scripturas Sacras ullam habere difficultatem quae obsit fidelibus, quo minus facile intelligantur, ita ut omnium Patrum commentariis clariores sint et faciliores. Qua negatione, mendacii arguunt D. Petrum, qui, quanquam et fidelis ipse et doctus (nisi forte et fide et doctrina inferior Luthero fuit), scripsit tamen multa esse in D. Pauli Epistolis difficilia, quae infideles et parum docti detorquent, ut Scripturas, inquit, caeteras, ad suam perditionem. Sed et quis in Dei Ecclesia Doctorum usus erit, quaenam certe necessitas, si vere isti somniant? [83] Quid denique tot Patram commentaria, tantis vigiliis et lucubrationibus elaborata, tot sudoribus absoluta proderunt, si sacris Libris, quos exponere voluerunt, difficiliora sint et obscuriora?

 

De Ecclesia visibili

 

            12. Negant veram Ecclesiam esse visibilem. Quod si ita esset, cur Christus Dominus noster comparasset eam civitati supra montem positae, convivio, ovili, aedificio super petram aedificato? Cur praeterea nos ad Ecclesiam remitteret illis Evangelii verbis: Dic Ecclesiæ? An non faciunt ridiculum et impostorem Christum, qui nos ad Ecclesiam alleget, si invisibilis illa et imperceptibilis est?

 

De Ecclesiæ judicio infallibili

 

            13. Negant Ecclesiae Catholicae et visibilis infallibile de rebus fidei judicium esse. Cui negationi contraria certe est affirmatio illa Christi: Portae inferi non prævalebunt [84] adversus eam; itemque Pauli, qui eam columnam vocat, et firmamentum veritatis. Et vero, si tam infaeliciter et inhumane nobiscum ageretur, ut Ecclesia universalis in rebus fidei et in vero sensu Verbi Dei dijudicando errare posset, quis mortalium, obsecro, non errare se posse crederet? Qui autem errare se posse credit, quomodo certus esse possit se non errare? Consequens igitur necessario fiet, ut in fidei sensusque Sacrarum Scripturarum incertitudine omnes ambulare fatendum sit. Quid ergo erit quod nobis tam certum et exploratum esse opporteat, ut nec si Angelus de cælo contrarium dicere velit, ei tamen credere debeamus? Quis non enim deberet Angelo caelesti potius quam sibi credere, si non ex alia parte auctoritas et certitudo fidei Ecclesiae angeli cujuslibet auctoritatem contrariam, si qua unquam, per impossibile contraria esse posset, superaret?

 

De Conciliorum generalium auctoritate

 

            14. Negant Conciliorum, etiam generalium, auctoritatem [85] eam esse, cui firmiter adhaerere debeamus, ut affirment privato cuilibet, nedum populo, incumbere, ut Conciliorum doctrinam ad amussim Scripturae exigat et examinet; sic enim Lutherus: «De doctrina,» inquit, «cognoscere et judicare, pertinet ad omnes et singulos Christianos, et ita pertinet, ut anathema sit qui hoc jus uno pilo laeserit. Christus enim» ait: «Attendite a falsis prophetis... Haec sola auctoritas satis» est, inquit, «adversus omnium Pontificum, omnium Patrum, omnium Conciliorum, omnium scholarum sententias, quae jus judicandi et decernendi solis Episcopis et ministris tribuerunt, et impie ac sacrilege populo, id est Ecclesiae reginae, rapuerunt.» Et paulo post insultat Regi Henrico: «Et ut hic mei Henrici et sophistarum recorder, qui a longitudine temporum et multitudine hominum pendent cum sua fide, primum negari non potest hujus rapti juris tyrannidem ultra mille annos durasse; nam in ipso. Concilio Nicaeno, omnium optimo, jam tum incipiebant leges condere et jus istud sibi vindicare.» Et paulo post: «Habemus,» inquit, «absque controversia, jus de doctrina cognoscendi et judicandi [86] seu probandi, esse penes nos, non penes Concilia, Pontifices, Patres, Doctores.»

            Quid vero, te rogo, quisquis es qui haec legis, scribi potuit arrogantius et impudentius? Non Concilia, non Pontifices, non Patres, non Doctores, unus Lutherus, imo, quilibet de faece populi, dummodo Lutheranus (sic enim opinor Lutherus sensit, alioqui actum esset de ipso et de Lutheranis omnibus, si Calvino et Calvinianis de Scripturarum interpretatione credendum esse faterentur), jus habebit de doctrinis cognoscendi et judicandi. Hoc vero si quia Christiani sunt, an non et Pontifices et Patres et Doctores etiam sunt Christiani? Ergo, quia oves sunt, non pastores. Suavis plane ratio, per quam fiat ut ovis pastorem ducat, regat, judicet.

            Atqui monuit Christus unumquemque attendere a falsis prophetis. Quis negat? Sed an quod velit unumquemque de ipsorum doctrina judicare, ut Lutherus existimat? Nihil minus; at quia possit unusquisque de istorum persona facile cognoscere (quod nos nimio malo nostro [87] in Lutheranis et Calvinianis cognovimus) ex fructibus et operibus ipsorum: quia nimirum veniunt et non mittuntur, dispergunt oves et dividimt ovile, ut proinde, quamvis in speciem oves videantur, facile tamen appareat esse illos intrinsecus lupos rapaces.

 

De libero arbitrio

 

            15. Negant ullum hominis liberum esse arbitrium, idque adeo impudenter, ut Calvinus impudentiae accuset graecos Patres, falsitatis latinos, quod hi liberi arbitrii, illi αύτεξούσιον vocabulis fere semper usi sint. «Nimis ergo philosophice,» inquit, «hac de re locuti sunt, qui se Christi jactabant esse discipulos; nam quasi adhuc integer staret homo, semper apud Latinos liberi arbitrii nomen extitit; Graecos vero non puduit multo arrogantius usurpare vocabulum, siquidem αύτεξούσιον dixerunt, ac si potestas sui ipsius apud hominem» esset, etc. Lutherus autem, non minore audacia, librum inscripsit De servo arbitrio. [88]

            Contra quem errorem jam olim scripsit Beatus Augustinus quamplurima ex professo et pluribus locis, sed semper ita ut in eam recidat sententiam, quam semel pro constanti et perpetua propositione his verbis exposuit: «Est igitur,» inquit, «liberum arbitrium; quod quisquis negaverit, Catholicus non est.»

 

De peccato mortali

 

            16. Negant fideles posse peccare mortaliter, quia, inquit Calvinus, «Fidelium peccata venialia» sunt; «quia Dei misericordia condemnatio nulla est iis qui sunt in Christo Jesu, quia non imputontur, quia venia delentur.» Quasi vero Petri execrationes et Domini sui abnegationes, Davi-dis adulterium et homicidium, imo ipsius Adami et Evæ inobedientia non fuerint peccata mortalia! Quid ergo sibi voluit, qui Episcopo dixit in Apocalypsi: Nomen habes quod vivas, et mortuus es? Quid, quod David, tantis la-chrymis, tot singultibus petiit peccatum suum deleri, cor novum sibi creari, a sua iniquitate lavari, a peccato mundari[89], si, quia fidelis erat, nihil ei damnationis fuerat, neque ullum peccatum illi imputatum?

 

De quinque Sacramentis quæ novatores negant

 

            17. Negant Confirmationis, Ordinis, Matrimonii, Extremae Unctionis et Absolutionis ullum esse Sacramentum, contra id quod tam multis Sacrae Scripturae locis passim affirmatur. Sed nihil tantis theologis dignius, quam quod fatetur Calvinus, quaedam ex his Sacramenta fuisse Apostolorum temporibus, nunc vero esse negat; quasi Sacramenta non nisi ad tempus fuerint instituta, non ut tanto tempore durarent, quanto Ecclesia ipsa, hoc est, ad saeculi usque consummationem.

 

De Baptismi, efficacia

 

            18. Admittunt quidem reliqua duo Sacramenta: Baptismum et Eucharistiam; sed ita ut negent Baptismi ad peccatorum remissionem efficaciam; non enim, si Calvino credimus, aqua Baptismi «ablutionem et salutem nostram [90]» perficit, «aut purgandi, regenerandi et renovandi virtutem in se» continet. Quod tamen clarissime affirmat Paulus Apostolus, ad Titum, cum ait Christum salvos nos fecisse per lavacrum regenerationis; atque ita credendum esse præscripsit Concilium Nicaenum, itemque Constantinopolitanum, ipsaque Ecclesia universa solemni illa decantatione profitetur: «Confiteor unum Baptisma in remissionem peccatorum.»

 

De fidelium liberis non baptizatis

 

            19. Negant fidelium filios nasci filios iræ, aut damnationi obnoxios, etiam ante Baptismum; sic enim Calvinus: «Infantem ex» fideli «progenitum hæreditario jure secundum promissionis formulam jam a matris utero in foedere» contineri, ait. Quasi vero Apostolus non exclamet: Non qui filii carnis, ii filii Dei, sed quia filii sunt promissionis, æstimantur in semine. Atqui, promissio nullibi facta est iis qui aut ex sanguinibus, aut ex voluntate viri, aut ex voluntate carnis nati sunt; sed iis tantum qui renati sunt ex aqua et Spiritu Sancto, hoc est, qui ex Deo nati [91] sunt. Paulum sane, nec minus Davidem regem, ex fidelibus parentibus procreatos fuisse, nemo ambigit; et tamen hic se in peccatis conceptum, ille se natura filium irae fateri non dubitare. Gravis hac de re apud divum Augustinum extat sententia: «Quisquis dixerit quod in Christo vivificantur etiam parvuli qui sine Sacramenti perceptione de vita exeunt, hic profecto et contra apostolicam praedicationem venit, et totam condemnat Ecclesiam, ubi propterea cum baptizandis parvulis festinatur et curritur, quia sine dubio creditur aliter eos in Christo vivificari omnino non posse.» Hieronymus quoque, post Tertullianum: «Christiani,» inquit, «non nascuntur, sed fiunt.»

            Mitissima tamen apud Catholicos sententia illa est, quod non baptizati infantes, quibus nullum praeter originale peccatum imputari potest, damnantur paena damni tantum, non etiam sensus, gaudentque naturali fcelicitate, qualis quantaque maxima esse potest, ita ut etiam suo modo dent laudem Deo, quantum ad justitiam ejus, non modo vindicativam, sed etiam distributivam. [92]

 

De Sacramento Eucharistiæ

 

            20. Negant in Eucharistia corpus Christi verum et reale praesens esse vere ac realiter, et sub speciebus panis et vini contineri. Est enim hoc solemne Calvini et Calvinianorum omnium paradoxum, unde et Sacramentarii ab omnibus appellantur, propria veluti quadam et insigni nota, quod scilicet Sacramentum sine re fingant et constituant. Quo nomine non tantum ab omnibus orthodoxis damnantur; sed a Lutheranis quoque tanquam perfidi, rebelles et haeretici rejiciuntur.

            Huic autem istorum negationi, aut potius nugationi, repugnat ex diametro Mot illud Christi, sole clarius, caelo solidius: Hoc est corpus meum. Ad quod impugnan dum invitatus aliquando Lutherus, cum jam verecundiae fines omnes gnaviter transiisset, impugnare tamen erubuit, nimisque potens esse Mot illud professus est. Protestatus tamen, ne quid de pristina impudentia remisisse, aut cum Romana Ecclesia, per gratiam vel per sordes, [93] consensisse videretur, perlibenter se fuisse dissensurum, si vel minimam occasionem vidisset negandi audacter quod Christus tam aperte constanterque affirmasset. Satis itaque habuit negare transsubstantiationem, ut Christum suis exhiberet impanatum.

            Sacramentarii vero, qui tanto subtiliores sibi videntur quanto sunt revera impudentiores, dum ad ea verba respondere conantur, in quantam, Deus bone, opinionum ac verborum divisionem atque vertiginem inciderunt! In eam sane quae major videri debeat, quam qua turris Babylonicae aedificatores confusos legimus. Cum ad octuaginta quatuor usque diversissimas interpretationes ex eorum libris, optima fide, collegerit vir clarissimus Claudius Sanctesius, Episcopus Ebroicensis, in aureo illo suo opere De Eucharistia, quibus si addas omnes eas quae ab eo [94] tempore supervenerunt, non pauciores quam ducentas invenies, easque non modo diversas, sed etiam, quod in magno mendacio evenire necesse est, omnes pene invicem pugnantes. Neque hoc sine mirabili et providentissimo Dei Optimi Maximi judicio, ut qui tantum tantaeque unitatis Sacramentum immani illa contra Dei Mot negatione violare ac temerare ausi sunt, in abyssum divisionis hoc ipso prolabi necesse habuerint.

            Duae vero plausibiliores pluribus ex ista Calvinianorum colluvie interpretationes existimantur. Una quae in verbis Christi figuram et tropum inducit, et Mot substantivum est accipit pro significat. Altera quae, ut a verbis Christi minime recedere verbotenus videatur, admittit verum Christi corpus in Eucharistiae Sacramento esse, sed per fidem, non per realem et corporalem praesentiam, quae [95] praecedat manducationem; denique, ita esse, ut non sit; ita vere, ut tamen non nisi imaginarie. Qua posteriore interpretatione quid potest dici stultius, quid insanius?

            Prior vero [sane dignior est, quae ad grammaticorum quam ad theologorum scholas relegetur, ut toties vapulent miseri, quoties negabunt verbo est veritatem substantiae, non significationem ipsius, significari.] Quid vero isti tropologici dicerent, si textum hebraicum D. Matthaei vidissent, qui, sicut Evangelium conscripsit ea ipsa lingua qua Christus Dominus utebatur cum Sacramentum institueret atque cum hominibus in terris conversaretur, ita institutionis formulam praecipuam magisque observandam tradidisse credendus est; quam porro sic concepit: Accipite et manducate hoc corpus meum, nullo addito verbo est, aut alio ullo ejusmodi, pro quo Sacramentarii suum illud significat substituere, nobisque obtrudere possint. Quo admisso, illud certe etiam manifeste relinquitur, quod ab aliis Evangelistis omnibus, uno ore, et a divo Paulo (qui hoc ipsum accepit non a coapostolis, sed a Domino jam in Caelos assumpto) additum est graecum substantivum Mot έστί, non ea mente factum fuisse, ut commentitiae [96] isti interpretationi viam patefacerent, et Mot est pro significat unquam accipi vellent; sed ut eum ipsum sensum quem Matthaeus materna Christi lingua expressit apertius exprimerent, addito verbo substantivo ad pronomen hoc demonstrativum substantiae, et nomen substantivum corpus, subjectumque adjectivum meum, quo persona ipsa Christi enixissime significatur; itemque relativum quod, cujus eam esse vim et naturam sciunt grammatici omnes ut sit relativum substantiae, ne tot junctis verbis nihil penitus nisi substantiam et veritatem substantiae exprimentibus, dubitare quisquam posset, quin de vero ac reali corpore suo Christus Dominus in Sacramenti institutione sensisset, quod postea pro nobis datum et traditum est in cruce, non per figuram et significationem, sed vere ac realiter, ut figurae omnes Veteris Testamenti, consummato redemptionis opere, finirentur.

            Addamus illa quoque tam enixa verba Pauli: Qui [97] enim manducat aut bibit indigne, judicium sibi manducat et bibit, non dijudicans corpus Domini. Quid enim potuit scribi apertius, aut ad excludendam figuram istam et significationem commentitiam, aut ad eam quoque interpretationem explodendam, quae veritatem corporis Christi in fide accipientis, non in Sacramenti veritate constituit, plus tribuens fidei accipientis quam potentiae instituentis? Quis enim potest indignius manducare, quam qui omnino non credit esse corpus Christi? Atqui etiam is qui indigne manducat et bibit, ideo judicium sibi manducat et bibit, quia non dijudicat corpus Domini. Ergo verum corpus Domini est, etiamsi indigne et ab infideli manducetur. De quo ne dubitare quisquam possit, facere debent tot miracula, tot historiis testata, de sanguine effuso ex sacra hostia, nunc a Judaeo perfido, nunc ab impio haeretico sacrilege attentata; quorum miraculorum veritas etiamnum apparet apud Parisienses, Divionenses, et aliis plerisque Christiani orbis locis. [98]

 

De sacrosancto Missæ Sacrificio

 

            21. Negant ullum esse in Ecclesia Christi verum et nominis proprii sacrificium. Qua in negatione ut omnes hujus temporis haeretici inter se conveniunt, rati omnia se assecutos, quae moliuntur, si religioni nostrae sacrificium subtraliant, sine quo tamen, non magis quam sine Deo, stare religio potest. Ita et ab expresso Dei verbo, et ab omnium antiquorum Patrum et Christianorum fide, prorsus dissentiunt; quid enim clarius illis verbis: Hoc est corpus meum, quod pro vobis datur; Hic est sanguis meus, qui pro vobis et pro multis funditur in remissionem peccatorum? Nimirum datur sacrosanctum corpus illud, non solum nobis in Sacramentum, sed etiam pro nobis in Sacrificium. Cui autem pro nobis daretur, nisi Patri omnipotenti? Ac, ne quis etiam existimet sacrificium quidem esse, sed non propitiatorium, addidit Christus et expressit [99] disertis verbis: in remissionem peccatorum. Omitto Mot quod factum est per Malachiam Prophetam, de oblatione munda toto terrarum orbe offerenda; omitto alia pleraque ex Scripturis firmissima argumenta, quae theologi non omittunt. Satis enim superque fidem nostram adserit Mot illud quod os Domini locutum est, quo evidentissime et efficacissime probatur Eucharistiam non modo Sacramentum esse nobis exhibendum, sed etiam Sacrificium pro nobis offerendum.

            Quid vero esse potuit, quod miseros istos moverit, ut verborum Christi splendorem suis nugis obscurare voluerint? Dicam paucis; plura enim ex professo theologi. Unum illud, quod quasi novum et nobis inauditum, exclamant novatores: unicam oblationem esse pro peccato, qua Christus consummavit in sempiternum sanctificatos. Inde namque inferunt, nihil opus esse ut Christus seipsum offerat saepius. Ergo, inquies, a sacrificii Crucis positione ad sacrificii altaris eversionem isti argumentantur: hoc vero quis credat? Recte sentis, quisquis ita colligis; istorum [100] enim solemnis mos iste est, veritatem nimirum veritate destruere. Adeo verum est quod Tertullianus scripsit: «Varie diabolus semulatus est veritatem; affectavit illam aliquando defendendo concutere.» Eodem namque modo inferunt isti: Quia fides justificat, ergo charitatem non justificare; quia Christi justitia nobis imputatur, ergo nullam in nobis esse justitiam; quia Christus nobis meruit, ergo nulla in nobis esse merita; quia Christus est summus Pontifex, ergo nullum in Ecclesia esse summum Christi vicarium Pontificem; quia Christus mediator redemptionis unicus est, ergo nullum esse mediatorem intercessionis; quia Christus nobis jejunavit, ergo jejunare nos non debere; denique, ne singula persequamur, quia Sacramentum est signum, ergo nullam rem esse in Sacramento. Atque haec quidem apud vulgus imperitorum in speciem magna et plausibilia videntur. Quibus si addas: Christum pro fidelibus et electis omnibus et resurrexisse, et ad caelos ascendisse, ergo ex electis et fidelibus neminem aut resurrecturum, aut ad caelos ascensurum, aeque credent isti, si modo Lutherus aut Calvinus affirmet; idem enim argumentandi modus mendacium hoc evincit. [101]

            At apud eruditos, et sive in theologia, sive in logica melius versatos, sunt ista omnino ridicula; sciunt enim sic potius e contrario argumentari nos debere: Quia fides justificat, ergo multo magis charitatem justificare, sine qua fides mortua est; quia Christi justitia nobis imputatur, ergo realem et veram justitiam in nobis effici et procreari; quia Christus nobis meruit, ergo in nobis esse merita, quae meritis Christi nobis sunt comparata; quia Christus est summus Pontifex, ergo inter eos qui ejus vices interim gerunt, unum debere esse summum Pontificem; quia Christus mediator redemptionis unicus est, ergo multos esse posse et debere mediatores intercessionis, qui nobiscum ab eo pro nobis petant, ut redemptionis supe pretium et efficaciam nobis applicet; quia Christus nobis jejunavit, ergo multo magis nos, ad ejus exemplum et imitationem, jejunare oportere; quia Christus resurrexit et ad caelos ascendit, ergo nos, si non tantum fideles, sed etiam electi erimus, et resurrecturos et ad caelum ascensuros, quo modo Paulus ad Thessalonicenses argumentatur; denique, quia in Sacramento signum est, ergo rem quoque ipsam significatam adesse debere. [102]

            Similiter, ut ad rem nostram veniamus, quia Christus seipsum in sacrificium obtulit in cruce, inferamus potius: ergo in sacrificium quoque obtulit se in Eucharistia, ut nimirum sacrificium sacrificio commendaret et applicaret. Est equidem illud verissimum, sacrificio Crucis omnia consummata esse, nec oblatione ulla nova opus esse. At non eo minus verum illud quoque est, Eucharistiam esse sacrificium; non enim duo sunt sacrificia, Crucis et altaris, sed unicum; unica nempe res in utroque offertur, et ab unico offerente, unico fine et unico Patri. Idem nimirum Christus est qui in utroque et offert et offertur; unicus Pater caelestis, cui offertur, et in unicam remissionem peccatorum et nominis Dei sanctificationem. Proinde in modo tantum et forma differentia est, nam res quidem oblata idem Christus est, ut diximus; at in cruce, in propria specie et forma, modo crueuto; in Eucharistia vero, sub specie panis et vini, secundum ordinem Melchisedech, modo incruento. Finis ob quem offertur idem in utroque: remissio scilicet peccatorum. At non eodem modo in utroque [103] attingitur: nam in cruce remissio fit redemptione, satisfactione, reparatione immensa; in altari vero, redemptionis, satisfactionis, reparationis, usufructu et applicatione. Unicus Christus offert semetipsum; sed in cruce, sine ministerio cujusquam alterius inferioris sacerdotis; in altari, non solum per seipsum, ut in institutione, sed per administros ejus sacerdotii, quod secundum ordinem Melchisedech stabilivit, in omni loco seipsum oblationem mundam offerri voluit. Idem Deus cui offertur; sed in cruce, ut irato, et infenso toti generi humano; in Eucharistia, ut sedato et propitio, et parato benedicere omnibus, quibus primaevi sacrificii Crucis fructus applicatur.

            Ergo Missae oblatio non alia est, sed eadem cum oblatione Crucis, tantum abest ut sit contraria. Nec tam repetitio est oblationis factae in cruce, quam continuatio ac perseverans exhibitio, cum unico, perpetuo ac constantissimo voluntatis actu seipsum Christus Redemptor Patri obtulerit et offerat usque in aeternum, ut non saepius nec iteratis actibus, sed unico, et nulla alicujus cessationis interruptione [104] discreto actu, oblatio haec perficiatur ex parte Christi, quamvis respectu nostri et ministerii quod praestamus, et respectu externorum actuum, non tam continuata quam repetita, sed semper tamen eadem oblatio censeri merito possit. Sic sol unico et continuato actu lumen suum inferiori orbi semper offert et praestat, nec ulla noctium et dierum vicissitudine in seipso afficitur, licet, respectu nostri, repetito, quamvis eodem cursu, noctium et dierum diversitate distinguatur. Ita fit, ut qui sacrificium Missae et sacrificium Crucis duo sacrificia esse dixerit, verum dicat, propter distinctionem formae et modorum quibus offertur utrumque; at longe aptius loquatur, nec minus vere, imo verius, qui unum dixerit esse, propter identitatem, ut ita dicam, ejus qui et offert et offertur, ejus cui offertur et finis propter quem offertur; sicuti qui solem unum dixerit, verius utique dixerit, propter individuam unitatem substantiae solis, quam qui, propter dierum distinctionem, plures soles existimaverit nominandos. Atque haec quidem obiter dicta sint. [105]

            Sed quis non videat Sathanae fraudem? Tollunt ejus discipuli (nam et talem se in hoc argumento fatetur Lutherus) et destruunt sacrificium Missse, quasi vim omnem salutiferam in sacrificio Crucis reponi velint. Cum autem ad sacrificium Crucis devenerunt, omnem illi vim et virtutem adimunt, affirmantes, ut supra diximus, nihil eo actum fuisse; sed ad cruciatus inferni, nescio quos, de quibus in tota Scriptura ne Mot quidem, totius redemptionis nostrae summam omnem referunt; ut facile appareat, non aliud istorum consilium esse, quam unum spernere, et aliud non admittere.

 

De potestate Pastorum

 

            22. Negant Ecclesiae pastoribus ullam remittendi peccata et absolvendi potestatem factam esse a Christo Domino; cujus tamen verba quibus id ipsum affirmat, luce clariora sunt in Evangelio Matthaei et Joannis. [106]

 

De Christi descensu ad inferos

 

            23. Negant Christum vere ac historico sensu ad inferos descendisse, sed mystice tantum et sensu metaphorico, quantumcunque expressissime in Symbolo Apostolorum scriptum sit: «Descendit ad inferos.» Quasi vero Symbolum Apostolorum iis formulis conceptum sit et concipi debuerit, quae tam difficilem et reconditum sensum haberent, quem nemo hactenus, praeter Calvinum, aut eruere aut divinare potuisset; ac non potius iis, quae essent facillimae, et quae sensum Christiano cuilibet obvium haberent. Quam vero longe aliter divus Paulus, qui ad Ephesios exclamat de Christo: Quod autem ascendit, quid est, nisi quia et descendit in inferiores partes terrae?

 

De Sanctorum invocatione

 

            24. Negant Sanctos beatos a nobis invocandos esse, et consequenter negant ullum nobis cum illis, aut illis nobiscum, a Deo relictum esse commercium; in quo destruunt [107] quantum possunt «Sanctorum communionem» illam, quam Apostoli omnes, uno ore, docuerunt. Et quam dum coarctare vult Calvinus ad unius nobiscum fidei conjunctionem, imperite valde ac imprudenter facit, cum Sancti, beatitudinis comprehensores, non amplius credentes dici debeant, sed videntes; fidem namque in Beatis evacuari asseverat Apostolus.

 

De cura quam Sancti gerunt de nobis

 

            25. Negant Sanctos ullam nostri curam gerere, ullamque rerum nostrarum cognitionem habere. «Quis,» inquit Calvinus, «eo usque longas illis esse aures revelavit, quae ad voces nostras porrigantur?» Quam justius liceat mihi exclamare: Quis tam maledicam animam Calvino esse crederet, ac tam insipientem animam, ut auditum beatarum mentium longitudine aurium metiretur? An non Christus ipse revelavit Angelos de peccatorum poenitentia etiam in caelis gaudere? At quomodo gaudent, si non cognoscant? Si vero cognoscunt, quibus auribus id [108] perceperunt? Nam iisdem plane auribus animse Sanctorum voces nostras percipiunt; illis enim aequales sunt et aures et oculi et manus et pedes, cum idem Christus Dominus dixerit: Erunt aequales Angelis Dei.

 

De cura pro mortuis agenda

 

            26. Negant ullam a nobis curam pro mortuis agendam esse; negant defunctorum animas vivorum precibus juvari, ullumque mortuis locum superesse, in quo peccatorum remissionem consequi possint. Huic vero negationi obstat manifestissimum Scripturæ testimonium in Libris Machabaeorum: Sancta, inquit Spiritus Sanctus, et salubris cogitatio est pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur; sed et ipsius Christi, qui in Evangelio dicit, peccata quaedam esse quae nec in hoc sæculo remittantur, nec in futuro. Non ita locuturus, nisi peccata quaedam essent, quae in alio quoque saeculo remittuntur; quod nec ethnicus Plato ignoravit, qui solo naturalis rationis lumine illustratus, Purgatorium admisit. Quid vero D. Augustinus aliud [109] egit toto illo libro quem conscripsit: De cura pro mortuis agenda, nisi, ut vel ex ipsa libri inscriptione, doceret defunctos in Christo vivorum precibus adjuvari?

 

 

 

I. Première caractéristique des hérétiques de notre temps: La négation

 

            La première caractéristique de nos hérétiques, caractéristique qui, à mon jugement, ne manque pas d'importance, c'est qu'ils nient presque tout, n'affirment presque rien, si ce n'est qu'ils affirment la plupart du temps en niant, et nient en affirmant. Aussi est-il clair qu'ils sont du nombre de ceux dont Tertullien a écrit, à propos de tous les hérétiques: «Tout en croyant, ils ne croient pas.» Ils ne sont pas en cela semblables aux païens qui, comme dit le même auteur, «tout en ne croyant pas, croient.» Et je ne vois pas à qui mieux qu'à eux puisse convenir le nom d'άρυοΰμαι (je nie), que plusieurs grands écrivains ont estimé être le nom de l'Antéchrist, car la coutume habituelle de tous les antéchrists, c'est-à-dire des hérétiques, est d'établir presque toute leur doctrine sur la négation. S'ils font cela pour nous obliger à fournir nos preuves, se croyant eux-mêmes dispensés de prouver quoi que ce soit, en vérité ce sont de bien mauvais, non seulement théologiens, mais jurisconsultes. En effet, c'est un principe, pour [72] les auteurs comme pour les interprètes de notre Droit, qu'une chose ne peut être douteuse qu'autant que celui qui l'attaque en justice prouve son accusation, même si celle-ci consiste en une négation, surtout s'il s'agit de troubler quelqu'un qui se trouve en possession tranquille de la chose controversée. Autrement, je le demande, qu'y aura-t-il de certain, qu'y aurat-il de sûr, s'il suffit à un demandeur, même calomniateur, de nier? Nos hérétiques méritent vraiment que nous leur appliquions ce que saint Jean écrit dans son Apocalypse au sujet de ces sauterelles sortant du puits de l'abîme, qui ont, dit-il, à leur tête comme roi, l'ange de l'abîme, qui se nomme en hébreu Abaddon, en grec Apollyon, en latin Exterminans. Il signifie par là que les hérétiques ne construisent presque rien, mais détruisent tout; n'affirment rien, nient tout; sont tels enfin que, s'il faut les appeler chrétiens, il faut les dire chrétiens négativement, non pas affirmativement. Mais être chrétien négativement, n'est-ce pas, je le demande, ne pas être chrétien du tout?

 

De la puissance absolue de Dieu

 

            Nos hérétiques nient qu'en Dieu il y ait une puissance absolue: [73] «L'invention des scolastiques,» dit Calvin, «sur la puissance absolue de Dieu est un exécrable blasphème.» Et ailleurs, il appelle «impossible» ce qui n'a jamais été ou ne sera jamais. A cette négation est opposée l'affirmation du Christ, disant qu'il aurait pu prier son Père, et que son Père lui eût fourni plus de douze légions d'Anges; et aussi faire passer un chameau par le trou d'une aiguille; de même l'affirmation de Jean-Baptiste, que des pierres mêmes Dieu pourrait faire naître des fils à Abraham. Quelqu'un d'esprit sain ne niera pas davantage que Dieu ait le pouvoir de faire ce dont il menace: par exemple, la destruction de Ninive, et une infinité d'autres choses du même genre, que cependant Dieu n'a jamais ou faites ou voulu faire. Comme l'a écrit élégamment Tertullien contre Praxéas: «Dieu a pu (qu'on me fasse grâce!) donner des ailes à l'homme, comme il en a donné aux milans; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne l'a pas fait nécessairement. Il a pu détruire Praxéas» (ajoutons, si cela vous plaît, Luther et Calvin) «et tous les hérétiques; cependant, de ce qu'il l'a pu, il ne s'ensuit pas qu'il l'ait fait.» Or, ce n'est pas d'une puissance ordinaire que Dieu a pu tout cela, car autre a été l'ordre suivant lequel les choses ont été arrêtées et exécutées; c'est donc d'une puissance absolue, [74] c'est-à-dire d'une puissance libre de toute loi promulguée et de l'ordre de choses établi. Il ne s'agit pas cependant d'une puissance absolue, dans le sens de puissance affranchie de l'équité et de la justice, comme l'interprète à tort Calvin; car l'équité et la justice sont la loi intrinsèque de Dieu: loi qui n'est pas autre chose que Dieu lui-même, lequel étant sa loi à lui-même, aussi ne peut-il en aucune façon s'écarter de la loi et de l'équité.

 

De la volonté permissive de Dieu

 

            2. Ils nient en Dieu une volonté permissive, et cela contre les innombrables affirmations de la Sainte Ecriture, par exemple celles-ci, Psaume LXXX: Il les a abandonnés aux désirs de leur cœur; Actes, XIV: Il a laissé toutes les nations suivre leurs voies; Luc, VIII: Ils le prièrent de leur permettre d'entrer dans les porcs, et il le leur permit. Dieu veut donc bien des choses d'une volonté, non efficiente ou concourante, mais seulement permissive; c'est-à-dire que ce qui est mauvais, d'une malice qu'on appelle morale, ne peut provenir jamais de Dieu, qui est bon et la bonté même. [75]

 

De la simple prescience de Dieu

 

            3. Ils nient la simple prescience de Dieu. Voici, en effet, les paroles mêmes de Calvin: «Augustin n'est pas lui-même exempt parfois de cette superstition, comme lorsqu'il dit que l'endurcissement et l'aveuglement n'appartiennent pas à l'opération, mais à la prescience de Dieu; pourtant, un grand nombre de textes scripturaires ne supportent pas ces arguties,» etc. A cette négation on peut opposer ce qu'affirme çà et là la Sainte Ecriture, à savoir que Dieu a prévu la trahison de Judas, le reniement de Pierre, l'aveuglement des Juifs; toutes choses que le Christ a prédites et prévues, sans cependant les vouloir ou les faire.

 

De l'essence que le Fils de Dieu a de son Père

 

            4. Ils nient que le Fils de Dieu ait son essence du Père. Les Ecritures, au contraire, et le Christ lui-même, affirment que le Christ est. Fils du Père et procède du Père par génération. Qui donc peut, en effet, comprendre par un effort de son esprit ou de sa pensée, que celui qui est et est appelé Fils, n'ait pas son essence ou sa nature [76] de celui dont il est le Fils? Qu'a donc pu avoir le Fils du Père, sinon la Divinité? Qu'y a-t-il de commun entre le Père et le Fils en dehors de l'essence? Qu'a donc communiqué le Père au Fils, si ce n'est l'essence même? C'est pourquoi les Ecritures, les Conciles, les Pères, enfin tout l'univers chrétien, proclament que le Fils est «Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu.» Par conséquent, Dieu le Père possède la véritable essence divine, qu'il n'a ni de lui-même, contrairement à l'expression peu prudente de Calvin, ni de quelque autre, mais tout à fait de personne, l'essence n'engendrant pas et n'étant pas engendrée. Mais le Fils, qui a la même essence, l'a, non de personne, non de lui-même, mais du Père. Enfin, l'essence qui, si on la considère en elle-même, ne vient de personne, dans le Fils vient du Père.

 

De la mort du Christ

 

            5. Ils nient que la mort corporelle du Christ, si le Christ n'avait fait que subir cette mort, nous eût servi en quoi que ce soit: «Rien n'était fait,» dit Calvin, «si tout s'était borné à la mort corporelle du Christ.» Dieu immortel! chaque mot de l'Ecriture rapporte [77] notre salut au sang, à la croix, à la mort du Christ; tous les chrétiens proclament que le Christ a détruit notre mort par sa mort; tous les Saints chantent le cantique de leur rédemption par ces mots: Vous nous avez rachetés, ô Dieu, par votre sang. [Et ces crapauds osent coasser dans leurs mares,] que rien n'a été fait par cette mort vivifiante! Mais Isaïe va jusqu'à dire que nous avons été guéris par la seule meurtrissure du Christ. Enfin, notre vie est fille de la mort du Christ; celui qui cherche la vie ailleurs que dans cette mort a perdu la vie. Quelle n'est pas l'audace de ces hérétiques de dire que rien n'eût été fait par la mort du Christ, alors que, à cause de la dignité infinie de Celui qui l'a subie, la plus petite goutte de son sang royal et divin eût suffi à racheter des mondes innombrables!

 

Du Christ Législateur

 

            6. Ils nient que le Christ soit Législateur et, par suite, qu'aucune loi soit proposée dans l'Evangile. Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il faut que tu saches ce qu'est en définitive le Christ: or, le Christ en définitive n'est pas Législateur.» Et aussitôt, il traite de «pestilentielle» la doctrine du Christ Législateur. Et un [78] peu après: «Je travaille,» dit-il, «à désapprendre cette opinion invétérée du Christ Législateur et Juge, afin de la condamner et repousser.» Mais, tout au contraire, l'Epître de saint Jacques enseigne cette doctrine même, en appelant en propres termes le Christ Législateur, après Isaïe qui l'avait nommé du même nom en disant: Le Seigneur est notre Législateur.

 

Du Christ Juge

 

            7. Ils nient que le Christ soit Juge. Luther s'exprime, en effet, ainsi au passage cité plus haut: «J'étais persuadé de ces opinions pestilentielles.» Expliquant ensuite ces dernières, il énumère entre autres celle du Christ Juge, et dit qu'il travaille à la désapprendre. Tout autre est l'enseignement de saint Pierre, qui affirme ouvertement que le Christ a été établi par Dieu, Juge des vivants et des morts. Et les autres Apôtres n'ont pas une doctrine différente, eux qui d'une voix unanime prêchent que le Christ jugera les vivants et les morts.

 

De la Tradition non écrite

 

            8. Ils nient qu'il existe une Tradition simplement orale, et cela [79] contrairement à l'affirmation expresse de saint Paul dans l'Epître aux Thessaloniciens: Gardez, dit-il, les traditions que vous avez reçues, soit de vive voix, soit par lettre. Et en réalité, quelle sera la certitude et l'autorité des Saintes Ecritures, si l'on supprime la Tradition, puisque cette certitude et cette autorité peuvent se prouver non par le témoignage de l'Ecriture, mais seulement par la Tradition? Pourquoi appellerons-nous Livres canoniques les Evangiles de Matthieu et de Luc, plutôt que ceux de Thomas et de Nicodème? Et si quelqu'un se met à nier cela et à rejeter, avec nos hérétiques, la Tradition non écrite, comment arriverons-nous à trouver une preuve contre lui? En outre, où étaient donc l'Eglise et la foi de l'Eglise pendant tous les siècles où les matières de foi étaient traitées, non par l'écriture, mais seulement par la parole? Est-ce que l'Eglise n'a pas été antérieure aux Ecritures? Dans quel endroit de l'Ecriture trouveront-ils quelque chose qui nous oblige à croire qu'il faut ajouter foi seulement à ce qui est écrit? Que dire du Baptême des enfants; du Dimanche à sanctifier, de préférence à tout autre jour, en remplacement du Sabbat juif; de la création des Anges, et de tant d'autres choses du même genre dont la croyance est très certaine dans l'Eglise, et même parmi tous les [80] hérétiques, mais dont la preuve par l'Ecriture est tout à fait inexistante? C'est bien autrement, et magnifiquement comme toujours, que parle Augustin: «Je ne croirais pas à l'Evangile, si» l'Eglise ne me disait que c'est l'Evangile.

 

Des Livres canoniques

 

            9. Ils nient que, parmi les Livres de la Sainte Ecriture, ceux de Judith, de Baruch, de la Sagesse, de l'Ecclésiastique, des Machabées et de Tobie aient une autorité canonique, attendu qu'ils n'appartiennent pas au Canon des Juifs; comme s'il fallait attribuer une autorité plus grande à la Synagogue juive qu'à l'Eglise Catholique universelle, laquelle, d'un consentement unanime, a toujours tenu ces Livres pour canoniques. Quelques-uns, parmi ceux-ci, n'ont été écrits qu'après la fixation du Canon des Juifs: qui s'étonnera donc de ne pas les voir insérés dans ce Canon, si ce n'est celui qui, par ignorance de la chronographie, ne sait pas que c'est là une impossibilité? [81]

 

De l'Epître de saint Jacques

 

            10. Ils nient que l'Epître de saint Jacques soit canonique, en ce sens que, lorsqu'on la leur oppose, ils mettent en doute la foi et l'autorité qu'elle mérite, foi et autorité qui ont cependant été toujours très certaines et assurées. Luther, en effet, dans le livre qu'il a écrit Sur la captivité de Babylone, a.u chapitre Du Sacrement de l'Extrême-Onction, répondant à un argument tiré de l'autorité évidente de saint Jacques en faveur de l'Extrême-Onction, expose en ces termes son opinion: «Je dis, moi, que si jamais on a déliré, c'est surtout en cet endroit qu'on l'a fait. Je laisse de côté, en effet, que plusieurs affirment avec grande probabilité que cette Epître n'est pas de l'Apôtre Jacques, ni digne de l'esprit apostolique, bien que par l'usage elle ait obtenu de l'autorité, quel que soit par ailleurs son auteur. Toutefois, même si elle était de l'Apôtre Jacques, je dirais qu'il n'appartient pas à un Apôtre d'instituer un Sacrement de sa propre autorité.»

            Voyez-vous l'audace et l'impudence de cet homme qui, non content d'avoir détruit autant qu'il l'a pu l'autorité de l'Epître apostolique, accuse encore l'Apôtre d'arrogance, si c'est lui qui a écrit [82] l'Epître, en s'attribuant le droit d'instituer un Sacrement! L'insensé apostat ne voit pas que l'Apôtre agit comme il le fait, non pour instituer le Sacrement de l'Extrême-Onction, mais pour exhorter les fidèles à en user; ce qu'il n'aurait certes pas fait, si le Christ n'avait lui-même institué ce Sacrement.

 

De la difficulté des Ecritures

 

            11. Ils nient que les Saintes Ecritures contiennent des difficultés qui empêchent les fidèles de les comprendre aisément, de sorte qu'elles sont plus claires et plus faciles que les commentaires de tous les Pères. Par cette négation ils accusent de mensonge saint Pierre, lequel, quoique fidèle lui-même et instruit (à moins qu'il n'ait été peut-être inférieur à Luther en foi et en doctrine), a écrit cependant que les Epîtres de saint Paul contiennent beaucoup de passages difficiles, que les infidèles et ceux qui sont peu instruits dénaturent, dit-il, comme les autres Ecritures, pour leur perdition. Mais quelle sera donc l'utilité, quelle sera surtout la nécessité des Docteurs dans l'Eglise de Dieu, si les rêves de ces hérétiques sont conformes à la réalité? A quoi serviront tant de [83] commentaires des Pères, composés au prix de tant de veilles et d'études, achevés au prix de tant de fatigues, s'ils sont plus difficiles et plus obscurs que les saints Livres qu'ils ont prétendu expliquer?

 

De l'Eglise visible

 

            12. Ils nient que la véritable Eglise soit visible. Si cela était, pourquoi le Christ notre Seigneur l'aurait-il comparée à une ville située sur une montagne, à un festin, à un bercail, à un édifice construit sur le roc? Pourquoi, en outre, nous renverrait-il à l'Eglise par ces paroles de l'Evangile: Dis-le à l'Eglise? Ne rendent-ils pas le Christ ridicule et imposteur, lui qui nous renvoie à l'Eglise, si celle-ci est invisible et si l'on ne peut l'apercevoir?

 

Du jugement infaillible de l'Eglise

 

            13. Ils nient que le jugement de l'Eglise Catholique et visible soit infaillible en matière de foi. A cette négation est certes contraire l'affirmation du Christ: Les portes de l'enfer ne prévaudront [84] point contre elle; de même celle de Paul, qui l'appelle colonne et soutien de la vérité. Et effectivement, si l'on nous traitait d'une manière assez funeste et inhumaine pour que l'Eglise universelle pût errer en matière de foi et au sujet du vrai sens à attribuer à la Parole de Dieu, quel homme, je le demande, croirait qu'il ne peut errer? Mais celui qui croit qu'il peut errer, comment peut-il être certain de ne pas errer? Ce sera ainsi une conséquence nécessaire, que tous devront marcher dans l'incertitude au sujet de la foi et du sens à attribuer aux Saintes Ecritures. Où se rencontrera donc ce qui doit être pour nous tellement certain et assuré, que si un Ange du ciel voulait nous enseigner le contraire nous ne devrions pas le croire? Et, en effet, qui ne devrait plutôt croire à un Ange du ciel qu'à soi-même, si d'un autre côté l'autorité et la certitude de foi de l'Eglise était supérieure à l'autorité contraire de n'importe quel ange, en admettant, par impossible, qu'il puisse jamais exister une telle autorité contraire?

 

De l'autorité des Conciles généraux

 

            14. Ils nient que l'autorité des Conciles, même généraux, soit [85] telle que nous devions y adhérer fermement, à tel point qu'ils affirment le droit, non seulement pour le peuple, mais pour chaque homme privé, de peser et d'examiner la doctrine des Conciles en la confrontant avec l'Ecriture. Voici, en effet, les paroles de Luther: «Il appartient à tous les chrétiens et à chacun d'eux de connaître et de juger de la doctrine, et cela leur appartient tellement, qu'il faudrait dire anathème à quiconque léserait ce droit le moins du monde Car le Christ a dit: Gardez-vous des faux prophètes... Cette seule autorité suffit contre les sentences de tous les Pontifes, de tous les Pères, de tous les Conciles, de toutes les écoles, qui ont accordé le droit de juger et de décider aux seuls Evêques et ministres, et l'ont, d'une manière impie et sacrilège, arraché au peuple, c'est-à-dire à l'Eglise-reine.» Un peu plus loin il s'en prend au roi Henri: «Et pour faire ici mention de mon Henri et des sophistes qui font dépendre leur foi de la durée des temps et de la multitude des hommes, tout d'abord on ne peut nier que ce soit depuis plus de mille ans que le droit en question a été tyranniquement ravi; car dans le Concile de Nicée, le meilleur de tous cependant, on commençait déjà à faire des lois et à s'attribuer le droit susdit.» Et peu après il ajoute: «Il est hors de controverse que le droit de connaître de la doctrine, d'en juger ou de l'approuver réside en [86] nous-mêmes, non dans les Conciles, chez les Pontifes, les Pères, les Docteurs.»

            Je vous le demande, qui que vous soyez qui lisez ces phrases, a-t-on jamais rien écrit de plus arrogant et de plus impudent? Ce ne sont pas les Conciles, les Pontifes, les Pères, les Docteurs qui ont le droit de connaître et de juger des doctrines, mais le seul Luther; bien mieux, le premier venu de la lie du peuple, pourvu qu'il soit luthérien (car j'imagine que c'est là le sens de Luther; autrement c'en serait fini de lui et de tous les luthériens, s'ils avouaient qu'il faut croire à Calvin et aux calvinistes au sujet de l'interprétation des Ecritures). Et s'ils ont ce droit parce que chrétiens, est-ce que les Pontifes, les Pères, les Docteurs ne sont pas aussi chrétiens? Ils l'auront en tant que brebis, non en tant que pasteurs. Belle raison vraiment, qui en arrive à faire conduire, régir et juger le pasteur par sa brebis!

            Cependant, insiste-t-on, le Christ a averti chacun de prendre garde aux faux prophètes. Qui le nie? Toutefois, est-ce parce qu'il veut que chacun juge de leur doctrine, comme le pense Luther? Pas le moins du monde; mais parce que chacun peut facilement se rendre compte de leur personne (comme nous le faisons, pour notre trop grand malheur, à l'égard des luthériens et des calvinistes) [87] au moyen de leurs fruits et de leurs œuvres; car ils viennent et ne sont pas envoyés, ils dispersent les brebis et divisent le troupeau, en sorte que, malgré leurs apparences de brebis, il est facile de reconnaître qu'ils sont au-dedans des loups ravisseurs.

 

Du libre arbitre

 

            15. Ils nient que l'homme ait aucunement le libre arbitre, et cela si impudemment, que Calvin accuse d'audace les Pères grecs, et de fausseté les latins, parce que ceux-ci se sont presque toujours servis du mot de libre arbitre, et ceux-là du mot de pouvoir propre. «Ils ont,» dit-il, «parlé sur ce sujet trop en philosophes, eux qui se vantaient d'être les disciples du Christ. En effet, le mot de libre arbitre a toujours été en usage chez les Latins, comme si l'homme était encore dans l'intégrité de la justice originelle. Mais les Grecs n'ont pas eu honte d'employer une expression beaucoup plus arrogante, en parlant de pouvoir propre, comme si l'homme conservait le pouvoir sur lui-même,» etc. Luther, de son côté, avec une audace non moins grande, a intitulé un de ses livres: Du serf arbitre. [88]

            Contre cette erreur, le bienheureux Augustin a déjà écrit autrefois abondamment, ex professo et en nombre d'endroits, mais toujours pour en revenir à la doctrine qu'il a une fois exposée en ces mots résumant bien sa constante et persévérante pensée: «Il y a donc un libre arbitre, et celui qui le nie n'est pas Catholique.»

 

Du péché mortel

 

            16. Ils nient que les fidèles puissent pécher mortellement, parce que, dit Calvin, «les péchés des fidèles sont véniels; la raison en est que, grâce à la miséricorde divine, il n'y a pas de condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, leurs péchés ne leur sont pas imputés, ils sont effacés par le pardon.» Comme si les imprécations et les reniements de Pierre à l'égard de son Maître, l'adultère et l'homicide de David, bien mieux, la désobéissance d'Adam et d'Eve n'avaient pas été des péchés mortels! Qu'a donc voulu dire celui qui, dans l'Apocalypse, a adressé ces paroles à l'Evêque: Tu as un nom de vivant, et tu es mort? Pourquoi donc David a-t-il, au prix de tant de larmes, de tant de sanglots, demandé que son péché fût effacé, qu'un cœur nouveau fût créé en lui, qu'il fût lavé de son iniquité, purifié de son péché, si, puisqu'il était [89] fidèle, il n'avait à craindre aucune condamnation, aucune imputation de péché?

 

Des cinq Sacrements que nient les novateurs

 

            17. Ils nient l'existence, comme Sacrements, de la Confirmation, de l'Ordre, du Mariage, de l'Extrême-Onction et de l'Absolution, et cela contre l'enseignement de la Sainte Ecriture en tant d'endroits. Mais rien n'est plus digne de ces grands théologiens que ce qu'affirme Calvin, lorsqu'il dit que certains de ces Sacrements ont existé au temps des Apôtres, qui cependant n'existent plus aujourd'hui; comme si les Sacrements n'avaient été institués que pour un temps, non pour tout le temps que devait durer l'Eglise elle-même, c'est-à-dire jusqu'à la consommation des siècles!

 

De l'efficacité du Baptême

 

            18. Ils admettent, il est vrai, les deux autres Sacrements, le Baptême et l'Eucharistie, en niant toutefois l'efficacité du Baptême à remettre les péchés. S'il faut, en effet, en croire Calvin, l'eau du Baptême n'opère pas «notre ablution et notre salut,» ne contient [90] pas «en soi la vertu de purifier, de régénérer et de renouveler.» Tout ceci cependant est affirmé très clairement par l'Apôtre Paul dans son Epître à Tite, lorsqu'il dit que le Christ nous a sauvés par le bain de la régénération. C'est aussi ce qu'a ordonné de croire le Concile de Nicée, et encore celui de Constantinople, et ce que l'Eglise universelle elle-même proclame en chantant cette solennelle affirmation: «Je confesse un Baptême pour la rémission des péchés.»

 

Des enfants non baptisés des fidèles

 

            19. Ils nient que les fils des fidèles naissent enfants de colère ou soumis à la damnation, même avant le Baptême. Voici, en effet, ce que dit Calvin: «L'enfant d'un fidèle, dès le sein, de sa mère est compris dans l'alliance par droit héréditaire, selon la formule de la promesse.» Comme si vraiment l'Apôtre ne s'écriait pas: Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, mais ce sont les enfants de la promesse qui sont regardés comme la postérité. Or, la promesse n'a nulle part été faite à ceux qui sont nés du sang, ou de la volonté de l'homme, ou de la volonté [91] de la chair; mais seulement à ceux qui renaissent de l'eau et de l'Esprit-Saint, c'est-à-dire qui sont nés de Dieu. Personne ne doute que Paul, et encore moins le roi David, n'aient été engendrés par des parents fidèles; et cependant ils n'hésitèrent pas à se confesser, le dernier, conçu dans le péché, le premier, enfant de colère par nature. Sur ce sujet il existe une importante déclaration de saint Augustin: «Celui qui dit que dans le Christ sont vivifiés même les enfants qui quittent la vie sans avoir reçu le Sacrement, celui-là va certainement contre la prédication des Apôtres, et condamne toute l'Eglise, à laquelle on s'empresse de courir pour faire baptiser les enfants, précisément parce qu'on croit sans hésitation qu'ils ne peuvent en aucune antre façon être vivifié» dans le Christ.» De même saint Jérome écrit, après Tertullien: «On ne naît pas chrétien, on le devient.»

            Cependant, c'est une opinion bien peu sévère que celle des catholiques au sujet des enfants non baptisés, auxquels ne peut être imputé d'autre péché que le péché originel: à savoir, qu'ils sont, condamnés à la peine du dam seulement, non à celle du sens, et qu'ils jouissent d'un bonheur naturel le plus grand possible en qualité et en quantité, en sorte qu'ils rendent gloire à Dieu pour sa justice, non seulement vindicative, mais aussi distributive. [92]

 

Du Sacrement de l'Eucharistie

 

            20. Ils nient que dans l'Eucharistie le corps du Christ, vrai et réel, soit vraiment et réellement présent, et soit contenu sous les espèces du pain et du vin. C'est, en effet, ici l'enseignement paradoxal sur lequel Calvin et les calvinistes reviennent sans cesse; ce qui les fait appeler par tout le monde les Sacramentaires, caractéristique qui leur est attribuée en propre et les distingue, parce qu'ils imaginent et inventent un Sacrement sans la chose de ce Sacrement. Sous ce nom ils sont, non seulement condamnés par tous les orthodoxes, mais encore rejetés même par les luthériens, comme perfides, rebelles et hérétiques.

            A cette négation, ou plutôt à cet enfantillage des sacramentaires, s'oppose diamétralement cette parole du Christ, plus claire que le soleil, plus inébranlable que le firmament: Ceci est mon corps. Un jour Luther, à une époque où cependant il avait déjà abandonné entièrement toute retenue, fut invité à attaquer la parole en question; mais il eut honte, cette fois, de l'attaquer, et confessa qu'elle était trop forte. De peur toutefois qu'on ne crût qu'il avait apporté un tempérament à son impudence passée et, de bon gré ou par bassesse, adopté l'opinion de l'Eglise Romaine, il protesta qu'il [93] eût volontiers rejeté cette opinion, s'il avait aperçu la moindre possibilité de nier avec audace ce que le Christ avait affirmé d'une manière aussi ouverte et aussi constante. Il se contenta donc de nier la transsubstantiation, de façon à offrir à ses partisans un Christ présent dans le pain.

            Quant aux sacramentaires, qui se croient d'autant plus subtils qu'ils sont en fait plus impudents, bonté de Dieu! à quelle abondance follement variée d'opinions et d'expressions ne se sont-ils pas laissés aller lorsqu'ils se sont efforcés d'expliquer les paroles du Christ! Ici la confusion a été plus grande, semble-t-il, que celle que nous lisons avoir régné parmi les bâtisseurs de la tour de Babylone. C'est à ce point que le très illustre Claude de Sainctes, évêque d'Evreux, dans son excellent ouvrage De Eucharistia, a pu parfaitement tirer de leurs livres jusqu'à quatre-vingt-quatre interprétations fort différentes. Si on y joint toutes celles qui ont été surajoutées depuis, on n'en trouve pas moins de deux cents, et [94] non seulement diverses, mais aussi, ce qui ne peut manquer d'arriver dans un mensonge de cette importance, presque toutes se contredisant mutuellement. Ceci ne s'est pas produit sans un jugement admirable et profondément sage du Dieu très bon et très grand: il fallait, en effet, que ceux qui ont osé, par cette épouvantable négation allant à l'encontre de la parole divine, violer et profaner un si grand Sacrement, un si parfait symbole d'unité, fussent précipités par là même dans un abîme de division.

            Parmi ce déluge d'opinions calvinistes, deux paraissent être plus plausibles que les autres si nombreuses. L'une est celle qui introduit dans les paroles du Christ une façon de parler métaphorique, et prend le verbe être dans le sens de signifier. L'autre est celle qui, pour ne pas avoir l'air de s'écarter même matériellement des paroles du Christ, admet que son vrai corps se trouve dans le Sacrement de l'Eucharistie, mais par la foi, non par une présence réelle et corporelle qui précéderait la manducation; en somme, [95] qu'il s'y trouve sans s'y trouver, et que cette présence n'est vraie qu'en imagination. Que peut-on émettre de plus sot, de plus insensé que cette dernière interprétation?

            Quant à la première, [ses misérables défenseurs méritent vraiment d'être plutôt renvoyés à l'école de grammaire qu'à celle de théologie, pour y recevoir les verges toutes les fois qu'ils nieront que le verbe être désigne la vérité de la substance, non sa simple signification.] Mais que diraient ces partisans de métaphores s'ils avaient vu le texte hébraïque de saint Matthieu? Ce dernier, qui a écrit son Evangile dans la langue même dont se servait Notre-Seigneur Jésus-Christ lorsqu'il instituait le Sacrement et lorsqu'il conversait avec les hommes sur terre, a dû nous transmettre la formule d'institution qui mérite d'être préférée aux autres et doit fixer davantage notre attention. Or, voici ses expressions: Prenez et mangez ce mien corps, sans addition du verbe être ou de tout autre semblable auquel les sacramentaires puissent substituer et nous imposer leur signifie. Cela admis, il reste en outre certainement manifeste que l'addition du verbe grec substantif (est), faite d'un commun accord par tous les autres Evangélistes et par [96] saint Paul (celui-ci d'après l'enseignement, non de ses collègues en apostolat, mais du Seigneur déjà monté au Ciel), que cette addition, disons-nous, n'a pas été, faite dans le but d'aplanir la voie à l'interprétation mensongère ci-dessus et de faire croire qu'ils voulaient donner au verbe est le sens de signifie; mais pour exprimer plus ouvertement le même sens que saint Matthieu a exprimé dans la langue maternelle du Christ. Ils ont pour cela ajouté le verbe substantif au pronom ce, démonstratif de la substance, au nom substantif corps, et à l'adjectif dépendant mien, qui indique très énergiquement la personne elle-même du Christ; de même ils ont ajouté le relatif qui, dont la portée naturelle, comme le savent tous les grammairiens, est d'exprimer une relation avec la substance. En sorte qu'il est impossible à personne, devant tant de mots réunis qui n'expriment que la substance et la vérité de la substance, de douter de l'intention que Notre-Seigneur Jésus-Christ a eue, en instituant son Sacrement, de parler de son corps véritable et réel, celui-là même qui ensuite fut donné et livré pour nous sur la croix, non en figure et signification, mais vraiment et réellement, afin que toutes les figures de l'Ancien Testament prissent fin avec la consommation de l'oeuvre de la rédemption.

            Ajoutons ces paroles si fortes de saint Paul: Car celui qui mange [97] ou boit indignement, mange et boit sa propre condamnation, en ne discernant pas le corps du Seigneur. Qu'a-t-on pu écrire de plus clair, soit pour exclure le sens mensonger de simple figure et signification, soit pour éliminer l'autre interprétation qui met la vérité du corps du Christ dans la foi du communiant, non dans la vérité du Sacrement, et attribue ainsi plus de valeur à la foi du communiant qu'à la puissance de Celui qui a institué le Sacrement? Comment, en effet, communier plus indignement qu'en ne croyant point à la présence du corps du Christ? Or, même celui qui mange et boit indignement, ne mange et boit sa propre condamnation que parce qu'il ne discerne pas le corps du Seigneur. Donc, le vrai corps du Seigneur est là, même s'il est mangé indignement et par un infidèle. Pour enlever tout doute à ce sujet, nous avons un grand nombre de miracles, attestés en de multiples relations historiques, où telle ou telle hostie consacrée, sacrilègement profanée, ici par un Juif perfide, là par un hérétique impie, a répandu du sang: miracles dont la vérité apparaît encore de nos jours aux yeux des habitants de Paris, de Dijon et de nombreux endroits de l'univers chrétien. [98]

 

Du très saint Sacrifice de la Messe

 

            21. Ils nient qu'il y ait dans l'Eglise du Christ un vrai sacrifice, un sacrifice méritant proprement ce nom. Tous les hérétiques de ce temps sont d'accord sur cette négation, et pensent avoir pleinement atteint leur but s'ils enlèvent à notre religion un sacrifice, sans lequel cependant la religion ne peut pas plus subsister que sans Dieu. Tous aussi, par le fait même, s'éloignent de l'enseignement exprès de Dieu et de la foi de tous les anciens Pères et de tous les chrétiens. Quoi de plus clair, en eflet, que ces paroles: Ceci est mon corps qui est donné pour vous; Ceci est mon sang qui est répandu pour vous et pour plusieurs en rémission des péchés? Sans nul doute, ce corps très saint est donné, non pas seulement à nous en Sacrement, mais aussi pour nous en Sacrifice. Mais à qui serait-il donné pour nous, si ce n'était au Père tout-puissant? Et pour que personne ne puisse penser que c'est bien un sacrifice, mais [99] non une hostie de propitiation, le Christ a ajouté en propres termes: en rémission des péchés. Je laisse de côté l'annonce faite par le Prophète Malachie, d'une oblation pure qui serait offerte dans le monde entier; j'omets bien d'autres très solides arguments scripturaires que les théologiens, eux, n'omettent pas. Notre foi est surabondamment établie par la parole ci-dessus, prononcée par la bouche du Seigneur, qui prouve avec la plus grande force et évidence que l'Eucharistie n'est pas uniquement un Sacrement devant nous être présenté, mais encore un Sacrifice devant être offert pour nous.

            Qu'est-ce donc qui a pu pousser ces malheureux à obscurcir de leurs balivernes la splendeur des paroles du Christ? Je le dirai en peu de mots, laissant aux théologiens le soin de développer l'argument. Je me contenterai de mentionner cette affirmation retentissante des novateurs, que ceux-ci présentent comme quelque chose de nouveau et d'inouï pour nous: à savoir, qu'il y a une oblation unique, par laquelle le Christ a procuré la perfection pour toujours à ceux qui sont sanctifiés. Ils en déduisent qu'il n'est pas besoin que le Christ s'offre plus souvent. Mais alors, dira quelqu'un, ces hérétiques renversent le sacrifice de l'autel en se basant sur le sacrifice de la Croix: qui peut vraiment croire cela? Tu es [100] dans le vrai en tirant une semblable conclusion; car la coutume ordinaire de ces hérétiques est de détruire une vérité par une vérité. Tant est juste ce que Tertullien a écrit: «Le démon a varié ses moyens pour attaquer la vérité; il a parfois affecté de la défendre pour l'abattre.» Pareilles sont ces autres conclusions de nos hérétiques: La foi justifie, donc la charité ne justifie pas; la justice du Christ nous est imputée, donc il n'y a en nous aucune justice; le Christ a mérité pour nous, donc nous n'avons aucun mérite; le Christ est souverain Pontife, donc il n'y a dans l'Eglise aucun souverain Pontife, vicaire du Christ; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il n'existe aucun médiateur d'intercession; le Christ a jeûné pour nous, donc nous ne devons pas jeûner; enfin, pour ne pas tout énumérer, le Sacrement est un signe, donc dans le Sacrement il n'y a aucune réalité. Tout cela paraît quelque chose de grand et de plausible aux yeux du vulgaire ignorant. Et si vous ajoutez: le Christ est ressuscité et il est monté aux cieux pour tous les fidèles et les élus, donc personne ne ressuscitera et ne montera aux cieux, le vulgaire le croira aussi, pourvu toutefois que ce soit Luther ou Calvin qui l'affirme; c'est, en effet, par un argument de même sorte que le leur que s'obtient ce dernier mensonge. [101]

            Mais auprès des savants et de ceux qui sont davantage versés dans la connaissance, soit de la théologie, soit de la logique, tous ces raisonnements sont parfaitement ridicules; car les gens instruits savent qu'il nous faut, au contraire, raisonner ainsi: La foi justifie, donc bien plus la charité justifie, elle sans laquelle la foi est morte; la justice du Christ nous est inciputée, donc une réelle et vraie justice est produite en nous; le Christ a mérité pour nous, donc nous avons des mérites que nous ont valus les mérites du Christ; le Christ est souverain Pontife, donc parmi ceux qui pour le moment le remplacent, il faut qu'il y en ait un qui soit souverain Pontife; le Christ est l'unique médiateur de rédemption, donc il peut et il doit y avoir de nombreux médiateurs d'intercession, qui, avec nous et pour nous, implorent de lui qu'il nous applique le prix et l'efficacité de sa rédemption; le Christ a jeûné pour nous, donc à plus forte raison devons-nous jeûner à son exemple et imitation; le Christ est ressuscité et monté aux cieux, donc nous aussi, si nous sommes non pas seulement fidèles, mais aussi élus, nous ressusciterons et monterons aux cieux, selon le raisonnement de Paul dans son Epître aux Thessaloniciens; enfin, il y a un signe dans le Sacrement, donc il faut que la chose signifiée y soit aussi. [102]

            De même, pour arriver à ce qui noua occupe, de ce que le Christ s'est offert lui-même en sacrifice sur la croix, concluons plutôt qu'il s'est aussi offert en sacrifice dans l'Eucharistie, but évident de recommander et appliquer le premier sacrifice par le second. Il est très vrai que par le sacrifice de la Croix tout a été consommé et qu'il n'est nul besoin d'une nouvelle oblation; toutefois il n'est pas moins vrai que l'Eucharistie est un sacrifice: il n'y a pas, en effet, deux sacrifices, celui de la Croix et celui de l'autel, mais un seul, parce que, d'un côté comme de l'autre, c'est une même chose qui est offerte, par un même sacrificateur, à une même fin et au même Père. Car c'est le même Christ qui, de part et d'autre, offre et est offert; c'est le seul Père céleste à qui est faite l'offrande, et cela pour la seule rémission des péchés et sanctification du nom de Dieu. Par conséquent, la différence n'est que dans la manière et la forme, puisque, comme nous l'avons dit, la chose offerte est le même Christ; mais sur la croix il est offert dans sa propre apparence et forme, d'une manière sanglante, tandis que dans l'Eucharistie, il l'est sous l'espèce du pain et du vin, selon l'ordre de Melchisédech, d'une manière non sanglante. La fin pour laquelle il est offert est la même des deux côtés: à savoir, la rémission des péchés; mais elle n'est pas atteinte de la même façon dans l'un [103] et l'autre cas, attendu que sur la croix la rémission se fait par une rédemption, satisfaction et réparation sans bornes, tandis que sur l'autel, elle se fait par l'usufruit et l'application de cette rédemption, de cette satisfaction, de cette réparation. C'est le même Christ qui s'offre lui-même, mais sur la croix c'est sans le ministère d'un autre prêtre inférieur; sur l'autel, c'est non seulement par lui-même, comme au jour de l'institution [du Sacrement], mais aussi par les co-ministres de son sacerdoce établi par lui selon l'ordre de Melchisedech, qu'il a voulu être offert en tout lieu comme une oblation pure. C'est un même Dieu à qui l'offrande est faite, mais sur la croix, c'est à un Dieu irrité et courroucé contre tout le genre humain; dans l'Eucharistie, c'est à un Dieu apaisé et favorable, tout disposé à faire du bien à ceux auxquels est appliqué le fruit du premier sacrifice de la Croix.

            Par suite, le sacrifice de la Messe n'est pas différent, mais est le même que celui de la Croix, bien loin de lui être contraire. Il n'est pas tant la répétition de l'offrande faite sur la croix, que sa continuation et sa reproduction persévérante, puisque l'acte de volonté, par lequel le Christ Rédempteur s'est offert et s'offre pour toujours au Père, est unique, perpétuel et très constant. De manière que cette oblation s'opère, de la part du Christ, non plusieurs fois ou [103] par des actes réitérés, mais par un acte unique que ne vient interrompre aucune cessation, bien que, par rapport à nous et à notre ministère, et par rapport aux actes extérieurs, cette oblation soit plutôt répétée que continue, tout en méritant toujours d'être considérée comme une même oblation. Ainsi le soleil, par un acte unique et continu, offre et communique sa lumière au monde inférieur, et n'est aucunement affecté en lui-même par l'alternance des nuits et des jours, bien que, par rapport à nous, la diversité des nuits et des jours nous fasse distinguer en lui un cours sans cesse recommencé dans son unité. Ainsi donc, celui qui dirait que le sacrifice de la Messe et celui de la Croix sont deux sacrifices, dirait vrai à cause de la forme et des modes divers de la double offrande; mais il est bien mieux et non moins vrai, tout au contraire plus vrai, de parler d'un seul sacrifice, à cause de l'identité, pour ainsi dire, de Celui qui à la fois offre et est offert, de Celui à qui il est offert et de la fin pour laquelle il est offert. C'est comme pour le soleil: celui qui parlera d'un seul, à cause de l'unité indivise de la substance du soleil, s'exprimera avec plus de vérité que celui qui, à cause de la distinction des jours, estimera devoir parler de plusieurs soleils. Tout ceci soit dit en passant. [105]

            Mais qui ne voit la duperie de Satan? Les disciples de celui-ci (car en cette matière Luther se donne pour tel) font disparaître et détruisent le sacrifice de la Messe, comme pour reporter toute la vertu du salut du côté du sacrifice de la Croix. Cependant, lorsqu'ils passent au sacrifice de la Croix, ils lui enlèvent toute force et vertu, en affirmant, comme nous l'avons dit ci-dessus, que rien n'a été fait par lui, et ils réduisent toute l'œuvre de notre rédemption à je ne sais quels supplices de l'enfer dont il n'est pas fait la moindre mention dans l'Ecriture tout entière. Cela montre bien que tout leur plan est de mépriser une chose et de rejeter l'autre.

 

Du pouvoir des Pasteurs

 

            22. Ils nient que le Christ notre Seigneur ait donné aux pasteurs de l'Eglise le pouvoir de remettre et d'absoudre les péchés. Cependant les paroles du Sauveur, par lesquelles il affirme ce pouvoir, sont plus claires que le jour dans l'Evangile de saint Matthieu et de saint Jean. [106]

 

De la descente du Christ aux enfers

 

            23. Ils nient que le Christ soit descendu aux enfers vraiment et dans un sens historique, et disent qu'il y est se vilement descendu mystiquement et dans un sens métaphorique, bien qu'il soit écrit en termes très exprès dans le Symbole des Apôtres: «Il est descen du aux enfers.» Comme si le Symbole des Apôtres avait été conçu et avait dû être conçu en des termes de sens si difficile et si caché que jusqu'ici personne, hormis Calvin, n'ait pu le saisir ou le deviner, et non plutôt en ces termes faciles qui ont pour tout chrétien un sens obvie. Combien elle est éloignée de l'interprétation calviniste cette exclamation de saint Paul aux Ephésiens: Or, que signifie: Il est monté, sinon qu'il était d'abord descendu dans les régions inférieures de la terre?

 

De l'invocation des Saints

 

            24. Ils nient que les bienheureux Saints doivent être invoqués par nous, et conséquemment ils nient que Dieu ait permis aucun commerce de nous à eux ou d'eux à nous: en quoi ils détruisent, [107] autant qu'ils le peuvent, cette «communion des Saints» que tous les Apôtres ont enseignée d'une même voix. En voulant ramener cette communion à l'union d'une même foi avec nous, Calvin agit en homme très ignorant et très irréfléchi, puisque les Saints, étant en possession de la béatitude, ne doivent plus être appelés croyants, mais voyants: la foi, en effet, au témoignage de l'Apôtre, disparaît dans les Bienheureux.

 

Du soin que prennent de nous les Saints

 

            25. Ils nient que les Saints s'occupent de nous et connaissent ce qui nous intéresse. «Qui donc,» écrit Calvin, «a-t-il révélé qu'ils aient des oreilles assez longues pour écouter nos voix?» Qu'il me soit plus justement permis de m'écrier: Qui donc pourrait croire que Calvin ait une âme assez méchante et assez stupide, pour mesurer l'ouïe des esprits bienheureux à la longueur de leurs oreilles? Le Christ n'a-t-il pas lui-même révélé que même les Anges dans le ciel se réjouissent du repentir des pécheurs? Mais comment peuvent-ils s'en réjouir s'ils ne le connaissent pas? Et s'ils le connaissent, avec quelles oreilles l'ont-ils appris? C'est, en effet, avec [108] les mêmes oreilles que les âmes des Saints perçoivent nos voix, étant égaux aux Anges quant aux oreilles, aux yeux, aux mains et aux pieds, selon cette parole du Christ notre Seigneur: Ils seront semblables aux Anges de Dieu.

 

De la sollicitude que nous devons exercer envers les morts

 

            26. Ils nient que nous devions nous occuper des morts; ils nient que les âmes des défunts soient aidées par les prières des vivants, et qu'il soit laissé aux morts un lieu où ils puissent obtenir la rémission de leurs péchés. A cette négation s'oppose le très éclatant témoignage de l'Ecriture dans les Livres des Machabées: Elle est sainte et salutaire, dit le Saint-Esprit, la pensée de prier pour les défunts, afin qu'ils soient délivrés de leurs péchés; celui aussi du Christ lui-même, disant dans l'Evangile, que certains péchés ne sont remis ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir. Il n'aurait pas parlé ainsi, s'il n'y avait eu certains péchés qui sont aussi remis dans le siècle futur, chose que même le païen Platon n'a pas ignorée, lui qui, à la seule lumière de la raison naturelle, a admis le Purgatoire. Et saint Augustin, dans tout son livre intitulé: De la sollicitude que nous devons exercer envers les [109] morts, a-t-il lait autre chose que nous apprendre, par le titre même du livre, que les prières des vivants aident ceux qui sont morts dans le Christ?

 

 

 

 

II. Affirmationes Novatorum

 

            Et haec quidem, ac innumera pene alia, antiquae et catholicae fidei capita negant isti negatores. Si quid autem, praeterea, de quibus nobiscum sentiunt, affirmare videntur, illud omne privativum, putativum et chimericum est. Adeo namque sibi in arte negandi placent, ut etiam affirmando negent, et, quod supra ex Tertulliano diximus, «credendo non credant». Dicam, sed carptim, nonnulla quae occurrunt.

 

De Deo mala operante et efficiente

 

            1. Affirmant Deum non tantum permittere, sed etiam immittere, velle, operari, efficere malam hominis voluntatem [110]. Nec erubescit Calvinus divum Augustinum superstitionis arguere, quod «excaecationem et indurationem» peccatoris ad solam «Dei praescientiam» et permissionem referat. Eodemque loco, disertis verbis contendit, Deum, «per ministrum irae suae, Sathanam, consilia» impiorum destinare, «quo visum est, et voluntates» excitare «et conatus» firmare. Et de Sehon, Rege Amorrhaeorum, exemplum proferens, ait: «Ergo, quia perditum Deus volebat, obstinatio cordis divina fuit ad ruinam praeparatio.» Et Sathanam, dum ad peccandum homines impellit, «instrumentum magis» Dei «in agendo, quam a seipso» auctorem, esse asseverat. «Fateor,» inquit, «in hanc miseriam» (loquitur autem de peccato) «decidisse universos filios Adam, atque id est, quod principio dicebam, redeundum tandem semper esse ad solum divinae voluntatis arbitrium.» Mox arguit eos qui «negant decretum fuisse a Deo, ut sua defectione periret Adam.» Subinde, loquens de perditis: «Ex Dei,» inquit, «praedestinatione pendet eorum perditio.» Rursum: «Cadit igitur homo, Dei [111] providentia sic ordinante.» Sed et incestum quem Absalon commisit, «opus Dei esse» dicit, ut et Chaldaeorum saevitiam in Judaeos. Et alibi: «Jam,» inquit, «satis aperte ostendi, Deum vocari eorum omnium authorem, quae istis censores volunt otioso ejus permissu contingere.»

            Hac autem tam immani affirmatione privant Dei Opt. Max. voluntatem sua immensa bonitate, et illius vim, efficaciam et constantiam negant, cum peccatum non in efficiendo, sed in deficiendo consistat, et velle peccatum deficere sit, non efficere, Porro universa Scriptura docet, Deum velle omnes homines salvos fieri, neminem perire; Deum habere odio peccatum et iniquitatem; perditionem hominum ex ipsis esse, a Deo autem tantummodo bonum et salutem ipsorum. Pulchre divus Augustinus: «Divinam providentiam non usque ad haec ima protendi, aut certe mala omnia Dei voluntate committi, utrumque impium; sed magis posterius.» Divus vero Basilius orationem integram de eo habuit: «Quod Deus non sit auctor malorum.» [112]

 

De remissione peccatorum

 

            2. Affirraant peccata remitti sola non imputatione; quod ipsum nihil aliud est, quam negare veram peccatorum remissionem. Non enim volunt deleri, non extergi, non longe fieri a nobis, non transferri peccata, nec animam mundari, ablui, lavari, illuminari, aut cor purgari, creari, renovari (quae omnia toties affirmat Scriptura); sed remanere peccata volunt, nec tamen imputari; tegi, non abstergi; abscondi, non deleri. Quasi vero Christus, innocentiae et justitiae suae veluti pallio, iniquitates nostras operiat tantum, non destruat; quemadmodum Rachel idolum patris sui non abjecit, sed illi insidens, et veste obvolvens contexit et servavit. At vero, si Pater abominatur peccata, non minus Filius; si Pater ea nec tolerare possit, nec videre quin irascatur, neque Filius ea contegere aut fovere per suam justitiam potest. Igitur superest ut delendo et abluendo tegat, quandoquidem nihil Deo tectum, aut non apertum ejus oculis esse potest, nisi quod omnino non est. [113]

 

De justificatione

 

            3. Affirmant impium justificari per solam justitiae Christi imputationem, ut scilicet nulla in nobis sit justitia a Christo, sed ea nobis solum imputetur, quae in Christo est, non in nobis. Hac autem affirmatione vim et efficaciam justitiae Christi negant, quae in eo maxime elucet, ut nobis prosit non modo per sui imputationem, sed per justitiae formalis in corda nostra derivationem et infusionem, ut filii Dei non tantum nominemur, sed etiam simus; ac, quod consequens est, non justi tantum nominemur et habeamur, sed vere simus et efficiamur. De quo non plura fere in Sacris Scripturis verba sunt, quam testimonia: Charitas Dei diffusa est in cordibus nostris per Spiritum Sanctum qui datus est nobis; Eratis aliquando tenebræ, nunc autem lux in Domino. Et invitatus ille repulsus est, non quia sponso vel filio regis deesset vestis nuptialis, sed quia ipse non habebat; et prodigo filio non tantum suam vestem imputavit pater, sed novam [114] dedit; et Sancti ambulant in albis, non tantum quia Agnus albus est, sed quia stolas suas dealbaverunt in sanguine Agni.

 

De fide et charitate

 

            4. Affirmant sola fide nos justificari, ut hujusmodi affirmatione negent charitatem et ejus opera simul cum fide justificare. Qua in re mirum quam contrario impetu et opposito conatu Paulus et Jacobus Apostoli, ex una parte, Lutherus vero et Calvinus, ex alia, inter se confligant. «Fide,» inquit Lutherus, «homo fit Deus; per charitatem merus est homo.» At Paulus; Sine charitate, inquit, nihil sum. Rursum Lutherus, ibidem, hoc suavi se oblectat argumento, ut facile agnoscas quam bonus fuerit logicus: «Lex non est ex fide; atqui lex nihil aliud praecipit quam charitatem; ergo charitas est non ex fide, sed pugnat cum ea.» Quid vero tu ad haec, o magne Paule? Si tantam fidem habuero ut montes transferam, charitatem autem non habuero, nihil mihi prodest. Jacobus [115] vero: Fides sine operibus mortua est; atqui opera sunt charitatis; ergo sine charitate fides mortua est. Tantum distat, ut fidei charitas repugnet.

            Idem Lutherus, eodem loco: «Plane,» inquit, «contrarii sunt effectus, officia et virtutes charitatis et fidei.» Et paulo post: «Charitas enim, vel sequentia opera, nec informant fidem, nec ornant; sed fides mea informat et ornat charitatem.» Paulus autem, e contrario, fidem sine charitate inutilem esse pronunciat; Jacobus, mortuam; atque, si inter se comparandae sint, charitatem majorem esse testantur. Quare non immerito seipsum miratur Lutherus, in haec verba prorumpens: «Haec nostra,» inquit, «theologia paradoxa rationi, mirabilis et absurda est, quod non solum surdus sim legi et liber ab ea, sed plane ei mortuus.» Et paulo post: «Respondebimus,» inquit, «cum Paulo, sola fide in Christum nos pronunciari justos, non operibus legis aut charitate.» Ubinam vero gentium Paulus ea verba addidit, quae tu de tuo addis, Luthere: «aut charitate»? [116]

 

De bonis operibus

 

            5. Affirmant omne opus bonum esse peccatum; haec enim maxima est et solemnis Lutheri propositio, quam ex professo plerisque locis propugnat. Ac ne quis forte, de hominis pietate melius suspicatus, existimaret sermonem illi esse de moribus moraliter bonis, explicavit ille sententiam suam his clarioribus verbis: «Omne opus bonum in sanctis viatoribus esse peccatum.» Et Calvinus in eunderri sensum contendit, «nec unum a sanctis exire opus, quod, si in se censeatur, non mereatur justam opprobrii mercedem.» Et alibi addit: «Nullum esse hominis pii opus, quod, si severo Dei judicio examinaretur, non esset damnabile.»

            Haec vero affirmatio quid aliud praestat, nisi ut hoc ipso negent ullum opus bonum esse? nam, si est peccatum, quomodo bonum? Si bonum, quomodo peccatum? Si bonum est peccatum, ergo peccatum est bonum. Si peccatum est bonum, ergo prohibet Deus facere bonum, cum [117] prohibeat facere peccatum. Rursum, si bonum est peccatum, ergo jubet Deus facere peccatum, quia jubet facere bonum. Et qui dabit unicuique secundum opera sua, idem reddet omnibus, piis et impiis, praemium: nam, ut piis quoque propter bonum opus paenam infligat necesse est, quia bonum opus faciendo peccaverunt; item, ut impiis reddat gloriam, quia eorum opera non magis quam piorum et proborum peccata sunt.

            Quid ergo respondebunt isti, si eos interrogem non, quid credendo, sed quid faciendo vitam eeternam possidebo? An quod Christus legisperito: Diliges Dominum tuum, etc.; hoc fac, et vives? Imo potius: Fac nihil, et non peccabis. Si enim praestat «otiosum esse quam nihil agere,» ut Plinius dicebat, an non multo tutius est nihil agere quam male agere et peccare? Hic vero quis non videat in hoc hominum genere miram perpetuamque contradicendi libidinem? Bonum, inquiunt, est malum; lux sunt tenebrae; calidum, frigidum. Quibus nos, cum Paulo: Quae conventio lucis ad Belial? [118]

 

De servandis Dei mandatis

 

            6. Affirmant Dei praecepta esse impossibilia. Proinde hoc ipso negant, nec teneri nos, nec ligari lege ulla; nam, ut est in Juris nostri regula, «impossibilium nulla est obligatio,» nec a nobis exigere quisquam jure potest plus quam praestare possimus, nisi durus nimis et tyrannicus sit exactor. Ac sane, tantum abest ut impossibilia sint Dei praecepta, ut e contrario, et levia et suavia ea esse Christus ipse ore suo pronunciaverit: Jugum, inquit, meum suave est, et onus meum leve. Sic David, Abraham, Job, Zacharias, Elizabeth, Joannes Baptista Dei praecepta observarunt, ut in Sacris Scripturis Spiritus Sanctus aperte pronunciat.

            Sed audiamus Lutherum negantem, nam et suo loquendi modo satis fatetur se mentiri. Sic ille scribit: «Christianus proprie definitus liber est ab omnibus legibus, et nulli prorsus, nec intus nec foris, est subjectus.» Item: «Est autem,» inquit, «minister peccati nihil aliud quam legislator seu exactor legis, qui docet bona opera et charitatem, [119] qui docet crucem et passiones ferendas, exemplum Christi et Sanctorum imitandum. Quicumque ista profitetur et urget, est minister legis, peccati, irae et mortis; nam impossibile est humanam naturam implere legem, imo in justificatis qui habent Spiritum Sanctum.» Et paulo post: «Qui igitur docet fidem in Christum non justificare, nisi lex simul servetur, ille facit Christum peccati ministrum et crudelem tyrannum, qui exigit impossibilia, ut Moses, quffi nemo facere potest.» Idem vero docuit Calvinus, melior, in hoc articulo, ut etiam aliis plerisque, Lutheranus quam theologus.

 

De incredulitate, quod sola sit peccatum

 

            7. Affirmant solam incredulitatem esse peccatum. «Christus,» inquit Lutherus, «ordinavit ut nullum esset peccatum nisi incredulitas, nulla justitia nisi fides.» Et alibi tuetur mordicus hanc propositionem: «Baptizatum, etiam volentem, non posse perdere salutem suam quantiscumque peccatis, nisi nolit credere, quia,» inquit, «fides tollit omnia [120] peccata et facit volentem non peccare.» Hac autem affirmatione negant evidentissime scortationes, homicidia, perjuria, blasphemias esse peccata; quod tamen quam absurdum sit qui non videt, quid unquam absurdum esse fatebitur? At quam praeclare rursum cohaerent hae propositiones Lutheri: «Omne opus bonum, etiam fidelis, etiam justi, est peccatum;» et: «Nullum opus justi, nisi incredulitas, est peccatum;» nam si omne opus bonum est peccatum, quomodo nullum opus malum peccatum est?

 

De incommodis bonorum operum ad salutem

 

            8. Affirmant bona opera nocere, aut saltem incommodare ad salutem; Lutherus enim, sermone quodam, introducit Christum dicentem ad fideles: «Unica ego sum porta ad Caelum ducens. Via arcta est; singulum te fieri necesse est, si transire velis ac penetrare rupem; qui operibus, ceu Jacobitae peregrinatores cocleis circum undique muniti sunt, penetrare non possunt; si saxis operum refertus adveneris, nisi deposito prius onere, non pertransibis.» Et alibi: «Justitia,» inquit, «legis, etiam Decalogi, [121] est immunda et abolita per Christum.» Quis vero tibi, Luthere, has Christi voces revelavit? Nec enim reperisti in Evangelio, in quo nihil tantopere Christus commendat quam ut, si velimus ad vitam ingredi, servemus mandata, et operariis, non fiduciariis, mercedem se daturum pollicetur.

 

De peccatorum circumstantiis negligendis

et de peccatorum æqualitate

 

            9. Affirmant nulla ex circumstantia fieri peccata deteriora; Lutherus enim hanc propositionem, inter caeteras quas pro certissimis habet, tuetur: «Circumstantias peccatorum, cum matribus, filiabus, sororibus, affimbus, quacumque die, quocumque loco, quibusvis cum personis, ac si quid aliud praeterea externum sit, aequales esse ac penitus contemnendas.» Quam vero eleganti ratione? «Quia,» inquit, «Christus talia non praecepit in suis legibus.» Et alibi: «Apud Christianos,» inquit, «una tantum est circumstantia, quae est peccasse in fratrem.» [122] Qua affirmatione negant peccatorum inaequalitatem, saltem in eodem genere peccati. Hoc vero quis ferat, ut eadem sit malitia peccati ejus qui thorum proximi, et ejus qui thorum patris sui violaverit? Ergo non gravius peccat qui patrem, quam qui servum occiderit? qui columbas in templo plus aequo, quam qui in trivio vendiderit? Quid igitur illud est, quod tantopere Paulus exaggerat Corinthii illius fornicationem, quae tam gravis erat, ut nec inter Gentes inveniretur, nimirum quod quis patris sui uxorem habere auderet?

 

De necessitate carnalis copula

 

            10. Affirmant copulam carnalem cuivis, sive homini, sive fceminae, esse necessariam, ita ut nemo sine ea vivere possit. An vero licebit mihi referre verba Lutheri? Pudet sane tam infamem cloacam movere; sed nisi verba notavero, nemo, ut opinor, crediderit. Non tamen omnia recensebo (quis enim ferre posset?), sed pauca tantum, ex iis tamen quae ex ungue leonem demonstrent. «Mot hoc,» ait ille, «Crescite et multiplicamini, non est praeceptum, sed plus quam praeceptum divinum, puta opus quod non est nostrarum virium, ut vel impediatur, vel omittatur, sed tam est necessarium, quam ut masculus sim, magisque necessarium quam edere, bibere, purgare, mucum emungere, somno et excubiis inteutum esse. Insita est natura et indoles aeque atque membra quae eo pertinent.» [123] Et paulo post: «Reperiuntur interdum,» ait, «pertinaces uxores, quae etiamsi decies in libidinem prolaberetur maritus, pro sua duritia non curarent. Hic opportunum est ut maritus dicat: Si tu nolueris, alia volet; si domina noluerit, adveniat ancilla; ita tamen ut antea iterum et tertio admoneat maritus.» Quid, obsecro, possit diabolica impudentia fingere hoc impudente impudentius? Sobrius tamen et modestus est in eo loco, si cum iis, quae alibi scripsit, haec comparentur; nam non modo eadem repetit, sed addit quaedam adeo obscaena de pruritu carnis utriusque sexus, maxime vero muliebris, ut nemo, sine pudore ac verecundia, hujusmodi petulantiam intueri vel audire possit, ne dum referre.

            Hac porro tam absurda, et satyro magis quam homine digna affirmatione, negant consilia Christi et Pauli de virginitate servanda, de secundis nuptiis non expetendis, de castratione propter regnum Dei, de muliere non tangenda, possibilia esse et observanda, gravemque injuriam adultis puellis nondum matrimonio collocatis, viduis, et aliis quibus viri copia non est, inducunt. Si enim non magis a luxuria quam ab esu et potu abstinere possunt, et meretrices erunt et hypocritae. Verum, quid exquirit Lutherus ab humana natura continentiam, cum ab ea nisi per Christum et in Christo obtineri non possit? At Christus tamen pulsanti aperit et petenti concedit, ut omnes, cum Apostolo, possint dicere: Omnia possum in eo qui me confortat, Christus, cujus virtus in infirmitate perficitur.

 

De Pastorum omnium æqualitate

 

            11. Affirmant omnes Ecclesiae Pastores inter se aequales esse, nullum alteri praeesse, ut inter eos nullus plane sit distinctioni et ordini locus. Atque ita negant ecclesiaticae [124] hierarchiae unitatem, in qua Christus per Spiritum Sanctum posuit Episcopos, regere Ecclesiam Dei; adversus consentientes Cypriani, Augustini, Chrysostomi, Dionysii auctoritates, itemque Conciliorum omnium, in quibus, a primo ad ultimum, videas praecipuum honorem ac curam Episcopis deferri. Inter eos autem Romano Pontifici, «ut, capite constituto, schismatis tollatur occasio,» et ecclesiasticum corpus per ordinatam membrorum colligationem unicum efficiatur sub unico summo Capite, Christo Jesu.

 

De certitudine gratiæ et remissionis peccatorum

 

            12. Affirmant omnes fideles debere certissime credere sibi remissa esse peccata et se esse in gratia Dei. Qua affirmatione negant quod universa Scriptura asserit et docet, debere nos in timore et tremore salutem nostram operari, et satagere ut bonis operibus vocationem nostram certam faciamus, nec de peccato etiam propitiato debere nos esse sine metu. [125]

 

De justitia electorum

 

            13. Affirmant justitiam esse propriam electorum, adeo ut eam semel consecuti amittere nunquam possint. Qua affirmatione iterum timorem omnem fidelibus excutiunt, ut, pro spe et fiducia Christiano digna, inducant praesumptionem et impudentiam. Et quod Scriptura de Saulis et Salomonis bonitate et justitia pronunciat, negant et evertunt; quandoquidem de primi reprobatione certissimi, de secundi vero electione incertissimi sumus. Sed quid illi ad Ezechielem: Si averterit se justus a justitia sua et fecerit iniquitatem, justitice ejus non memorabuntur amplius? Quid, quod Episcopo Philadelphiae Christus scribendum mandat: Tene quod habes, ne alius accipiat coronam tuam? Paulus vero Apostolus, quanquam fidelis, imo fidelissimus, quid non facit, ne, cum aliis praedicaverit, ipse reprobus efficiatur?

            Sed audiamus, quaeso, quam bella et apta comparatione suam doctrinam explicet Calvinus: «Hinc sequitur,» inquit, «ut nobis secure spondere» debeamus «vitam aeternam[126] nostram esse, cujus» Christus «est heres, nec regnum Caelorum, quo jam ingressus est, posse magis nobis excidere quam ipsi. Rursum peccatis nostris non posse nos damnari, cum ea sibi imputari voluerit, ac si sua essent.» Quo tamen loco advertendum est, in prioribus editionibus, maxime gallicis, rem durius exprimi, quam in posteriori anni 1602; nam in illis non solum asseritur «regnum Caelorum non magis nobis excidere posse quam» Christo, quod et in posteriori diserte scriptum est, sed etiam nos nostris peccatis non magis damnari posse quam Christum. Parole [127] enim ejus gallica haec sunt: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos peches, nous ne pouvons estre damn6s non plus que luy.» Horresco referens! et quis non horrescet, sive legens, sive audiens?

 

De electionis divinæ certitudine

 

            14. Affirmant electos de sua electione esse certissimos «Pessime ergo,» inquit Calvinus, «et perniciose Gregorius, homilia 38, dum vocationis tantum nostrae conscios nos esse tradit, electionis incertos; unde ad formidinem et trepidationem omnes hortatur.» Qua affirmatione negant et spem et timorem in praedestinatis esse posse; nam quis timeat de amissione illius boni quod amittere se non posse certo sciat? Et quod magnus ille nec unquam satis laudatus Gregorius hortatur nos ad timorem et formidinem, quid aliud est, quam illud ipsum quod consulunt apices omnes [128] Sacrarum Scripturarum? Cur enim putemus laudatum in Evangelio Simeonem, quod non tantum justus esset, verum etiam timoratus, nisi ut intelligamus justitiae comitem perpetuum esse hunc timorem sanctum, non qui servilis sit, sed qui filialis? Itaque mentiantur isti quantum volent; cum se justos dicunt, satis est, ut mentiri eos appareat, quod se timoratos nolunt dicere, ne quidem per mendacium; non quia non audeant (est enim longe audacior qui se justum esse contendit quam qui se fatetur timoratum), sed quia eos pudeat non quidem mentiri, sed ita loqui, ut hac parte mentiendo veritatem dicere videantur.

            Sed pulchrum est audire sectatores et discipulos Calvini hac de re loquentes, dum unusquisque eorum se tam certum de sua praedestinatione esse gloriatur, quam de morte Christi. Si enim ab iis exquiras unde illa tanta certitudo, respondent statim se responsum, nescio quod, Spiritus Sancti interius percipere, veluti quadam echo, unde dubitare de sua praedestinatione non possint. At si aliquis eorum qui tanta tamque infallibili certitudine credebant se fideles esse et praedestinatos, ad caulas Christi et fidem catholicam [129] convertatur, statim exclamant caeteri mentitum illum fuisse, cum diceret se certum de sua salute. Atqui tam audacter ille de salutis suae certitudine, deque interiore illo commentitio Spiritus Sancti responso gloriabatur, quam qui in calvinismo remanserunt. Qui fieri ergo potest, ut alii sint certiores isto, qui fuit aliquando certissimus? Si sua illum echo decepit, quae Calvini garritum pro Spiritus Sancti voce reddiderit, quidni aliorum echo illos quoque decipiet?

 

De Christo incerto salutis suæ

 

            15. Affirmant, ex opposito, Christum, quod Caput est omnium praedestinatorum, incertum suae salutis fuisse; nam Calvinus palam asserit Christum de animae suae salute timuisse; neque id obiter, sed ex professo propugnat. Ex quo indubitate sequitur, Christum incertum fuisse de salute animae suae; nam ut quis timeat timore formidinis, de quo Calvinus loquitur, necesse est ut malum quod timet, praevideat et suspicetur tanquam saltem probabiliter [130] futurum: malum enim a quo se tutum aliquis esse certo cognoscat, quomodo formidare quis potest aut timere? Digna profecto Calvini ingenio et subtilitate affirmatio; ut qui, per summam impudentiam, quemlibet ex suis discipulis de salute sua certissimum esse jubet, Christum de animse suae salute incertum esse, per inauditam hucusque blasphemiam, asseveret. Sed pergit impietas, ut, cum ad summum usque ascenderit, ad infima quaeque tandem delabatur. Subjungit Calvinus, Christum «diros et horribiles cruciatus» tolerasse (quod, inquit, «nulla fingi» possit «magis formidabilis abyssus, quam sentire se a Deo derelictum et alienatum), cum se ad tribunal Dei stare reum cognosceret nostra causa.»

 

De Christi desperatione

 

            16. Affirmant Christo desperationis vocem elapsam esse, ex sensu carnis profectam: ita Calvinus. Qua horrenda affirmatione negant Christum in potestate habuisse omnes animae suae passiones, ut videlicet illo inscio et non imperante elaberentur et prorumperent. Quod tamen tam falsum [131] esse quam quod maxime, praeterquam quod per seipsum clarissimum est, apparet etiam ex eo quod Beatus Joannes Evangelista, in historia de resurrectione Lazari, asseverat Christum semetipsum turbasse: quia nimirum ut eum decebat, qui non minus vere Deus esset quam vere homo, sponte excitabat in seipso timores, angores et hujusmodi affectus animi, antequam ab eis excitaretur. Unde, post D. Hieronymum, nos non passiones, sed «propassiones» in Christo fuisse asseveramus.

 

De Christi ignorantia

 

            17. Affirmant Christum ad tempus ignorantia laborasse. «Opportuit,» inquit Calvinus, «Christvun ad tempus similem esse puris infantibus, ut quod ad humanitatem inteligentia destitueretur.» Hac vero affirmatione negant in Christo fuisse reconditos omnes scientiæ ac sapientiæ thesauros; quod tamen disertissime affirmat Scriptura. Fatemur quidem Christum puerum, quod ad exercitium et opus externum spectat, sapientia crevisse et gratia; at [132] illud quoque asserimus, fuisse in eo thesauros sapientiæ, tum quoque, cum eos nondum exereret, sed, tempore suo coram populo Dei proferendos, sibi ipsi conservaret. Non enim destitit Mot esse, etiam cum Mot non proferret, aut sapientiam habere, cum nondum sapientiam loqueretur; quippe quem fides nostra credit, a primo instanti suae conceptionis tam cito fuisse comprehensorem quam viatorem.

 

 

De fide actuali infantium nondum baptizatorum

 

            18. Affirmant infantes, antequam baptizentur, credere et fidem habere, neque tantum habitum fidei aut in fide Ecclesiae credere, sed et actum fidei et fidem propriam habere. Quod cum affirmant, hoc ipso negant pueros per Baptismum justificari; nam si ante Baptismum habent fidem, et «fides sola» justificat, ut asserunt, sequitur infantes ante Baptismum justificatos esse. At quis nescit fidem esse ex auditu, auditum vero per Mot Dei? Quomodo autem Mot Dei pervenit ad animam infantis [133] sine praedicante? quis vero praedicavit infantibus? Rursum actus fidei sine usu rationis esse non possunt, ut apud omnes in confesso est, et naturalem habet intellectum; quis porro credat infantes usu rationis potiri?

            Atque haec quidem dixisse sufficiat de prima illa nota antichristianismi, quae haeretici nostri seipsos satis produnt, cum omnia negant, affirmant nihil, et, si quid affirmant, illud negativum et, ut jureconsulti loquentur, simplex abnuitivum est et inane. Jam alias breviter consideremus notas, quibus veluti characteribus fronti sectarum nostri temporis inscriptum videas horribile nomen: HÆRESIS.

 

 

 

II. Affirmations des Novateurs

 

            Ces nieurs nient tout cela, et encore d'autres points presque innombrables de la foi antique et catholique. Et si, en outre, ils ont l'air d'affirmer quelque chose au sujet de ce que nous croyons en commun avec eux, c'est d'une manière privative, putative et chimérique. L'art de nier leur plaît tellement, que même en affirmant ils nient et, suivant la parole de Tertullien rapportée plus haut, «tout en croyant, ils ne croient pas.» Je vais exposer séparément quelques-uns des points qui s'offrent à nous.

 

Sur Dieu, cause opérante et efficiente du mal

 

            1. Ils affirment que Dieu, non seulement permet, mais déchaîne, veut et opère en réalité la mauvaise volonté de l'homme. Et Calvin [110] ne rougit pas de taxer saint Augustin de superstition, parce qu'il rapporte à la seule «prescience» et permission «de Dieu l'aveuglement et l'endurcissement» du pécheur. Dans le même endroit il soutient en propres termes que Dieu, «par le ministre de sa colère, Satan,» dirige «les desseins» des impies «jusqu'au but vers lequel» il lui a plu d'exciter «les volontés et» d'affermir «les efforts». Prenant son exemple dans le cas de Séhon, roi des Amorrhéens, il dit: «Par conséquent, Dieu voulant le perdre, l'obstination de son cœur fut la préparation divine à sa ruine.» Il affirme aussi que Satan, lorsqu'il pousse les hommes au péché, «est plutôt l'instrument» dont se sert Dieu «pour agir, qu'un agent agissant de soi-même. J'avoue,» dit-il, «que tous les fils d'Adam sont tombés dans ce malheur,» (il parle du péché) «et cela doit être en définitive, comme je le disais en commençant, attribué au seul libre arbitre de la volonté divine.» Tout aussitôt il attaque ceux qui «ne veulent pas attribuer à un décret divin la perte d'Adam par suite de sa défection.» Parlant ensuite des damnés: «C'est de la prédestination de Dieu,» dit-il, «que dépend leur perdition.» De nouveau: «L'homme tombe, la providence de Dieu en ordonnant ainsi.» Bien plus, il appelle «œuvre de Dieu» l'inceste commis par [111] Absalon et les mauvais traitements infligés aux Juifs par les Chaldéens. Ailleurs il s'exprime ainsi: «J'ai déjà montré assez clairement que Dieu est appelé l'auteur de tout ce que ces censeurs veulent attribuer à sa vaine permission.»

            Par une si abominable affirmation ils enlèvent à la volonté du Dieu très bon et très grand son immense bonté, et en nient la force, l'efficacité et la solidité, le péché consistant, non dans une efficience, mais dans une déficience, et vouloir le péché étant par conséquent déficience et non efficience. Cependant toute l'Ecriture enseigne que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, que personne ne périsse, que Dieu a en haine le péché et l'iniquité, que la perte des hommes vient d'eux-mêmes, mais de Dieu seulement leur bien et leur salut. Saint Augustin a cette belle expression: «Affirmer que la divine providence ne s'étend pas jusqu'aux choses de ce bas monde, ou que tous les maux sont commis par la volonté de Dieu, sont deux propositions impies; mais la seconde l'est davantage.» Quant à saint Basile, il a prononcé un discours entier sur ce sujet: «Dieu n'est pas l'auteur des maux.» [112]

 

De la rémission des péchés

 

            2. Ils affirment que la rémission des péchés se fait par simple non-imputation, ce qui n'est pas autre chose que nier la vraie rémission des péchés. Ils ne veulent pas, en effet, que les péchés soient effacés, lavés, éloignés de nous, chassés; que l'âme soit purifiée, blanchie, lavée, illuminée; que le cœur soit nettoyé, créé, renouvelé (toutes choses que l'Ecriture affirme si souvent): mais ils veulent que les péchés restent, sans être cependant imputés; qu'ils soient couverts, non effacés; cachés, non enlevés. Comme si le Christ ne détruisait pas, mais recouvrait seulement nos iniquités du manteau de son innocence et de sa justice; de même que Rachel ne se défit pas de l'idole de son père, mais, en s'asseyant dessus et en l'entourant de son vêtement, la couvrit et la conserva. Mais si le Père a horreur du péché, le Fils n'en a pas moins horreur; si le Père ne peut le tolérer et le voir sans s'irriter, le Fils non plus ne peut le cacher ou le couvrir par sa justice. Il faut donc qu'il le couvre en l'effaçant et en le lavant, car rien ne peut être caché à Dieu ou passer inaperçu à ses yeux, si ce n'est ce qui n'existe pas du tout. [113]

 

De la justification

 

            3. Ils affirment que l'impie est justifié par la seule imputation de la justice du Christ, en sorte qu'il n'y a en nous aucune justice provenant du Christ, mais que nous est seulement imputée celle qui est dans le Christ, non en nous. Par cette affirmation ils nient la force et l'efficacité de la justice du Christ, qui se montre surtout en ce qu'elle nous est utile non seulement par son imputation, mais par une dérivation et une infusion d'une justice formelle dans nos cœurs, en sorte que, non seulement nous soyons appelés enfants de Dieu, mais aussi que nous le soyons; que, par conséquent, nous ne soyons pas seulement justes de nom et de réputation, mais en réalité et en effet. De cela on trouve presque autant de témoignages que de paroles dans les Saintes Ecritures: La charité de Dieu est répandue dans nos cœurs par l'Esprit-Saint qui nous a été donné: Vous étiez autrefois ténèbres, mais maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur. Et l'invité qui a été chassé, l'a été, non parce que l'époux ou le fils du roi était dépourvu de la robe nuptiale, mais parce que lui-même ne l'avait pas; quant à l'enfant prodigue, le père ne s'est pas contenté de le couvrir de sa propre robe, mais il lui en a donné une neuve; et les Saints se promènent [114] [au Ciel] en vêtements blancs, non pas simplement parce que l'Agneau est blanc, mais parce qu'ils ont blanchi leurs robes dans le sang de l'Agneau.

 

De la foi et de la charité

 

            4. Ils affirment que la foi seule nous justifie, niant par cette affirmation que la charité et ses œuvres justifient en même temps. A ce sujet il est admirable de voir avec quel élan contraire et avec quel effort opposé les Apôtres Paul et Jacques d'une part, Luther et Calvin de l'autre se combattent. «Par la foi,» dit Luther, «l'homme devient Dieu; par la charité il reste un simple homme.» Paul, au contraire: Sans la charité, je ne suis rien. De nouveau Luther, au même endroit, se plaît dans ce délicieux argument, qui montre quel bon logicien il était: «La loi ne vient pas de la foi; or, la loi n'ordonne pas autre chose que la charité; donc la charité ne vient pas de la foi, mais est en combat avec elle.» Que répondez-vous à cela, grand Paul? Quand j'aurais une foi assez grande pour transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien. A son tour, Jacques: La foi sans les œuvres est [115] morte; or, les œuvres appartiennent à la charité: donc, sans la charité, la foi est morte, bien loin que la charité soit en contradiction avec la foi.

            Le même Luther dit au même endroit: «Les effets, les obligations et les vertus de la charité sont contraires à la foi.» Et un peu plus loin: «La charité, en effet, ou les œuvres qui la suivent ni n'informent la foi, ni ne l'ornent, mais ma foi informe et orne ma charité.» Paul, au contraire, déclare inutile la foi sans la charité, Jacques la déclare morte; de plus, l'un et l'autre affiiment que s'il fallait comparer entre elles les deux vertus, la charité l'emporterait sur la foi. Aussi est-ce avec raison que Luther s'étonne de lui-même et s'exclame ainsi: «Cette théologie, qui est la nôtre, contraire à la raison, est étonnante et absurde, à savoir que je ne sois pas seulement sourd à la loi et délivré d'elle, mais que j'y sois entièrement mort.» Et un peu après: «Nous répondrons avec Paul que nous méritons le nom de justes par la seule foi dans le Christ, non par les œuvres de la loi ou la charité.» Où donc Paul a-t-il ajouté les mots: «ou la charité», que tu ajoutes de toi-même, ô Luther? [116]

 

Des bonnes œuvres

 

            5. Ils affirment que toute œuvre bonne est un péché: telle est, en effet, la grande et habituelle proposition de Luther, qu'il enseigne ex professo en de nombreux passages. Et pour empêcher quelqu'un qui aurait meilleure opinion de la bonté morale d'appliquer cette proposition aux simples actions moralement bonnes, Luther l'a expliquée par ces paroles plus claires: «Toute œuvre bonne est un péché dans les saints tant qu'ils sont viateurs.» Calvin, de son côté, soutient dans le même sens «que pas un seul acte n'est produit par les saints qui, s'il est examiné en soi, ne mérite une juste punition.» Ailleurs il ajoute: «Toute action d'un homme pieux, si elle était examinée au sévère jugement de Dieu, serait condamnable.»

            A quoi donc aboutit cette affirmation, sinon à nier l'existence de toute œuvre bonne? car, si elle est un péché, comment est-elle bonne ? Si elle est bonne, comment est-elle un péché? Si ce qui est bon est un péché, donc le péché est chose bonne. Si le péché est chose bonne, donc Dieu défend de faire une chose bonne en défendant [117] de faire le péché. D'un autre côté, si le bien est un péché, donc Dieu ordonne de faire le péché, puisqu'il ordonne de faire le bien. Et lui qui donnera à chacun selon ses œuvres, donnera un même traitement à tous, aux bons comme aux méchants: car il faut qu'il inflige aussi une peine aux bons pour avoir péché en faisant le bien, ou qu'il donne la gloire aux méchants, leurs actes étant des péchés, tout autant que ceux des bons et des justes.

            Que répondront nos hérétiques, si je leur demande non par quelle croyance, mais par quelles actions je mériterai de posséder la vie éternelle? Répondront-ils par la parole du Christ au docteur de la loi: Tu aimeras ton Seigneur, etc.; fais cela, et tu vivras? Ils devront plutôt répondre: Ne fais rien, et tu ne pecheras pas. Si, en effet, il vaut mieux «travailler à son aise que de ne rien faire du tout,» comme disait Pline, n'est-il pas beaucoup plus sûr de ne rien faire que de mal agir et de pécher? Ici, qui n'aperçoit dans cette espèce d'hommes une envie extraordinaire et continuelle de contredire? Le bien, disent-ils, est le mal; la lumière se confond avec les ténèbres, le chaud avec le froid. Nous leur dirons avec Paul: Quel accord y a-t-il entre la lumière et Bélial? [118]

 

De l'observation des commandements de Dieu

 

            6. Ils affirment que les commandements de Dieu ne peuvent être gardés. Par suite ils nient que nous soyons tenus ou liés par aucune loi; car, suivant la règle de notre Droit, «les choses impossibles ne créent aucune obligation,» et personne ne peut justement exiger de nous plus que nous ne pouvons faire, sans être un bourreau excessivement dur et tyrannique. Mais vraiment, les commandements de Dieu, bien loin d'être impossibles à observer, le Christ les a appelés de sa propre bouche légers et suaves: Mon joug, dit-il, est doux, et mon fardeau léger. Aussi David, Abraham, Job, Zacharie, Elisabeth, Jean-Baptiste ont-ils observé les préceptes de Dieu, comme le Saint-Esprit le déclare ouvertement dans les Saintes Ecritures.

            Mais écoutons Luther dans son attitude de négateur: sa manière de s'exprimer est assez bien un aveu de mensonge. Voici ce qu'il écrit: «Le chrétien, selon sa définition, est libéré de toute loi et n'est soumis à personne aucunement, ni au for interne ni au for externe.» De même: «Le ministre du péché, c'est tout simplement celui qui fait la loi ou en exige l'exécution, celui qui [119] enseigne les bonnes œuvres et la charité, celui qui dit qu'il faut supporter la croix et les souffrances, imiter l'exemple du Christ et des Saints. Quiconque professe cela et y oblige est un ministre de loi, de péché, de colère et de mort, la nature humaine étant dans l'impossibilité de suivre la loi, même s'il s'agit des justes qui possèdent le Saint-Esprit.» Et un peu plus loin: «Celui donc qui enseigne que la foi dans le Christ ne justifie qu'avec l'observation de la loi, celui-là fait du Christ un ministre de péché et un tyran cruel qui, comme Moïse, exige des choses impossibles que personne ne peut faire.» Même enseignement chez Calvin, meilleur luthérien que théologien en cet article, aussi bien qu'en beaucoup d'autres.

 

Que l'incrédulité est seule un péché

 

            7. Ils affirment que l'incrédulité est seule un péché. «Le Christ,» dit Luther, «a ainsi ordonné les choses, qu'il n'existe aucun péché en dehors de l'incrédulité, et aucune justice si ce n'est la foi.» Ailleurs, il soutient âprement cette proposition: «Le baptisé, même en le voulant et au prix des plus grands péchés, ne peut perdre son salut, à moins qu'il renonce à la foi, parce que,» dit-il, «la foi enlève tous les péchés et empêche de pécher celui qui le voudrait.» Par [120] cette affirmation ils nient de toute évidence que les impudicités les homicides, les parjures, les blasphèmes soient des péchés; et cependant, c'est là une telle absurdité, que si quelqu'un ne la voit pas, jamais il ne trouvera quoi que ce soit d'absurde. Et, d'un autre côté, comment peuvent concorder entre elles ces propositions de Luther: «Tout? œuvre bonne, même d'un croyant, même d'un juste, est un péché;» et: «Aucun acte du juste, si ce n'est l'incrédulité, n'est un péché»? Car si toute action bonne est un péché, comment aucune action mauvaise n'est-elle pas un péché?

 

Des inconvénients des bonnes œuvres pour le salut

 

            8. Ils affirment que les bonnes œuvres nuisent au salut, ou au moins lui sont une gêne. Luther, dans un certain sermon, fait dire au Christ s'adressant aux fidèles: «Je suis l'unique porte conduisant au Ciel. La voie est étroite, il faut y entrer seul si tu veux y passer et pénétrer dans le rocher; ceux qui sont tout garnis de leurs œuvres, comme les pèlerins de saint Jacques de leurs coquilles, n'y peuvent pénétrer; si tu es chargé des lourdes pierres de tes œuvres, tu ne passeras pas avant de t'être déchargé de ton fardeau.» [121] Et ailleurs: «La justice de la loi, même du Décalogue, est impure et abolie par le Christ.» Qui t'a donc révélé, ô Luther, ces paroles du Christ? Car tu ne les as pas trouvées dans l'Evangile, où rien n'est si fort recommandé par le Christ que l'observation des commandements, si nous voulons entrer dans la vraie vie, et où il promet de donner une récompense, non aux croyants, mais aux ouvriers.

 

Qu'il faut négliger les circonstances des péchés, et que les péchés sont égaux

 

            9. Ils affirment que les péchés ne sont aggravés par aucune circonstance. Luther, en effet, défend cette proposition parmi celles qu'il considère comme très certaines: «Les circonstances des péchés, qu'il s'agisse des personnes (mères, filles, sœurs, parentes), du jour, du lieu, ou de tout ce qui est extérieur, sont égales et ne méritent pas qu'on s'en occupe.» Par quelle belle raison? «Parce que le Christ n'a rien ordonné là-dessus dans ses lois.» Et ailleurs: «Pour les chrétiens, une seule circonstance compte, celle d'avoir péché contre son frère.» Par cette affirmation ils nient l'inégalité des péchés, au moins dans le même genre de fautes. Qui donc, [122] cependant, admettra une identité de malice pour la violation du lit nuptial du prochain, ou pour celle du lit nuptial paternel? Faudra-t-il conclure que tuer son père ne soit pas plus grave que tuer son domestique, que vendre des colombes à un prix excessif dans le temple ne soit pas plus grave que de le faire sur la place publique? Pourquoi donc saint Paul fait-il tant de cas de la fornication de ce Corinthien, fornication si grave qu'il ne s'en rencontrerait pas de semblable même chez les gentils, puisqu'il s'agissait de quelqu'un qui osait violer la femme de son père?

 

De la nécessité des relations sensuelles

 

…………………………………………[123]

 

De l'égalité entre tous les Pasteurs

 

            11. Ils affirment que tous les Pasteurs de l'Eglise sont égaux, qu'aucun d'eux n'est supérieur à un autre, de telle sorte qu'il n'y a pas du tout lieu, entre eux, à distinction et à hiérarchie. Ils [124] nient par là l'unité de la hiérarchie ecclésiastique, dans laquelle le Christ a, par l'Esprit-Saint, établi des Evêques pour régir l'Eglise de Dieu; ils contredisent aux témoignages unanimes de Cyprien, d'Augustin, de Chrysostôme, de Denys, et aussi de tous les Conciles, lesquels, depuis le premier jusqu'au dernier, accordent un honneur spécial et une mission spéciale aux Evêques. Parmi ces derniers, le Pontife Romain est «établi chef, pour enlever toute occasion de schisme,» et pour que le corps de l'Eglise, au moyen du rattachement bien ordonné des membres entre eux, fasse un tout unique sous l'unique Chef suprême, le Christ Jésus.

 

De la certitude de la grâce et de la rémission des péchés

 

            12. Ils affirment que tous les fidèles doivent croire avec pleine certitude que leurs péchés leur ont été remis et qu'ils sont dans la grâce de Dieu. Par cette affirmation, ils nient l'enseignement de toute l'Ecriture, à savoir, que nous devons faire notre salut avec crainte et tremblement, nous efforcer de rendre certaine notre vocation par les bonnes œuvres, et ne pas être sans crainte au sujet du péché même pardonné. [125]

 

De la justice des élus

 

            13. Ils affirment que la justice est le bien propre des élus, en sorte que, l'ayant obtenue une fois, ils ne peuvent plu6 jamais la perdre. Par cette affirmation, de nouveau ils enlèvent toute crainte aux fidèles, de façon à remplacer l'espérance et la confiance, dignes d'un chrétien, par la présomption et l'impudence. En outre ils nient et renversent ce que l'Ecriture dit de la bonté et de la justice de Saul et de Salomon, puisque nous sommes très certains de la réprobation du premier et très incertains du saint du second. Mais que répondront-ils à cette parole d'Ezéchiel: Si le juste se détourne de sa justice et commet l'iniquité, toute sa justice on ne s'en souviendra plus? Que signifie ce que le Christ ordonne d'écrire à l'Evêque de Philadelphie: Tiens ce que tu as, de peur qu'un autre ne reçoive ta couronne? Quant à l'Apôtre Paul, bien que fidèle, et même très fidèle, que ne fait-il pas pour qu'après avoir prêché aux autres, il ne soit lui-même réprouvé!

            Mais écoutons, je vous prie, au moyen de quelle belle et juste comparaison Calvin explique sa doctrine: «Il suit de là que nous» devons «nous promettre avec certitude que la vie éternelle est [126] nôtre, puisque» le Christ «en a hérité, et que le royaume des Cieux, où il est déjà entré, ne peut pas plus nous manquer qu'à lui-même. Nous ne pouvons de nouveau être condamnés pour nos péchés, puisqu'il a voulu se les faire imputer comme s'ils étaient siens.» Toutefois, en cet endroit il faut remarquer que dans les premières éditions, surtout françaises, cette doctrine est exprimée plus durement que dans l'édition postérieure de 1602. Dans les premières, en effet, non seulement il est affirmé que «le royaume des Cieux ne peut, pas plus nous manquer» qu'au Christ, ce que porte expressément la dernière édition, mais que nos péchés [127] ne peuvent pas plus nous faire condamner qu'ils ne peuvent faire condamner le Christ lui-même. Voici les paroles françaises: «Par quoy nous nous osons promettre asseurement que la vie eternelle est nostre, et ne nous peut faillir non plus qu'a Jesus Christ mesme; d'autre part, que, par nos pechés, nous ne pouvons estre damnés non plus que luy.» C'est avec horreur que je cite! et qui lira ou entendra ces paroles sans horreur?

 

De la certitude de l'élection divine

 

            14. Ils affirment que les élus sont tout à fait certains de leur élection. «Grégoire,» dit Calvin, «a fait chose très mauvaise et pernicieuse en assurant, dans son homélie XXXVIIIe, que nous sommes seulement sûrs de notre vocation, non de notre élection, et en exhortant, par conséquent, tout le monde à la crainte et au tremblement.» Par cette affirmation ils nient que l'espérance et la crainte puissent se trouver chez les prédestinés; car, qui peut craindre la perte d'un bien qu'il est sûr de ne pouvoir perdre? En nous exhortant à la crainte et au-tremblement, que fait le grand et jamais assez loué saint Grégoire, si ce n'est de nous donner le même [128] conseil que nous donnent à chaque page les Saintes Ecritures? Car, pourquoi pensons-nous que l'Evangile loue Siméon, non seulement de ce qu'il était juste, mais aussi de ce qu'il était timoré, sinon pour nous faire comprendre que la justice doit avoir pour compagne continuelle cette crainte sainte, non celle qui est servile, mais celle qui est filiale? Aussi, que nos hérétiques mentent tant qu'ils voudront en s'appelant justes; il suffit pour faire apparaître leur mensonge, qu'ils ne veuillent pas se dire timorés, même au prix d'un mensonge. Ce n'est pas chez eux manque d'audace (il y a certes plus d'audace à se prétendre juste qu'à se confesser timoré), c'est plutôt honte, non évidemment de mentir, mais de s'exprimer en telle sorte que, par un mensonge sur le point en question, ils aient l'air de dire la vérité.

            Il est beau d'entendre les sectateurs et disciples de Calvin parler de cette matière, chacun se glorifiant d'être aussi sûr de sa prédestination que de la mort du Christ. Si vous leur demandez d'où leur vient une telle certitude, ils répondent aussitôt qu'ils reçoivent intérieurement du Saint-Esprit je ne sais quelle communication, quelle voix céleste, les empêchant de douter de leur prédestination. Toutefois, si quelqu'un de ceux qui se croyaient fidèles et prédestinés [129], d'une certitude si grande et si infaillible, vient à retourner au bercail du Christ et à la foi catholique, aussitôt les autres s'écrient que c'était mensonge de sa part lorsqu'il se disait certain de son salut. Or, le converti s'était auparavant glorifié de la certitude de son salut et du prétendu avertissement de l'Esprit-Saint, avec tout autant d'audace que ceux qui sont restés dans le calvinisme. Qu'est-ce donc qui peut rendre plus certains ces derniers que le premier, qui autrefois fut très certain? Si la voix céleste du premier l'a trompé, parce qu'elle exprimait le bavardage de Calvin au lieu de la voix de l'Esprit-Saint, pourquoi la voix céleste des autres ne les trompera-t-elle pas aussi?

 

De l'incertitude qu'avait le Christ de son salut

 

            15. Ils affirment au contraire que le Christ, Chef de tous les prédestinés, a été incertain de son salut. Calvin, en effet, avance ouvertement que le Christ a craint pour le salut de son âme; et ce n'est pas en passant, mais ex professo, qu'il soutient cela. D'où il s'ensuit évidemment que le Christ a été incertain du salut de son âme; car, pour craindre d'une crainte d'appréhension, telle que celle dont parle Calvin, il faut prévoir et soupçonner, comme au moins [130] probable, le mal qu'on craint: qui peut redouter ou craindre un mal dont il se sait certainement garanti? Affirmation, certes, digne de l'esprit et de la subtilité de Calvin: d'un côté, avec une souveraine impudence, il ordonne à chacun de ses disciples d'être très certain de son salut; de l'autre, par un blasphème inouï jusque là, il assure que le Christ était incertain du salut de son âme. Mais son impiété, après être montée jusqu'à son comble, continue en se laissant aller aux choses les plus basses. Calvin ajoute que le Christ souffrit «de cruels et horribles tourments,» — «on ne peut,» dit-il, «imaginer abîme plus épouvantable que de se sentir abandonné et rejeté de Dieu» — «lorsqu'il connut que, à cause de nous, il se tenait en qualité de coupable devant le tribunal de Dieu.»

 

Du désespoir du Christ

 

            16. Ils affirment que le Christ a laissé échapper une parole de désespoir, causée par l'impression ressentie dans sa chair: c'est là l'enseignement de Calvin. Par cette horrible affirmation ils nient que le Christ ait eu la pleine possession de toutes les passions de son âme, puisqu'elles ont pu se produire et s'échapper à son insu et [131] sans son commandement. Que cet enseignement soit faux au delà de tout ce qu'on peut dire, cela apparaît d'abord très clairement du simple énoncé ci-dessus, mais aussi de ce fait que le bienheureux Jean l'Evangéliste, dans le récit de la résurrection de Lazare, assure que le Christ s'est troublé lui-même: il convenait, en effet, que Celui qui n'était pas moins vrai Dieu que vrai homme, excitât volontairement en lui-même les craintes, les angoisses et les sentiments de cette sorte avant d'être excité par eux. Aussi, après saint Jérôme, disons-nous que dans le Christ il n'y a pas eu des passions, mais des «propassions».

 

De l'ignorance du Christ

 

            17. Ils affirment que le Christ a subi pour un temps l'ignorance, «Il a fallu,» dit Calvin, «que le Christ fût pour un temps semblable aux simples enfants, en sorte qu'il fût privé d'intelligence pour ce qui regarde les choses humaines.» Mais par cette affirmation ils nient que fussent cachés dans le Christ tous les trésors de la science et de la sagesse; ce qu'affirme cependant en termes exprès l'Ecriture. Nous avouons, en vérité, que le Christ enfant, pour ce qui regarde l'exercice et les œuvres externes, a grandi en sagesse [132] et en grâce; toutefois nous affirmons, en outre, qu'en lui étaient les trésors de la sagesse, même lorsqu'il ne les montrait pas encore, et qu'il les conservait pour lui-même, avec l'intention de les dévoiler, en son temps, devant le peuple de Dieu. Il n'a pas, en effet, cessé d'être le Verbe [la Parole de Dieu], même lorsqu'il ne proférait pas de parole, ou de posséder la sagesse, même lorsqu'il ne montrait pas cette sagesse dans ses paroles; notre foi croit qu'il fut, dès le premier instant de sa conception, compréhenseur en même temps que viateur.

 

De la foi actuelle des enfants non encore baptisés

 

            18. Ils affirment que les enfants, avant leur Baptême, croient et ont la foi, qu'ils ne possèdent pas seulement l'habitus de la foi, ni ne croient pas seulement par la foi de l'Eglise, mais ont l'acte de foi et la foi proprement dite. En affirmant cela, ils nient par le fait même que les enfants soient justifiés par le Baptême; car s'ils ont la foi avant le Baptême, et si, comme l'assurent nos hérétiques, «la foi seule» justifie, il s'ensuit que les enfants sont justifiés avant le Baptême. Cependant, qui ignore que la foi vient de l'audition, et que l'audition a lieu par la prédication de la parole de Dieu? Et [133] comment la parole de Dieu est-elle parvenue à l'âme de l'enfant sans prédicateur? Qui donc a prêché aux enfants? De plus, les actes de foi ne peuvent exister sans l'usage de la raison, comme tout le monde l'avoue et comme l'enseigne le bon sens naturel; or, qui peut croire que les enfants jouissent de l'usage de la raison?

            Nous en avons assez dit au sujet de la première caractéristique de l'antichristianisme, qui montre bien ce que sont nos hérétiques, et qui consiste à tout nier, à ne rien affirmer, ou à n'affirmer que d'une manière négative et purement vide de sens, comme disent les jurisconsultes. Maintenant, examinons brièvement les autres caractéristiques qui impriment au front des sectes de notre temps ce nom affreux: HÉRÉSIE.

 

 

 

Secunda haereticorum nota: Vocationis defectus

 

§ 1

 

            Secunda igitur nota haec erit, quae ex vocationis defectu proficiscitur; est enim haereticorum omnium proprium, quarto modo, ut vocatione ad ministerium careant. Currebant, inquit Deus per Ezechielem, de falsis prophetis, et ego non mittebam eos. Veniunt, inquit Christus, in vestimentis [134] ovium. Et Paulus: Quomodo, inquit, prædicabunt, nisi mittantur? Et alibi: Nemo, inquit, assumit sibi honorem, sed qui vocatur a Deo tanquam Aaron.

            Lutherum porro, Zuinglium, Calvinum et alios hujus-modi omnes superioris saeculi haeresiarchas omnino carere vocatione apparet evidenter ex pluribus; sed ex eo primum et maxime, quod, cum interrogantur qua ratione vocati sint, nihil habent quod respondeant, in quo conveniant. Calvinus enim Lutherum aliosque novatores qui sectas istas excitaverunt, non ordinaria vocatione, sed extraordinaria, ministerium suum sumpsisse asseverat, indeque Apostolos illos et Evangelistas censendos esse dicit. «Quamquam,» inquit, «non nego quin Apostolos postea quoque, vel saltem eorum loco Evangelistas, interdum excitaverit Deus, ut nostro tempore factum est. Talibus enim, qui Ecclesiam ab Antichristi defectione reducerent, opus fuit. Munus tamen ipsum nihilominus extraordinarium appello, quia in ecclesiis rite constitutis locum non habet.»

            Lutherus autem palam fatetur se non extraordinaria, sed ordinaria et mediata vocatione vocatum esse: «Sumus [135] igitur,» inquit, «et nos divina auctoritate vocati, non quidem immediate a Christo, ut Apostoli, sed per hominem.» Cum autem explicat quanam ratione vocatus sit per hominem: «Cum autem,» inquit, «princeps seu alius magistratus me vocat, hinc certo et cum fiducia gloriari possum quod mandante Deo per vocem hominis vocatus sim; Est enim ibi mandatum Dei per os principis, quod me certum facit, vocationem meam esse veram et divinam.» Et alibi dicit «vocationem antiquitus quidem per Apostolos, qui suos successores vocaverunt, factam esse, sicut,» inquit, «adhuc vocantur etiam a potestatibus carnalibus et magistratibus seu communitatibus.» Vides igitur ut Lutherus suam vocationem non quemadmodum Apostolorum et Evangelistarum extraordinariam, sed ordinariam et mediatam esse asserat, eamque non ab Episcopis aut ecclesiasticis personis, sed «a magistratibus carnalibus» (hoc enim ipsum ejus Mot est) profectam esse ac derivatam.

            Philippus autem Plessaeus Mornaeus tractatu illo gallico De Ecclesia, in quo tantopere Calvinistae sibi placent, [136] contendit Lutheri, Zuingli et caeterorum primorum nostri temporis haereticorum vocationem non a Deo immediate aut extraordinarie, quemadmodum Calvinus, neque mediate «a magistratibus carnalibus,» sicut Lutherus, sed mediate ab Episcopis catholicis deducendam. Quandoquidem, inquit, sacerdotes erant ab Episcopis creati; ut sacerdotes autem Mot Dei ministrari debuerunt. Itaque ministraverunt, non ut auctores sui, id est Episcopi, faciebant, sed longe rectius et purius.

            Quis ergo non rideat horum hominum insaniam, qui ne quidem qua ratione vocati sint inter se conveniunt? Quis vero non miretur Plessaei ingenium, qui qua ratione vocatus sit Calvinus, Calvino melius se scire existimat? qua item ratione Lutherus, et a quo suam vocationem et auctoritatem acceperit, melius se nosse quam ipse sciverit Lutherus? Separate illos, inquit Daniel de falsis testibus, ab invicem procul, et dijudicabo eos; dixitque ad unum: [137] Sub qua arbore videris? Qui ait: Sub schino. Interrogavit et alium, qui ait: Sub prino; et ita testimoniorum falsitas apparuit. Sic si interroges Calvinum: Quis te vocavit? Deus, inquit, extraordinarie. Si Lutherum: Magistratus, inquit, carnalis, ordinarie. At Plessseus, velut quidam inter tantos contendentes de caelo delapsus arbiter, quasi vocationi aliorum interfuerit, audacter pronuntiat: Male Lutherum, pejus Calvinum; esse enim illos ab Episcopis nostris vocatos. Quis non ergo, jam vel ex ipsorum confessione, agnoscat falsum eos dicere, cum de vocatione sua gloriantur?

 

§ 2

 

De legitima Episcoporum nostrorum vocatione

 

            Enimvero, non solum de vocatione sua non conveniunt, sed etiam, quod magis est, consentiunt inter se de legitima Episcoporum nostrorum vocatione. Nam Lutherus, «Apostoli,» inquit, «vocaverunt suos discipulos, ut Paulus Timotheum et Titum. Qui deinde Episcopos, Episcopi suos [138] successores vocaverunt. Ea vocatio duravit usque ad nostra tempora, et durabit usque ad finem mundi; estque mediata, quia per hominem fit, et tamen divina est.» Calvinus autem: «Supersunt,» inquit, «Episcopi et parochiarum rectores, qui utinam de retinendo officio contenderent; libenter enim illis concederemus eos habere pium et eximium munus, siquidem eo defungerentur.» Et alibi: «Videmus,» inquit, «hodie papistas, quomodo sibi nomen Ecclesiae arroganter attribuant, sub praetextu successionis perpetuae, quam obtendunt. Et sane, ut verum dicam, coacti sumus fateri a parte eorum stare ministerium ordinarium; sed, quia potestate sua abusi sunt, eorum jactantiam irridere possumus.» Mornaeus autem, cum a nostris Episcopis Lutheri et sequacium missionem derivat, an non omnium apertissime vocationem nostrorum approbat Episcoporum? Bene igitur Calvinus, et melius quam crediderit, «in ecclesiis recte constitutis» vocationem suam aut suorum non habere locum.

            Quo admisso, sic jam nobis licebit argumentari: Ecclesia Christi recte semel constituta est, ita ut nunquam inferorum [139] portae adversus eam praevalere possint; ergo in ea locum habere vocatio extraordinaria non potest, nisi quatenus ab ordinaria approbetur: Christus enim divisus non est. Stabiliunt autem ordinariam vocationem, quae, inquit Lutherus, «usque ad finem mundi» duratura est; ergo, vocationi ordinariae fidem adhibere debemus. Cui si extraordinaria esset contraria, Christus utique contrarias invicem vocationes foveret ac divisionis auctor esset. Ut merito verbis Tertulliani urgere liceat apostaticos istos reformatores: «Qui estis» vos, aut «unde venistis?» Quis vos misit evangelizare? «Edant,» inquit ille, «origines ecclesiarum suarum, evolvant ordinem episcoporum suorum.» Quin etiam verbis Lutheri, qui de vocatione ab Apostolis instituta tractans: «Est igitur,» inquit, «non contemnenda vocatio, neque enim satis est habere Mot et puram doctrinam; opportet etiam ut vocatio certa sit, sine qua qui ingreditur ad mactandum et perdendum venit; nunquam enim fortunat Deus laborem illorum qui non vocati sunt; sic hodie fanatici spiritus nostri habent verba de fide in ore, tamen nullum fructum faciunt.» Et ibidem: «Diabolus [140] incitare solet suos ministros, ut non vocati currant et praetextant zelum.»

 

 

 

Deuxieme caracteristique des heretiques: Le manque d'appel divin

 

§ 1

 

            Donc, la seconde caractéristique sera celle qui provient du manque d'appel divin, car c'est tout à fait le propre de tous les hérétiques de manquer de vocation pour exercer leur ministère. Ils couraient, dit Dieu par la bouche d'Ezéchiel, en parlant des faux prophètes, et je ne les envoyais pas. Ils viennent, dit le [134] Christ, sous des vêtements de brebis. Et Paul s'écrie: Comment prêcheront-ils, s'ils ne sont envoyés? Ailleurs encore: Nul ne s'arroge cet honneur; il faut y être appelé par Dieu comme Aaron.

            Or, il est évident par plusieurs raisons que Luther, Zwingle, Calvin et les autres hérésiarques du siècle passé manquaient totalement d'appel de Dieu: mais la première et la principale est que, devant la question qui leur est posée sur l'origine de leur vocation, ils ne savent trouver une réponse concordante. Calvin, en effet, assure que Luther et les autres novateurs, instigateurs des sectes nouvelles, ont entrepris leur ministère par suite d'une vocation, non ordinaire, mais extraordinaire, en sorte qu'il les considère comme des apôtres et des évangélistes. «Je ne nie pas,» dit-il, «que Dieu ait envoyé parfois plus tard des apôtres, ou au moins, à leur place, des évangélistes, comme cela s'est produit de notre temps; car ils étaient nécessaires pour retirer l'Eglise de la défection de l'Antéchrist. Cependant, la fonction elle-même, je l'appelle extraordinaire, parce qu'elle n'existe pas dans les églises bien constituées.»

            Luther, au contraire, avoue ouvertement avoir été appelé par une vocation, non extraordinaire, mais ordinaire et médiate: [135] «Nous sommes donc,» dit-il, «appelés, nous aussi, non pas, à la vérité, immédiatement par le Christ comme les Apôtres, mais par un homme.» Et lorsqu'il explique de quelle manière il a été appelé par un homme, il dit ceci: «Quand un prince ou un autre magistrat m'appelle, je puis me glorifier avec certitude et confiance d'être, par la voix d'un homme, appelé sur l'ordre de Dieu; c'est là, en effet, le commandement de Dieu par la bouche du prince, qui m'assure de la vérité et de la divinité de ma vocation.» Ailleurs il enseigne que «l'appel autrefois était fait par les Apôtres, qui ont choisi leurs successeurs, comme,» dit-il, «ces successeurs sont encore appelés, même par les puissances charnelles et les magistrats, ou par les communautés.» Vous voyez ainsi Luther affirmer de sa vocation qu'elle n'est pas, comme celle des Apôtres et des Evangélistes, extraordinaire, mais ordinaire et médiate, et qu'elle dérive, non des Evêques ou des personnes ecclésiastiques, mais «des magistrats charnels;» c'est là sa propre expression.

            Quant à Philippe du Plessis-Mornay, dans son traité français De l'Eglise, qui plaît tant aux calvinistes, il soutient que la [136] vocation de Luther, de Zwingle et des autres fameux hérétiques de notre temps, ne provient pas de Dieu immédiatement et extraordinairement, comme le pense Calvin, ni médiatement «des magistrats charnels,» comme l'enseigne Luther, mais médiatement des Evêques catholiques. En effet, dit-il, ils ont été ordonnés prêtres par les Evêques, et comme prêtres ils ont eu le devoir de dispenser la parole de Dieu. Par suite ils l'ont dispensée, non comme le faisaient leurs consécrateurs les Evêques, mais d'une façon bien plus juste et plus pure.

            Qui ne rira de la folie de ces hommes qui ne conviennent même pas entre eux du fondement de leur vocation? Qui n'admirera l'esprit ingénieux de du Plessis, qui estime connaître mieux que Calvin le fondement de la vocation de Calvin? mieux que Luther le fondement de la vocation et de l'autorité de Luther? Séparez-les l'un de l'autre, et je les jugerai, dit Daniel des faux témoins; et il dit à l'un: Sous quel arbre les as-tu vus? Il répondit: Sous [137] un lentisque. Il interrogea aussi l'autre, qui dit: Sous un chêne; et ainsi apparut la fausseté des témoignages. De même, si tu demandes à Calvin: Qui t'a appelé? Dieu, répond-il, par un appel extraordinaire. Si tu interrogés Luther: Le magistrat charnel, répond-il, par un appel ordinaire. Quant à du Plessis, comme un arbitre tombé du ciel pour mettre d'accord ceux qui se disputent, et comme s'il avait assisté à leur vocation, il affirme audacieusement: Luther a mal parlé, plus mal encore Calvin; c'est de nos Evêques qu'ils ont reçu leur vocation. Qui donc hésitera, et cela en se basant sur leurs propres aveux, à traiter leurs dires à tous de faussetés, lorsqu'ils se vantent de leur vocation?

 

§ 2

 

De la vocation légitime de nos Evêques

 

            Effectivement, non seulement ils ne s'entendent pas sur l'origine de leur vocation, mais aussi, qui plus est, ils sont d'un avis unanime sur la vocation légitime de nos Evêques. Voici les paroles de Luther: a Les Apôtres ont appelé leurs disciples, comme Paul l'a fait pour Timothée et Tite, lesquels, étant Evêques, ont ensuite appelé les [138] Evêques leurs successeurs. Cette forme de vocation s'est continuée jusqu'à nos temps et persistera jusqu'à la fin du monde; et elle est médiate, parce qu'elle se fait par le ministère humain, bien qu'elle soit divine.» Et Calvin: «Il nous reste,» dit-il, «des Evêques et des curés; puissent-ils faire tous leurs efforts pour s'attacher à leur ministère, car volontiers nous concéderions que ce ministère est bon et excellent, pourvu toutefois qu'ils s'en occupent.» Et ailleurs: «Nous voyons aujourd'hui comment les papistes s'attribuent avec arrogance le nom d'Eglise, sous prétexte de la succession ininterrompue qu'ils mettent en avant. Et à la vérité, nous sommes forcés d'avouer que le ministère ordinaire est de leur côté ; mais comme ils ont abusé de leur pouvoir, nous pouvons nous moquer de leurs prétentions.» Quant à Mornay, puisqu'il fait dériver de nos Evêques la mission de Luther et de ses disciples, ne reconnaît-il pas par là très ouvertement la vocation de nos Evêques? Aussi Calvin avait-il raison, plus même qu'il ne le croyait, lorsqu'il disait que «dans les églises régulièrement constituées» il n'y a pas place pour sa mission ni celle des siens.

            Ceci étant admis, on nous permettra de raisonner ainsi: L'Eglise du Christ a été une fois pour toutes constituée de telle manière [139] que les portes de l'enfer ne puissent jamais prévaloir contre elle; donc, il ne peut y avoir en elle de vocation extraordinaire, si ce n'est en tant qu'approuvée par l'ordinaire, le Christ n'étant pas divisé. Nos hérétiques admettent que la vocation ordinaire «durera,» selon l'expression de Luther, «jusqu'à la fin du monde;» donc nous devons ajouter foi à la vocation ordinaire. Si à cette dernière était contraire la vocation extraordinaire, le Christ admettrait deux vocations opposées entre elles, et serait auteur de division. C'est le cas d'interpeller nos réformateurs apostats avec les paroles de Tertullien: «Qui êtes-vous,» vous autres, et «d'où venez-vous?» Qui vous a envoyés évangéliser? «Qu'ils montrent les origines de leurs églises,» ajoute-t-il, «qu'ils déroulent la filière de leurs évêques.» Bien mieux, servons-nous des expressions mêmes de Luther parlant du mode d'appel institué par les Apôtres: «Il ne faut donc pas mépriser la vocation, car il ne suffit pas d'avoir la parole et la pure doctrine, il faut aussi que la vocation soit certaine; celui qui s'ingère sans elle, vient pour égorger et perdre, Dieu ne bénissant jamais le travail de ceux qui ne sont pas appelés. Ainsi, aujourd'hui nos esprits fanatiques enseignent de bouche la foi, sans cependant faire aucun fruit.» Et il ajoute au même endroit: [140] «Le diable a coutume d'exciter ses ministres à courir sans vocation et à se parer d'un faux zèle.»

 

 

 

Tertia nota hæreticorum: Contemptus Ecclesiæ

 

            Tertius haeresium omnium character ille est, quod Ecclesiam contemnunt. Si quis, ait Christus, Ecclesiam non audierit, sit tibi tanquam ethnicus et publicanus. Cui consequenter et praeclare D. Augustinus insolentissimae dicit esse insaniae, id negare vel rejicere, quod universa tenet Ecclesia. Quod magis est, idem, alio loco, negat se crediturum Evangelio, nisi eum auctoritas Ecclesiae commoveret. Et rursus, alibi disputans non esse rebaptizandos haereticos, scribit haec verba: «Quamvis hujus rei de Scripturis canonicis non proferatur exemplum, earumdem tamen Scripturarum, etiam in hac re, a nobis tenetur veritas, cum hoc facimus quod universae jam placuit Ecclesiae, quam ipsarum Scripturarum commendat auctoritas.» Eam vero auctoritatem non potuit Paulus Apostolus commendare apertius, quam cum Ecclesiam columnam et firmamentum veritatis appellavit. Et vero, si Christus [141] Ecclesiam, sponsam suam dilectissimam, matrem omnium Christianorum esse voluit, quomodo fieri potest ut eam quis contemptui habeat, quin hoc ipso Christum contemnat? «Perhibet,» inquit Augustinus, «testimonimn Christus Ecclesiae... Quod si non vis, non mihi aut cuiquam homini, sed ipsi Servatori, contra salutem tuam, perniciosissime reluctaris, qui te sic suscipiendum esse non vis credere, quemadmodum suscipit illa Ecclesia, quam testimonio suo commendat ille, cui fateris nefarimn esse non credere.»

            Quam vero impudenter Ecclesiasticam auctoritatem novatores nostri omnes conculcaverint, vel ex hoc solo maxime apparet, quod omnes, ore uno, errasse illam, defecisse et apostatasse proclamant, ut nimirum se reformatores aut instauratores Ecclesiae possint et audeant appellare. Hinc est quod Lutherus passim jactitat, nihil se curare quid Ecclesia sentiat. Et in disputatione illa, omnium suavissima, quam se cum diabolo habuisse gloriatur, refert se diaboli argumentis convictum ab Ecclesiae sententia discessisse. Mox, in triumphantis speciem insultans Catholicis: «Si vobis,» inquit, «sustinendi essent ictus diaboli, non diu [142] essetis cantilenam de Ecclesia et veteri recepto more cantaturi.» Sed et alio loco gloriatur se solum contra Ecclesiam ab initio dimicasse. Calvinus autem, Ecclesiam errare posse, quam saepe et ex professo contendit!

 

 

 

Troisième caractéristique des hérétiques: Le mépris de l'Eglise

 

            Le troisième caractère de toutes les hérésies est de mépriser l'Eglise. Si quelqu'un, dit le Christ, n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit pour toi comme un païen et un publicain. Comme conséquence à cette parole, saint Augustin affirme fort justement que c'est folie et parfaite insolence de nier ou rejeter ce que toute l'Eglise admet. Bien plus, il se dit ailleurs prêt à ne pas croire à l'Evangile, si l'autorité de l'Eglise n'était pas là pour le pousser à y croire. Et de nouveau, en un autre endroit, à propos du Baptême qui ne doit pas être réitéré aux hérétiques, il écrit ces paroles: «Quoique les Ecritures canoniques ne nous offrent pas d'exemple à ce sujet, c'est cependant encore la vérité de ces Ecritures que nous suivons, lorsque nous agissons selon la volonté de l'Eglise universelle, Eglise qui s'appuie sur l'autorité des Ecritures.» L'Apôtre Paul n'a pu louer plus ouvertement l'autorité de l'Eglise, qu'en l'appelant colonne et base de la vérité. Et, en effet, si le [141] Christ a voulu que l'Eglise, son épouse très chère, fût la mère de tous les chrétiens, comment peut-on la mépriser sans mépriser le Christ lui-même? «Le Christ,» dit saint Augustin, «rend témoignage à l'Eglise... Si tu résistes, ce n'est pas à moi ou à un autre homme, mais au Sauveur lui-même que tu résistes le plus malheureusement du monde, à l'encontre de ton propre salut, car tu ne veux pas croire à la nécessité pour toi d'être admis en la manière qu'admet l'Eglise; or, à cette Eglise rend témoignage Celui auquel, de ton propre aveu, on ne peut sans crime refuser de croire.»

            Les novateurs de notre époque montrent bien leur impudence à fouler aux pieds l'autorité de l'Eglise par ce seul fait que tous, d'une voix unanime, proclament qu'elle est tombée dans l'erreur et l'apostasie, au point de s'attribuer audacieusement le qualificatif de réformateurs et de restaurateurs de l'Eglise. Aussi Luther se vante-t-il çà et là de ne tenir aucun compte du sentiment de l'Eglise. Et dans cette fameuse dispute, de toutes la plus délicieuse, qu'il se glorifie d'avoir eue avec le démon, il rapporte que c'est convaincu par les arguments de ce dernier qu'il a abandonné la doctrine de l'Eglise. Tout aussitôt il insulte ainsi les catholiques en manière de triomphe: «S'il vous fallait soutenir les chocs du [142] démon, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes.» Ailleurs il se glorifie d'avoir, lui tout seul, combattu contre l'Eglise dès le commencement. Quant à Calvin, combien de fois n'a-t-il pas soutenu ex professo que l'Eglise peut errer!

 

 

 

Quarta nota hæreticorum: Contemptus Conciliorum

 

            Quartus haereticorum character est Conciliorum universalium contemptus, quorum tamen fuit semper tanta auctoritas, ut D. Gregorius Nazianzenus non dubitaverit affirmare, haereticos non esse, si a Concilio catholico approbati fuerint; esse vero haereticos, si minime fuerint recepti. Et D. Basilius non melius aut certius haereticos dijudicandos esse affirmat, quam ex receptione vel contemptu Concilii Nicaeni.

            At Calvinus, longe aliter, Concilia et errare posse et errasse palam profitetur. Lutherus vero, libere simul et impudenter, ut solet: «Papa,» inquit, «mentitur una cum Conciliis.» Et paulo post: «Insanum est,» inquit, «Concilia concludere et statuere velle quid credendum sit, [143] cum tamen saepenumero nemo adsit, qui Spiritum divinum, vel tantillum, gustaverit; quemadmodum in Concilio Nicaeno usuvenit, ubi, dum leges super statum spiritualem ferre conarentur, quibus eidem statui matrimonium interdiceretur, omnes profecto in Concilio a veritate aberraverunt.»

 

 

 

Quatrième caractéristique des hérétiques: Le mépris des Conciles

 

            La quatrième caractéristique des hérétiques est le mépris des Conciles généraux, dont cependant l'autorité a toujours été si grande, que saint Grégoire de Nazianze n'a pas hésité à affirmer que ceux-là ne sont pas hérétiques, qu'un Concile catholique a approuvés, et que ceux-là sont hérétiques que n'admet pas un Concile catholique. Et saint Basile soutient que la meilleure et plus certaine façon de juger si tels ou tels sont oui ou non hérétiques, est de voir s'ils acceptent ou méprisent le Concile de Nicée.

            Tout au contraire, Calvin déclare ouvertement que les Conciles peuvent errer et ont erré. Pour ce qui est de Luther, il s'exprime ainsi, avec son intempérance et son impudence de langage habituelles: «Le Pape ment en même temps que les Conciles.» Et peu après: «C'est folie que les Conciles veuillent établir les articles de [143] foi, alors que souvent, il n'y a personne dans leur sein qui ait eu la moindre perception de l'Esprit divin. Ainsi il est arrivé, au Concile de Nicée, qu'en s'efforçant de tracer les lois de l'état spirituel, lois qui interdisaient le mariage à cet état, tous les Pères du Concile se sont certainement trompés.»

 

 

 

Quinta nota hæreticorum: Contemptus Sedis Apostolicæ

 

            Quintum characterem habent haeretici, Apostolicae Sedis contemptum, in quo sane excellit Lutherus prae caeteris; nam is, quodam loco, postquam omnia quae fiunt contra Ecclesiam Romanam, ad Dei gloriam pertinere dixit: «Cum autem,» inquit, «et ego unus sim de antipapis, revelatione divina ad hoc vocatus, ut dissipem et perdam et destruam regnum illud [maledictionis] cupide et habenter illo fungor officio, sicut hactenus feci.» Sed et alibi, cum defendit bellum contra Turcas esse illicitum: «Quanto rectius...,» inquit, «faceremus, si idolo Romano Caesar et Principes modum ponerent... perditionis animarum! nam, [144] ut ego prophetem semel, licet non audiar, quod scio, nisi Romanus Pontifex redigatur in ordinem, actum est de omni re Christiana;... nihil, nisi peccatum et perditionem, Papatus operari potest... Qui habet aures audiendi, audiat, et a bello Turcico abstineat, donec Papae nomen sub caelo valeat. Dixi.» Et alibi: «Igitur,» inquit, «sive Papa, sive Patres, sive Concilium sic aut sic sentiat, nemini debet esse praejudicium, sed abundet quisque in sensu suo.» Sed quid hic moror? Si e libris Lutheri et Calvini detraheres injurias et calumnias quibus Apostolicam Sedem insectantur, vix una in iis aut altera pagina remaneret.

            Jam vero, si quis dubitet an certa sit nota haeresis contemptus Sedis Romanae, audiat Christum, qui, cum Petrum Apostolum Ecclesiae caput constitueret: Et super hanc petram, inquit, ædificabo Ecclesiam meam. Inde namque fit consequens, ad Ecclesiam Dei non pertinere illum qui petrae huic non innititur, quae Christi ore tanto-pere commendatur. Cumque idem Christus eidem Petro suas oves pascendas dederit, utique Christi ovis esse non potest, qui a Petro pasci non vult. [145]

            Neque est quod garriant haeretici, Romanum Pontificem Petri successorem non esse, vel auctoritatem quae Petro concessa fuerat, Pontifici Romano datam non esse; nam, cum auctoritas illa propter commune bonum Ecclesiae Petro sit collata, non debuit finiri cum Petro, qui deficere ac mori post paucos annos debuerat, sed cum Ecclesia militante, quae ad finem usque saeculi duratura est: ergo et successorem in ea Petri auctoritate aliquem debet habere Ecclesia. Porro nemo unquam Petri successor hac parte dictus est ab Ecclesia, praeter Pontificem Romanum; fateamur ergo quod res est, Sedem Romani Pontificis petram illam esse, superquam fundata est Ecclesia, in qua Domini ovile pascitur. Itaque verissime Cyprianus: «Neque aliunde haereses,» inquit, «obortae sunt, aut nata sunt schismata, quam inde, quod Sacerdoti Dei non obtemperatur, nec unus in Ecclesia, ad tempus Sacerdos et ad tempus Judex, vice Christi cogitatur: cui si secundum magisteria divina obtemperaret fraternitas universa, nemo adversus Sacerdotum collegium quicquam moveret; nemo post divinum judicium, post populi suffragium, post Episcoporum [146] consensum, judicem se jam non Episcopi, sed Dei faceret; nemo dissidio unitatis Christi Ecclesiam scinderet; nemo, sibi placens ac tumens seorsum, foris haeresim novam conderet.» Eademque propemodum sunt alio loco ejusdem Doctoris verba. Nec dissimiliter Hieronymus ad Damasum, Pontificem Romanum: «Ego, nullum primum nisi Christum sequens, Beatitudini Tuae, id est Cathedrae Petri, communione consocior; super illam Christi aedificatam Ecclesiam scio. Quicumque extra hanc domum agnum comederit, prophanus est; si quis in arca Noe non fuerit, peribit regnante diluvio;... quicumque tecum non colligit, spargit: hoc est, qui Christi non est, anti-christi est.»

            Denique dici non potest, quam mira magnaque sit antiquorum Patrum in commendanda Sede Romana consensio, et quam sibi placeant in quærendis nominibus et titulis, quibus eam cohonestent. Cyprianus Petri Cathedram appellat «Ecclesiam principalem,» Exordium unitatis sacerdotalis, Unitatis vinculum, Sacerdotii sublime fastigium, «Ecclesiae radicem et matricem.» Irenaeus vero, [147] Ecclesiam in qua est potentior principalitas. Prosper: «Caput pastoralis honoris, Sedem Petri.» Augustinus: «Apostolicae Cathedrae principatum.» Victor Uticensis et Justinianus quoque noster: «Caput omnium Ecclesiarum.» Leo et Prosper: «Caput orbis et mundi et religionis.» Ignatius: «Ecclesiam praesidentem.» Hieronymus: «tutissimum communionis catholicae portum.»

            Ipsum vero Pontificem Romanum, Deus bone, quam praeclaris et dignis honorant nominibus! «Sanctissimae Catholicae Ecclesiae Episcopum,» Cyprianus. Alii: «Sanctissimum et beatissimum Patriarcham, universalem Patriarcham, Caput Conciliorum, Caput universalis Ecclesiae,» ut in Concilio Chalcedonensi. «Beatissimum Dominum, Apostolico culmine sublimatum, Patrem patrum, Summum omnium praesulum Pontificem,» ut apud Stephanum, Archiepiscopum Carthaginensem. «Sacerdotem Summum,» ut apud Hieronymum; «Principem sacerdotum,» ut apud Valentinianum; «Custodem vineae Dominicae,» ut Concilium Chalcedonense; «Rectorem domus Domini,» Ambrosius; «Christi Vicarium,» Cyprianus. [148]

            Sed placet antiquissimis tot Patrum suffragiis addere divi etiam Bernardi calculum; non quod eum longe recentiorem esse nesciam, sed quia Calvinianos non pudet, Calvino ipso duce, hunc Doctorem sic laudare, quasi Sedis Apostolicae contemptor fuerit. Is ergo Pontificem Romanum his nominibus appellat: Fratrem confirmatorem, Sacerdotem magnum, Summum Pontificem, Principem Episcoporum, heredem Apostolorum; primatu Abelem, gubernatu Noe, patriarchatu Abrahamum, ordine Melchisedech, dignitate Aaronem, auctoritate Moisem, judicatu Samuelem, potestate Petrum; ovilis Dominici Pastorem, Clavigerum domus Domini, pastorum omnium Pastorem.

            Neque vero Calvinus ipse potest sibi temperare, quin fateri et agnoscere cogatur, jam temporibus Athanasii magni pios omnes libenter Ecclesiae Romanae detulisse quamplurimum poterant auctoritatis: «Verum,» inquit, «id totum nihil aliud erat, nisi ut magni aestimaretur ejus commvmio, ab ea autem eixcommunicari ignominiosum duceretur.» Quidni ergo ob hoc ipsum, Calvine, idem tu facere debuisti, omnesque tui, si qua veteris pietatis scintilla in vobis erat? [149]

            Lutherus vero iis omnibus opusculis, quæ initio suae defectionis composuit, tam honorifice de Papa locutus est, ut posterioribus scriptis, jam factus audacior et insolentior, se excusaverit, quod prioribus tam multa et magna Papae concessisset.

            Juvat vero adversus omnes istos Cathedrae Apostolicae Romanae contemptores iisdem verbis uti, quibus aliquando usus est Augustinus contra Petihanum; sicque Lutherum et Calvinum compellare, si quis erit qui eorum nomine velit respondere: «Cathedra» vobis «quid fecit Ecclesiae Romanae, in qua Petrus sedit, et in qua hodie Anastasius sedet? quare» appellatis «cathedram pestilentiae Cathedram Apostolicam? Si propter homines, quos» putatis «legem loqui et non facere, niunquid Christus propter Pharisaeos, de quibus ait: Dicunt et non faciunt, cathedrae in qua sedebant ullam fecit injuriam? Nonne Ulam cathedram Moisi commendavit, et illos servato cathedrae honore redarguit? Haec si cogitaretis, non propter homines, quos infamatis, blasphemaretis Cathedram Apostolicam, cui non communicatis; sed quid hoc est [150] aliud, quam nescire [quid] dicere, et tamen non posse nisi maledicere?»

 

 

 

Cinquième caractéristique des hérétiques: Le mépris du Siège Apostolique

 

            La cinquième caractéristique des hérétiques est le mépris du Siège Apostolique, point où excelle Luther qui, dans un certain endroit, après avoir dit que tout ce qui se fait contre l'Eglise Romaine tend à la gloire de Dieu, ajoute: «Etant moi-même un des antipapes, appelé par révélation divine à dissiper, perdre et détruire ce royaume [de malédiction], je remplis cette mission avec passion et plaisir, comme je l'ai fait jusqu'ici.» Ailleurs tout en soutenant que la guerre contre les furcs est illégitime, il dit ceci: «Combien mieux n'agirait-on pas si l'Empereur et les Princes empêchaient l'idole Romaine de perdre les âmes! car, s'il m'est [144] permis de prophétiser une fois ce que je sais, au risque de n'être pas écouté, je dirai que c'en est fait du Christianisme, si le Pontife Romain n'est pas mis à la raison... La Papauté ne peut rien produire, si ce n'est péché et perdition... Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende, et s'abstienne de faire la guerre aux Turcs tant que le nom du Pape se fait entendre sur terre. J'ai dit.» Et ailleurs: «Par conséquent, l'enseignement et le sentiment du Pape, des Pères ou du Concile ne doivent servir de règle à personne, mais que chacun abonde dans son sens.» Mais pourquoi continuer là-dessus? Si l'on retranchait des livres de Luther et de Calvin les insultes et calomnies déversées contre le Siège Apostolique, il en resterait bien peu de pages.

            Et cependant, si quelqu'un doute que le mépris du Siège Romain soit une caractéristique de l'hérésie, qu'il écoute les paroles par lesquelles le Christ a établi l'Apôtre Pierre chef de l'Eglise: Et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Par suite, celui-là n'appartient pas à l'Eglise qui ne s'appuie pas sur la pierre que la bouche du Christ a si grandement magnifiée. Et puisque le même Christ a confié ses brebis à la garde de Pierre, elle n'est pas brebis du Christ celle qui ne veut pas avoir Pierre pour pasteur. [145]

            Que les hérétiques ne viennent pas, après cela, prétendre que le Pontife Romain n'est pas le successeur de Pierre, ou que l'autorité accordée à Pierre n'a pas été transmise au Pontife Romain; car cette autorité ayant été conférée à Pierre pour le bien commun de l'Eglise, elle n'a pas dû cesser avec Pierre, lequel devait disparaître par la mort au bout de peu d'années, mais durer autant que l'Eglise militante, qui demeurera jusqu'à la fin du monde: par conséquent, l'Eglise doit avoir un successeur revêtu de l'autorité même dont jouissait Pierre. Or, personne n'a jamais été appelé par l'Eglise successeur de Pierre dans ce sens, en dehors du Pontife Romain. Reconnaissons donc, ce qui est vrai, que le Siège du Pontife Romain est cette pierre sur laquelle a été bâtie l'Eglise, véritable bercail du troupeau du Seigneur. Aussi est-ce avec pleine vérité que saint Cyprien écrit: «Il n'y a pas d'autre cause aux hérésies et aux schismes que le manque d'obéissance au Prêtre de Dieu, parce qu'on ne considère pas comme tenant la place du Christ celui qui seul est pour un temps Prêtre et Juge dans l'Eglise. Si à celui-là l'universalité des frère6 obéissait selon les enseignements reçus de Dieu, personne ne s'opposerait au collège des Prêtres; personne ne se constituerait, après la sentence de Dieu, [146] après le suffrage du peuple, après l'assentiment des Evêques, le juge, non plus de l'Evêque, mais de Dieu; personne ne romprait l'unité de l'Eglise du Christ; personne, par satisfaction et ambition personnelles, ne créerait une hérésie nouvelle.» Ailleurs le même Docteur a des paroles à peu près semblables. Et saint Jérôme n'écrit pas différemment à Damase, Pontife Romain: «Ne reconnaissant comme premier Pasteur que le Christ, je m'unis de communion à Ta Béatitude, c'est-à-dire à la Chaire de Pierre: je sais que c'est sur elle qu'a été bâtie l'Eglise. Quiconque mange l'agneau hors de cette demeure, est un profane; quiconque ne se trouvera pas dans l'arche de Noé, périra quand le déluge se déchaînera; qui n'amasse pas avec toi, disperse: en un mot, celui qui n'est pas avec le Christ est avec l'antéchrist.»

            Enfin, on ne saurait dire combien admirable et étendu est l'accord des anciens Pères à louer le Siège de Rome, et combien ils se plaisent à inventer des noms et des titres glorieux pour ce Siège. Cyprien appelle la Chaire de Pierre «Eglise principale,» origine de l'unité sacerdotale, lien de l'unité, faîte sublime du sacerdoce, «racine et nourrice de l'Eglise.» Irénée: Eglise où réside la principale puissance. Prosper: «La tête de l'honneur pastoral [147], le Siège de Pierre.» Augustin: «Le principat de la Chaire Apostolique.» Victor d'Utique et notre Justinien: «Chef de toutes les Eglises.» Léon et Prosper: «Chef de l'univers, du monde et de la religion.» Ignace: «Eglise qui préside.» Jérôme: «port très sûr de la communion catholique».

            Quant au Pontife Romain lui-même, bon Dieu, de quels titres magnifiques et mérités ils le glorifient! Cyprien l'appelle, «l'Evêque de la très sainte Eglise Catholique.» D'autres: «Le très saint et très heureux Patriarche, le Patriarche universel, le Chef des Conciles, le Chef de l'Eglise universelle,» comme le Concile de Chalcédoine; «le très heureux Seigneur, porté au faîte de la dignité apostolique, le Père des pères, le Souverain Pontife de tous les pontifes,» comme Etienne, archevêque de Carthage; «le Souverain Prêtre,» comme Jérôme; «le Prince des prêtres,» comme Valentinien; «le Gardien de la vigne du Seigneur,» comme le Concile de Chalcédoine; «le Chef de la maison du Seigneur,» comme Ambroise; «le Vicaire du Christ,» comme Cyprien. [148]

            Mais il est bon d'ajouter à tant de témoignages très antiques des Pères celui aussi de saint Bernard. Ce n'est pas que je ne le sache bien plus récent; mais c'est que les calvinistes ont l'audace, à la suite de Calvin lui-même, de louer ce Docteur comme un contempteur du Siège Apostolique. Voici donc les noms qu'il décerne au Pontife Romain: Confirmateur des Frères, grand Prêtre, Souverain Pontife, Prince des Evêques, héritier des Apôtres; Abel par sa primauté, Noé par son gouvernement, Abraham par son droit de patriarche, Melchisédech par son ordination, Aaron par sa dignité, Moïse par son autorité, Samuel par sa fonction de juge, Pierre par sa puissance; Pasteur du troupeau du Seigneur, Porte-clefs de la maison du Seigneur, Pasteur de tous les pasteurs.

            Et Calvin lui-même ne peut s'empêcher d'avouer et de reconnaître que dès le temps du grand Athanase, tous les gens pieux ont accordé volontiers à l'Eglise Romaine le plus possible d'autorité: «Mais,» dit-il, «tout cela n'avait pas d'autre sens que d'estimer à un grand prix sa communion, et de considérer comme une injure d'être excommunié par elle.» Pourquoi donc, ô Calvin, n'avais-tu pas, et tous les tiens aussi, l'obligation de faire de même, s'il vous restait une étincelle de la piété antique? [149]

            Quant à Luther, il a parlé avec tant d'éloges du Pape dans tous les opuscules composés au commencement de sa défection, que dans ses ouvrages postérieurs, devenu plus audacieux et plus insolent, il s'est excusé d'avoir auparavant accordé au Pape tant et de si grandes choses.

            Contre tous ces contempteurs de la Chaire Apostolique de Rome, il convient d'employer les expressions dont s'est servi autrefois saint Augustin contre Pétilien, et d'apostropher Luther et Calvin, au cas où quelqu'un voudrait répondre en leur nom: «Que» vous s a fait la Chaire de l'Eglise Romaine, où Pierre a siégé, où siège aujourd'hui Anastase? Pourquoi» appelez-vous «chaire de pestilence la Chaire Apostolique? Si c'est à cause des hommes que» vous supposez «enseigner la loi sans la pratiquer, est-ce que le Christ, à cause des pharisiens dont il a dit: Ils disent et ne font pas, a injurié la chaire où ils siégeaient? N'a-t-il pas honoré la chaire de Moïse, et repris les pharisiens sans toucher à l'honneur de la chaire même? Si vous pensiez à cela, vous ne blasphémeriez pas, à cause des personnes que vous décriez, la Chaire Apostolique, avec laquelle vous n'êtes pas en communion. Qu'est-ce que tout ceci, [150] sinon ne pas savoir que dire, et cependant ne pouvoir se tenir de mal dire?»

 

 

 

Sexta hæreticorum nota: Contemptus Patrum

 

            Sextus haereticorum character est contemptus antiquorum Ecclesias Patrum, quos venerari et colere deberent, si Hieremiam audirent, aut potius Spiritum Sanctum loquentem per Hieremiam: Haec dicit Dominus, inquit ille: State super vias, et videte, et interrogate de semitis antiquis, quæ sit via bona, et ambulate in ea, et invenietis refrigerium animabus vestris. Et alibi Scriptura Sacra: Non te prætereat narratio seniorum; ipsi enim didicerunt a patribus suis. Quare optimum fuit Sisinni consilium quod Theodosius senior secutus est, ut haereticorum doctrina examinetur ad antiquorum Patrum sententias et normam, et, si contraria reperiatur, confestim toto terrarum orbe explodatur.

            Omnium vero pulcherrime Vincentius Lirinensis, ubi de [151] antiquorium Patrum auctoritate tractat: «Hos,» inquit, «in Ecclesia Dei divinitus per tempora et loca dispensatos, quisquis in sensu catholici dogmatis unum aliquid in Christo sentientes contempserit, non hominem contemnit, sed Deum. Si quis ab eorum sententiae communione desciverit, audiat illud Apostoli: Non est Deus dissensionis, sed pacis.» Et paulo post: «Necesse est profecto omnibus deinceps Catholicis, qui sese Ecclesiae matris legitimos filios probare student, ut sanctae sanctorum Patrum fidei inhaereant, agglutinentur, immoriantur.»

            Prophanas vero prophanorum novitates urget divus Augustinus antiquorum Patrum auctoritate: «Ponam,» inquit, «pauca paucorum, quibus tamen nostri contradictores cogantur erubescere et cedere, si ullus in eis vel Dei timor vel hominum pudor est.» Quod autem dixit, se «pauca paucorum» velle haereticis opponere, id fecit, quia pauci illi cum reliquis aperta communione conjuncti erant. Et alibi idem Augustinus, loquens de Cypriano, Basilio, Hilario et similibus: «Tales quippe,» ait, «et tanti viri secundum catholicam fidem, quae ubique toto [152] orbe diffunditur, haec et illa vera esse confirmant, ut vestra fragilis et quasi argutula novitas sola auctoritate conteratur illorum, praeterquam quod ea dicunt, ut se per eos loqui veritas ipsa testetur.» Et rursum paulo post: «Quod invenerunt in Ecclesia,» inquit, «tenuerunt; quod didicerunt, docuerunt; quod a patribus acceperunt, hoc filiis tradiderunt.» Idem nos hodie de te dicimus, magne Augustine, deque contemporaneis tuis, adversus nugatores istos; neque tamen facere possumus, ut eos suae pudeat insaniae et impudentiae.

 

 

 

Sixième caractéristique des hérétiques: Le mépris des Pères

 

            La sixième caractéristique des hérétiques est le mépris des anciens Pères de l'Eglise, qu'ils devraient vénérer et avoir en grande estime s'ils écoutaient Jérémie, ou mieux l'Esprit-Saint parlant par Jérémie: Voici ce que dit le Seigneur: Tenez-vous sur les routes, et regardez, informez-vous des sentiers d'autrefois, quelle est la voie du salut, et marchez-y, et vous trouverez du soulagement pour vos âmes. Et ailleurs dans la Sainte Ecriture: Ne laisse pas échapper ce que racontent les anciens, car ils ont appris de leurs pères. Aussi était-ce un excellent conseil celui de Sisinnius à Théodose l'Ancien, qui le suivit, à savoir, qu'il fallait examiner la doctrine des hérétiques à la lumière de l'enseignement des anciens Pères, et que si on la trouvait contraire à cet enseignement, il fallait aussitôt la chasser de toute la surface de la terre.

            Vincent de Lérins s'exprime mieux que personne lorsqu'il traite [151] de l'autorité des anciens Pères: «Celui,» dit-il, «qui méprise ces Pères, que Dieu a répartis à travers les temps et les lieux, lorsque, au sujet du sens à attribuer à un dogme catholique, ils sont d'accord dans le Christ sur un point, celui-là ne méprise pas l'homme, mais Dieu. Si quelqu'un s'écarte de leur sentiment commun, qu'il écoute cette parole de l'Apôtre: Dieu n'est pas un Dieu de dissension, mais de paix.» Et un peu après: «Il est de première nécessité désormais à tous les catholiques qui s'efforcent de se montrer les fils légitimes de notre mère l'Eglise, qu'ils s'attachent à la sainte foi des saints Pères, y restent étroitement unis et y meurent.»

            Pour ce qui est des nouveautés profanes des profanes, saint Augustin les pourchasse en se basant sur l'autorité des anciens Pères: «J'écrirai,» dit-il, «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques, mais des choses telles que nos contradicteurs soient forcés de rougir et de s'avouer vaincus, si toutefois il leur reste quelque crainte de Dieu ou des hommes.» Son expression «peu de choses sur un petit nombre d'hérétiques» s'explique par ce fait, que le «petit nombre» en question était uni de communion ouverte avec les autres hérétiques. Ailleurs le même Augustin, parlant de Cyprien, de Basile, d'Hilaire et autres Pères: «Tous ces [152] grands hommes» dit-il, «admettent ces vérités [relatives au dogme du péché originel], ainsi que toutes celles conformes à la foi catholique, partout répandue dans le monde, en sorte qu'il suffit de leur autorité pour écraser votre nouveauté, bien fragile et bien subtile; outre que leurs enseignements sont tels que la vérité atteste parler elle-même par leur bouche.» Et de nouveau un peu plus loin: «Ce qu'ils ont trouvé dans l'Eglise, ils l'ont retenu; ce qu'ils ont appris, ils l'ont enseigné; ce qu'ils ont reçu de leurs pères, ils l'ont transmis à leurs fils.» Nous en disons aujourd'hui autant de toi, grand Augustin, et de tes contemporains, contre ces imposteurs, sans arriver cependant à les faire rougir de leur folie et de leur impudence.

 

 

 

III. Novationes hæreticorum nostrorum

 

            Quantopere enim Patrum antiquorum auctoritatem Lutherus Calvinusque contempserint, primo statim intuitu videbit quisquis eorum scripta quantumlibet oscitanter leget. Nam Lutherus quidem sic scribit quodam loco: [153] «Primum scire contestatosque eos esse volo, me nullius prorsus quantumlibet sancti Patris auctoritate cogi velle.» Deinde, mox quasi cum Patribus omnibus luctaturus, eos sursum deorsumque movet ut dejiciat: «Jam,» inquit, «quanti errores in omnium Patrum scriptis inventi sunt! Quoties sibi ipsis pugnant! quoties invicem dissentiunt! Quis est, qui non ssepius Scripturas torserit? Quoties Augustinus solum disputat, nihil definit; Hieronymus, in Commentariis, nihil fere asserit.» Deinde tandem concludit: «Nemo ergo,» inquit, «mihi opponat Papae aut Sancti cujusvis auctoritatem, nisi Scripturis munitam.» Et in libro quem edidit Contra Regem Angliae, quam superbe: «Dei Mot,»inquit, «est super omnia. Divina Majestas mecum facit ut nihil curem, si mihe Augustini, mille Cypriani...contra me starent...Augustinus et Cyprianus, sicut omnes electi, errare potuerunt et erraverunt.» Et in fine: «Neque enim,» inquit, «ego quaero quid Ambrosius, Augustinus, Concilia et usus saeculorum dicant; nec fuit opus mihi Henrico Rege magistro qui me haec doceret, qui adeo [154] pulchre ea noveram, ut etiam impugnarim, ut miranda sit stultitia Sathanae, quae iis me impugnat, quae ipso impugno, et perpetuo principium petit.»

            Calvinus vero, ut fuit homo fraudum et doli plenus, ac vafro et plane vulpino ingenio, praefatur quidem meliorem victoriae partem ad se inclinaturam, «si certamen» contra Catholicos institutum «dirimendum esset» auctoritate Patrum. Sed quia versutus homo, in corde et corde loquens, timebat ne suo se verbo obstringeret, statim subjicit: «Sic tamen in eorum scriptis versamur, ut semper meminerimus omnia nostra esse, quae nobis serviant, non dominentur. Hunc delectum qui non tenet, nihil in religione constitutum habebit, quando multa ignorarunt sancti viri illi, saepe inter se conflictantur, interdum etiam secum ipsi pugnant.»

            Quod autem ita generice ac in universum effutivit, specifice postea et articulatim, toto illo suo opere contra Patrum auctoritatem observavit, non dissimulans dissentire se a Patribus, etiam in iis in quibus Patres unanimi sententia [155] consenserunt. Nec id in re aliqua levi, sed in gravissimis fidei nostrae articulis: puta, in quaestione de libero arbitrio, in qua dicit Latinos arroganter, «Graecos vero arrogantius» locutos fuisse; de persona Mediatoris, in qua Veterum errorem inexcusabilem esse contendit; de concupiscentia, ubi uno Augustini testimonio totius antiquitatis sensum contineri dicit, mox ab eo se dissentire profitetur; in quaestione de satisfactione omnes Veteres «aut lapsos esse, aut aspere ac dure locutos» pronunciat; in quaestione de precibus pro defunctis omnes Veteres «in errorem» abreptos esse; in quaestione de merito vetustos Doctores pessime sinceritati fidei consuluisse; item peccasse antiquitatem «immodica severitate, quod in Episcopo caelibatum» requireret; in quaestione de paenitentia «excusari nullo modo» posse «immodicam Veterum austeritatem;» in quaestione de Quadragesima, veteres Patres superstitionis quaedam semina jecisse, ac «mera χαχοζηλία: et superstitionis plena» laborasse. Alibi reprehendit antiquos omnes, quod permitterent laicis, «ut in periculo mortis» constitutos «baptizarent,» quamvis ab ipso fere Ecclesiae [156] nascentis exordio usu receptum esse fateatur. In quaestione de adoratione, agnoscit quidem Veteres usos fuisse distinctione duplicis adorationis Duliæ et Latriæ, sed eam nihilominus ita spernit, ut exclamet: «Quid tum? si omnes eam» inspiciant, «non modo impropriam esse, sed penitus frivolam.»

            Cum vero tractat ille de Ecclesia Romana: «Hoc primum,» inquit, «praefari volo, me non negare, quin magnum Ecclesiae Romanae honorem deferant Veteres, reverenterque de ea loquantur.» Et paulo post: «Opinio enim illa, quae, nescio quomodo, invaluerat, fundatam et constitutam» esse «Petri ministerio, ad conciliandam gratiam et authoritatem, plurimum valebat; itaque, in Occidente, Sedes Apostolica honoris causa vocabatur.» Atqui eodem ipso loco contemnit ille, quantum potest, Ecclesiam Romanam, eamque a Petro fundatam esse negat. Manifeste igitur omnibus antiquis contradicit.

            Similiter agnoscit ille in veteri Ecclesia monachos magno in honore habitos fuisse, maxime temporibus Augustini, quem notat, in «libro De moribus Ecclesiae Catholicae, [157] adversus Manichaeorum calumnias» opponere «sanctimoniam professionis» monachorum. Et tamen non eo minus statim spernit monachos; nec tantum monachos nostri temporis, sed antiquos etiam iUos, quos Augustinus tanto-pere commendat; ait enim nonnulla «esse in prisca» illa monachorum «forma,» quae sibi displiceant, «immodicam» scihcet «affectationem et χαχοζηλίαν, et quod exemplum inutile ac periculosum in Ecclesiam induxerit.»

            Et in quaestione de ceremoniis Baptismi fatetur quidem esse illas origine vetustissimas, sed addit statim : «Respuere tamen mihi et piis omnibus fas est, quicquid ad Christi institutionem addere ausi sunt homines.» Et in quaestione de Sacramento Altaris pro viatico infirmorum reservando, quae quidem quaestio praecipui est momenti pro confirmanda fide praesentiae realis corporis Domini, objiciit ille sibi ipsi: «Sed enim qui sic faciunt, habent veteris Ecclesiae exemplum.» Tum respondet: «Fateor verum, in tanta re et in qua non sine magno periculo erratur, nihil tutius est quam ipsam veritatem sequi.» Quasi vero Ecclesia vetus secuta sit falsitatem. Et alibi, loquens de ceremoniis Missae [158]: «Si quis,» inquit, «vetustate hujusmodi inventiones tueri velit, non ignoro quam non longe ab aetate Apostolorum Caena Domini tecta rubigine fuerit; sed isthaec scilicet humanae confidentiae procacitas est.» Sed et alio loco fatetur antiquos Doctores Missae nomine usos fuisse in «plurali fere numero.» Et alibi: «Veteres quoque illos,» inquit, «video alio hanc memoriam detorsisse, quam institutioni Domini conveniebat.» Et paulo post: «Excusari,» inquit, «non posse arbitror, quin aliquid in actionis modo peccaverint.» Et iterum: «Merito quis eos redarguat, quod ad Legis umbras nimis deflexerunt.» Denique, ne omnia et singula hujus generis scripta recenseamus, quod esset pene infinitum, idem Calvinus fatetur usum Confessionis esse antiquissimum, et nihilominus eam spernit.

            Ut jam dubitare nemo possit, si aptissimus hic et certissimus est haereseos character contemptus Ecclesiae et antiquitatis, esse Lutherum et Calvinum, et quotquot sunt eorum sectatores, omnium maxime haereticos; adeo fuerunt illi, prae caeteris antiquioribus haereticis omnibus, et Ecclesiae et totius antiquitatis contemptores. [159]

 

 

 

III. Nouveautés de nos hérétiques

 

            En effet, tout lecteur des écrits de Luther et de Calvin, quelque négligent qu'il soit, remarquera dès le premier coup d'oeil jusqu'à quel degré ils ont poussé le mépris de l'autorité des anciens Pères. Luther s'exprime ainsi quelque part: «Je veux d'abord qu'ils [153] sachent bien, et je les prends à témoins, que je ne veux céder en aucune façon à l'autorité d'un Père, pour saint qu'il soit.» Ensuite, comme entrant en lutte avec tous les Pères, il tâche de les secouer en tous sens pour les jeter bas: «Que d'erreurs n'a-t-on pas rencontrées dans les écrits de tous les Pères! Que de fois ne diffèrent-ils pas d'opinion entre eux! que de fois ne sont-ils pas d'avis différent les uns d'avec les autres! Quel est celui d'entre eux qui n'ait plusieurs fois détourné les Ecritures de leur sens? Chaque fois qu'Augustin se contente de disputer, il ne définit rien; Jérôme, dans ses Commentaires, ne formule presque aucune affirmation positive.» Il conclut enfin: «Que personne ne m'oppose l'autorité d'un Pape ou d'un Saint quelconque, si elle n'est appuyée sur les Ecritures.» Et quelle superbe dans son livre Contre le Roi d'Angleterre! «La Parole de Dieu,» écrit-il, «est au-dessus de tout. La divine Majesté me met dans la disposition de ne pas me troubler si mille Augustin, si mille Cyprien m'attaquaient; Augustin et Cyprien, comme tous les élus, ont pu errer, et ont erré.» Et à la fin: «Je ne cherche pas ce que disent Ambroise, Augustin, les Conciles et la tradition des siècles; je n'ai pas eu non plus besoin d'avoir le Roi Henri pour m'enseigner toutes ces choses, que je connaissais fort bien, au point de les avoir même attaquées. Elle [154] est vraiment admirable la sottise de Satan qui, par une pétition de principe continuelle, m'attaque au moyen d'arguments que j'attaque moi-même.»

            Quant à Calvin, en homme plein de fraude et de tromperie, d'un esprit rusé et tenant du renard, il commence par dire qu'il aurait toutes chances de vaincre les catholiques, «si la dispute devait être tranchée» sur l'autorité des Pères. Mais le fourbe au cœur double, craignant de se trouver pris au piège de ses propres paroles, ajoute tout aussitôt: «En nous occupant des écrits des Pères nous nous trouvons dans une situation telle, qu'il faut toujours nous souvenir que nous avons le droit de prendre pour nous tout ce qui peut nous être utile, sans abdiquer notre liberté d'action. Celui qui ne fera pas cette distinction, ne pourra rien avoir de précis en matière de religion, ces saints hommes ayant ignoré beaucoup de choses, ayant été en lutte les uns avec les autres, parfois même s'étant contredits eux-mêmes.»

            Or, ce que Calvin a ainsi débité en général et en gros, ensuite en particulier et en détail, il s'y est tenu dans toute son œuvre pour attaquer l'autorité des Pères, sans dissimuler ses dissentiments d'avec ces derniers, même sur les sujets où les Pères ont été unanimes dans leur enseignement. Et cela, non en matière légère, [155] mais à propos des plus graves articles de notre foi: pax exemple, au sujet de la question du libre arbitre, sur laquelle il dit que les Latins ont parlé avec arrogance, «mais les Grecs avec plus d'arrogance encore;» relativement à la question de la personne du Médiateur, question où il soutient que l'erreur des Anciens est inexcusable; par rapport à la question de la concupiscence, où, après avoir dit qu'à lui seul le témoignage d'Augustin contient le sens de toute l'antiquité, il avoue bientôt après qu'il n'est pas de son avis. Il affirme, dans la question de la satisfaction, que tous les Anciens, «ou ont fait erreur, ou ont employé un langage âpre et dur;» dans celle des prières pour les défunts, que tous les Anciens sont tombés «dans l'erreur;» dans celle du mérite, que les vieux Docteurs ont fort mal veillé à la pureté de la foi; que l'antiquité a péché «par une excessive sévérité,» en exigeant «le célibat de l'Evêque;» à propos de la pénitence, que «l'austérité exagérée des Anciens ne peut en aucune façon être excusée;» touchant celle du Carême, que les anciens Pères ont jeté des germes de superstition et ont été les victimes «d'un zèle mal placé et plein de superstition.» Ailleurs il reproche à toute l'antiquité d'avoir permis aux laïques «de baptiser en cas de péril de mort,» tout en avouant que cet usage [156] remonte presque aux origines de l'Eglise. Au sujet de la question de l'adoration, il reconnaît que les Anciens ont usé de la distinction entre une double adoration, celle de Doulie et celle de Latrie, tout en méprisant cette distinction au point de s'écrier: «Qu'importe! puisque tous ceux qui» l'examinent «la trouvent non seulement impropre, mais, tout à fait sans consistance.»

            Lorsqu'il traite de l'Eglise Romaine, il s'exprime ainsi: «Je veux commencer par dire que je ne nie pas le grand honneur que rendent les Anciens à l'Eglise Romaine, et la façon respectueuse dont ils parlent d'elle.» Et un peu plus loin: «L'opinion, répandue je ne sais comment, que cette Eglise a été fondée et constituée par le ministère de Pierre, avait pour résultat de procurer à cette Eglise une faveur et une autorité considérables; c'est pourquoi en Occident elle s'appelait, par honneur, le Siège Apostolique.» Or, au même endroit il méprise, autant qu'il le peut, l'Eglise Romaine, et nie qu'elle ait été fondée par Pierre. Il se met donc en contradiction manifeste avec toute l'antiquité.

            De même il reconnaît que dans l'Eglise antique les moines ont été en grand honneur, surtout à l'époque d'Augustin lequel, comme il l'observe, oppose, «dans son livre De moribus Ecclesiæ Catholicæ, [157] la sainteté de la profession monastique aux calomnies des Manichéens.» Et cependant, il n'en méprise pas moins les moines, et non seulement ceux de notre temps, mais les anciens si loués par saint Augustin. Il dit, en effet, que plusieurs choses lui déplaisent «dans cette forme ancienne» des moines: à savoir, «une prétention exagérée et un zèle mal placé,» et aussi qu'«elle a introduit dans l'Eglise un exemple inutile et dangereux.»

            A propos des cérémonies du Baptême, il convient qu'elles sont d'une origine très antique, mais il ajoute aussitôt: «Il m'est cependant permis, et à toutes les personnes pieuses, de repousser tout ce que les hommes ont osé ajouter à l'institution du Christ.» Dans la question du Sacrement de l'Autel conservé comme viatique des malades, question de grande importance pour confirmer la foi en la présence réelle du corps du Seigneur, il se fait cette objection: «Mais ceux qui agissent ainsi suivent l'exemple de l'ancienne Eglise.» Il y répond en ces termes: «J'avoue qu'en une matière si grave, et où l'erreur n'est pas sans grand danger, rien n'est plus sûr que de suivre la vérité.» Comme si l'Eglise ancienne avait suivi la fausseté! Et ailleurs, à propos des cérémonies de la Messe: «Si quelqu'un veut défendre des inventions de cette sorte en se basant [158] sur leur antiquité, je n'ignore pas qu'assez près de l'âge apostolique la Cène du Seigneur a été couverte de rouille; mais c'est là un effet de l'audace qu'a l'homme se fiant à lui-même.» Dans un autre endroit il avoue que les anciens Docteurs ont d'ordinaire employé le mot de Messe «au pluriel». Et ailleurs: «Je vois aussi que ces Anciens ont détourné ce mémorial [de la Passion du Seigneur] vers un autre sens que celui qui convenait à l'institution du Seigneur.» Et un peu plus loin: «Je ne pense pas qu'on puisse les excuser d'avoir, dans une certaine mesure, péché quant à leur manière d'agir.» De nouveau: «C'est avec raison qu'on leur reproche d'avoir trop incliné vers les ombres de la Loi.» Enfin, pour ne pas énumérer en particulier tous les écrits de cette sorte, ce qui serait un travail presque sans fin, disons que le même Calvin avoue que l'usage de la Confession est très antique, et cependant il le méprise.

            En somme, si la caractéristique la plus propre à dénoter avec certitude l'hérésie, est le mépris de l'Eglise et de l'antiquité, il est hors de doute que Luther et Calvin, ainsi que tous leurs sectateurs, sont hérétiques au plus haut point, tant ils ont dépassé tous les autres hérétiques antérieurs en mépris de l'Eglise et de toute l'antiquité. [159]

 

 

 

Septima nota hæreticorum: De studio novitatis

 

§ 1

 

            Septimus character est, quod non tantum antiquitatem non venerantur nec reverentur, sed etiam novitatem quantum possunt maximo studio affectant et sectantur. In quos pulchre Lirinensis: «Prophanas,» inquit Paulus, «vocum novitates devita, quas recipere atque sectari nunquam Catholicorum, semper vero haereticorum fuit... Hoc apud omnes fere hæreses quasi solemne est ac legitimum, ut semper prophanis novitatibus gaudeant, antiquitatem fastidiant, et per oppositiones falsi nominis scientiae a fide naufragent; contra vero, Catholicorum hoc fere proprium, deposita sanctorum Patrum et commissa servare, et damnare prophanas novitates

            Videmus autem in novatoribus nostris, quam toti in eo sint, ut inducant et statuant novitates. In fide nihil contra Catholicos dicunt quod novum non sit, aut saltem ex antiquis et antiquatis haeresibus renovatum, ut ex iis constat manifestissime, quae hucusque diximus, et distinctius [160] ex iis quae Illustrissimus nec unquam satis laudatus Cardinalis Bellarminus hanc in rem scripsit. Et vero quid illud est, quod isti Ecclesiam per tot saecula errasse dicunt, nisi quod novam et plane contrariam Ecclesiae veteri doctrinam afferunt? Unde factum est, ut venientibus ipsis universa Ecclesia cohorruerit, ut solent oves et agni, cum primum vident rabidum lupum ad se venientem.

             «Solus,» inquit Lutherus, «primo eram, et certe ad tantas res tractandas ineptissimus et indoctissimus.» Et paulo post: «Germani omnes, suspensis animis, expectabant eventum tantae rei, quam nullus antea neque episcopus neque theologus ausus est attingere.» Idem tamen Lutherus, paulo post initium Defensionis verborum Cænæ, cum de Sacramentariis loquitur: «Nec quicquam,» inquit, «magis hanc haeresim promovet, quam novitas; nam nos Germani tales homines sumus, ea quae nobis nova sunt, affectamus et avide arripimus.» Et in Responsione ad maledicum scriptum Regis Anglice, de iisdem Sacramentariis loquens: «Nullos,» inquit, «hostes capitaliores [161] sum expertus hactenus, quam suaves illos fratres, collegas, amicos, quos, tanquam filios, in sinu nostro fovimus novarum sectarum magistros, Sacramentarios dico, et alios phanaticos, qui qualem nobis referant gratiam, vide.» Et paulo post: «Nos, principio, libertatem et Christi honorem asserere et vindicare ccepimus, et tyrannidem pontificiam invadere. In hoc certamine multa in Sanctam Scripturam sumus commentati; quibus nisi nos patefecissemus viam, nihil admodum de Christo aut de Evangelio intellecturi videbantur; tantum abfuisse arbitror, ut, sua industria, pontificium jugum potuissent excutere; aut, si fortassis industria non defuisset, tamen animi robur omnino defuisset. Nam tum, cum solus stabam in acie, cum solus cogebar me objicere et Caesaris et Pontificum telis et fulminibus, tum, inquam, illi, prae nimia animi celsitudine et firmitate, erant vel Seriphiis ranis magis muti. Interea Lutherus, desertus ab omnibus, praelians cum universis, adjutus [162] a nemine, solus in periculo versabatur.» Et paulo post: «Hic ego idem Sacramentariis Papista, Papistis Sacramentarius traducor, cum tamen, ut hi Christum, sic illi Sacramentum Caenae Domini Ecclesus eripere conentur; et hi quidem solos sese praedicare Christum jactant, cujus tamen Sacramenta in Ecclesia nihil nisi signa et veluti tesseras militares faciunt.» Et aliquot sententiis interpositis: «Porcorum,» inquit, «et canum haec est gratitudo, ut, si quis ipsis sanctum et margaritas projiciat, statim conversi irruant in benefactorem eumque dilacerent.»

            Hactenus Lutherus, qui et in Defensione verborum Caenae eadem propemodum dicit. Et alibi conqueritur, quod resciverit in multis locis erroneos et novos prophetas suboriri, et sibi a nonnullis Argentinensibus significatum, magnum rumorem et tumultum super Sacramento et diruendis imaginibus et Baptismo excitatum fuisse a Carolostadio. Rursum, in Defensione verborum Caenae, de Sacramentariis loquens: «Quot capita,» inquit, «et tot sensus haec unica secta habet, qui in re principali omnes congruunt, et Spiritum Sanctum singuli jactitant. Is vero [163] Spiritus Sanctus in probando et fundamenta jaciendo non solum multiplex, sed etiam sibi contrarius et inconstans reperitur; quod eam ob causam fieri mihi persuasum est, ut Spiritus Sanctus palam coarguat, quod isti singuli aeque errent.» Et mox profert septem diversas Sacramentariorum opiniones.

            Ex his tandem omnibus Lutheri ipsius testimoniis apparet satis, quam doctrinae novitatem ipse mundo intulerit; nam et se solum primo fuisse et solum contra omnes pugnasse, superbissime gloriatur. Et Sacramentarios nova etiam dogmata seminasse testatur, et ab eo exiisse, et cum eo non perstitisse, ut ipse quidem novator fuerit, sed alii magis novatores. Si cui tamen suspectum fortasse videri possit Lutheri de Sacramentariis testimonium, audiamus illos ipsos de se loquentes. Theodorus Beza, in Praefatione quadam sua Gallica, ita extollit Calvini sui doctrinam de re sacramentaria, ut ipsum etiam Apostolis praetulisse videatur; scribit namque in haec ipsa verba: «Une chose est a noter, comment ledit Calvin se porta prudemment a traitter ceste matiere, tant en son Institution qu'au dit [164] petit livret; car, voyant que la miserable contention esmeue pour le faict de la Cène, avoit allumé un feu qui etoit pour mettre division entre les eglises, tout son desir fut de l'esteindre par une claire exposition de la matière, sans s'attacher à personne. Ce qu'il a fait si bien et dextrement, que qui voudra bien considerer ses escrits, confessera que c'est à luy, après Dieu, qu'appartient l'honneur de la résolution depuis suivie par toutes gens de bon jugement.» Ergone, Beza, solus Calvinus recte de Eucharistia sentiendi regulam novit? Omnes usque ad Calvinum tanti Sacramenti vim et efficaciam ignoraverunt?

            Vides igitur, quisquis es, mi Lector, quantopere sibi placeant in suis novitatibus isti novatores: Lutherus, quia ausus fuerit quod nullus unquam theologus aut episcopus tentaverat ; Beza vero, quia Calvinus senserit et docuerit quod nemo unquam alius scivit. Sed, si impetum et vim novandi in his novatoribus apertius videre voles, facile ex eorum scriptis factisque deprehendes. Scripturae Canonem prorsus novum ediderunt, vel plures vel pauciores Libros comprehendentem, quam in Canone ullius Concilii, aut ex antiquis Patribus fuisse inveniatur; [165] Scripturam innumeris novis versionibus everterunt, nemine alterius versione contento; Sacramenta ad novum numerum, dualem scilicet, reduxerunt; ritus administrandorum Sacramentorum novos invexerunt; ecclesiasticam hierarchiam, nova quadam anarchia, perverterunt; ministros, id est diaconos, novo commento, presbyteris et episcopis praetulerunt; episcopos, quos primo ac principe honore universa semper coluit Ecclesia, in locum infimum abjecerunt. Neque tot novitatibus contenti, etiam nominibus antiquis bellum acerrimun indixerunt. Inter eos siquidem nomina illa omnia: clericorum, episcoporum, sacerdotum, presbyterorum, omnino antiquata sunt. Missam et Eucharistiam in Coenam, quod nomen plane prophanum est, verterunt; altare in mensam. Calvinus sane nomen meriti antiquissimum, sacratissimum et antiquis omnibus Christianis receptissimum, apertissime damnavit. Lutherus antiquum liberi arbitrii nomen in blasphemam «servi arbitrii» vocem commutavit; Calvinus vero arrogantiae notam eidem inussit. [166]

            Sed quis non expressissimam novandi libidinem agnoscat manifestius in Calvino, cum, de Trinitate tractans et de his nominibus persona, substantia, όμοούσιον: «Utinam,» inquit, «sepulta essent! Constaret modo haec inter omnes fides: Patrem, Filium et Spiritum» Sanctum «unum esse Deum.» Et alibi nomen personae in nomen residentiae mutavit, si antiquiores Institutionum ipsius, praesertim gallicarum, editiones sequamur, iliam praesertim quam fecit Thomas Courteau anno 1564. Hoc enim addendum est, quia in postrema editione latina, quae fuit anni 1602, «subsistentiam» pro persona invenies, non «residentiam»; ideo, ut opinor, quod Calvini discipulos, a nostris admonitos, puduit novae hujus theologiae, suumque doctorem ita corrigendum esse censuerunt. Ac praeterea, cum perpetuo antiqui Patres et universa Ecclesia Essentiam divinam in Personis subsistentem praedicet, Calvinus contra, sive per supinam ignorantiam, quae satis ei familiaris, sive [167] per incredibilem novandi libidinem, qua potissimum agitatus fuit, Personas in essentia subsistere dixit.

            Tandem Lutherus de verbo illo όμοούσιον: «Non est,» inquit, «quod mihi homoousion illud objectes, adversus Arianos receptum; non fuit receptum a multis, iisque praeclarissimis.» Et paulo post, indulgendum ait esse Patribus qui semel extra Scripturam posuerunt vocem prophanam, illam scilicet de qua tractamus: homoousion. Deinde, aliquot verbis interpositis: «Quod si odit anima mea vocem homoousion et nolim ea uti, non ero haereticus; quis enim me coget uti, modo rem teneam quae in Concilio per Scripturas definita est? Etsi Ariani male senserunt in fide, hoc tamen optime, sive bono, sive malo animo exegerunt, ne vocem prophanam et novam in regulis fidei statui liceret.» Quid, obsecro, impudentius isto nebulone possis fingere? Pugnavit antiquitas catholicorum Patrum trecentis pene annis pro verbo hoc homoousion sacratissimo retinendo, in cujus pronunciatione haeretici a Catholicis discernerentur, et ecce novator et nugator iste novam ac prophanam vocem esse pronunciat! Proinde nec mirum [168] est, ex ejus discipulis et sectatoribus inventos fuisse, qui pro homoousion substituerint όμοούσιον, per summam perfidiam; digni sane discipuli apostatae istius et desertoris, qui, post mille trecentos annos, Concilium Nicaenum, omnium quae unquam celebrata fuerunt, augustissimum, prophanationis accusat, Arianos autem pietatis studio adornat. Quam dissimiliter olim Hieronymus ad Damasum Papam: «Obtestor,» inquit, «Beatitudinem Tuam, per Crucifixum mundi salutem, per όμοούσιον Trinitatem,» etc. Tanta nimirum religione a sanctissimis Patribus receptum erat illud homoousion, ut in juramentis eo uterentur. At minus illud quoque mirum est, nomine illo offensam fuisse animam haereticam Lutheri, nam, ut praeclare dixit Ambrosius, «hoc Mot in tractatu fidei posuere Patres,» quod viderent esse «adversariis formidini.»

 

§ 2

 

De externa facie Ecclesiæ veteris ab haereticis nostris innovata

 

            Postremo, in facie quoque externa Ecclesiae novam formam [169] novatores isti intulerunt. Vos hic appello, Patres, non jam ut Doctores et Sacræ Scripturae interpretes clarissimos, sed ut testes fidissimos rerum quae in Ecclesia, quam vestris temporibus rexistis, gerebantur; ut, si adversarii vos doctores ignaros et imbecilles dicere non verentur, saltem vestra, tanquam fidelium et proborum testium, dicta scriptaque excipiant. Quidni enim hoc facere debeant, qui vos et fideles et sanctos fuisse confitentur? Atque, ut nullus tergiversationi locus relinquatur, non proferam nisi quod ab Ecclesia primis quingentis annis factitatum esse constabit; quandoquidem Calvinus, post Lutherum, ita nos admonet: «Meminerimus quingentis circiter annis, quibus magis adhuc florebat religio et sincerior doctrina vigebat.» Et alibi, de Augustini aetate loquens: «Extra controversiam,» inquit, erat, «nihil a principio usque ad illam aetatem mutatum fuisse in doctrina.»

            Ergo, ne nullus sit scribendi finis, si quae passim occurrunt in antiquis Patribus ad hanc rem pertinentia enumeremus, solum audiamus Augustinum, quem et Lutherus [170] omnium post Apostolos optimum Doctorem, et Calvinus fidelem antiquitatis interpretem agnoscit. Neque rursum ex Augustino omnia, sed caput unicum inspiciamus; id erit octavum Libri 22. De Civitate Dei. In cujus capitis initio statim videbis, Augustino ipso teste, Mediolani, magnum Ambrosium in somnis admonitum de corporibus sanctorum Martyrum Gervasii et Prothasii eruendis ac propalandis, populum concurrentem ad haec sacra Martyrum pignora, et, inter alios, caecum, qui ad eorum contactum videre caeperit.

            Videbis Augustinum ipsum et Alipium nondum clericos (quod notatum est ab Augustino, quia clerici tunc a laicis distinguebantur); videbis et beatum Saturninum, episcopum Uzalensem, Gelosum presbyterum, ac diaconos Carthaginenses; et quidem omnes ab episcopo, tanquam a majori, benedictionem accipientes, quia tunc et episcopi a presbyteris et presbyteri a diaconis distincti erant, et episcopus longe major presbytero habebatur. Qua de causa, jam ipsis quoque ejusdem Augustini temporibus, Aerius ab Ecclesia damnatus ut fuit haereticus, quod inter episcopum et presbyterum nihil interesse asseveraret. [171] «Jus habet dandi Baptismum summus sacerdos, qui est Episcopus, deinde presbyteri et diaconi, sed non sine Episcopi facultate.» Parole sunt Tertulliani.

            Videbis Innocentiam, Carthaginensem piam fceminam, signo Crucis Christi sanitatem consecutam cancri incurabilis. Videbis Hesperium Fussalensem advocasse presbyteros, ut a spirituum malignorum infestatione domum suam liberaret. Videbis et unum «ex presbyteris» illis, qui «obtulit ibi Sacrificium Corporis Christi» (verba sunt ipsissima Augustini), «orans quantum potuit, ut cessaret illa vexatio,» et Deo «protinus miserante cessavit.» Tunc ergo, cum Ecclesia purissima esset, Sacrificium Corporis Christi presbyteris, si Augustino credimus, offerebatur.

            Videbis eundem Hesperium ab amico allatam terram sanctam de Hierosolymis, ubi Christus die tertio resurrexit, suspendisse in cubiculo suo, ne quid mali etiam ipse pateretur; at, ubi domus ejus ab illa infestatione purgata est, noluisse diutius in cubiculo suo retinere terram sanctam, idque non alia quam reverentiae causa. Videbis eundem ab Episcopis petiisse ut terra illa sancta infoderetur alicubi, [172] atque ibi ecclesia dedicaretur; idque factum esse. Videbis et Rusticanum paralyticum ad ecclesiam illam allatum, atque inde continuo pedibus suis salvum abscessisse.

            Videbis adolescentem energumenum, simillimum mortuo, ad memoriam Martyrum Gervasii et Prothasii portatum, ut curaretur. Videbis et illic Sanctimoniales cantantes hymnos vespertinos et orationes. Videbis et juvenem altare ibi apprehendentem, et oculum adolescentis Sanctorum precibus curatum. Videbis virginem, Augustino nostro notissimam, quae cum se oleo perimxisset, cui, pro ipsa orans, presbyter lachrymas suas instillasset (sic enim loquitur Augustinus), mox a daemonio fuisse sanatam. Alium item adolescentem, Episcopi precibus. Ergo jam tum quoque benedicebatur oleum precibus presbyterorum, ad daemones coercendos et fugandos.

            Videbis et suavem historiam de sene Florentio, Hipponensi sartore, qui Viginti Martyrum precibus obtinuit a Deo, ut haberet quo se sustentaret ac vestiret, dum, discedens ab oratione, grandem piscem palpitantem videt, quem coco Carchiso, Christiano, trecentis follibus vendidit. Cocus [173] vero, annulum aureum in ventriculo piscis inveniens, miseratione flexus et religione perterritus, Florentio eum reddidit, dicens:« Ecce quomodo Viginti Martyres te vestierunt.» Videbis et adolescentes, nescio quos, irrisores, Florentii pietatem exagitantes: diceres Calvinianos jam tum fuisse, aut Lutheranos.

            Videbis episcopum ad aquas Tibilitanas portantem reliquias D. Stephani Martyris, et multitudinem magnam concurrentem et occurrentem Videbis ibi cæcam mulierem contactu reliquiarum coepisse videre. Videbis Lucillum episcopum, reliquias item D. Stephani, populo præcedente atque sequente, ferentem, piae sarcinae vectatione, ubi sanctas attigit reliquias, molestissima fistula liberatum esse. Videbis presbyterum Hispanum ad reliquias ejusdem Martyris veteri morbo calculi solutum fuisse. Videbis eundem presbyterum, tunica reportata de memoria Martyris et supra corpus apposita, suscitatum fuisse, cum ex alio morbo semimortuus jacuisset. Videbis Martialem, virum primarium, setate gravem, sed a christiana religione abhorrentem, precibus Sancti Stephani et contactu florum [174] de altari allatorum confestim conversum, et, paenitentem, omnibus admirantibus, a presbyteris baptizatum, ac, quandiu vixit, orantem frequentissime in haec Stephani verba: Christe, accipe spiritum meum.

            Videbis et tres podagricos per eundem Martyrem sanatos. Item, puerum attritum rota currus pene expirantem, quem mater arreptum protinus ad eandem memoriam tulit, ubi non solum revixit, verum etiam illaesus apparuit. Videbis et Sanctimonialem segritudine gravissima laborantem; cumque desperaretur, ad eandem memoriam fuisse allatam ejus tunicam; sed interim defunctam aegrotam, relata tamen tunica, et operto ea cadavere, spiritu recepto revixisse. Itemque et eodem modo, filiam Bassi Syri. Videbis Irenaei filium, mortuum, oleo Martyris perunctum revixisse. Eleusinum item exanimatum infantulum, super memoriam Martyris positum, post orationem vivum surrexisse. Videbis Paulum et Pauladiam, par miserum, tremore membrorum, ex maledicto matris, quassatum, ad memoriam ejusdem Martyris sanatos. Et Augustinum ipsum, e superiori loco concionabundum, oves sibi commissas in laudem Dei [175] ad gratiarum actiones provocantem; et caput illud insigne his verbis concludentem: «Quid erat in cordibus exultantium, nisi fides Christi, pro qua Stephani sanguis effusus est?»

            Quis ergo jam possit requirere aut dubitare, num temporum illorum Ecclesia eadem esset, quae hujus saeculi Catholica Romana? An non eadem ipsa hodie, et dicimus et sentimus? Vide faciem et attende ad lineamenta, quae tam diligenter, vel hoc unico capite, Augustinus depinxit. Viden' clericos, diaconos, sacerdotes seu presbyteros, episcopos? Num animadvertis Sacrificium Corporis Christi, altare ecclesiae dedicationem, Sanctimoniales, benedictionem olei, benedictionem item episcopalem, corpora Sanctorum in pretio habita totque miraculis clara, eorumque memorias in templis? Audistine mulierem signo Crucis curatam, pauperem invocatione Sanctorum vestitum, terram sanctam in veneratione habitam, reliquias cum honore circumgestatas idque ab episcopis, et Sanctimoniales decantantes hymnos et orationes? Quid, quaeso, in Calvini Lutherive synagogis simile, qui omnia ista rident, [176] quasi per abusum et superstitionem in Dei Ecclesiam posterioribus saeculis irrepserint? Atqui tunc pura erat, sancta erat, vel fatentibus nugatoribus istis, nullaque adhuc doctrinae perversitate deformis Ecclesia. Mirum igitur est vel hoc unico capite non esse victos convictosque omnes Lutheranos et Calvinianos, si neque Lutherum Calvinumque pro mendacibus habent, qui Ecclesiam Dei purissimam Augustini temporibus fuisse fatentur, neque Augustinum pro mentiente, qui supra dicta omnia refert tanquam verissima et certissima.

            Fuistis, Luthere et Calvine, nimis liberales, qui hoc nobis concessistis, Ecclesiam Dei primis illis quingentis annis nullis erroribus aut abusibus deformatam fuisse; quid enim nobis facilius, quam probare saeculoram illorum Patres ea ipsa omnia credidisse quae hodie credimus et de quibus vobiscum disputamus? Probarunt hoc Illustrissimi Cardinales, magna aetatis nostrae lumina et ornamenta, Baronius in Annalibus Ecclesiasticis, et Bellarminus in Controversiis, ne dubitare amplius possitis. Poteratis [177] tamen negare, quamvis falso et impudenter, ut caetera; nam eos qui non semel, at tam saepe verecundiae fines transierant, bene ac gnaviter opportebat esse impudentes. Victos ergo vos ex vestra confessione agnoscite. Sane, qui ista omnia purae et sanctae Ecclesiae exercitia, ornamenta et opera, tanquam prophana contempserunt et abjecerunt, quales, Deus bone, sunt reformatores! An non verius deformatores dicendi sunt, et ab omnibus tanquam inepti et impudentes novatores habendi, exsibilandi, explodendi? Bene jam olim Tertullianus: «Solemus haereticis, compendii gratia, de posterioritate praescribere.» Quidni ergo etiam nostris praescribamus?

 

 

 

Septième caractéristique des hérétiques: L'amour de la nouveauté

 

§ 1

 

            Leur septième caractéristique est non seulement de ne pas vénérer et révérer l'antiquité, mais de s'attacher de toutes leurs forces à la nouveauté. Contre eux s'applique bien ce passage de Vincent de Lérins: «Evite les nouveautés profanes de langage,» dit saint Paul, «nouveautés que les catholiques n'ont jamais reçues ni suivies, tout au rebours de ce qu'ont toujours fait les hérétiques...C'est en quelque sorte la grande loi de presque toutes les hérésies, d'avoir du goût pour les nouveautés profanes, du dégoût pour l'antiquité, et de faire naufrage dans la foi à cause des oppositions qu'ils lui font, sous prétexte d'une science qui n'en mérite pas le nom. Par contre, le propre des catholiques est d'ordinaire de conserver les dépôts reçus des saints Pères et de condamner les nouveautés profanes

            Or, nous voyons quelle ardeur déploient nos novateurs pour introduire et établir des nouveautés. En matière de foi, ils ne disent rien contre les catholiques qui ne soit nouveau, ou au moins renouvelé des hérésies anciennes et passées de mode, comme cela résulte très clairement de tout ce que nous avons dit jusqu'ici, et encore [160] plus de ce qu'a écrit sur ce sujet l'Illustrissime Cardinal Bellarmin dont on ne louera jamais assez les mérites. Et en réalité, que signifie l'accusation qu'ils lancent contre l'Eglise, d'avoir erré durant de si longs siècles, sinon qu'ils apportent une doctrine nouvelle et tout à fait contraire à l'ancienne Eglise? C'est ce qui explique qu'à leur apparition toute l'Eglise ait frissonné, comme font les brebis et les agneaux à la première vue du loup enragé qui vient vers eux.

            «Tout d'abord,» dit Luther, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et peu après: «Tous les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien, n'avait osé entreprendre.» Cependant le même Luther, peu après le début de la Défense des paroles de la Cène, parlant des sacramentaires, s'exprime ainsi: «Rien n'aide autant cette hérésie que sa nouveauté; car nous autres allemands sommes ainsi faits, que nous nous attachons avec avidité à ce qui est nouveau pour nous.» Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, toujours à propos des sacramentaires: «Je n'ai pas jusqu'ici rencontré d'ennemis plus acharnés que ces bons frères, collègues, amis, que nous avons élevés comme [161] des fils dans notre sein, docteurs de sectes nouvelles, j'entends les sacramentaires et autres fanatiques; vois de quelle façon ils nous récompensent.» Et un peu plus loin: «Nous autres au commencement nous nous sommes mis à affirmer et à revendiquer la liberté et l'honneur du Christ, et à foncer sur la tyrannie pontificale. Dans ce combat nous avons commenté nombre de textes scripturaires, et si nous n'avions pas ainsi ouvert la voie, il est à croire qu'ils n'auraient compris rien du tout au Christ ou à l'Evangile, tant s'en faut, je pense, qu'ils eussent pu par leurs propres efforts secouer le joug pontifical; ou bien, s'ils en avaient trouvé le moyen, la force d'âme leur eût tout à fait manqué. Car au moment où seul j'étais en pleine lutte, où seul je me voyais forcé de m'exposer aux traits et aux foudres de César et des Pontifes, à ce moment, dis-je, dans toute leur hauteur et fermeté d'âme, ils restaient plus muets que des grenouilles de Sériphe. Pendant ce temps, Luther, abandonné de tous, combattant avec tout le monde, aidé de personne, était exposé seul au danger.» Et un peu après: «Je suis tantôt livré aux sacramentaires comme papiste, tantôt [162] aux papistes comme sacramentaire; alors que, cependant, les papistes s'efforcent d'arracher le Christ aux Eglises, et les sacramentaires, le Sacrement de la Cène du Seigneur; et ils se vantent d'être les seuls à prêcher le Christ, eux qui font de ses Sacrements dans l'Eglise, de simples signes ou des tessères militaires.» Et après quelques phrases: «La reconnaissance des porcs et des chiens, lorsque quelqu'un leur jette des choses saintes ou des perles précieuses, consiste à se retourner aussitôt contre leur bienfaiteur et à le déchirer.»

            Jusqu'ici nous avons cité Luther, lequel dans la Défense des paroles de la Cène, redit à peu près les mêmes choses. Ailleurs il se plaint d'avoir appris l'éclosion, dans nombre d'endroits, de faux et nouveaux prophètes. Il dit aussi que les Strasbourgeois lui ont rapporté le grand bruit et tumulte excité par Carlostadt au sujet de l'Eucharistie, de la destruction des images et du Baptême. De nouveau, au sujet des sacramentaires, dans sa Défense des paroles de la Cène: «Cette secte a autant de manières de voir que de chefs, lesquels s'entendent sur le point principal, et revendiquent [163] pour eux l'Esprit-Saint. Mais cet Esprit-Saint, quand il s'agit d'établir et de prouver, se trouve être non seulement différent, mais même contradictoire et inconstant; ce qu'il permet, j'en suis persuadé, pour démontrer ouvertement que chacun d'eux se fourvoie également dans l'erreur, a Et aussitôt il énumère les sept opinions des sacramentaires.

            En somme, il ressort de tous ces témoignages de Luther lui-même quelle nouveauté de doctrine il a introduite dans le monde; car il se glorifie avec grand orgueil d'avoir été au début tout seul, et d'avoir tout seul lutté contre tout le monde. Puis il avoue que les sacramentaires ont semé de nouveaux dogmes, après être sortis de lui pour s'en séparer ensuite; en sorte qu'il a été, lui, un novateur, et que les autres ont été plus novateurs que lui. Si cependant le témoignage de Luther au sujet des sacramentaires pouvait peut-être paraître suspect à quelqu'un, écoutons les sacramentaires parler d'eux-mêmes. Théodore de Bèze, dans une Préface en français, exalte tellement la doctrine de son cher Calvin au sujet de l'Eucharistie, qu'il semble le mettre au-dessus des Apôtres. Voici ses propres paroles: «Une chose...» etc. [Voir au texte, lig. 18.] [164]

            Ainsi donc, ô Bèze, le seul Calvin a connu la vraie façon de juger de l'Eucharistie? Tout le monde, jusqu'à Calvin, a ignoré la portée et l'efficacité d'un si grand Sacrement?

            Vous voyez donc, ami Lecteur, qui que vous soyez, combien ces novateurs se complaisent dans leurs nouveautés: Luther, en osant ce qu'aucun théologien ou évêque n'avait tenté avant lui; Bèze, en assurant que Calvin a compris et enseigné ce que personne autre n'a jamais su. Mais si vous voulez voir plus ouvertement l'attrait violent qu'ont ces novateurs pour la nouveauté, vous vous en [165] rendrez facilement compte par leurs écrits et leurs actions. Ils ont lancé un Canon de l'Ecriture tout à fait nouveau, comprenant plus ou moins de Livres que ne l'a fait aucun Concile ou aucun Père ancien; ils ont bouleversé l'Ecriture avec leurs innombrables versions nouvelles, personne ne se contentant de la version d'un autre. Ils ont réduit les Sacrements au nombre nouveau de deux; ils ont introduit de nouveaux rites dans l'administration des Sacrements. Par une anarchie nouvelle, ils ont dénaturé la hiérarchie ecclésiastique; par une invention toute récente, ils ont mis les ministres, à savoir les diacres, au-dessus des prêtres et des évêques, et ceux-ci, que toute l'Eglise a toujours entourés de l'honneur dû au premier rang, ils les ont relégués au dernier. Non contents de tant de nouveautés, ils ont déclaré une guerre acharnée aux mots antiques eux-mêmes. Parmi eux, en effet, tous ces mots de clercs, d'évêques, de prêtres sont passés de mode. Ils ont changé les mots de Messe et d'Eucharistie en celui, tout profane, de Cène; le mot autel, en celui de table. Calvin a condamné très ouvertement le mot de mérite, très ancien, très saint et très employé par tous les anciens chrétiens. Luther a remplacé le mot antique de libre arbitre par l'appellation blasphématoire de «serf arbitre»; Calvin, de son côté, a taxé d'arrogance le même mot. [166]

            Mais qui ne reconnaîtra plus manifestement et plus expressément la fureur du changement dans Calvin, lorsque, à propos de la Trinité et de ces mots: personne, substance, consubstantiel, il écrit: «Plût à Dieu que ces mots fussent ensevelis dans l'oubli! Au moins on entendrait partout cette profession de foi commune, que le Père, le Fils et l'Esprit» Saint «sont un seul Dieu.» Ailleurs il change le mot de personne en celui de résidence, si nous voulons nous en tenir aux plus anciennes éditions de ses Institutions, surtout aux françaises, celle en particulier que fit Thomas Courteau en 1564. Il faut, en effet, ajouter ceci: dans la dernière édition latine, qui est de l'année 1602, on trouve non pas «résidence,» mais «subsistance», pour signifier la personne; par conséquent, comme je le suppose, les disciples de Calvin, avertis par ceux de notre religion, ont eu honte de cette nouvelle théologie, et ont jugé à propos de corriger ainsi leur docteur. En outre, alors que toujours les anciens Pères et toute l'Eglise prêchent la subsistance de l'Essence divine dans les Personnes, Calvin, au contraire, soit par une honteuse ignorance, à lui assez familière, soit par une in [167] croyable envie d'innover, qui l'a très fortement agité, a dit que les Personnes subsistent dans l'essence.

            Enfin Luther s'exprime ainsi à propos de ce mot, consubstantiel: «Rien ne sert de m'objecter l'όμοούσιον employé contre les Ariens; ce mot n'a pas été employé par beaucoup, ni par de très illustres personnages.» Et peu après il dit qu'il faut pardonner aux Pères qui, à un moment donné, se sont servis du mot consubstantiel, dont nous nous occupons, mot profane, étranger à l'Ecri ture. «Si je hais cette expression,» ajoute-t-il ensuite, «et que je me refuse à m'en servir, je ne suis pas pour cela hérétique; car, qui peut me forcer à l'employer, pourvu que je tienne la chose elle-même que le Concile a définie d'après les Ecritures? Quoique les Ariens aient erré dans la foi, cependant (que ce soit avec une bonne ou une mauvaise intention) ils ont très bien fait d'empêcher qu'il fût loisible d'introduire dans les règles de la foi un terme profane et nouveau.» Que peut-on imaginer, je le demande, de plus impudent que ce charlatan? Les Pères antiques et catholiques ont combattu près de trois cents ans pour maintenir ce mot très vénérable de consubstantiel, dont la prononciation diverse faisait reconnaître les hérétiques des catholiques, et voici que ce [168] novateur et mauvais plaisant l'appelle un mot nouveau et profane! Aussi, rien d'étonnant que parmi ses disciples et sectateurs, il s'en soit trouvé qui ont substitué, par une souveraine perfidie, «semblable en substance» à consubstantiel; dignes disciples, à la vérité, de Cet apostat et déserteur de la foi qui, après treize cents ans, accuse de profanation le Concile de Nicée, le plus auguste de tous ceux qui eurent jamais lieu, tout en attribuant aux Ariens un zèle pieux. Quelle différence avec Jérôme écrivant autrefois au Pape Damase: «Je supplie Votre Béatitude, par le Crucifié, salut du monde, par la Trinité όμοούσιον,» etc. Tel était, en effet, le respect religieux que les très saints Pères avaient pour le mot consubstantiel, qu'ils s'en servaient dans leurs formules d'attestation. Mais on s'étonnera moins de voir l'âme hérétique de Luther s'offenser de ce mot, si l'on se souvient de la belle parole d'Ambroise: «Les Pères ont introduit ce mot dans l'exposé de la foi,» parce qu'ils voyaient «qu'il était redouté des adversaires.»

 

§ 2

 

De la face extérieure de l'Eglise ancienne, transformée par nos hérétiques

 

            Enfin, nos novateurs ont donné aussi une forme nouvelle à [169] l'aspect extérieur de l'Eglise. J'en appelle ici à vous, ô Pères, non en tant que Docteurs et illustres interprètes de la Sainte Ecriture, mais en tant que témoins tout à fait dignes de foi de ce qui se passait dans l'Eglise au temps où vous en étiez les chefs; en sorte que si les adversaires n'ont pas honte de vous traiter de docteurs ignorants et faibles d'esprit, ils admettent au moins vos paroles et vos écrits comme ceux de témoins fidèles et probes. Comment, en effet, pourraient-ils s'en dispenser, eux qui avouent que vous avez été fidèles et saints? En outre, pour éviter toute tergiversation possible, je ne parlerai que de ce qui est bien constaté avoir été habituellement pratiqué par l'Eglise pendant les premières cinq cents années de son existence; car Calvin, après Luther, nous fait cette remarque: «Souvenons-nous des cinq cents ans environ pendant lesquels la religion florissait encore dans tout son éclat, et la doctrine plus pure était en vigueur.» Et ailleurs, à propos de l'époque d'Augustin: «C'est une chose hors de discussion que rien n'a été changé dans la doctrine depuis le commencement jusqu'à cette époque-là.»

            Donc, de peur de ne pas en finir si nous énumérons les textes des anciens Pères qui se présentent de côté et d'autre sur notre sujet, bornons-nous au seul Augustin, que Luther reconnaît pour le [170] meilleur Docteur après les Apôtres, et Calvin, pour un fidèle interprète de la vérité. En outre, dans saint Augustin n'examinons pas tout, mais un seul chapitre: le huitième du Livre XXIIe de La Cité de Dieu. Dès le début du chapitre, vous verrez, au témoignage d'Augustin lui-même, le grand Ambroise pressé en songe, à Milan, d'exhumer et d'exposer les corps des saints Martyrs Gervais et Protais, le peuple accouru pour vénérer ces restes sacrés des Martyrs, et en particulier un aveugle, qui reçoit la vue au contact de ces reliques.

            Vous y verrez qu'Augustin lui-même et Alypius n'étaient pas encore clercs: cette remarque d'Augustin veut dire qu'alors les clercs étaient distingués des laïques. Vous y verrez aussi le bienheureux Saturnin, évêque d'Uzales, Gelosus, prêtre, et les diacres de Carthage; or, c'est l'évêque, comme exerçant la fonction principale, qui bénit les autres: preuve qu'alors les évêques étaient distincts des prêtres, et les prêtres des diacres, l'évêque étant considéré comme fort au-dessus du prêtre. C'est pourquoi, dès l'époque du même Augustin, Aérius fut condamné par l'Eglise comme hérétique pour avoir affirmé qu'il n'y avait nulle différence entre l'évêque [171] et le prêtre. «Le souverain prêtre, à savoir l'évêque, a le droit de donner le Baptême; après lui, les prêtres et les diacres, mais avec la permission de l'évêque.» Ce sont les paroles de Tertullien.

            Vous verrez Innocentia, pieuse femme de Carthage, obtenir la guérison d'un cancer incurable, par le signe de la Croix du Christ. Vous y verrez Hespérius de Fussales recourir aux prêtres pour faire délivrer sa maison de la présence des esprits malins, et un «de ces prêtres y offrir le Sacrifice du Corps du Christ» (ce sont les paroles mêmes d'Augustin), «priant de toutes ses forces pour faire cesser l'importunité des démons; et cette dernière cessa aussitôt, par la miséricorde de Dieu.» Par conséquent, à une époque où l'Eglise était dans toute sa pureté, le Sacrifice du Corps du Christ, au témoignage d'Augustin, était offert par les prêtres.

            Vous verrez le même Hespérius, pour n'avoir à souffrir lui-même aucun mal, suspendre dans sa chambre de la terre, apportée par un ami de Jérusalem, du lieu où le Christ ressuscita le troisième jour; puis, après que sa maison eut été purifiée de la présence des démons, ne plus vouloir garder dans sa chambre la terre sainte, et cela uniquement par respect. Vous le verrez demander aux évêques de la faire enfouir quelque part et d'élever une église [172] en cet endroit: ce qui fut fait. Vous verrez aussi Rusticanus, paralytique, porté à cette église et s'en retourner aussitôt à pied et guéri.

            Vous verrez un jeune possédé, tout semblable à un mort, porté au tombeau des Martyrs Gervais et Protais pour y être guéri. Vous verrez des Religieuses y chantant les hymnes du soir et des oraisons. Vous verrez un jeune homme dont l'œil fut guéri par les prières des Saints pendant qu'il embrassait l'autel. Vous verrez une jeune fille, très connue de notre Augustin, qui, après s'être ointe d'une huile mêlée des larmes du prêtre qui priait pour elle (ce sont les expressions d'Augustin), fut délivrée du démon. Même guérison pour un jeune homme, grâce aux prières de l'évêque. Donc, on faisait déjà bénir de l'huile par les prières des prêtres, pour enchaîner et chasser les démons.

            Vous verrez la jolie histoire du vieillard Florentius, tailleur d'Hippone, qui par les prières des Vingt Martyrs obtint de Dieu de quoi se nourrir et se vêtir, grâce au gros poisson qu'il vit tout palpitant au sortir de sa prière, et qu'il vendit trois cents bourses au cuisinier Carchisus, chrétien. Celui-ci, trouvant un anneau d'or [173] dans le ventre du poisson, touché de compassion et pénétré d'une terreur religieuse, le remit à Florentius en disant: «Voici comment les Vingt Martyrs ont pourvu à ton vêtement.» Vous verrez je ne sais quels jeunes gens agacer de leurs moqueries la piété de Florentius : vous diriez que c'étaient déjà des calvinistes ou des luthériens.

            Vous verrez un évêque, à Tiblis, porter des reliques de saint Etienne, martyr, et une grande multitude, partie l'accompagner, partie venir au devant de lui; puis une femme aveugle recouvrer alors la vue au contact des reliques. Vous verrez Lucillus, évêque, porter lui aussi les reliques de saint Etienne, au milieu d'un peuple le précédant et le suivant, et guéri d'une très pénible fistule dès que, chargé du saint fardeau, il toucha les reliques sacrées. Vous verrez le prêtre Hispanus délivré, au contact des reliques du même Martyr, d'une maladie de la pierre, déjà ancienne. Vous verrez le même prêtre, à demi-mort par suite d'une autre maladie, rendu à la vie par l'apposition sur son corps d'une tunique rapportée du tombeau du Martyr. Vous verrez Martial, homme de la première noblesse, avancé en âge, mais ayant horreur de la religion chrétienne, converti subitement, à la grande admiration de tout le monde, [174] par les prières de saint Etienne et après avoir touché des fleurs rapportées de son autel; puis, pénitent, baptisé par les prêtres, et ayant ensuite coutume, toute sa vie durant, de dire fréquemment cette prière de saint Etienne: O Christ, reçois mon esprit.

            Vous verrez aussi trois podagres guéris par le même Martyr. De même, un enfant écrasé par une roue de char et presque mourant, saisi et emporté aussitôt par sa mère au tombeau du Saint, où non seulement il fut rendu à la vie, mais apparut sans la moindre blessure. Vous verrez une Religieuse, frappée d'une maladie très grave, dont la tunique fut portée au même tombeau alors que la malade était dans un état désespéré; or, comme celle-ci mourut entre-temps, on mit sur son cadavre la tunique rapportée, et la Religieuse revint à la vie. De même pour la fille de Bassus le Syrien. Vous verrez le fils d'Irénée mort, et ressuscité par l'onction de l'huile du Martyr; et aussi Eleusinus, petit enfant, déposé inanimé sur la confession du Martyr, ressuscité après la prière. Vous verrez Paul et Pauladia, affligés tous deux d'un tremblement des membres par suite de la malédiction de leur mère, guéris à la confession du même Martyr. Vous verrez Augustin lui-même, sur le point d'adresser d'un lieu élevé la parole à ses ouailles, les exciter à louer Dieu [175] et à le remercier. Il termine son chapitre remarquable par ces mots: «Qu'est-ce qui remplissait le cœur de ceux qui se réjouissaient ainsi, sinon la foi du Christ, pour laquelle le sang d'Etienne a été répandu?»

            Qui peut donc avoir le moindre doute sur la question de l'identité de l'Eglise de cette époque avec l'Eglise Catholique Romaine de notre temps? Avons-nous aujourd'hui d'autres paroles, d'autres sentiments? Remarquez l'aspect extérieur, étudiez les traits qu'Augustin, dans ce seul chapitre, a décrits avec tant de soin. Ne voyez-vous pas les clercs, les diacres, les prêtres, les évêques? Ne remarquez-vous pas le Sacrifice du Corps du Christ, l'autel, la dédicace de l'église, les Religieuses, la bénédiction de l'huile et la bénédiction épiscopale, les corps des Saints conservés précieusement et glorifiés par tant de miracles, et leurs tombeaux placés dans les églises? Avez-vous entendu le récit de la femme guérie par le signe de la Croix, du pauvre vêtu à l'invocation des Saints, la terre des Lieux Saints tenue en vénération, les reliques transportées avec honneur, et cela par les évêques, les Religieuses chantant des hymnes et des oraisons? Qu'y a-t-il de semblable, je le demande, dans les synagogues de Calvin ou de [176] Luther? Ces derniers se moquent de tout cela, comme si c'étaient des coutumes introduites abusivement et superstitieusement, aux siècles derniers, dans l'Eglise de Dieu. Cependant, de l'aveu de nos mauvais plaisants, au temps d'Augustin l'Eglise était pure, sainte, nullement encore déformée par une doctrine perverse. Il est par suite étonnant que de ce seul chef tous les luthériens et calvinistes ne se sentent vaincus et convaincus, et ne considèrent Luther et Calvin comme des imposteurs, eux qui confessent l'état très pur de l'Eglise à l'époque d'Augustin, et qui d'autre part, ne tiennent pas pour un menteur ce dernier qui rapporte comme très vraies et très certaines toutes les choses racontées plus haut.

            Vous nous avez trop libéralement concédé, ô Luther et Calvin, que l'Eglise de Dieu n'a été déformée par aucune erreur et aucun abus pendant ses cinq cents premières années: quoi, en effet, de plus facile pour nous que de prouver que les Pères de cette époque ont cru exactement tout ce que nous croyons aujourd'hui et qui fait le sujet de nos controverses? Pour que vous ne pussiez plus en douter, deux Illustrissimes Cardinaux, remarquables lumières et ornements de notre siècle, Baronius dans ses Annales Ecclésiastiques, et Bellarmin dans ses Controverses, en avaient fourni la preuve. Vous pouviez cependant nier cela comme tout le reste, bien que non sans fausseté et impudence; car il convient à des [177] gens qui ont dépassé, non une fois, mais si souvent les limites de la honte, d'être impudents pour de bon et hardiment. Reconnaissez-vous donc vaincus maintenant par ce que vous avez avoué plus haut. En vérité, quels réformateurs, bon Dieu! sont ces gens qui ont méprisé et repoussé comme profanes toutes les pratiques, toutes les œuvres de l'Eglise, tout ce dont celle-ci se parait à son époque de pureté et de sainteté! N'est-ce pas plutôt le nom de déformateurs qui leur convient, et ne doivent-ils pas être considérés, hués et chassés par tout le monde comme d'ineptes et impudents novateurs? Déjà autrefois Tertullien avait écrit ces belles paroles: «Nous avons coutume de récuser les hérétiques comme de date récente.» Pourquoi donc ne récuserions-nous pas aussi les nôtres?

 

 

 

Octava nota hæreticorum: De spiritu dissensionis

 

§ 1

 

            Octavus haeresium omnium character est spiritus dissensionis; nam, ut inquit Apostolus, numquid divisus est Christus? Et: Deus non dissensionis, sed facis Deus est. Inde solemus dicere, haereticorum proprium esse dispergere [178], sicuti Catholicorum congregare; venit enim Christus, ut oves quae dispersae erant, congregaret in unum. Ideoque Apostolus Judas, haereticos describens: Hi sunt, inquit, qui segregant semetipsos.

            Jam vero, quanta sit inter nostri temporis haereticos dissensio, quis non videt? Lutherus Sacramentarios haereticos palam vocat; Sacramentarii, Lutheranos et Anabaptistas; Anabaptistae, Trinitarios; Trinitarii, Anglocalvinistas; Anglocalvinistae, Puritanos; et contra. Sed unus pro omnibus in testem sufficiat Lutherus, qui, suo illo libro contra Sacramentarios, non perfunctorie, sed ex professo demonstrat septem diversissimas et haereticas interpretationes verborum illorum: Accipite et comedite: hoc est corpus meum, a duobus antea annis emersisse; postquam enim sex enumeravit, addit: «Praeter hos alii accedunt, ut septenarius numerus compleatur, qui dicunt non esse articulum fidei, ideoque liberum cuique esse, ut hic sentiat quicquid velit. Hi omnia pedibus conculcant et destruunt. Verumtamen Spiritus Sanctus est in iis singulis, et nullus vult erroris argui in iis tam diversis et contrariis [179] probationibus et textus ordinationibus, cum tamen unam textus collocationem veram esse opporteat. Adeo crasse et manifeste diabolus nos naso suspendit.» Vide, obsecro, quam eleganter et expresse seipsum et suos describat vir iracundus, dum alios a se describi et vellicari putat!

            Et in Responsione ad maledicum scriptum Regis Angliae: «Jam quaeso,» inquit, «advertite quam dura conditione haec bella administrem. Foras bellum transtuli, aperto Marte cum Papistis dimicabam. Interim socii milites, fratres illi nostri, domi patriam opprimunt, omniaque ferro ac igni vastant, crudelem horrendamque exercentes lanienam in propriis civibus.» Et paulo post, loquens de Carolostadio aut Zuinglio: «Meus Absalom,» inquit, «qui suum patrem, regno suo et gloria exutum, expulit; meus Judas, qui et dominum prodidit, et dissipavit caetum piorum discipulorum, nondum etiam in me idem designaverant.»

            Sed illud omnium suavissimum est, quod, aliquot verbis interpositis, provocat in se Lutherus omnes adversarios suos: «Sed agite dum,» inquit, «adeste omnes, vos, in-quam [180], Papistae sectarii, Sathanae administri et satellites, ac totum agmen diabolici gregis, unanimes vires conjungite vestras. Huc copias adducite; confertis agminibus, unum Lutherum adorimini. Papistae, in fronte aciem dirigite; invadant Sacramentarii, Anabaptistae,» etc. Bellissime profecto, cum Sacramentarios et Anabaptistas post se a tergo constituit, non solum quia sectatores ejus fuerunt, sed etiam quia ab eodem loco et eadem via venerunt. Omnes quidem ex adverso Ecclesiae Catholicae, sed inter se dimicantes et pugnantes: Concurrere faciam, inquit Dominus, Ægyptios adversus Ægyptios. Bellum hoc est Madianitarum; ac, sicut dixit alibi Lutherus ipse, a Deo ita ordinatum est, ut impii semper seipsos confundant, et quod mendacia non consonent, sed semper semetipsa testentur. Ut merito et graviter Sanctus Hilarius olim dixerit: «Bellum haereticorum pacem esse Ecclesiae.»

 

§ 2

 

Haereticos nostri temporis agi spiritu dissensionis

 

            Neque vero nostri temporis haeretici solum inter se dissentiunt [181], sed etiam, ut jam diximus, spiritu dissensionis aguntur; nam omnia sustulerunt quae ad unionem sive unitatem spiritus et fidei possent reducere capita multorum. Inter eos nulla cathedra principalior, ad quam, ut dicebat Irenaeus, omnis recurrat Ecclesia; omnes virgam censoriam sibi usurpant; Conciliorum auctoritatem contemnunt, quae potissimum eam utilitatem habet, ut dissidentes opiniones mutua Catholicorum collatione concilientur. Quomodo ergo consentire possunt, qui omnes consentiendi vias praecluserunt?

            Atqui Scriptura Sacra, inquiunt, unica via est recte sentiendi et consentiendi; in hanc si omnes intendamus, facile consentiemus: sic enim isti exclamant. Sed quis non videt tortuosos gyros serpentis antiqui? nam nec de alio fere quam de Scriptura ipsa sacra contentio est. Et quis haereticorum unquam, si unum aut alterum excipias, alio quam Scripturae praetextu bellum movit turbasque in Dei Ecclesia excitavit? Solemne est haereticis omnibus clamare: Mot Domini, Mot Domini! et Scripturam Scripturis convellere, id est, Spiritum vivificantem littera [182] occidente extinguere; nempe quia multiplicem sensum habet Scriptura, quem dum quisque sibi proprium eligit et propugnat, propriam facit haeresim et sectam. Dum inquit Augustinus: «Scripturae bonae intelliguntur non bene;» et Hilarius: «Intelligentia haeresis est; et sensus, non sermo, fit crimen;» et Hieronymus: «Scripturae non in legendo consistunt, sed in inteUigendo;» et alibi: «Diabolus loquitur de Scripturis; et omnes haereses, secundum Ezechielem, inde sibi consuunt cervicalia, quae ponunt sub cubito universæ ætatis.» Sed omnium apertissime et aptissime Vincentius iUe Lirinensis, quem diceres haereticorum nostri temporis mores et ingenia exprimere voluisse: «Lege,» inquit, «Pauli Samosateni opuscula, Priscilliani, Eunomii, Joviniani reliquarumque pestium» (omnes vero illos haereticos fuisse nec Lutherani et Calviniani ipsi diffitentur): «cernas infinitam exemplorum congeriem, prope nullam omitti paginam, quae non Novi aut Veteris Testamenti sententiis fucata et colorata sit.» Et [183] paulo post: «Quid est vestitus ovium, nisi Prophetarum et Apostolorum proloquia? Qui sunt lupi rapaces, nisi sensus haereticorum feri et rabidi?» etc.

            Non ergo Scriptura sola est idonea ad consensionem et unionem fidelium, sed indiget interprete, qui eodem spiritu earum sententiam aperiat, quo ipsae scriptae sunt et revelatae. Interpres autem ejusmodi alius esse non potest, quam Ecclesia, quae columna et firmamentum est veritatis, et ad cujus solius auctoritatem semper attinuit, ut haereses et haereticos discerneret ac damnaret. Quicumque ergo Ecclesiam errare posse asseverat, spiritum dissensionis necessario animis fidelium immittit, omnemque prorsus fidei certitudinem tollit. Hoc ipsum autem faciunt et fecerunt semper omnes haeretici; nunquam tamen illustriore exemplo, quam factum sit ab haereticis nostri temporis, qui quatuor haec Evangelii verba: Hoc est corpus meum, tanta sensuum dissensione et repugnantia intellexerunt, ut jam suo tempore Lutherus septem diversissimas interpretationes observaverit, quemadmodum paulo ante dicebamus. Cumque videret Sacramentarios impudenter [184] de Sacra Scriptura gloriari: «Hoc,» inquit, «rei caput est: diabolus sua calliditate et potentia nobis multo superior est; oppugnat et repugnat ubique; si nos ad Scripturam confugiemus, ibidem quoque praesto est, et in ea tantum contentionum et dissensionum concitat, ut propediem ejus obsaturemur, languidiusque Scripturae assentiamur et confidamus. Et quidem hic perpetuo cum ipso conflictari oportet.» Et paulo post, de Sathana loquens: «Turbas,» inquit, «et sectas in Scriptura tot tantasque dabit, ut nescias ubi Scriptura, fides, Christus, tu ipse maneas.» Et mox, in eandem sententiam eodemque loco: «Quamvis,» inquit, «diabolus nos cogatur dimittere, tamen non est oblitus suae artis; nam clanculum sua zizania seminavit in nostros caetus, puta falsos fratres, qui nostram doctrinam et verba apprehenderent non in eum finem, ut nobis adjumento essent in Scripturae propaganda, sed ut a tergo, cum nos in prima acie pugnaremus, in nostrum exercitum impetum facerent, turbas excitarent et contra nos furiose dimicarent.» Et paulo post: «Sed haud cessabit; tanto cardine rerum progredietur longius, et plures articulos fidei attentabit. Et quidem jamdudum oculi ejus scintillant erroribus de Baptismo, peccato originis et Christi [185] humanitate; inde tantum turbarum in Sacris Litteris existet, tantum orietur dissensionum et tantum exurget sectarum, ut vere, cum Paulo, affirmare possimus, mysterium iniquitatis nunc agit.» Quemadmodum etiam ipse prospiciebat post ce multas sectas oborituras: «Si haec mundi machina per aliquot annos duraverit, iterum, more Patrum, ad tollendas dissensiones humana quaerentur praesidia, constituenturque leges et decreta ad conciliandam et servandam in religione concordiam; quod quidem similem priori sortietur eventum.» Et paulo post, explicans quae sint humana illa praesidia ad tollendas dissensiones, dicit esse Concilia. Et paulo superius, de Sacramentariis loquens et eorum haeresi: «In hac parte,» inquit, «per Scripturam ferme decem rimas egit sibique effugia paravit, ut vix unquam deformiorem haeresim legerim, quae statim, in exortu, tot capita, tot dispares sectas et discordantes opiniones habuerit, cum tamen in fine ad eandem tendant metam, nempe ad Christum persequendum.» Hactenus Lutherus.

            Ex quo vides: primo, Sacramentarios ab eo pro haereticis, [186] et haereticorum omnium foedissimis habitos esse; secundo, omnes eos impudenter Scripturas praetexere; tertio, Scripturam solam non posse tot dissensionum turbas compescere; quarto, unicam ad consensionem viam esse Concilia; quinto, Conciliorum usum ad eam rem in more fuisse apud Patres: quae omnia sane verissima sunt, quamquam a mendace ac mentiri solito prolata. Quamquam, ne etiam hac in re haereticus non sit, Lutherus mentitur splendide, dum Concilia «humanum praesidium» appellat; divinum enim est, non humanum, quod in hanc vocem sua decreta inchoat: Visum est Spiritui Sancto et nobis. Aut si hoc humanum duntaxat praesidium est, quodnam, obsecro, erit divinum? Et si quod aliud divinum est, cur tantopere laborat Lutherus, ne cogatur humana quaerere praesidia, cum alia possit habere divina; et hoc ipso haud dubie meliora et tutiora quam humana? An vero possit quis credere, nullum a Deo Opt. Max. comparatum esse in eam rem praesidium, quod proinde sit totum divinum, ad totius suae Ecclesiae unionem et pacem retinendam? [187]

 

 

 

Huitième caractéristique des hérétiques: L'esprit de dissension

 

§ 1

 

            La huitième caractéristique de toutes les hérésies est l'esprit de dissension; car, comme dit l'Apôtre, est-ce que le Christ est divisé? Et: Dieu est un Dieu non de dissension, mais de paix. Aussi avons-nous coutume de dire que le propre des hérétiques est de [178] diviser, comme celui des catholiques de réunir, le Christ étant venu réunir en un seul bercail les brebis dispersées. C'est pourquoi l'Apôtre Jude décrit ainsi les hérétiques: Ce sont ceux qui se divisent eux-mêmes.

            Or, qui ne voit la dissension qui existe entre les hérétiques de notre temps? Luther appelle ouvertement hérétiques les sacramentaires; les sacramentaires en font autant pour les luthériens et les anabaptistes; les anabaptistes pour les trinitaires; les trinitaires pour les anglocalvinistes; les anglocalvinistes pour les puritains; et réciproquement. Mais qu'il nous suffise de citer le témoignage de Luther qui, dans son livre contre les sacramentaires, non en passant, mais ex professo, démontre qu'en deux ans se sont fait jour sept interprétations très diverses et hérétiques de ces paroles: Prenez et mangez: Ceci est mon corps. Après en avoir énuméré six, il ajoute: «A ceux-ci en succèdent d'autres, pour achever le nombre septénaire, lesquels prétendent qu'il ne s'agit pas ici d'un article de foi; de sorte qu'il est libre à chacun de penser ce qu'il veut. C'est fouler aux pieds et détruire tout. Cependant l'Esprit-Saint réside en chacun d'eux, et personne ne veut être taxé d'erreur au milieu de démonstrations et d'arrangements [179] du texte, si divers et opposés, alors qu'il faut qu'un seul arrangement soit le vrai. Combien grossièrement et manifestement le diable nous rit-il au nez!» Voyez, je vous prie, avec quelle élégance et quelle justesse cet homme irascible fait la description de lui-même et des siens, tout en pensant décrire et mordre les autres!

            Et dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre: «Remarquez maintenant, de grâce, dans quelles dures conditions je conduis ces attaques. J'ai porté la guerre au dehors, je combattais à visage découvert contre les papistes. Pendant ce temps, les soldats mes compagnons, mes frères, à l'intérieur oppriment la patrie, portent le fer et le feu partout, exercent une boucherie cruelle et horrible parmi leurs propres concitoyens.» Et peu après, à propos de Carlostadt ou de Zwingle: «Mon Absalon, qui a chassé son père, après l'avoir dépouillé de son royaume et de sa gloire; mon Judas, qui a trahi son maître et a dispersé le groupe des pieux disciples, n'avaient pas encore formé le même projet contre moi aussi.»

            Mais le plus beau passage est celui où, après quelques mots, Luther provoque à la lutte tous ses adversaires: «Eh bien donc! apparaissez tous, vous, papistes sectaires, ministres et satellites de [180] Satan, et toute la troupe du diable, d'un commun accord réunissez vos forces! Amenez ici vos escadrons, attaquez le seul Luther de toutes vos phalanges. Papistes, dirigez l'attaque en première ligne; que les sacramentaires, les anabaptistes donnent l'assaut,» etc. En vérité, c'est à merveille qu'il met les sacramentaires et les anabaptistes derrière lui, non seulement parce qu'ils ont été ses sectateurs, mais aussi parce qu'ils viennent du même point de départ et ont suivi la même voie. Tous font front à l'Eglise Catholique, mais tous combattent les uns contre les autres: Je ferai courir les Egyptiens sus aux Egyptiens, dit le Seigneur. C'est là la guerre des Madianites, et, comme l'écrit ailleurs Luther lui-même, Dieu a tout arrangé pour que les impies se confondent toujours eux- mêmes, et pour que les mensonges ne concordent pas entre eux, mais se dévoilent eux-mêmes. Autrefois Hilaire a prononcé cette parole pleine d'à-propos et de poids: «La guerre que se font les hérétiques est la paix de l'Eglise.»

 

§ 2

 

Les hérétiques de notre temps poussés par l'esprit de dissension

 

            Et les hérétiques de notre temps, non seulement sont divisés de [181] sentiment, mais aussi, comme nous l'avons déjà dit, sont poussés par l'esprit de dissension, car ils ont supprimé tout ce qui pourrait amener la diversité des croyants à l'union ou à l'unité d'esprit et de foi. Parmi eux, nul siège principal auquel, comme le disait saint Irénée, toute l'Eglise puisse recourir; chacun s'arroge la verge du censeur; ils méprisent l'autorité des Conciles, dont la première utilité est de concilier entre elles les opinions divergentes par l'échange mutuel de vues entre les catholiques. Comment donc peuvent arriver à l'unité de sentiment ceux qui se sont fermé tous les chemins pour y parvenir?

            D'autre part, l'Ecriture Sainte est, d'après eux, l'unique voie pour connaître la vérité et s'entendre; si nous portons nos regards de ce côté, nous arriverons facilement à l'unité de doctrine: c'est ce que crient nos hérétiques. Qui ne voit cependant ici les replis tortueux du serpent antique? Presque toutes les controverses, en effet, roulent sur l'Ecriture Sainte elle-même. Y a-t-il un hérétique, à l'exception d'un ou de deux, qui ait jamais autrement entamé sa lutte et troublé les foules dans l'Eglise de Dieu, qu'en en prenant prétexte dans l'Ecriture? Tous les hérétiques ont l'habitude de crier: La Parole de Dieu, la Parole de Dieu! tout en bouleversant [182] l'Ecriture par les Ecritures, c'est-à-dire en étouffant l'esprit vivifiant sous la lettre qui tue. L'Ecriture ayant un sens multiple, celui qui en choisit un et le défend comme le sien propre, crée une hérésie et une secte propre. Il arrive alors ce que dit Augustin: «Les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises;» et Hilaire: «La façon de comprendre constitue l'hérésie; c'est le sens qu'on lui donne, non le texte lui-même, qui amène le crime d'hérésie;» et Jérôme: «La valeur des Ecritures ne consiste pas dans leur simple lecture, mais dans la manière de les comprendre;» et ailleurs: «Le démon emploie les Ecritures, et toutes les hérésies s'en font des oreillers qu'elles mettent sous le coude des gens de tout âge, selon l'expression d'Ezéchiel.» Mais entre tous, Vincent de Lérins s'exprime avec le plus de clarté et de justesse, si bien qu'il semble avoir voulu dépeindre les mœurs et la tournure d'esprit des hérétiques de notre temps: «Lisez,» dit-il, «les opuscules de Paul de Samosate, de Priscillien, d'Eunomius, de Jovinien et des autres auteurs pestilentiels» (les luthériens et les calvinistes eux-mêmes considèrent tous ces personnages comme des hérétiques): «examinez l'interminable liste des exemples apportés, et vous verrez qu'il n'y a presque aucune page qui ne soit fardée et colorée au moyen de phrases du Nouveau ou de l'Ancien Testament.» Et peu après: «Qu'est-ce que les vêtements de brebis, sinon les oracles [183] des Prophètes et des Apôtres? Que signifient les loups dévorants, sinon les interprétations cruelles et délirantes des hérétiques? etc.

            Par conséquent, l'Ecriture toute seule ne peut amener l'union des esprits et des fidèles, mais elle a besoin d'un interprète qui en manifeste le sens dans le même esprit où elle a été écrite et révélée. Mais un interprète de cette sorte ne peut être autre que l'Eglise, colonne et fondement de la vérité, à l'autorité exclusive de laquelle il a toujours appartenu de discerner et de condamner les hérésies et les hérétiques. Aussi, quiconque affirme que l'Eglise peut se tromper, répand nécessairement un esprit de dissension dans les âmes des fidèles, et supprime entièrement toute certitude de croyance. C'est ce que font et ont toujours fait tous les hérétiques. Cependant, jamais exemple n'a été si frappant que celui des hérétiques de notre époque; ces quatre mots de l'Evangile: Ceci est mon corps, ont été, en effet, compris par eux avec une telle diversité et contradiction de sentiments, que déjà de son temps Luther, comme nous le disions tout-à-l'heure, avait observé sept interprétations très dissemblables. Et comme il voyait les sacramentaires se glorifier impudemment de la Sainte Ecriture. «C'est là,» dit-il, «le pire: le diable nous est de beaucoup supérieur en finesse et en [184] puissance; partout il attaque et se défend; si nous recourons à l'Ecriture, il nous y attend aussitôt, et se met à soulever des tas de contentions et de dissensions à son sujet, au point de presque nous dégoûter d'elle et de diminuer notre assentiment et notre confiance en elle. Et cependant il nous faut continuellement lutter avec lui.» Et un peu après, à propos de Satan: «Il trouvera le moyen de faire naître par l'Ecriture tant et de si grandes sectes turbulentes, que tu ne sauras plus retrouver l'Ecriture, la foi, le Christ et toi-même.» Et aussitôt, revenant à la même pensée: «Quoique le démon soit forcé de nous laisser tranquilles, cependant il n'a pas oublié ses artifices ; car à la dérobée il a semé dans nos assemblées la zizanie, je veux dire les faux frères qui ont embrassé notre doctrine et nos paroles, non pour nous aider à propager l'Ecriture, mais pour attaquer par derrière notre armée, au moment où nous combattons en première ligne, afin d'exciter les foules et nous faire une guerre furieuse.» Et peu après: «Mais il ne cessera pas; il ira plus loin dans une occasion si favorable, et attaquera plusieurs articles de foi. Et déjà ses yeux scintillent [185] annonçant des erreurs au sujet du Baptême, du péché originel et de l'humanité du Christ; d'où se produira tant de confusion dans l'interprétation des Saintes Lettres, tant de dissensions et de sectes, que nous pourrons affirmer avec Paul que le mystère d'iniquité agit maintenant.» Luther voyait bien qu'après lui surgiraient de nombreuses sectes: «Si la machine du monde se maintient encore quelques années, l'on sera obligé, à l'exemple des Pères, de recourir aux moyens humains de défense pour supprimer les dissensions, et l'on fera des lois et des décrets pour obtenir et conserver la concorde dans la religion; ce qui amènera un résultat pareil à l'ancien. » Un peu plus loin, expliquant la nature de ces moyens humains de défense nécessaires pour supprimer les dissensions, il dit que ce seront les Conciles. Un peu plus haut, en parlant des sacramentaires et de leur hérésie, il avait dit: «En cette partie, il [le démon] a fait par l'Ecriture une dizaine de brèches environ et s'est préparé des échappatoires, si bien que je ne sache pas qu'il ait jamais existé une hérésie plus difforme, ni qui dès son origine ait eu tant de chefs, tant de sectes différentes, tant d'opinions discordantes, tendant toutefois finalement au même but, qui est de poursuivre le Christ.» Jusqu'ici Luther.

            De ces citations vous voyez: 1. qu'il a considéré les sacramentaires [186] comme des hérétiques et comme les plus affreux des hérétiques; 2. que tous ces sacramentaires s'appuient impudemment sur les Ecritures; 3. que l'Ecriture seule ne peut calmer les flots des dissensions; 4. que les Conciles sont l'unique voie pour arriver à la concorde; 5. que l'usage des Conciles a été pratiqué par les Pères dans ce but: toutes choses parfaitement vraies, bien que dites par un menteur habitué à mentir. Toutefois, pour ne pas manquer de se montrer hérétique même ici, Luther fait un beau mensonge en appelant «moyens humains de défense» les Conciles; car elle est divine, non humaine, l'assemblée qui commence ses décrets par ces mots: Il a paru bon à l'Esprit-Saint et à nous. S'il s'agit ici d'un moyen de défense purement humain, où en trouvera-t-on un, je le demande, qui sera divin? Et s'il existe quelque part un autre moyen divin de défense, pourquoi donc Luther fait-il de si grands efforts pour éviter les moyens humains, pouvant s'en procurer de divins et, par le fait même, évidemment meilleurs et plus sûrs que les humains? En vérité, quelqu'un peut-il croire que le Dieu très bon et très grand n'ait pas songé à fournir pour le besoin en question le moyen de défense voulu, moyen, par suite, totalement divin, destiné à conserver l'union et la paix de toute son Eglise? [187]

 

 

 

Nona hæreticorum nota: De spiritu contentionis

 

§ 1

 

            Nonus haereticorum character est spiritus contentionis, superbiae, arrogantiae et pertinaciae; sic enim illorum mores describit beatus Judas, in Epistola canonica: Vae illis qui in via Cain abierunt, et errore Balaam mercede effusi sunt, et in contradictione Core perierunt. Hi sunt nubes sine aqua, quæ a ventis circumferuntur, fluctus feri maris, despumantes suas confusiones, sidera errantia. Hi sunt murmuratores, querulosi, secundum desideria sua ambulantes, et os eorum loquitur superbiam. Et D. Paulus: Si quis, inquit, vult contentiosus esse, nos talem consuetudinem non habemus, neque Ecclesia Dei. Quare merito divus Augustinus haereticum definit, qui, «Scripturas non recte intelligens, suas falsas opiniones contra earum veritatem pervicaciter asserit.» Et alibi: «Neque enim,» inquit, «natae sunt haereses, nisi dum Scripturae bonae intelliguntur non bene, et quod in eis non bene [188] intelligitur, etiam temere et audacter asseritur.» Et rursum, alio loco: «Qui ergo,» inquit, «in Ecclesia morbidum aliquid pravumque sapiunt, si, correpti ut sanum rectumque sapiant, resistunt contumaciter suaque pestifera dogmata emendare nolunt, sed defensare persistunt, haeretici fiunt.»

            Porro, quanta sit haereticorum nostri temporis arrogantia et superbia, ex eorum patre Luthero satis liquebit, si verba ipsius audiamus. Is, in Responsione ad maledicum scriptum Regis Angliæ, in haec verba scribit: «Atque,» inquit, «citra arrogantiam libere dixerim, per me Sacram Scripturam ita repurgatam, ita illustratam esse, ut intra annos mille nunquam fuerit vel clarior, vel notior pluribus.» Et paulo ante: «Mihi perinde est, etiamsi mihi totus jam adhaereat mundus, jam deficiat iterum; utrumque sequi bonimque consulturus sum, nam quis me sustentabat initio, cum essem solus?» Et alibi miris modis seipsum extollit, et animum pervicaciae: «Haec sunt arma,» inquit, «quibus haeretici vincunt hodie: ignis et furor insulsissimorum asinorum et thomisticorum porcorum. Sed pergant porci illi, et, si audent, exurant me! hic sum, et expectabo eos; cineribus [189] solis, post mortem, etiam in mille maria projectis, persequar et» abominabor «hoc abominabile vulgus, In summa, vivens, Papatus hostis ero; exustus, bis hostis ero. Facite, porci Thomistae, quod potestis: Lutherum habebitis ursam in via et leaenam in semita; undique vobis occurret, et pacem habere non sinet, donec ferreas vestras cervices et aereas frontes contriverit, vel in salutem, vel in perditionem. Hactenus satis fuerit patientiam perdidisse. Deinceps, cum pergatis, indurati et obcaecati, comua erigere, et sponte facti sitis incorrigibiles et indomiti, nemo a me expectet quicquam dici in vos, deplorata portenta, suave aut blandum. Irritatos enim volo magis ac magis, donec, effusis omnibus viribus et furoribus, concidatis in vobis ipsis. Qui primus alterum compescuerit, sit ipse victor; sicut vultis, sic fiat vobis.» Et eodem libro: «Non sumus Papae, sed Papa noster est; nostrum est non judicari ab ipso, sed ipsum judicare: spiritualis enim a nemine judicatur, et ipse judicat omnes.» [190]

            Et rursum alibi: «Fovebat me utcumque,» inquit, «aura ista popularis, et Germani, suspensis animis, expectabant eventum tantae rei, quam nullus antea, neque episcopus neque theologus ausus esset attingere.» Denique passim videas insanam hanc belluam miris se laudibus extollere, nec nisi arrogantiam et impudentiam effutire. Nec ipse tandem negat; cuidam enim amico suo, respondens per epistolam: «Recte,» inquit, «mones me modestiae; sentio et ipse, sed compos mei non sum, sed rapior, nescio quo spiritu, cum nemini me male velle conscius sim, verum urgent etiam illi furiosissime, ut adversarium non satis observem.»

            Quantus vero sit contentionis et pertinaciae spiritus in Luthero, duobus potissimum exemplis, ex iis quae possent adferri innumera, ostendemus. Primum erit ex epistola quam ille ad Argentinenses scripsit, in qua, de Sacramentariis loquens: «Diffiteri,» inquit, «non possum nec volo, quod si Carolostadius aut alius quispiam ante quinquennium mihi potuisset probare in Sacramento praster panem et vinum esse nihil, ille magno beneficio me sibi devinctum [191] reddidisset; gravibus enim curis anxius, in hac excutienda materia multum desudabam, omnibus nervis extensis, me extricare et expedire conatus sum, cum probe perspiciebam hac re Papatui cum primis me valde incommodare posse. Verum ego me captum video, nulla elabendi via relicta.» Et paulo post: «Quod si etiam hodierno die fieri posset, ut quis firmo Scripturarum testimonio mihi fidem facere queat, in Sacramento non nisi panem et vinum esse, nihil tamen opus esset quemquam tam amaro me adoriri animo; sum enim, proli dolor! plus aequo in hanc partem propensus, quantum Adami mei naturam animadvertere possum.» Quid, obsecro, hujusmodi ingenio contentiosius, quod non quaerit quid verum sit aut falsum, sed quid Papatui, ut ipse loquitur, aut Ecclesiae incommodare possit, studetque non veritatis amori et desiderio, sed Papatus odio?

            Aliud exemplum, adhuc clarius, ex alio loco sumi potest, in quo, tractans de Missa: «Quid ergo,» inquit, «dicemus ad Canonem et auctoritatem Patrum? Primum respondeo: si nihil habetur quod dicatur, tutius est omnia [192] negare, quam Missam concedere...» Quid enim hoc aliud, quaeso, est, quam velle quocumque periculo ac per omne fas et nefas suam tueri opinionem, et poeticum illud exequi:

Fac bene, «si possis; si non, quocumque modo, rem.»

            De Zwinglio autem, Carolostadio, Œcolampadio, Calvino, Sacramentariorum parentibus et Lutheri filiis, non possumus testimonium dignius aut certius minusque suspectum adferre, quam ipsius Lutheri, qui testatur eos, velut Absalones quosdam, regni et gloriae patris cupidos, suas haereses erexisse. Etsi enim de Calvino diserte non loquitur, qui vivente Luthero non adeo infamis erat nec magni nominis, quod tamen de aliis Sacramentariorum capitibus dixit, quidni etiam in Calvinum optime quadret, qui tanto superbior fuit et arrogantior caeteris, quanto posterior tempore? Si enim arrogans Carolostadius fuit et Zwinglius, qui Luthero parenti contradixerunt, arrogantior sane fuit, qui et Luthero et Zwinglio et omnibus omnium aetatum Christianis contradixit. Sed quid arrogantius possis fingere, quam quod Calvinus pronunciare ausus est, omnes Patres in errorem abreptos fuisse aut arroganter locutos? Quid [193] item arrogantius Beza, qui Calvino soli adrogat honorem rectae opinionis et detectae veritatis circa mysterium Eucharistiae, quasi nullus omnino mortalium ante Calvini tempora recte de Sacramento sensisset? Sed et qui sibi vult, rogo, quod ad calcem Vitae Calvini, quam idem Beza scripsit, addidit verba illa Elisaei videntis Heliam raptum in caelum et elevatum: Pater mi, pater mi, currus Israel et auriga ejus! nisi quod Calvinum pro Helia, se autem pro Elisaeo vult haberi?

 

§ 2

 

De interpretatione Scripturarum

 

            Sed potest hic spiritus arrogantiae ac pertinaciae detegi apertius, si novatores istos disputantes audiamus. Exempli gratia quaeratur, an opera charitatis justificent; illi negabunt [194]. Si objicias verba Epistolse divi Jacobi, quid respondebunt? Lutherus exclamabit,« si uspiam deliratum est,» hic deliratum esse, potiusque rejiciendam Apostoli Epistolam, quam admittendum ut justificatio a charitate proficiscatur. Quid aliud in hac responsione, quam protervia et pertinacia?

            Calvinus vero respondebit, Jacobi verba non ad justificationem, sed ad justificationis manifestationem respicere. Quod si replices verba Jacobi non posse hanc pati interpretationem, quia ut de fide ita et de operibus justificationem asseverat, ille tamen in opinione sua perstabit, et Catholicos omnes victos ac de mala interpretatione convictos exclamabit. Sed quo judice? Scriptura, inquit. At-qui de Scriptura nobis controversia est, quam a nobis stare manifestissimum est; justificationem enim scripsit Apostolus, non justificationis manifestationem. Si vero instes: Adeamus ergo Patres, Concilia, Ecclesiam: Bene est, inquit, dum ad normam Scripturae loquantur.

            Viden' pertinaciam? Exigit Scripturas, nos damus; ille obliqua interpretatione contorquet, nos veram et germanam [195] opponimus, ex propria ipsa verborum vi et significatione perspicuam; ille non admittit. Quaeritur quis rectius interpretetur; nec enim sequum est quemquam in causa sua et testem esse et judicem. Ille, ne victus videatur, et ut vetulis atque vulgo imponat, ad Scripturam revocat. Quis hic non videt proterviae ac pertinaciae gyros? In summa, vult audiri sibique uni fidem haberi. Si quaeras num Patres antiquos et Concilia audire velit: «Audiam,» inquit, «si adamussim Scripturae judicent.» Judicabunt vero, inquam; stabisne illorum sententiae? Stabo, inquit, si tamen prius examinavero. Quis vero te constituit illorum judicem? hoc ipsum enim est de quo quaerimus: cur tibi magis licere debeat sententiam ipsorum et interpretationem examinare, quam illis aut nobis tuam, et quis in pari omnium jure futurus sit judex? Quod si fallantur interpretando, quia homines fuerunt, ut objicis, quidni etiam tu fallaris? An non et tu homo es, [aut saltem bestia?] Neque enim, opinor, aut angelus aut deus es, aut quicquam ex inanimatis. Hic vero haeret terminus. Et statim anguis in seipsum [196] caput contorquet: quia, inquit, secundum Scripturas interpretabor. Deus bone! atqui de hoc ipso quaerimus, quis Scripturas rectius interpretetur.

            Quid agas cum impiis istis qui semper in circuitu ambulant, et eo semper redeunt, unde tu tam saepe illos dejeceris? Quae impudentior pertinacia, quam nolle stare judicio Ecclesiae, Patrum, Conciliorum? Quis finis tantae contentionis, si nemo erit qui litem dirimere possit, quique ejus tandem definiendae habeat auctoritatem? Nec enim dubitandum est quin litigandi futura sit immortalis libido. Habet suas leges Respublica omnis bene constituta, easque bonas et sanctas; quae tamen si litigantium arbitrio exponendae relinquerentur, nullus unquam foret litigandi finis, dum prudentiae quisque suae innititur et in sensu suo non solum abundat, sed etiam luxuriatur. Hinc judicum etiam in prophanis rebus, sed multo major in Ecclesia Dei Conciliorum necessitas, ne, si nullus tandem judex sit a quo appellari non possit, litigantium perversitas et libido faciat, ut neque litigandi neque appellandi terminus ullus inveniatur.

            Exemplum praebeat Lutherus ipse: is enim a Legato [197] Sedis Apostolicae ad Sedem Apostolicam initio appellavit; tum, a Sede Apostolica condemnatus, quievitne an acquievit? Neutrum; sed, factus impudentior, iterum provocat ad Concilium. An vero, mi Luthere, acquiesces, si Concilium contra te feret sententiam? Distinguo, inquit; si secundum Scripturas, acquiescam; sin minus, omnia negabo. Sed quisnam, inquam, judicabit, utrum Concilium secundum Scripturas sententiam tulerit? Ego, inquit, nam «spiritualis homo judicat omnia.» Ergone a Concilio et universi orbis consensu ad teipsum unumque provocabis? Siccine supremus divini humanique juris arbiter constituetur insanum et sive lepidum, sive illepidum malis dicere, caput Lutheri?

            Et haec quidem quae de Luthero diximus, de caeteris omnibus haereticis aeque dicta videri debent; nam et inde haeretici nomen acceperunt, quod interpretationem Scripturae sibi seligant; quam si Conciliis et Ecclesiae consonam invenerint, eam non auctoritate Ecclesiae vel Conciliorum, sed sua ipsorum opinione defendunt; sin contrariam viderint, nihilominus eam contra Ecclesiae et Conciliorum auctoritatem tuentur. [198]

 

§ 3

 

De invocatione Sanctorum ex D. Augustino

 

            Similis erit quaestionis exitus, si de alicujus ex Patribus auctoritate disputetur. Finge quaeri num beatus Augustinus Sanctos invocandos esse censuerit. Adducimus locum ex Commentariis ejus in Exodum, ubi palam dicit «orationibus Martyrum propitiari Deum peccatis populi sui.» Adducimus et locum supra citatum, in quo palam testatur precibus Sancti Stephani plerosque sanatos aut adjutos. Adducimus et quod idem Augustinus alibi scribit, «animas defunctorum orationibus Martyrum commendari, in quorum locis, id est nomine ac memoria Martyrum venerabilibus, corpora sepulta sunt.» Quid ad lisec isti nugatores, ut elabantur? Nihil aliud, nisi quod lisec non ex animo, sed raptim et inadvertenter dicta sunt. Atqui locum alium illustriorem adducimus, in quo beatum Cyprianum ipse invocat hac desiderii sui contestatione: «Adjuvet nos orationibus suis, ut, donante Domino, quantum possumus [199] bona ejus imitemur.» Parum est, inquiunt, nam non diu immoratur in hujusmodi precibus. Quid vero jam cum istis possit quis facere, vel patientissimus hominum?

            Adferamus tamen, ut istis satisfaciamus, locum alium, in quo non obiter, sed longa et iterata oratione Sanctum aliquem in Caelis regnantem Augustinus interpellet. Is est in Sermone 2. de Annuntiatione: «O beata Maria,» inquit, «culpas nostras orando excusa, admitte nostras preces intra sacrarium exauditionis, et reporta nobis antidotum reconciliationis. Sit per te excusabile, quod per te ingerimus; fiat impetrabile, quod fida mente poscimus. Accipe quod offerimus, redona quod rogamus, excusa quod timemus, quia tu es spes unica peccatorum; per te speramus veniam delictorum, et in te, Beatissima, nostrorum est expectatio praemiorum. Sancta Maria, succurre miseris, juva pusillanimes, refove flebiles; ora pro populo, interveni pro clero, intercede pro devoto foemineo sexu; sentiant omnes tuum juvamen, quicumque celebrant tuam sanctam commemorationem. Assiste parata votis poscentium et repende omnibus optatum effectum; sint tibi studia assidue [200] orare pro populo Dei, quae meruisti, Benedicta, Redemptorem ferre mundi, qui vivit et regnat in saecula saeculorum.»

            An expectatis adhuc aut requiritis, quotquot estis Lutherani et Calviniani, ut clarius aliquid proferamus? Fatemur ingenue nec habere nos nec posse fingere, etiamsi nobis pro arbitrio fingendi jus et licentiam, quam non petimus, daretis. Sed quid respondetis? Sermo, inquiunt, non est Augustini. Si interroges quare: quia, inquiunt, non sapit ingenium Augustini. Cui vero non sapit, tibine, an mihi? Quid vero erit quod non possit tuto negari, si haec rejiciendae Patrum auctoritatis ratio admittatur? Nam et clarissima quaeque loca, si ad gustum disputantium examinentur, nunquam satis sapida erunt contradicentibus. Est tamen quod parcamus, nec illibenter, istis qui Patrum scriptis tam inepte illudunt, cum in ipsis quoque Sacris Scripturis idem faciant easque non nisi ad gustum suum et admittant et abjiciant. Quid enim movere Lutherum [201] potuit, ut Jacobi Epistolam damnaret? «Quia,» inquit, «non sapit spiritum apostolicum.» Cur damnat Calvinus Libros Machabaeorum? Quia, inquit, non sapiunt spiritum divinum. Ergone, quia manna rebellibus et protervis panem caeli non sapit, propterea manna esse desinet et panis de cælo? Quia sol noctuae non lucet, nobis non lucebit? Si sic agatur, actum sane est de universa Scriptura, ut docte Augustinus noster jam olim disputavit contra Faustum, qui, solemni haereticorum insolentia, Sacrae Scripturae loca quibus urgebatur, non germana, sed falsata esse dicebat.

            Vidi ego primarium quemdam Genevae ministrum, qui, multa insolenter debacchatus in Sanctorum intercessionem, cum non tantum Scripturae, sed etiam Patrum auctoritate convinceretur, dixit tandem paratum se dare manus, si Augustinus ullo loco Beatissimam Virginem invocasse probaretur. Cum vero catholicus supradictum locum protulisset ac ministrum interrogasset: «Quid vero tu ad haec, domine, magne doctor?» Ille, primum haesitabundus et attonito similis, mox seipsum colligens, quasi magnum [202] et elegans quidpiam dicturus, ut facile maximum Ecclesiae reformatorem in ejus vultu agnosceres: «Naevus est,» inquit, «in pulchro corpore.» Quid vero miser catholicus faceret cum isto nebulone, nisi ut Dominum rogaret ne statueret ei hoc peccatum, quia nesciebat quid diceret nec quid faceret? [Abi vero tu in malam crucem, cum istis tuis naevis et nugis!] An non poteras verius dicere, naevum hunc esse in Calvini tui opinione, Beatissimae Virginis Sanctorumque omnium intercessionem temere rejicientes? nam nec quicquam vetat naevos esse in deformi corpore, [203] ut tanto deformius faciant quanto facerent corpus venustius quod esset pulchrum.

            Placent vero sibi novatores nostri tum maxime in sua pertinacia, cum aliquam sententiam in libris Patrum deprehendunt, quae primo intuitu ac in speciem favere iis videatur; est enim hoc fuitque semper hæreticis omnibus commune, ut jam olim Vincentius noster Lirinensis observavit: «Cum sub alieno,» inquit, «nomine haeresim concinnare machinantur, captant plerumque veteris cujuspiam viri scripta paulo involutius edita, quae pro ipsa sui obscuritate dogmati suo quasi congruant, ut illud, nescio quid, quodcumque proferunt, neque primi neque soli sentire videantur.» Hunc scilicet morem tenens minister iste noster egregius, de quo nunc dicebamus, tot illis Augustini locis clarissimis, quae jam citavimus, opponebat locum unum, in quo Augustinus, de Christo loquens: «Ipse Sacerdos est,» inquit, «qui nunc ingressus in interiora veli, solus ibi ex his qui carnem gestaverunt, interpellat pro nobis.» Itaque Augustinum cum Augustino pugnantem inducere volebat subtilis doctor, nec videbat Augustinum eo loco non de alia interpellatione loqui, quam quae fit per [204] redemptionem, quod et praecedentia et sequentia illius loci manifestissime ostendunt. Hanc vero artem fallendi in Patrum scriptis, etsi haereticorum omnium commtmis est, Calviniani tamen propemodum suam propriam fecerunt, adeo in ea excellunt, ut apparuit ex congressu Illustrissimi Cardinalis et Episcopi Ebroicensis cum misero illo, quem nominare pudet [vel hoc ipso, quod non pudet eum vivere post tam multas tamque evidentes ipsius non tantum haereses, sed etiam falsitates.] in augustissimo ipso Christianissimi Regis conspectu, et amplissimo totius Galliae theatro detectas convictasque.

 

§ 4

 

De Sanctorum intercessione

 

            Sed addamus etiam ad has pertinaciae notas aliam superioribus finitimam, sed tamen ab iis diversam: quod sunt novatores nostri querulosi, ut B. Judas Apostolus dicebat, et, ut Paulus loquitur, contentiosi, ita ut quantumvis [205] eorum argumentis satisfacias, ipsis tamen satisfacere nunquam possis. Adeo verum est quod Augustinus jam olim dixit, convinci eos posse, sed vinci non posse. Exemplum esto in hoc ipso articulo de quo paulo ante scripsimus, de Sanctorum intercessione.

            Objiciunt dare nos Christo socios et coadjutores, cum Sanctos invocamus. Nos vero respondemus clarissime, nos neque Deo, quem oramus, coadjutores dare, quem satis scimus ad misericordiam faciendam coadjutoribus non indigere; neque Christo, per quem oramus, quia ejus intercessionem omnipotentem apud Patrem agnoscimus; sed nobis ipsis, qui oramus, ac quorum orationes et preces precibus fratrum nostrorum, maxime vero piorum et sanctorum virorum, adjuvantur, ut a Deo per solum Christum exaudiantur. Quare nec Sanctos proprie mediatores agnoscimus eo sensu, quasi sint in medio inter Deum [206] et nos, ut Christus, qui revera medius est, utpote qui utramque naturam Dei et hominum habeat, cum sit et Filius Dei et filius hominis; sed invocamus Sanctos, ut sint nobis comprecatores et cooratores per unum Dominum nostrum Jesum Christum. Quia tamen Christo esse illos nobis gratiores intelligimus, et aliquo modo viciniores, quippe qui jam sint in gloria, plerique Antiquorum mediatores eos appellarunt, non ratione illa qua Christus Mediator dicitur, qui vere est in medio, ut ita dicam, mathematico, sed ut is qui alicui vicinior est, haet permodica distantia, medius dicitur inter hunc et illum a quo longius abest. Sic enim dicimus inter nos et solem umbracula et tentoria nostra esse media, licet non modo non sint in medio, sed etiam nobiscum sint in extremo. Qua responsione si quis est qui sibi non putet satisfactum, quonam, obsecro, nisi protervo prorsus et contentioso videri potest esse ingenio?

            Hoc vero unicum exemplum pro multis attulisse sufficiat, nam instituti nostri ratio pluribus hic nos immorari non permittit. Nisi quod non possum prætermittere insigne [207] dictum Lutheri, qui, ut Ecclesiae Catholicae contradiceret, quae docet semperque docuit excommunicationem cuicumque viro pio et christiano cavendam esse, tum quoque cum est injusta, tanquam quae, si non aeternae salutis praesens damnum inferat, praesentissimum tamen adfert secum amittendae illius periculum, scripsit ille, ex contrario, docendos esse Christianos, ut excommunicationem diligant potius quam ut metuant. Cui bono autem haec tam impia sententia, nisi ut contradicendi studium, quo vir miser redundabat, expleret?

 

 

 

Neuvième caractéristique des hérétiques: L'esprit de contention

 

§ 1

 

            La neuvième caractéristique des hérétiques est l'esprit de contention, de superbe, d'arrogance et d'obstination. Voici, en effet, la description que fait de leurs mœurs le bienheureux Jude dans son Epître canonique: Malheur à ceux qui se sont égarés dans la voie de Caïn, et se sont jetés pour un salaire dans l'egarement de Balaam, et se sont perdus dans la rébellion de Coré. Ils sont nuées sans eau, emportées au hasard par les vents, vagues furieuses de la mer, jetant l'écume de leurs hontes, astres errants. Ce sont des murmurateurs, des gens qui se plaignent sans cesse, qui vivent au gré de leurs convoitises, et leur bouche profère des paroles d'orgueil. Et saint Paul: Si quelqu'un veut contester, pour nous, nous n'avons pas cette habitude, non plus que l'Eglise de Dieu. Aussi saint Augustin définit-il avec raison l'hérétique: celui qui, «ayant une intelligence erronée des Ecritures, affirme avec entêtement ses fausses opinions, opposées à leur vérité.» Et ailleurs: «Les hérésies ne sont nées que parce que les Ecritures, bonnes en soi, sont mal comprises, et que ce qui en est mal compris est affirmé avec témérité et audace.» Et de nouveau [188] en un autre endroit: «Ceux qui, dans l'Eglise, ont des manières de voir mauvaises et malsaines, et qui, si on les reprend pour les amener à des manières de voir bonnes et saines, résistent avec obstination, ne veulent pas corriger leurs dogmes pervers, mais persistent à les défendre, ceux-là deviennent hérétiques.»

            Or, pour connaître le degré d'arrogance et d'orgueil des hérétiques de notre temps, il nous suffit d'entendre les paroles de leur père Luther. Celui-ci, dans sa Réponse au méchant écrit du Roi d'Angleterre, écrit: «Je dirai franchement, et sans arrogance aucune, que j'ai purifié et éclairé l'Ecriture de telle sorte, que d'ici mille ans elle ne sera jamais ni plus claire, ni connue d'un plus grand nombre.» Et un peu auparavant: «C'est pour moi chose indifférente, maintenant que le monde entier adhère à mon parti, si ce monde vient de nouveau à me mépriser; j'approuverai l'une et l'autre détermination, car, qui me soutenait au commencement, quand j'étais seul?» Et ailleurs il se vante étonnamment lui-même, et aussi son esprit d'entêtement: «L'arme,» dit-il, «avec laquelle les hérétiques obtiennent aujourd'hui la victoire, c'est la fureur incendiaire des imbéciles, des ânes et des porcs qui suivent la doctrine thomiste. Mais que ces porcs s'avancent et, s'ils l'osent, qu'ils [189] me fassent brûler! je suis ici à les attendre. Avec les seules cendres qui resteront de moi après ma mort, même si on les jette dans mille mers, je poursuivrai et» repousserai «cette abominable tourbe. En somme, si je vis, je serai l'ennemi de la Papauté; si je suis brûlé, je serai deux fois son ennemi. Porcs thomistes, faites ce que vous pouvez: vous aurez Luther comme une ourse dans votre chemin, comme une lionne dans votre sentier; partout vous le rencontrerez, et il ne vous laissera point de paix, jusqu'à ce qu'il ait brisé vos têtes de fer et vos fronts d'airain, soit pour votre salut, soit pour votre perte. Assez de patience perdue jusqu'ici. Désormais, puisque vous continuez, dans votre endurcissement et votre aveuglement, à montrer les cornes, et que volontairement vous êtes incorrigibles et indomptables, que personne n'attende de moi à votre égard, monstres incurables, une parole douce ou caressante. Je veux que vous enragiez de plus en plus, jusqu'à ce que, après avoir épuisé vos forces et vos fureurs, vous vous écrouliez sur vous-mêmes au milieu de vos discours. Que celui qui aura le premier dompté l'autre, soit le vainqueur; qu'il vous soit fait selon votre désir.» Et dans le même livre: «Nous n'appartenons pas au Pape, mais le Pape nous appartient; à nous de ne pas être jugés par lui, mais de le juger lui-même: car l'homme spirituel n'est jugé par personne, et juge tout le monde.» [190]

            Et de nouveau ailleurs: «Ce courant populaire m'était assez favorable, et les allemands, l'esprit en suspens, attendaient l'issue d'une si grande affaire, que personne auparavant, ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Enfin, çà et là on peut voir ce monstre furieux s'adresser des louanges extraordinaires, et débiter en réalité des propos pleins d'arrogance et d'impudence. Lui-même, du reste, ne le nie pas, car répondant par lettre à un certain ami: «Tu me rappelles avec raison à la modestie,» dit-il; «je sens cela moi-même, mais je ne suis pas en pleine possession de moi, je suis entraîné par je ne sais quel esprit Tout en ayant conscience de ne vouloir du mal à personne, je suis poussé à bout furieusement par mes ennemis, à tel point que je ne traite pas l'adversaire avec la convenance voulue.»

            Pour montrer jusqu'où va l'esprit de contention et d'entêtement chez Luther, nous apporterons deux exemples, choisis parmi les innombrables que nous pourrions citer. Le premier sera tiré de la lettre qu'il écrivit aux Strasbourgeois, où il parle des sacramentaires en ces termes: «Je ne puis ni ne veux nier que si Carlostadt ou quelque autre avait pu me prouver, il y a cinq ans, qu'il n'y a rien dans le Sacrement de l'Eucharistie en dehors du pain et du [191] vin, celui-là m'aurait rendu un grand service; car je peinais dur et j'étais en proie à de graves soucis au sujet de l'élucidation de cette matière. De toute la tension de mes nerfs j'ai cherché à me tirer d'affaire, me rendant fort bien compte que c'était un moyen pour moi d'ennuyer grandement le Pape surtout. Mais je me vois pris; nulle voie pour m'échapper.» Et peu après: «Si encore aujourd'hui quelqu'un pouvait me prouver, par un témoignage solide des Ecritures, que dans le Sacrement de l'Eucharistie il n'y a que du pain et du vin, il ne serait pas nécessaire de m'entreprendre à ce sujet sur un ton si mordant; car je suis, hélas! porté plus qu'il ne faut de ce côté, autant que je puis connaître la nature de l'Adam qui est en moi.» Peut-on imaginer, je le demande, un esprit plus contentieux que celui de cet homme, qui ne cherche pas, selon ses propres expressions ce qui est vrai ou faux, mais ce qui peut ennuyer le Pape ou l'Eglise, et étudie, non par amour et désir de la vérité, mais par haine de la Papauté?

            On peut tirer un autre exemple encore plus typique d'un autre endroit où il dit à propos de la Messe: «Que répondre contre le Canon et l'autorité des Pères? Je réponds d'abord: s'il n'y a rien à dire, il est phis sûr de tout nier que de concéder la Messe.» [192] Qu'est-ce cela, je le demande, sinon vouloir défendre son opinion à tout prix et en employant toute espèce de moyens, selon le mot du poète: Fais cela «si tu le peux,» comme il faut; «si tu ne le peux, fais-le de n'importe quelle manière.»

            Au sujet de Zwingle, de Carlostadt, d'Œcolampade, de Calvin, pères des sacramentaires et fils de Luther, nous ne pouvons citer de témoignage plus approprié, plus certain et moins suspect que celui de Luther lui-même, lequel affirme que, semblables à Absalon, envieux du royaume et de la gloire de son père, ils ont lancé en avant leurs hérésies. Bien qu'il ne parle pas expressément de Calvin, qui du vivant de Luther n'était encore ni tellement décrié, ni tellement fameux, cependant ce qu'il dit des autres chefs des sacramentaires ne s'applique-t-il pas parfaitement à Calvin, d'autant plus orgueilleux et arrogant que les autres qu'il est venu après eux? Si, en effet, Carlostadt et Zwingle ont été arrogants en contredisant leur père Luther, plus arrogant certes a été Calvin en contredisant Luther, Zwingle et tous les chrétiens de tous les âges. Quoi de plus arrogant que l'accusation lancée par Calvin contre tous les Pères, qui, d'après lui, seraient tombés dans l'erreur ou auraient parlé avec [193] arrogance? De même, quoi de plus arrogant que Bèze, qui attribue au seul Calvin l'honneur d'avoir vu juste, d'avoir découvert la vérité au sujet du mystère de l'Eucharistie, comme si personne, absolument personne d'entre les mortels, n'avait possédé la vraie doctrine sur l'Eucharistie avant l'époque de Calvin? Et que donne-t-il à entendre, je vous prie, lorsqu'à la fin de la Vie de Calvin écrite par lui, Bèze ajoute ces paroles d'Elisée voyant Elie enlevé au ciel: Mon père, mon père, char d'Israël et son conducteur! sinon qu'il veut qu'on prenne Calvin pour Elie et lui-même pour Elisée?

 

§ 2

 

De l'interprétation des Ecritures

 

            L'on peut découvrir davantage cet esprit d'arrogance et d'obstination en écoutant disputer nos novateurs. Par exemple, qu'on leur demande si les actes de charité justifient, ils le nieront. Si vous [194] leur objectez les paroles de l'Epître de saint Jacques, que répondront-ils? Luther s'écriera que, «si l'on a déliré quelque part,» c'est ici qu'on l'a fait, et qu'il vaut mieux rejeter l'Epître de l'Apôtre qu'admettre le principe de la justification dans la charité. Qu'y a-t-il dans cette réponse, sinon de l'impudence et de l'entêtement?

            Quant à Calvin, il répondra que les paroles de saint Jacques ne regardent pas la justification, mais la manifestation de cette dernière. Si vous répliquez que les expressions de l'Apôtre ne peuvent supporter cette interprétation, puisque saint Jacques attribue la justification tout ensemble à la foi et aux œuvres, Calvin persistera dans son opinion et s'écriera que les catholiques sont tous vaincus, et convaincus de mauvaise interprétation. Mais devant quel tribunal? Devant celui de l'Ecriture, dit-il. Or, c'est précisément au sujet de l'Ecriture que nous discutons, et elle nous donne très manifestement raison, puisque l'Apôtre a écrit justification et non pas manifestation de la justification. Si vous insistez: Consultons les Pères, les Conciles, l'Eglise. Fort bien, vous dira-t-il, pourvu qu'ils parlent d'après la règle de l'Ecriture.

            Ne voyez-vous pas l'entêtement? Il exige les Ecritures, nous les fournissons; il les détourne par une interprétation fuyante. Nous [195] lui opposons la vraie, l'authentique, celle qui ressort proprement de la force et de la signification des mots; il ne l'admet pas. On demande qui de nous interprète plus justement, car il n'est pas admissible que quelqu'un soit témoin et juge dans sa propre cause; lui, pour ne pas sembler vaincu, pour en imposer aux vieilles femmes et au vulgaire, il en appelle à l'Ecriture. Qui ne voit ici les détours de l'audace et de l'entêtement? En somme, il veut qu'on l'entende lui seul, qu'on lui prête foi à lui seul. Si vous lui demandez s'il consent à écouter les Pères anciens et les Conciles: «Je les écouterai,» dit-il, «si leur jugement est exactement conforme à l'Ecriture.» Mais après qu'ils auront porté leur jugement, demandé-je, vous en tiendrez-vous à leur sentence? Je m'y tiendrai, répond-il, si cependant je l'examine d'abord. Qui vous a donc établi leur juge ? c'est justement de cela que nous nous enquérons. Pourquoi avez-vous le droit d'examiner leur sentence et leur interprétation, plutôt qu'eux ou nous celui d'examiner la vôtre, et qui sera juge en face d'un droit égal pour tous? S'ils se trompent dans leur interprétation, parce qu'ils ont été hommes, comme vous objectez, pourquoi ne pouvez-vous vous tromper vous-même? N'êtes-vous pas aussi un homme, [ou tout au moins une bête]? Je n'imagine pas, en effet, que vous soyez un ange ou un dieu, ou quelque chose d'inanimé. Il n'y a pas à sortir de là. Et aussitôt le serpent ramène [196] sa tête sur lui-même: Parce que, dit-il, j'interpréterai selon les Ecritures. Bonté de Dieu! c'est précisément de ce a qu'il s'agit, à savoir, qui interprète mieux les Ecritures.

            Que faire avec ces impies qui toujours marchent en louvoyant, et reviennent sans cesse à l'endroit d'où on les a souvent chassés? Quelle obstination plus impudente que celle de ne pas s'en tenir au jugement de l'Eglise, des Pères, des Conciles? Comment finir une discussion d'une telle importance, si personne ne peut trancher le litige et n'a l'autorité de définir en dernier ressort la question? Sans aucun doute le désir de disputer sera sans fin. Toute république bien ordonnée a ses lois, ses lois bonnes et inviolables; mais si elles étaient abandonnées au bon plaisir des parties, les procès n'auraient jamais de terme, chacun s'appuyant sur sa propre prudence, et non seulement abondant dans son sens, mais le faisant avec excès. De là, la nécessité des juges, même dans les affaires profanes; à plus forte raison celle des Conciles dans l'Eglise de Dieu, de peur que, s'il n'y a aucun juge qui prononce sans appel, le mauvais vouloir des parties et leur envie de disputer n'empêchent qu'il y ait jamais une fin aux litiges et aux appels.

            Prenons en exemple Luther lui-même. Au commencement, il en [197] appela du Légat du Siège Apostolique au Siège Apostolique lui-même; puis, une fois condamné par le Siège Apostolique, se tint-il tranquille ou se soumit-il? Ni l'un ni l'autre, mais avec une impudence plus grande il en appelle au Concile. Mais, mon Luther, te soumettras-tu, au moins, si le Concile t'est défavorable? Je distingue, répond-il: si la sentence est selon les Ecritures, je me soumettrai; autrement, je refuserai tout. Cependant, insisté-je, qui jugera si le Concile porte une sentence conforme aux Ecritures? Moi, répond Luther, car «l'homme spirituel juge de tout.» Ainsi, du Concile et du jugement du monde entier tu en appelleras à toi et à toi seul? Ainsi, le suprême arbitre du droit divin et humain, ce sera la tête de Luther, tête folle, qu'elle vous plaise ou non?

            Ce que nous venons de dire de Luther, doit également se dire de tous les autres hérétiques; car leur nom d'hérétiques leur vient justement de ce qu'ils choisissent pour leur usage une interprétation de l'Ecriture telle que, si elle concorde avec celle des Conciles et de l'Eglise, ils la défendent en se basant, non sur l'autorité de l'Eglise ou des Conciles, mais sur leur propre opinion; si, au contraire, elle est différente, ils la soutiennent contre l'autorité de l'Eglise et des Conciles. [198]

 

§ 3

 

De l'invocation des Saints d'après saint Augustin

 

            Même résultat s'il s'agit de l'autorité de quelqu'un des Pères. Supposons qu'on demande si le bienheureux Augustin a été d'avis d'invoquer les Saints. Nous apportons un texte tiré de ses Commentaires sur l'Exode, où il enseigne ouvertement que, «par les prières des Martyrs, Dieu pardonne aux péchés de son peuple.» Nous apportons aussi le passage cité plus haut, où il affirme clairement que plusieurs personnes ont été guéries ou aidées par les prières de saint Etienne. Nous apportons encore le texte où le même Augustin écrit que «les âmes des défunts sont recommandées aux prières des Martyrs, lorsque les corps des défunts sont ensevelis dans les lieux consacrés à l'honneur de ces Martyrs et contenant leurs reliques.» Comment nos mauvais plaisants échappent-ils à ces textes? En disant tout simplement que ces choses ont été écrites non avec intention, mais en passant et par inadvertance. Or, nous citons un passage plus remarquable, où Augustin lui-même invoque le bienheureux Cyprien en présentant ainsi son désir: «Puisse-t-il nous aider par ses prières, afin que, par la grâce du Seigneur, nous imitions ses vertus autant que nous le pouvons.» C'est là peu de chose, [199] disent-ils, car Augustin ne s'arrête pas longtemps à ces prières. Que reste-t-il à faire, même au plus patient des hommes, avec ces gens-là?

            Cependant, pour les satisfaire, citons un autre texte où Augustin, non en passant, mais dans une prière prolongée et répétée, invoque un Saint régnant dans les Cieux. Ce texte se trouve dans le deuxième Sermon sur l'Annonciation: «O bienheureuse Marie,» dit-il, «obtiens le pardon de nos fautes en priant pour nous, reçois nos prières dans le sanctuaire où elles sont exaucées, et rapporte-nous l'antidote de la réconciliation. Que par toi soit digne de pardon ce que par toi nous présentons; que nous puissions obtenir ce que nous demandons avec confiance. Reçois ce que nous offrons, obtiens-nous ce que nous demandons, éloigne ce que nous craignons, car tu es l'unique espoir des pécheurs; par toi nous attendons le pardon de nos fautes, et en toi, toute Bienheureuse, est l'espérance de notre récompense. Sainte Marie, secours les malheureux, aide les pusillanimes, console les affligés; prie pour le peuple, interviens en faveur du clergé, intercède pour les femmes consacrées à Dieu; qu'ils sentent ton aide tous ceux qui célèbrent ta sainte mémoire. Sois toujours intéressée aux désirs de tes clients et [200] obtiens à tous ce qu'ils souhaitent; occupe-toi à prier sans cesse pour le peuple de Dieu, toi qui as mérité, ô Bénie, de porter le Rédempteur du monde, qui vit et règne dans les siècles des siècles.»

            Attendez-vous encore ou exigez-vous, vous tous luthériens et calvinistes, que nous vous présentions quelque chose de plus clair? Nous avouons ingénûment que nous n'avons rien et ne pouvons rien imaginer, même si vous nous donniez ce que nous ne demandons pas, le droit d'imaginer à notre fantaisie. Mais que répondez-vous? Ce sermon, disent-ils, n'est pas d'Augustin. Si vous demandez pourquoi: parce que, répondent-ils, il n'est pas dans la manière d'Augustin. Qui en juge ainsi, vous ou moi? Que restera-t-il qui ne puisse être sûrement nié, si cette façon de rejeter l'autorité des Pères est une fois admise? Car si les passages les plus clairs doivent être examinés suivant le goût de ceux qui discutent, ils ne seront jamais du goût des contradicteurs. Il faut cependant pardonner de bonne grâce à des gens qui se moquent si sottement des écrits des Pères, lorsque nous les voyons en agir ainsi à l'égard des Saintes Ecritures elles-mêmes, qu'ils n'admettent ou ne rejettent que suivant leur propre goût. Quel a pu être, en effet, le motif de Luther [201] en condamnant l'Epître de saint Jacques? «C'est,» dit-il, «qu'elle ne respire pas l'esprit apostolique.» Pourquoi Calvin condamne-t-il les Livres des Machabées? Parce que, dit-il, ils ne respirent pas l'esprit divin. Ainsi donc, de ce que la manne n'a pas la saveur d'un pain céleste pour les rebelles et les méchants, faudra-t-il dire que la manne cessera d'être un pain descendu du ciel? Parce que le soleil ne luit pas au profit du hibou, ne luira-t-il pas à notre profit? A ce compte-là, c'en est fait de toute l'Ecriture, comme notre Augustin l'a savamment montré autrefois contre Faustus lequel, avec l'insolence habituelle des hérétiques, prétendait non authentiques, mais falsifiés, les passages de la Sainte Ecriture qui lui étaient opposés.

            J'ai vu un des premiers ministres de Genève qui, après s'être insolemment emporté contre l'intercession des Saints, ne pouvant être convaincu par l'autorité non seulement de l'Ecriture, mais aussi des Pères, finit par dire qu'il s'avouerait vaincu s'il était prouvé qu'Augustin eût jamais invoqué la Bienheureuse Vierge. Un catholique ayant cité le texte ci-dessus, et ayant interrogé le ministre en ces termes: «Que répondez-vous à cela, monsieur le grand docteur?» celui-ci, tout d'abord hésitant et paraissant surpris, reprit ensuite courage et, comme s'il allait dire quelque chose [202] de remarquable et d'élégant, avec un air de suprême réformateur de l'Eglise, prononça ces paroles: «C'est là une tache sur un beau corps.» Que pouvait faire le pauvre catholique avec ce charlatan, sinon demander à Dieu de ne pas lui imputer ce péché, parce qu'il ne savait ni ce qu'il disait ni ce qu'il faisait? [Va donc te faire pendre avec tes taches et tes sornettes!] Ne pouvais-tu dire avec plus de vérité que la tache se trouve dans l'opinion de ton Calvin rejetant témérairement l'intercession de la Bienheureuse Vierge et des Saints? Rien n'empêche, en effet, que des taches ne se trouvent [203] sur un corps difforme, pour le rendre d'autant plus laid, qu'elles eussent rendu plus séduisant un corps déjà beau.

            Nos novateurs se complaisent surtout dans leur opiniâtreté, lorsqu'ils rencontrent dans les livres des Pères quelque expression qui semble leur être favorable au premier aspect et seulement en apparence. C'est là un trait commun à tous les hérétiques présents et passés, ainsi que l'a autrefois observé notre Vincent de Lérins: «Lorsque,» dit-il, «ils complotent d'échafauder une hérésie sous un faux nom, le plus souvent ils s'emparent de paroles écrites un peu trop obscurément par quelque ancien, pour que, par leur obscurité même, elles s'accordent en quelque façon à leur enseignement, et afin que le je ne sais quoi qu'ils émettent, ils ne paraissent ni les premiers ni les seuls à l'émettre.» Notre distingué ministre, dont nous venons de parler, appliquant cette façon de faire à tous les passages si clairs d'Augustin que nous avons cités, opposait ce seul endroit où, à propos du Christ, il s'exprime ainsi: «Il est le Prêtre qui, maintenant entré dans l'intérieur du voile, est seul, de tous ceux qui ont porté la chair, à intercéder pour nous.» Ainsi ce docteur subtil voulait montrer une contradiction entre Augustin et [204] Augustin, sans voir que dans le dernier texte il s'agit de l'intercession qui s'opère par la rédemption, ce que le contexte indique très clairement. Bien que cet art de tromper à propos des écrits des Pères soit commun à tous les hérétiques, les calvinistes se le sont comme approprié, tellement ils y excellent. Cela s'est bien vu lors de la dispute publique qui eut lieu entre l'Illustrissime Cardinal et

            Evêque d'Evreux et ce misérable qu'on a honte de nommer, [quand ce ne serait que parce qu'il n'a pas honte de vivre après tant et de si évidentes, non seulement hérésies, mais faussetés,] dont il fut convaincu en la présence très auguste du Roi très chrétien et dans une immense assemblée où la France entière était représentée.

 

§ 4

 

De l'intercession des Saints

 

            Mais ajoutons encore à ces caractéristiques d'opiniâtreté une autre caractéristique ayant quelque rapport avec celles que nous avons examinées plus haut, bien que distincte: à savoir, que nos novateurs sont des disputeurs, comme disait le bienheureux Apôtre [205] Jude, des amis de la contention, pour parler comme Paul, de sorte qu'on a beau répondre à leurs arguments, on ne les satisfait jamais. Ici se vérifie le mot d'Augustin: On peut les convaincre, mais non les vaincre. En voici un exemple dans cet article même dont nous avons écrit un peu plus haut: l'intercession des Saints.

            Ils objectent qu'en invoquant les Saints nous donnons au Christ des coadjuteurs. Nous répondons en termes on ne peut plus clairs et précis que nous ne donnons de coadjuteurs, ni à Dieu que nous prions, car nous savons fort bien qu'il n'a pas besoin de coadjuteurs pour faire miséricorde, ni au Christ par qui nous prions, attendu que nous savons que son intercession auprès du Père est toute-puissante; mais c'est à nous qui prions, que nous donnons des coadjuteurs, en ce sens que nos prières sont aidées par celles de nos frères, les pieux et les saints surtout, pour que Dieu les exauce par le seul Christ. Aussi ne reconnaissons-nous pas les Saints comme médiateurs, c'est-à-dire comme se tenant entre Dieu et nous, à la manière du [207] Christ, qui est en effet entre Dieu et nous, parce qu'il participe à la fois à la nature divine et à la nature humaine, étant Fils de Dieu et fils de l'homme; mais nous invoquons les Saints, pour que ceux-ci coopèrent aux prières que nous adressons par l'intermédiaire du seul Jésus-Christ notre Seigneur. Comme cependant nous comprenons qu'ils sont, eux, plus agréables au Christ et, en quelque manière, plus rapprochés de lui, étant déjà dans la gloire, la plupart des Anciens les ont appelés médiateurs: non point pour la raison qui fait donner au Christ le nom de Médiateur, parce qu'il occupe vraiment ce que je nommerai le milieu mathématique, mais parce qu'on dit de quelqu'un qui est rapproché d'un autre, même d'une distance minime, qu'il tient le milieu entre cet autre et celui dont il est éloigné davantage. Ainsi nous disons que les ombrages et les tentes tiennent le milieu entre nous et le soleil, bien que non seulement ils ne soient pas à mi-distance, mais qu'ils soient avec nous à une des extrémités. Si quelqu'un ne se contente pas de cette réponse, quel genre d'esprit peut-on lui supposer, sinon celui d'un entêté et d'un disputeur?

            Que ce seul exemple nous dispense d'en apporter beaucoup d'autres, car le plan que nous nous sommes tracé ne nous permet pas de nous appesantir davantage sur ce point. Je ne puis cependant [207] omettre de citer une parole remarquable de Luther, écrite pour contredire l'Eglise Catholique. Celle-ci enseigne et a toujours enseigné que tout homme pieux et bon chrétien doit éviter l'excommunication, même injuste, parce que, si elle ne fait pas perdre actuellement le salut éternel, elle amène avec soi cependant, un danger très actuel de perdre ce salut. Luther, au contraire, a écrit qu'il faut enseigner aux chrétiens d'aimer l'excommunication, au lieu de la craindre. A quoi rime une opinion aussi impie, sinon à satisfaire le besoin de contredire qui tenait notre malheureux?

 

 

 

Decima nota : De spiritu maledicentiæ, procacitatis, irrisionis et calumniæ

 

            Decimus character haereseos est maledicentia, procacitas, spiritus irrisionis et calumniae. Irrisores, inquit B. Judas in Epistola; et D. Bernardus, de haereticis sui temporis loquens: «Videte,» inquit, «detractores, videte canes. Irrident nos, quia baptizamus infantes, quod oramus pro mortuis, quod Sanctorum suffragia postulamus.»

            Ut vero Lutheranos et Calvinianos nostros hoc spiritu [208] agi probemus, magna non est opus inquisitione. Nam, quod ad Lutherum pertinet, tam petulanter ille et contumeliose causam suam aggressus est, ut Beza non vereatur illi hac in re succensere. Sed quid Bezae testimonio indigemus? Habemus reum confitentem se immodeste et scribere et agere, ac eo plane modo qui deceat hominem qui, ut ipse loquitur, non sit compos sui. Sed, Deus bone, quam impudenter agit cum Summo Pontifice, cum Rege Angliae, cum universo ordine episcoporum, cum academiis Parisiensi et Lovaniensi! Minima fere quam in eos vibrat contumelia haec est, ut «porcos, asinos, Sathanae satellites stolidissimos,» et caetera id genus appellet; idque tam crebro et importune, ut, si ex Operibus ejus contumeliosa quaeque detrahas, facile octo scriptorum ejus tomos in unum sis redacturus.

            De procacia vero istorum et spiritu irrisionis si quis dubitat, legat, si licet, ludum Lutheri adversus Parisienses [209] theologos et Passavantium Bezae. Mirabitur sane inscitiam et miseriam illorum, qui tales homines habuerunt pro Ecclesiae reformatoribus et pietatis ac religionis instauratoribus habentque. Cogor tamen ex Calvino proferre locum unum, in quo certat ipse secum, impudentior ne sit, an imprudentior, in calumniis et maledictis concinnandis. «Ad homines,» inquit, «si veniamus, satis scitur quales reperturi simus Christi vicarios: Julius scilicet et Leo et Clemens et Paulus christianae fidei columnae erunt primique religionis interpretes, qui nihil aliud de Christo tenuerunt, nisi quod didicerant in schola Luciani. Sed quid tres aut quatuor Pontifices enumero? quasi vero dubium sit qualem religionem professi sint jampridem Pontifices, cum toto Cardinalium Collegio, et hodie profiteantur. Primum enim arcanae illius theologiae, quae inter eos regnat, caput est, nulium esse Deum; alterum, quaecumque de Christo scripta sunt ac docentur, mendacia esse et fabulas. Hoc cum notissimum sit omnibus qui Romam noverunt, non cessant [210] tamen Romanenses theologi,» etc. Quem, obsecro, non pudeat tam virulenti mendacis hujus et impostoris? Et tamen, quod impudentiam facit intolerabilem, testatur ille eodem loco, non de hominibus se loqui, sed de Cathedra Romana; ut merito possimus ei objicere verba illa Augustini, quae supra retulimus: «Cathedra» tibi «quid fecit Petri?»

            Nec contenti sunt isti tot contumeliis Ecclesiam Dei militantem ejusque Pastores onerare; parum hoc illis videtur, si non etiam in cives triumphantis Ecclesiae simul jacula contumeliarum suarum contorqueant. Audi Calvinum: «Colligimus,» inquit, «nihil Papistas Christo reliquum facere, qui pro nihilo ducunt ejus intercessionem, nisi accedant Georgius et Hippolytus, aut similes larvae.» Et alibi mentitur impudentissime, et imponit Catholicis, quod «in suis omnibus Litaniis, Hymnis et Prosis, ubi Sanctis mortuis nihil non honoris defertur, nullam Christi mentionem» faciant. Lutherus autem, quodam loco, mire exagitat Beatum Thomam Aquinatem, adeo ut nec erubescat dicere probabile esse quod sit ille damnatus. In summa, nihil isti aut in Cælo aut in terra intactum reliquerunt [211]; neque sane fuit aequum ut Angelico Doctori parcerent isti, qui nec Angelis nec ipsi Deo pepercerunt.

 

 

 

Dixième caractéristique : De l'esprit de médisance, d'insolence, de moquerie et de calomnie

 

            La dixième caractéristique de l'hérésie, c'est la médisance, l'insolence, l'esprit de moquerie et de calomnie. Moqueurs, dit d'eux le bienheureux Jude dans son Epître; et saint Bernard, s'exprime ainsi au sujet des hérétiques de son temps: «Voyez ces détracteurs, ces chiens aboyants. Ils se moquent de nous parce que nous baptisons les enfants, que nous prions pour les morts, que nous demandons les suffrages des Saints.»

            Pour prouver que nos luthériens et calvinistes sont pleins du [208] même esprit, il n'est nul besoin de grande inquisition. En ce qui regarde Luther, il a mené sa campagne avec tant de pétulance et d'injures, que Bèze ne craint pas de le lui reprocher. Mais qu'avons-nous besoin du témoignage de Bèze? Le coupable lui-même avoue qu'il a agi et écrit d'une manière inconvenante, de la manière, dit- il, qui convient à quelqu'un qui ne se possède pas. Bonté divine! de quelle impudence n'use-t-il pas envers le Souverain Pontife, envers le Roi d'Angleterre, envers le corps épiscopal, envers les académies de Paris et de Louvain! La moindre des injures qu'il lance contre eux, c'est de les traiter de «porcs, d'ânes, de très sots satellites de Satan,» et autres choses de ce goût. Et cela si souvent et avec tant d'importunité, que si l'on supprimait de ses Œuvres toutes les injures, l'on réduirait facilement à un seul huit tomes de ses écrits.

            Si quelqu'un maintenant doute de l'insolence et de l'esprit de moquerie de nos hérétiques, qu'il lise, s'il le peut, le badinage [209] de Luther contre les théologiens de Paris et le Passavant de Bèze. Il s'étonnera sans doute de la sottise et de la misère de ceux qui ont pris et prennent de tels hommes pour des réformateurs de l'Eglise et des rénovateurs de la piété et de la religion. Je suis cependant forcé de citer de Calvin un endroit où cet hérétique cherche à se dépasser en impudence, ou en imprudence, dans le soin d'inventer des calomnies et des injures. «Si,» dit-il, «nous en venons aux personnes, l'on sait assez quels vicaires du Christ nous trouverons: Jules, Léon, Clément, Paul seront les colonnes de la foi chrétienne et les premiers interprètes de la religion, eux qui n'ont admis au sujet du Christ que ce qu'ils avaient appris à l'école de Lucien. Mais pourquoi énumérer trois ou quatre Pontifes, comme si ce qu'ont professé il y a déjà longtemps et professent encore de nos jours, en matière de religion, les Pontifes avec tout le Collège des Cardinaux, était chose douteuse? Car le premier point de la théologie cachée qui a cours parmi eux, c'est qu'il n'y a pas de Dieu; le second, c'est que tout ce qui a été écrit et qui est enseigné du Christ n'est que mensonge et fable. Quoique ceci soit très notoire pour tous ceux qui connaissent Rome, les théologiens de Rome ne cessent [210] pas,» etc. Qui, je vous prie, n'aura honte d'un menteur et d'un imposteur de cette virulence? Et cependant, ce qui rend cette impudence intolérable, c'est que, au même endroit, Calvin affirme qu'il ne parle pas des personnes, mais de la Chaire de Rome; de sorte qu'on peut lui objecter la parole d'Augustin rapportée ci-dessus: «Que» t'a «donc fait la Chaire de Pierre?»

            Et ces hérétiques ne se contentent pas de charger de tant d'injures l'Eglise militante de Dieu; c'est encore peu pour eux, s'ils ne lancent les flèches de leurs injures même contre les citoyens de l'Eglise triomphante. Ecoutez Calvin: «Nous concluons que les papistes ne laissent rien au Christ, eux qui ne comptent pour rien son intercession, si elle n'est pas accompagnée de celle de Georges, d'Hippolyte ou de semblables fantômes.» Ailleurs il ment avec la plus grande effronterie, en accusant les catholiques de ne faire «aucune mention du Christ dans toutes leurs Litanies, Hymnes et Proses où ils ne refusent aucun honneur aux Saints défunts.» Quant à Luther, il fait si bien, dans un certain passage, le procès du bienheureux Thomas d'Aquin, qu'il n'a pais honte de dire de lui qu'il est probablement damné! En somme, ces hérétiques n'ont rien respecté, ni au Ciel ni sur terre; et vraiment il était juste qu'ils [211] n'épargnassent pas le Docteur Angélique, eux qui n'ont épargné ni les Anges ni Dieu lui-même.

 

 

 

IV. De principiis haeresium nostri temporis

 

§ 1

 

            Porro cum haeresibus omnibus commune illud sit, ut sordidum et abominandum habeant principium (inde namque est praeclarum illud dictum D. Hieronymi: Haereses ad originem revocasse refutasse est), videamus jam, quod erit pro corollario, quam praeclara origine nostri temporis haereses glorientur.

            Ducunt eam omnes a Luthero, qui primus omnium omnino earum auctor fuit. Ita sane Lutherus ipse testatur: «Solus,» inquit, «primo eram, et certe ad tantas res tractandas ineptissimus et indoctissimus.» Et Beza, in Iconibus, ubi de Luthero loquitur, ait excitatum eum ut lumen Evangelii ex densissimis tenebris erueret. Et quamvis neque Lutherus neque Beza id testarentur, satis [212] tamen testaretur summa illa pax qua fruebatur Ecclesia, cum Lutherus bellum illi indixit, et repentina omnium ordinum facta in eum commotio, statim atque apparuit. Et Luthero quidem id pro gloria est, quod primus et solus fuerit, qui turbas excitavit; nam congratulatur sibi ipsi, quod «Germani, suspensis animis, expectabant» quem eventum habitura esset contentio quam ipse excitaverat et «quam,» inquit, «nullus antea, neque episcopus, neque theologus ausus esset attingere.» Tantique fecit hanc haereticam laudem, ut injuriae loco duxerit, si quando suas opiniones ab aliis didicisse diceretur; cumque plerique Hussitam eum esse existimarent, reclamat ipse et exclamat: «Non recte vocant, qui me Hussitam appellant, non enim mecum ille sentit; sed si ille fuit haereticus, ego plus decies haereticus sum, cum ille longe minora et pauciora dixerit.» At videamus quibus viis et quo genio Lutherus in hanc doctrinae novitatem venerit. Illud sane constat, non divino impulsu (tametsi dicat ille alibi se a Deo vocatum, ut jactare solent haeretici omnes), sed humano prorsus carnalique affectu rem totam aggressus est: «Casu enim,» [213] inquit ille ipse, «non voluntate nec studio in has turbas incidi, Deum ipsum testor.» Quid vero tam contrarium, quam ut divino impulsu factum esse existimetur quod factum sit casu? Aut quid apertius quam, ex supradictis verbis, non in pacificam Evangelii praedicationem, sed in turbas apostatam illum incidisse? Neque vero solus ipse hoc testatur, sed et Philippus Melanchton, egregius Lutheranus: «Haec initia fuerunt,» inquit, «hujus controversiae, in qua Lutherus, nihil adhuc suspicans aut somnians de futura mutatione rituum, ne quidem ipsas Indulgentias prorsus abjiciebat, sed tantum moderationem flagitabat. Quare falso,» inquit, «eum» criminantur, «qui a plausibili causa exorsum dicunt, ut postea mutaret rempublicam et vel sibi vel aliis potentiam quaereret.»

            Tum vero primi motus et inspirationes quibus Lutherus tactus fuit ut doctrinam catholicam desereret, fuerunt merae et crassissimae blasphemiae; sic enim ipse de se scribit: «Oderam,» inquit, «vocabulum istud: Justitia Dei, quod, usu et consuetudine omnium doctorum, doctus eram philosophice intelligere de justitia formali et activa Dei, [214] qua Deus est justus et peccatores injustosque punit.» Et paulo post: «Non amabam,» inquit, «imo odiebam justum et punientem peccatores Deum, tacitaque, si non blasphemia certe ingenti murmuratione indignabar Deo.» Et alibi, explicans locum illum Pauli: Justitia Dei revelatur in Evangelio, ait omnes Doctores, excepto Augustino, interpretatos esse de justitia Dei puniente; tum subjungit: «Quoties legebam hunc locum, semper optabam ut Deus nunquam revelasset Evangetfum; quis enim possit diligere Deum irascentem, judicantem, damnantem?» Et rursum, alio loco: «Olim, cum legendum esset,» inquit, «et orandum illud Psalmi: In justitia tua libera me, totus exhorrescebam et ex toto corde vocem illam oderam.» Et paulo post: «Atque hic sane,» inquit, «omnes Patres, Augustinus, Ambrosius, etc., hallucinati sunt, et in hoc veluti scandalum impegerunt.» Ex hoc autem odio Dei irascentis et justi in meditationem venit, per quam ait se fidem suam justificantem invenisse: «Tunc,» inquit, «me prorsus esse renatum sensi et, apertis portis, in ipsum Paradisum intrasse. Ibi continuo alia mihi facies totius Scripturae apparuit.» [215]

            In his vero omnibus haec praecipue notatu digna semper existimavi. Primum, quod Lutheri novitas incepit ab odio Dei, omnium peccatorum gravissimo: fons sane dignus fuit, qui tot haeresum rivulos profuderit.

            Secundtun est, quod Lutherus non resipuit, postquam haeresim excitavit, sed in hoc execrando odio perstitit: «Quis enim,» inquit, «possit diligere Deum irascentem, judicantem, damnantem?» Quibus verbis non solum se odio Deum habuisse profitetur, sed etiam neque potuisse amare neque posse. At vero non sic ille, non sic, qui laetus cantat: Justus Dominus et justitiam dilexit; æquitatem vidit vultus ejus. Et alibi: Deus judicium tuum regi da, et justitiam tuam filio regis. Ac deinde exclamat de quovis justo: Lætabitur justus cum viderit vindictam; manus suas lavabit in sanguine peccatoris.

            Tertium est, quod ignorantiam suam crassissimam prodit Lutherus, cum dicit omnes Doctores, excepto Augustino, locum Pauli ad Romanos de justitia Dei puniente interpretatos fuisse; nam, ut omittam Chrysostomum et Theodoretum, divus sane Thomas et Lyranus, qui [216] omnibus obvius est, de justitia qua Deus nos justificat, palam interpretantur; tametsi contraria quoque expositio non sit omnino improbabilis.

            Quartum est, quod impudentiam suam Lutherus ostendit, cum Psalmi locum supra citatum dicit a nemine Catholicorum et Patrum fuisse intellectum de justitia qua Deus nos justificat; nam et Augustinus ipse et Lyranus et Glossa ordinaria sic plane interpretantur: In justitia tua libera me, id est, quia mea justitia, quae nulla est, liberari non possum, tua, Deus bone, liberari exopto; quamquam, quod ad locum illum attinet, docte Glossa ordinaria animadvertit interpretationem illam esse potius moralem, cum, secundum litteram, de justitia Dei judicantis Psalmista loquatur, quasi dicat: Cum justus sis, Domine, eripe me et libera me de manibus persequentium me, qui injuste me opprimunt et persequuntur. Sed ad rem.

            Postquam Lutherus hoc initium suae doctrinae dedit, multa, quod erat consequens, per hypocrisim et mendacia fecit, ut suam stabiliret haeresim. Nam et ipsi Romano [217] Pontifici diu blanditus est et, cum adversus Regem Angliae injuriose scripsisset, misit ad eum postea epistolam, in qua blanditiis et lenociniis conatur animum Regis demulcere, scribens in himc modum: «Conscius mihi sum gravissime offensam esset Tuam Majestatem libello meo, quem stultus et praeceps edidi.» Et paulo post: «Vehementer,» inquit, «nunc pudefactus, metuo oculos coram Majestate Tua levare, qui passus sum levitate ista me moveri in talem tantumque Regem, praesertim cum sim fex et vermis, quem solo contemptu oportuit victum aut neglectum esse.» Deinde veniam petit, ad Regis pedes prostratus, et promittit se palinodiam cantaturum, si Rex velit. Verum, non multo post tempore, cum Rex Angliae iterum in eum scripsisset, rursus ille Regem aggreditur, longe atrocioribus contumeliis, et de litteris scriptis poenitet, nec ullum non movet lapidem ut suam hypocrisim excuset, quae palinodiam promiserat, docetque se illam epistolam scripsisse ut eum ad haeresim suam amplectendam pelliceret. «His,» inquit, «persuasionibus plane ebrius, effudi [218] illam deprecationem, et infoeliciter supplicem epistolanv quam illi sues indigne tractant dilacerantque.» Et paulo post dicit eodem se artificio usum esse cum Georgio, Duce Saxoniae; et aliquot interpositis verbis iterum praedicat se non poenitere, quod iis artificiis usus sit, quasi fecerit omnia propagandi Evangelii causa, nec pudet eum fictiones hujusmodi et hypocrisim pium honestumque studium appellare. Pius vir sane, qui pium existimat etiam per mendacia veritati inservire!

            Cuinam vero credibile fiet unquam labia ista dolosa Lutheri, in corde et corde loquentis, electa esse a Deo, ut Evangehi lumen iterum mundo accenderent? Aut quis unquam sordidiora vidit aut legit, et magis execranda haeresis ullius principia, quae casu, non serio nec consulto, et ex odio Dei, non ex amore, ex mendaciis et hypocrisi, non ex veritate, constiterunt? Auctor vero ipse turbulentus homo et adeo ferox, ut, Philippo quoque Melanchtone teste, non solum Erasmus, sed etiam Fredericus Dux, cujus protectione et auspiciis omnem tragædiam suam [219] Lutherus produxit, lenitatem in eo et moderationem desiderarent; quam nec ipse negabat sibi deesse, cum se sui compotem non esse fateretur.

 

§ 2

 

Horrendum principium hæresis Lutheranæ

 

            Sed superest omnium quae hucusque diximus, foedissimum maximeque horrendum haeresis Lutheranae exordium. Retulimus in superioribus locum insignem Lutheri, quo testatur tantopere sibi Missam displicere, ut omnia potius negari velit, quam Missam recipi. At tanti odii quaenam, obsecro, causa esse potuit? Anne alicujus Angeli aut Dei de caelo persuasione adactus est Lutherus, ut tanto Missam odio execraretur? Imo vero, tantarum Lutheri in Missam irarum praeclarus scilicet ac dignus in cujus verba juraret, magister atque artifex fuit diabolus. Quis credet? Nemo, hercule, nemo, si non ipse Lutherus dixerit. Prodeat [220] igitur Lutherus ipse, nec erubescat dicere quo doctore usus sit ab initio, ut Missam convellere niteretur; nam et Jure nostro ita cautum est, ut uniuscujusque rei originem et initium inspici oporteat.

            Is, in libro De Missa privata et Unctione Sacerdotum, non obiter, sed ex professo et luculenter asserit refertque Sathanam sub mediam noctem sibi apparuisse, et quinque argumentis, quae variis etiam similitudinibus adornaverat, effecisse, ut exinde Missam et unctionem sacerdotum sperneret omnino et abjiceret. Nec quod sibi ipsi objecisset, mendacem esse diabolum, cui propterea credi non oporteret, potuisse tamen persuaderi ne se diaboli argumentis vinci pateretur, cujus vim et impetum in disputando mirabiliter extollit. Mox, conversus ad Catholicos: «Si vobis,» inquit, «sustinendi essent ictus diaboli et audiendae disputationes, non diu essetis cantilenam de Ecclesia et veteri recepto more cantaturi; Sathan enim in ictu oculi repente [221] totam mentem terroribus et tenebris adobruit.» Deinde, ut objectioni suae pro diabolo satisfaciat et respondeat, conatur pluribus ostendere diabolum etiam interdum veritatem docere, et ita mentiri, ut mendacium veritate perfundat. Ac tandem: «Confessus sum,» inquit Lutherus, «lege Dei convictus, coram diabolo, me peccasse, me damnatum esse ut Judam; sed verto me ad Christum cum Petro, et respicio ejus immensum beneficium et meritum. Ille omnem horrendam damnationem damnavit. In summa (et haec est conclusio Lutheri), nos ab ipsonun privatis Missis et unctione Episcoporum liberati sumus.»

            Euge, euge, o viri quibus est cor, audierunt aures nostrae viderunt oculi nostri! Hem ista est libertas illa praeclara et evangelica, quam Lutherus et, ejus exemplo, caeteri haeretici nostri temporis invexerunt! «Liberati sumus,» inquit Lutherus, at non libertate quam Christus nobis suo sanguine pretiosissimo acquisivit, sed libertate quam Luthero ab inferis Sathan attulit. Quis unquam, Deus bone, audivit talia? quis vero nunc audiat sine horrore? quis denique, talia fando, temperet a lachrymis? [222] Et tamen inveniuntur, heu nimis! quam multi homines, qui tam diris, foedis et foetidis ex inferno allatis opinionibus glorientur, auctoremque diabolum sequantur. At nos, Catholici, adhaeremus Christo et abrenunciamus Sathanae ac doctrinae ejus. Glorietur ergo Lutherus quantum volet, cum suis sectatoribus, doctrinam se suam adversus Missam a Sathana accepisse; nos Apostolum audiemus semper, qui de eodem tractans mysterio, sed longe aliter quam Lutherus, ait: Ego autem accepi a Domino quod et tradidi vobis. Denique omnibus qui Lutherum sequuntur, verissimam hanc et turpissimam semper inuremus notam, vel ex ipsius Lutheri confessione, quam cavillari jam nemo possit: Vos ex patre diabolo estis.

 

 

 

IV. Des origines des heresies de notre temps

 

§ 1

 

            Toutes les hérésies ayant cela de commun que leur origine est basse et abominable (d'où cette parole remarquable de saint Jérôme: Pour réfuter les hérésies, il suffit de les ramener à leur origine), voyons maintenant, en manière de corollaire, de quelle belle origine se glorifient les hérésies de notre temps.

            Toutes procèdent de Luther, lequel a été l'auteur de toutes absolument; du moins, Luther lui-même en témoigne: «Tout d'abord,» dit-il, «j'étais seul, et certes tout à fait dépourvu d'aptitude et de science pour traiter de si grandes choses.» Et Bèze, dans ses Images, parlant de Luther, dit qu'il a été suscité pour faire sortir la lumière de l'Evangile du milieu de très épaisses ténèbres. Quand même ni Luther ni Bèze ne rendraient ce témoignage, [212] il suffirait, pour le rendre, de la paix dont jouissait l'Eglise lorsque Luther engagea la guerre avec elle, et la subite levée de boucliers de tous les ordres de la société chrétienne contre lui dès qu'il apparut. Pour Luther, il est vrai, c'est une gloire dont il se pare d'avoir le premier et seul excité des troubles; car il se félicite de ce que «les allemands, l'esprit en suspens, attendaient» quelle serait l'issue de la lutte provoquée par lui, et «que personne auparavant,» dit-il, «ni évêque, ni théologien n'avait osé entreprendre.» Pour lui, cette gloire hérétique était d'un si grand prix, qu'il se considérait comme offensé si l'on disait qu'il avait emprunté à d'autres ses opinions; et parce que la plupart le considéraient comme un hussite, il réclamait par cette exclamation: «C'est faux de m'appeler hussite! Hus n'est pas de mon avis; mais s'il a été hérétique, je le suis dix fois plus que lui, car il a dit bien moins de choses que moi, et de moindre importance.»

            Voyons maintenant par quelles voies et sous quelle influence Luther est arrivé à ces nouvelles doctrines. Il est évident que ce n'est pas sous l'impulsion divine qu'il a commencé toute l'affaire (bien qu'il se vante ailleurs, comme le font tous les hérétiques, d'avoir été appelé par Dieu), mais que ç'a été par un entraînement [213] humain et tout à fait charnel: «C'est,» dit-il lui-même, «par hasard, non volontairement et à dessein, que je me suis jeté dans ces agitations; j'en atteste Dieu lui-même.» Qu'y a-t-il de plus opposé à une impulsion divine que ce qui arrive par hasard? Quoi de plus clair, d'après les paroles ci-dessus, que notre apostat s'est jeté, non dans la prédication pacifique de l'Evangile, mais dans les agitations? Et il n'est pas le seul à affirmer cela; Philippe Mélanchton, fameux luthérien, s'exprime ainsi: «Tels ont été les commencements de cette controverse dans laquelle Luther, ne soupçonnant ou ne rêvant rien au sujet du changement futur des rites, ne répudiait pas même absolument les Indulgences, mais y réclamait seulement de la modération. Ils font donc erreur ceux qui l'accusent d'avoir débuté sous l'impulsion d'une cause plausible, pour changer ensuite l'état public des choses et se procurer la puissance, à lui ou à d'autres.»

            Les premiers mobiles qui ont porté Luther à abandonner la doctrine catholique, ont été en fait de purs et très grossiers blasphèmes. Voici, en effet, ce qu'il écrit de lui-même: «Je haïssais ce mot: Justice de Dieu, que, par suite de l'usage de tous les docteurs, j'avais appris à comprendre philosophiquement de la justice formelle et active de Dieu, par laquelle Dieu est juste et punit les [214] pécheurs et les coupables.» Et peu après: «Je n'aimais pas, bien plus, je haïssais un Dieu juste et punissant les pécheurs, et je m'indignais contre lui en silence; ce qui, si ce n'était un blasphème, était certes un grand murmure.» Et ailleurs, expliquant ce texte de saint Paul: La justice de Dieu est révélée dans l'Evangile, il dit que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, l'ont interprété dans le sens de justice punissante de Dieu. Puis il ajoute: «Chaque fois que je lisais ce texte, je souhaitais que Dieu n'eût jamais révélé l'Evangile; car, qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» De nouveau ailleurs: «Autrefois, lorsqu'il me fallait lire, en priant, ce texte du Psaume: Délivre-moi dans ta justice, j'étais tout pénétré d'horreur, et de tout mon cœur je haïssais cette parole.» Et peu après: «Ici, vraiment, tous les Pères, Augustin, Ambroise, etc., se sont trompés, et se sont heurtés à ce passage comme à une pierre de scandale.» C'est de cette haine d'un Dieu irrité et juste, qu'il passa à la méditation où il dit avoir trouvé sa foi justifiante: «Alors je me sentis renaître et entrer, toutes portes ouvertes, en plein Paradis. Là, soudain, l'aspect de l'Ecriture entière m'apparut tout nouveau.» [215]

            Au milieu de tout cela, voici ce que j'ai toujours estimé digne de remarque. D'abord, que la nouveauté de Luther commença par la haine de Dieu, de tous les péchés le plus grave: source digne, en vérité, de s'épancher en tant de ruisseaux d'hérésies.

            En second lieu, que Luther ne s'amenda pas après avoir lancé son hérésie, mais persista dans cette haine exécrable: «Car,» dit-il, «qui peut aimer un Dieu qui s'irrite, qui juge, qui condamne?» Par ces paroles, non seulement il affirme sa haine de Dieu, mais aussi son impossibilité passée et présente d'aimer Dieu. Telle n'est pas, certes, la disposition d'esprit de celui qui chante avec joie: Le Seigneur est juste et aime la justice; son visage considère l'équité. Et ailleurs: O Dieu, donnez votre jugement au roi, et votre justice au fils du roi. Et ensuite, à propos de chaque juste: Le juste se réjouira lorsqu'il verra la vengeance; il lavera ses mains dans le sang du pécheur.

            En troisième lieu, Luther trahit sa très grossière ignorance en disant que tous les Docteurs, à l'exception d'Augustin, ont interprété le passage de saint Paul aux Romains dans le sens de la justice punissante de Dieu. En effet, même en laissant de côté Chrysostôme et Théodoret, certainement Thomas et Nicolas de Lyre (ce [216] dernier est entre les mains de tous) interprètent ouvertement notre texte dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie, bien que l'opinion contraire ne soit pas entièrement improbable.

            En quatrième lieu, Luther montre bien son impudence lorsqu'il affirme que le passage cité plus haut du Psaume n'a été compris par personne, parmi les catholiques et les Pères, dans le sens de la justice par laquelle Dieu nous justifie. Augustin lui-même, Nicolas de Lyre et la Glose ordinaire expliquent clairement ainsi: Délivrez-moi dans votre justice, c'est-à-dire: Ma justice étant nulle, je ne puis être délivré par elle; aussi désiré-je être délivré par la vôtre, ô Dieu bon. Cependant, à propos du texte dont il s'agit, la Glose ordinaire remarque doctement que l'interprétation ci-dessus est plutôt morale, attendu que, littéralement, le Psalmiste parle de la justice de Dieu en tant que juge; comme s'il disait: Puisque vous êtes juste. Seigneur, délivrez-moi des mains de mes persécuteurs, qui m'oppriment et me persécutent injustement. Mais revenons à notre sujet.

            Luther, après avoir ainsi commencé son enseignement, usa de nombreux mensonges et hypocrisies, chose qui devait arriver, pour établir son hérésie. Car longtemps il flatta le Pontife Romain lui-même, et, quoiqu'il eût écrit injurieusement contre le Roi d'Angleterre [217], il lui envoya ensuite une lettre où, par des flatteries et des caresses, il s'efforce d'amadouer l'esprit du Roi en écrivant sur ce toi: «J'ai conscience que Votre Majesté a été très gravement oflfensée par mon petit livre que j'ai fait paraître sottement et précipitamment.» Et peu après: «Maintenant, grandement honteux, je n'ose lever les yeux devant Votre Majesté, moi qui me suis laissé aller à agir par légèreté contre un tel et si grand Roi, étant donné surtout que je ne suis que du rebut et un ver de terre, qui méritait seulement d'être vaincu ou laissé de côté par mépris.» Ensuite, à genoux aux pieds du Roi, il demande pardon et promet, si le Roi le désire, de chanter la palinodie. Mais, peu de temps après, le Roi d'Angleterre ayant une seconde fois écrit contre lui, de nouveau il attaque le Roi avec des injures beaucoup plus atroces encore, se repent d'avoir écrit sa lettre, s'efforce par tout moyen d'excuser l'hypocrisie avec laquelle il avait promis de chanter la palinodie, et montre qu'il lui a écrit la lettre en question pour [218] l'attirer à son hérésie: «Tout plein de mes convictions,» dit-il, «j'ai fait cette prière, et écrit cette lettre vainement suppliante, que ces porcs traitent indignement et déchirent.» Peu après il dit avoir usé du même stratagème à l'égard de Georges, duc de Saxe; quelques mots plus loin il affirme de nouveau qu'il ne se repent pas de ses stratagèmes, ayant agi pour propager l'Evangile, et n'a pas honte d'appeler zèle pieux et honnête de telles fictions et hypocrisies. Homme pieux, certes, qui estime faire acte de piété en servant la vérité même au prix de mensonges!

            Qui croira jamais que ces lèvres trompeuses d'un Luther parlant d'un cœur double, ont été choisies par Dieu pour allumer de nouveau dans le monde la lumière de l'Evangile! Où a-t-on jamais vu ou lu qu'une hérésie ait eu des origines si basses et plus exécrables que celle où tout a commencé, non sous l'impulsion d'un motif sérieux et volontairement, mais par l'effet du hasard; par haine de Dieu, non par amour; au moyen de mensonges et d'hypocrisie, non pour la vérité? Quant à son auteur, c'était un homme fauteur de troubles et tellement violent, que, au témoignage de Philippe Mélanchton, non seulement Erasme, mais aussi le duc Frédéric, soud la protection et les auspices duquel Luther lança [219] son aventure tragique, lui souhaitaient une douceur et une modération que lui-même reconnaissait lui faire défaut, en avouant qu'il agissait sans être en pleine possession de soi-même.

 

§ 2

 

Horrible début de l'hérésie luthérienne

 

            Pour terminer ce que nous avons dit jusqu'ici, il nous reste à parler du début très honteux et tout à fait horrible de l'hérésie luthérienne. Nous avons rapporté plus haut le passage fameux de Luther où celui-ci assure que la Messe lui déplaît tellement, qu'il est prêt à tout nier plutôt que de l'accepter. Mais quelle a bien pu être, je le demande, la cause d'une si grande haine? Est-ce à une persuasion céleste d'un Ange ou de Dieu qu'il faut attribuer une pareille horreur de Luther pour la Messe? Bien plus, certes: le maître qui a enseigné et occasionné ces colères de Luther contre la Messe, le beau maître bien digne que Luther jurât sur sa parole, ce fut le diable. Qui le croira? Personne évidemment, si Luther [220] lui-même ne le dit pas. Que Luther s'avance donc, et qu'il ne rougisse pas de dire quel docteur il a suivi au début, en s'efforçant de renverser la Messe! notre Droit, en effet, a sagement pourvu à ce que l'origine et le début de chaque chose soient examinés.

            Luther, dans son livre sur la Messe privée et l'Onction des Prêtres, affirme et raconte non en passant, mais ex professo et clairement, que Satan lui apparut vers le milieu de la nuit, et fit si bien, au moyen de cinq arguments agrémentés aussi de comparaisons variées, que depuis, lui, Luther, se mit à mépriser tout à fait et à rejeter la Messe et l'onction des prêtres. Et malgré l'objection qu'il se fit, à savoir que le diable, étant menteur, ne méritait pas d'être cru, il ne put se persuader de triompher des arguments du démon, dont il exalte grandement la force et la fougue dans la façon de disputer. S'adressant alors aux catholiques: «Si vous deviez soutenir les chocs du démon, et écouter ses argumentations, vous ne chanteriez pas longtemps votre refrain sur l'Eglise et les anciennes coutumes; car Satan, en un clin d'oeil, remplit [221] de terreurs et de ténèbres l'esprit tout entier.» Ensuite, pour répondre au nom du diable à l'objection qu'il avait faite, il s'efforce de montrer par beaucoup de raisons que parfois le diable lui-même enseigne la vérité, et ment de telle sorte que son mensonge est mélangé de vérité. Enfin Luther ajoute: «J'avouai devant le démon, convaincu par la loi de Dieu, que j'avais péché, que j'étais damné comme Judas; mais je me tournai vers le Christ avec Pierre, et je considérai son immense bienfait et mérite. Le Christ effaça ma si horrible condamnation. En somme (telle est la conclusion de Luther), nous fûmes délivrés de leurs Messes privées et de l'onction des évêques.»

            Allons, hommes de cœur, nos oreilles ont entendu, nos yeux ont vu! Voilà donc cette fameuse liberté évangélique que Luther, et, à son exemple, les autres hérétiques de notre temps ont introduite! «Nous avons été délivrés,» dit Luther, mais non au moyen de la liberté que le Christ nous a acquise par son sang précieux, mais au moyen de la liberté que Satan a apportée à Luther du fond des enfers. Bon Dieu! qui entendit jamais pareille chose? qui main» tenant peut l'entendre sans horreur? enfin, qui peut retenir ses larmes en rapportant tout cela? Et cependant, hélas! on ne rencontre [222] que trop d'hommes à se glorifier d'opinions aussi effrayantes, aussi honteuses et répugnantes, apportées de l'enfer, et à se mettre à la suite de leur auteur, le diable. Quant à nous Catholiques, nous nous attachons au Christ et renonçons à Satan et à sa doctrine. Que Luther se fasse gloire, tant qu'il voudra, avec ses sectateurs, d'avoir reçu de Satan sa doctrine contre la Messe; pour nous, nous écouterons toujours l'Apôtre qui, traitant du même mystère, mais bien autrement que Luther, nous dit: Pour moi, j'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis. Pour finir, à tous ceux qui suivent Luther, nous lancerons toujours cette apostrophe infamante on ne peut plus méritée, tirée de la confession même de Luther et sur laquelle personne ne peut chicaner: Vous autres, vous avez pour père le diable.

 

 

 

V. Hæreses nonnullæ politicæ novatorum

 

            [Jam tempus esset ut huic tractationi, quae me longius traxit quam putaram, finem imponerem, vel ipso taedio tam horrendae narrationis, nisi me viderem religione boni [223] publici teneri ut aperiam, sed paucis si potero, quantam etiam perniciem rebus Christianorum civilibus minentur et adstruant ingenia nostrorum novatorum, ne dubitare quis-quam possit, non minus in politicis quam in ecclesiasticis haereticos illos esse. Id vero facile fiet, propositis aliquot ipsorum propositionibus, quas perinde tuentur illi mordicus ac si essent articuli fidei.]

 

PRIMA PROPOSITIO POLITICA ET HÆRETICA

 

De optima Reipublicae administratione

 

            Prima propositio est Calvini, disertis verbis expressa: Omnium optimam Reipublicae administrandae rationem esse aristocraticam, quin etiam democraticam; et, quod consequens est, pessimam omnium monarchicam. Quan-quam autem admonet eos qui monarchis subsunt, nihil [224] praeterea movere debere, ipse tamen, qui sub tanto Monarcha natus et educatus fuerat, ostendit satis quo animo in suum Principem animatus esset, dum monarchiam spernit, eamque ait potius tolerandam majoris mali vitandi gratia, quam amandam ob suam excellentiam. Neque enim ignoravit homo, qui se videri voluit tam magnum politicum, nihil esse periculosius quam populum primoresque populi titillare spe melioris gubernationis ad dominationem ambiendam vel optandam, ne, postquam ambierint vel optaverint, etiam captare nitantur. Cujus periculi metuendi non eadem ratio est, cum de monarchia etiam apud democraticos aut aristocraticos magistratus honorifice loquimur; quia nullius inde tumultus nascitur occasio, cupiditate dominandi aut gubernandi multorum ex iis qui dominantur animos impediente ne monarchiam exoptent. [225]

            Quam vero falsissimum sit quod iste asserit, multorum dominationem unius dominationi praeferendam esse, constat ex iis omnibus qui de Republica scripserunt, quique peritiores esse creduntur rerum cum ecclesiasticarum, tum politicarum. Sic Deus Opt. Max. populum suum Israel rexit Ducibus, Judicibus, Regibus; ecclesiastica vero, Summis Pontificibus; caelestia, Michaele Archangelo, cujus caeteri Angeli esse dicuntur. Quin etiam, inter animalia quae gregatim vivunt, dux unus aliis semper praeesse videtur: sic elephantes, cervi, oves, grues, apes et conchilia margaritifera, etc. Nimirum, ea gubernatio quae ad Dei Opt. Max. regimen proxime accedit, ut optima omnium est, ita et desiderabilior et amabilior caeteris, ita ut ejus desiderium naturae ipsi a Deo ingenitum esse videatur.

 

SECUNDA PROPOSITIO POLITICA ET HÆRETICA

 

De peccatorum omnium aequalitate

 

            Secunda est propositio Lutheri jam a nobis in praecedentibus relata: «Circumstantiarum omnium quae peccata [226] aggravare communi omnium hominum sensu et opinione creduntur, nullam penitus esse distinctionem;» nec magis peccare illum qui incestum cum filia vel sorore, quam qui cum vidua extranea vel cum meretrice commiserit; nec eum qui patrem aut matrem aut principem, quam qui inimicum occiderit. [Quod quam perniciosum sit Reipublicæ si quis est qui non videat, dignus sane est, qui cum filia vel matre incestum contraxisse, aut vitam principis attentasse accusetur, et probetur ut experiatur an idem persuasurus sit principibus aut magistratibus, quod sibi passus fuerit tam stulte persuaderi a Luthero.]

 

TERTIA PROPOSITIO POLITICA ET HÆRETICA

 

Non esse praeliandum contra Turcas

 

            Tertia ejusdem Lutheri propositio est: «Adversus Turcas praeliari, esse repugnare Deo visitanti nostras iniquitates per ilios.» Qua propositione quid, obsecro, dici potest stultius, iniquius et ad totam Rempublicam Christianam perdendam accommodatius? Ergone grassatores viarum, [227] depopulatores agrorum, incendiarios, hostes denique domi forisque infestantes nulius Principum reprimere debebit? Certum enim est perditos homines qui vexant bonos, ita facere, Deo permittente, ut eorum vexatione boni visitentur a Deo et corrigantur. Ergone pugnandum non erit medicinis cum peste, nec providentia rei frumentariae et annonae cum fame, ideo tantum quod per hujusmodi afflictiones Deus non tantum visitet nos et castiget, sed etiam probet, approbet, perficiat? Cur ergo gladium gestat Princeps, cur arma milites, nisi ut hostes, si qui ingruent, reprimantur, et Reipublicae invasores propellantur? Inde nimirum est, quod milites laudantur etiam in Evangelio, quia et justi esse possunt, qualis ille Cornelius, nobilis centurio, de quo in Actis Apostolorum; inde, quod etiam a Joanne Baptista approbantur, non si militiam deserant, sed si neminem concutiant neque calumniam faciant et contenti sint suis stipendiis. Rex, inquit Paulus, non sine causa gladium portat; Dei enim minister est, vindex in iram. De militibus vero aureus Sermo est divi [228] Bernardi, ad milites Templi in hanc omnino rem pronunciatus: «Securi,» inquit, «procedite, milites, et intrepido animo inimicos Crucis Christi propellite, certi quod neque mors, neque vita poterit vos separare a charitate Dei. Quam gloriosi revertuntur victores de praelio! Quam beati martyres moriuntur in praelio! Vita quidem fructuosa et victoria gloriosa, sed utrique mors sacra praeponitur.» Et postea: «Christi milites securi praehantur praelia Domini sui, nequaquam metuentes aut de hostium caede peccatum, aut de sua nece periculum. Miles, inquam, Christi securus interimit, interit securior: sibi praestat cum interit, Christo cum interimit. Sane, cum occidit malefactorem, non homicida, sed, ut ita dixerim, malicida reputatur.»

 

QUARTA PROPOSITIO HÆRETICA ET POLITICA

 

Leges Principum non obligare conscientias subditorum

 

            Quarta propositio Calvini est negantis leges Principis obligare in conscientia. Quidni vero? Quia, inquit, non [229] «cum hominibus, sed cum Deo negotium est conscientiis nostris.»

«At non ille, satum quo te mentiris, Achilles Talis in hoste fuit Priamo.»

            Vixit Paulus eo tempore quo Principes et Imperatores non solum non sequebantur, sed etiam persequebantur Christum et convenerant in unum adversus Dominum et adversus Christum ejus; et tamen exclamat ille: Omnis anima potestatibus sublimioribus subdita sit, non enim est potestas nisi a Deo. Qui potestati resistit, Dei ordinationi resistit; qui autem resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt. Ideo necessitate subditi estote, non solum propter iram, sed etiam propter conscientiam, ministri enim Dei sunt. Quid tu ad hoc, Calvine? Non vides etiam conscientiis nostris negotium esse cum hominibus, iis scilicet, qui Dei vices gerunt in administranda republica, sive ecclesiastica, sive politica? Hoc autem Calvini placito quam imminuatur auctoritas Principum et legum videre quilibet potest, sentire autem et experiri etiam Principes [230]ipsi, si impias istas et seditiosas voces in Republica sua invalescere patientur.

 

QUINTA PROPOSITIO HÆRETICA ET POLITICA

 

Non debere subditos Principum suorum potentiam optare

 

            Quinta propositio nescio an suavior sit, an periculosior; quae ejusdem Calvini est: Non debere subditos Principum suorum potentiam optare. Deinde, sigillatim de Gallis et Hispanis loquens, ne forte putes de Turcis illum aut Indis scribere: Hinc videmus, inquit, quanta sit hominum stultitia, qui potentem Regem et multis ditionibus imperantem appetunt, et quam merito ambitionis suae dent poenas. Gloriantur hodie Gallia et Hispania se Principibus magnis subesse; verum, quam futile sit quod fallaci honoris praetextu eos fascinat, suo damno sentiunt. Ergo, si tibi credimus, Calvine, bonum erit et honestum, saltem utile, subditis, ut Principum suorum expetant depressionem!

            [O Reges, o Principes, permittite ut pro vestra proque populorum vestrorum securitate liceat mihi exclamare: [231] Quid agitis? Quid expectatis, qui tam perniciosae pestilentisque doctrinae auctores et sectatores in ditionibus vestris fovetis, amatis et quasi magnos Dei prophetas recipitis? Vos enim solos appelio et miror, non ilios qui, ne bellis et factionibus turbent omnia, toierant propemodmn inviti etiam quos oderunt.] Quando autem foelicius beatiusque regnis et populis res cedunt, quam cum Principes eorum, dummodo juste et ex sequo, amplissimis provinciis dominantur? Quando beatius actum est cum Gallis, quam regnante Carolo Magno, Rege ac Imperatore potentissimo? Quando foelicius cum Israelitis, quam regnante magno Salomone?

 

SEXTA PROPOSITIO POLITICA ET HÆRETICA

 

Nullam rempublicam legibus faeliciter administrari

 

            Sexta propositio est Lutheri (promiscue enim de Luthero et Calvino loquimur, quia parum inter eos distare arbitramur): «Nuliam rempublicam legibus foeliciter administrari.» Cum enim id ex ejus assertionibus doctores nostri [232] collegissent eique tanquam errorem absurdissimum objicerent, ille non modo non negavit, sed diserte affirmavit suaeque affirmationis rationem his verbis reddidit: «Hoc,» inquit, «docet experientia.» Quaenam vero experientia, Luthere? An forte rempublicam aliquam vidisti, audivisti, legisti, sive monarchicam, sive aristocraticam, sive democraticam, quae legibus non regatur et dirigatur? An tu fortasse melior politicus es et prudentior Deo Opt. Max., aut in reipublicae foeliciter administrandae artibus exercitatior? Atqui populo suo Israelitico Deus leges observandas proposuit et edixit, nec morales tantum et caeremoniales, sed etiam politicas atque judiciales. Hinc aeterna illa Sapientia: Per me, inquit, reges regnant, et legum conditores justa decernunt. Ergo, qui reges per Deum regnant, iidem per Deum quoque leges condunt, ut justa decernant. Nec est quod ex Aristotele aut aliis prophanis auctoribus propositionem hanc pluribus exagitemus; [vellem potius iis rationibus quae jurisconsultum decent et quas Jurisprudentia nostra facile suppeditaret, totam rem hanc pro dignitate tractare, si tanto abundaremus otio quantum materiae [233] amplitudo et abundantia requireret.] Satis sit, quod nulla unquam, apud Christianos, sine legibus administrata est respublica.

 

SEPTIMA PROPOSITIO POLITICA ET HÆRETICA

 

Nihil conscientiae commune esse cum terrena justitia

 

            Septima, quam postremam esse volumus, ejusdem Lutheri propositio est, cum tractat de discrimine legis et Evangelii: «Nihil,» inquit, «conscientiae cum lege, operibus et terrena justitia. Contra, in politia obedientia legis severissime exigatur; ibi nihil sciatur de Evangelio, de conscientia, gratia, remissione peccatorum, caelesti justitia..., de Christo, sed tantum de Moyse, lege et operibus.» Hactenus Lutherus. Contra quem diserte Rex David admonet reges omnes ut serviant Domino in timore et tremore: Et nunc, inquit, reges, intelligite; erudimini qui judicatis terram. Servite Domino in timore, et exultate ei cum tremore. Apprehendite disciplinam; aut, ut alia versio habet: Osculamini Filium. Quibus verbis haud [234] dubie, ut Antiqui omnes observaverunt, ad Christi cultum reges omnes invitantur.

            An vero unquam foelicius administrata est Respublica christiana, quam sub Constantino, Theodosio seniore, Honorio, Theodosio juniore, Justiniano, Carolo Magno, Ludovico, Amedeis nostris, Imperatoribus, Regibus et Principibus omnium pientissimis? Quare et merito et vere, ut tantum Dei Prophetam oportuit, Isaias, de Christo et de Ecclesia loquens: Gens, inquit, et regnum quod non servierit tibi, peribit. Neque rursus aliam ob causam habet Christus scriptum in femore: Rex regum, et Dominus dominantium, nisi ut sciant reges nunquam se beatius et melius regnare posse, quam si Christo, Evangelio et pietati ex toto corde inserviant, cum Christus ea sit Sapientia quae in Proverbiis dicit: Per me reges regnant. [235]

 

LUTHERI CONTRA PRINCIPES OMNES CHRISTIANOS INVECTIVUM

ET IMPUDENS MENDACIUM

 

            Ergo pessime Lutherus consuluit Principibus, sed tamen bene et accommodate ad eam quam de illis gerebat, opinionem; nec enim illum pudet Reges omnes et Principes vocare «robustos venatores,» ut de Nembroth loquitur Scriptura: Nimium, inquit, honoris est et gloriae dicere «Papatum esse robustam venationem Romani Episcopi»; «nam id exempli Nembroth omnibus quoque principatibus prophanis convenit, quibus tamen nos Deus vult subdi, honorare, benedicere et pro eis orare.» Qualis autem fuerit Nembroth et quaenam ejus robusta ista venatio, explicat D. Hieronymus: nimirum, quia primus in populo tyrannidem arripuit. Idemque testatur Josephus, de ipso loquens. At fortasse dicat aliquis Luthero in mentem hoc non venisse, cum Principes omnes Nembrotho similes esse dixit; et ego quoque facile crederem, nisi viderem ipsummet Lutherum, in suis ad Genesim Commentariis, ita prorsus explicasse. Monet enim eo loco tyrannos omnes [236] et Principes, robustos esse venatores, non quod feras, sed quod homines persequantur, subditque: «Hic postea generalis titulus fuit omnium tyrannorum et Principum.»

            Hoc vero, si quisquam ullibi gentium Princeps est adeo Lutheranus, qui tecum, Luthere, ita esse fateri velit, bene consulis, et dignum agis tam indigno Principe consiliarium, cum Nembrothicos Principes non Christianismo, sed atheismo, vis operam suam navare. Sed non habebis fatentes aut ferentes tot Reges, Duces et Principes christianos et catholicos, qui, sicut caetera tua dogmata impietatis damnant, ita et hoc tam stultum et contumeliosum maledictum tuae adscribunt temeritati et impudentiae, parumque curant quid tu de iis senseris, dummodo gratam Ei servitutem exhibeant «cui servire regnare est.»

            Laus vero, gloria, honor et benedictio Domino Deo nostro, cujus divina miseratione factum videmus, ut languescere jam et labare incipiant tandem haereses istae omnes. Nec enim hodie quisquam fere uliibi gentium fit haereticus, si eos excipias, qui vel nascuntur inter haereticos [237] et ex haereticis neque ullas de religione nostra Catholica nisi calumniantium voces unquam audiverunt; vel a monachatu et sacerdotio magis quam a religione deficiendi votum gerunt, ut scelerum quibus apud nos sunt infames, impunitatem sibi apud haereticos quaerant; vel luxuriae et scortationis licentiam, quam conscientiae libertatem vocant, laxiorem et liberiorem nanciscantur; vel denique utilitatis alicujus aut etiam erubescentiae, magis quam scientiae aut conscientiae, rationibus ullis, ne ad nos redeant, prohibentur. Est hoc omnibus haeresibus cum meretricibus commune, ut sola novitate placeant, adolescant, consistant, sola item vetustate displiceant, deficiant, collabantur.

            Doleo sane, et ex corde doleo, ac propemodum flens haec scribo, tam multos adhuc superesse, qui, tot nugis istis ab infantia imbuti, adeo pertinaciter in iis perstant; viros alioquin maximos et doctrina ingenioque clarissimos; quin etiam ex iis non paucos, quod magis me cruciat, et jurisconsultos et mihi amicissimos, quos, extra causam religionis [238], colo colamque semper singulari observantia. Pro quibus cuperem, si liceret, fieri anathema, ut tandem illi resipiscerent nec se de Libro viventium deleri paterentur.

            Vos ergo, viri magni, quotquot et ubicumque estis, praesertim qui me amatis, supplex oro per viscera misericordiae Christi Domini, ut tanti momenti rem serio tandem et tranquillo, ut decet, animo, ac in humilitatis, non in superbiae, spiritu, quod hactenus factum est, examinetis. Satis jam superque Luthero, Calvino et genio dedistis, qui nugatorum istorum novitates antiquis Patribus, Concilio Tridentino totique Dei Ecclesiae hactenus practulistis. Quis credet vos tam magnos fuisse jurisconsultos, ut obscurissima et recondita quaeque Papiniani sensa penetrare potueritis, et tamen tam stultas et pueriles istonun ineptias, a communi cujusque sensu abhorrentes, vos, etiam admonitos totque nostrorum theologorum libris edoctos, dijudicare non potuisse? Redite, quaeso, ad Ecclesiam Dei, quae nascentes vos in regenerationis lavacro benigna excepit, et quae, ut iterum excipiat, tot suspiriis et lachrymis venera bilis vestrae conversioni occurrit. Nunquam sera erit, si [239] modo vera, poenitentia; sed laudabilior, mihi credite, ac tutior erit, quae minus sera. Quam multa jam habetis exempla eorum qui ex vestris aliquando, et inter vestros clarissimi, fuerant; quos, in Ecclesiam Dei reversos, puduit duntaxat fecisse tardius, quod citius fieri oportuerat! Non negatis nostram esse et Romanam Ecclesiam iliam, cujus vos dicitis reformatores; ergo veram esse fatemini; alioqui Mahumetismum et Alcoranum, non Ecclesiam Romanam reformandam suscipere oportebat, si nihil nisi abusuum multitudinem et reformationem falsae Ecclesiae quaerebatis. Quod si vera nostra Ecclesia est, cur aliam quaeritis? cur novam facitis? Abusus quos in ea tam multos esse vobis falso persuasum erat, emendandi fuerant, si qui erant, at non a vobis, sed a Pastore et Rectore Ecclesiae; ipsa vero Ecclesia eadem semper retinenda, quae nova fieri non poterat quin hoc ipso fieret falsa. Itaque, si novam facitis, fatemini falsam; si nostram retinetis, nostra ergo ilia est, quam Paulus dixit esse columnam veritatis, cum qua [240] proinde non magis errare potestis, quam contra eam bene sentire.

            Quod reliquum est, peto a vobis in charitate Dei et pro ea, qua vos prosequor, observantia, ut, si quid in haereses aut haeresiarchas acerbius a me dictum putabitis, non ut vos tanquam adversarios lacesserem, sed ut tanquam amicos a somno isto lethargico excitarem, dictum id scriptumque fuisse existimetis. [241]

 

 

 

V. Quelques hérésies politiques des novateurs

 

            [Même à ne tenir compte que de l'ennui qu'il y a à s'occuper de pareille matière, il serait temps que je misse fin à cette discussion [223] qui m'a retenu plus longtemps que je n'avais pensé, si je ne me voyais obligé, par le zèle du bien public, de dévoiler le plus brièvement possible la ruine toujours plus grande dont les inventions de nos novateurs menacent les intérêts civils des chrétiens. Ainsi on ne doutera pas que ces novateurs ne soient hérétiques tout autant en matière politique qu'en matière religieuse. Nous atteindrons facilement notre but en explosant quelques-unes de leurs propositions, qu'ils défendent avec acharnement comme autant d'articles de foi.]

 

PREMIÈRE PROPOSITION POLITIQUE ET HÉRÉTIQUE

 

De la meilleure administration de la République

 

            La première proposition est exprimée par ces claires paroles de Calvin: La meilleure façon d'administrer la République est la façon aristocratique ou même démocratique, et par conséquent, la façon monarchique est la pire de toutes. Tout en avertissant ceux qui sont soumis à des monarques de n'avoir rien à changer [224] à l'état de choses, lui-même cependant, né et élevé sous un si grand Monarque, montre assez de quel esprit il était animé envers son Prince, puisqu'il méprise la monarchie et enseigne qu'il faut plutôt la tolérer, pour éviter un plus grand mal, que l'aimer à cause de son excellence. Notre homme, en effet, qui a voulu passer pour un grand politique, n'a pas ignoré que rien n'est plus dangereux que d'exciter le peuple et la partie dirigeante du peuple, par l'espérance d'un gouvernement meilleur, à ambitionner ou désirer le pouvoir; car, après l'avoir ambitionné ou désiré, ils peuvent chercher à le capter. Lorsque nous parlons de monarchie avec louange, et cela même en présence de magistrats représentant la démocratie ou l'aristocratie, le même danger n'est pas à craindre, parce qu'il n'en saurait résulter aucune occasion de trouble, le désir de dominer ou de gouverner empêchant le grand nombre de ceux qui sont au pouvoir de souhaiter la monarchie.

            Quant à la fausseté de l'assertion de Calvin: à savoir, que la domination de plusieurs est préférable à la domination d'un seul, elle ressort du témoignage de tous ceux qui ont écrit sur le gouvernement de l'Etat, et qui sont réputés particulièrement renseignés sur les matières tant ecclésiastiques que civiles. Ainsi le Dieu très bon et très grand a régi son peuple d'Israël par des chefs, des Juges, des Rois; les affaires de son Eglise, par les Souverains Pontifes; celles du Ciel, par l'Archange Michel, sous la dépendance duquel sont, dit-on, les autres Anges. Bien plus, parmi les animaux qui vivent en troupeaux, l'un d'eux est toujours le chef des autres: ainsi pour les éléphants, les cerfs, les brebis, les grues, les abeilles et les huîtres perlières, etc. En effet, ce mode de gouvernement, qui se rapproche davantage de celui du Dieu très bon et très grand, de même qu'il est le meilleur de tous, est aussi le plus souhaitable et le plus aimable, en sorte que Dieu semble en avoir répandu le désir dans la nature elle-même en la créant.

 

DEUXIÈME PROPOSITION POLITIQUE ET HÉRÉTIQUE

 

De l'égalité de tous les péchés

 

            La seconde proposition est celle de Luther, que nous avons déjà rapportée plus haut: «Il n'y a absolument aucune distinction à [226] faire entre les diverses circonstances que l'opinion commune de tous les hommes considère comme aggravant les péchés;» de sorte que l'inceste commis par un individu avec sa fille ou sa sœur n'est pas plus grave que s'il était commis avec une veuve étrangère ou avec une courtisane; de sorte aussi que l'homicide d'un ennemi est l'égal de celui d'un père, d'une mère ou du prince. [Si quelqu'un ne voit combien cela est préjudiciable à la République, il est bien digne d'être accusé d'avoir commis un inceste avec sa fille ou sa mère, ou bien d'avoir attenté à la vie du prince, pour apprendre par son expérience s'il pourra persuader aux princes ou aux magistrats ce qu'il s'est si sottement laissé persuader par Luther.]

 

TROISIÈME PROPOSITION POLITIQUE ET HÉRÉTIQUE

 

Qu'il ne faut pas combattre contre les Turcs

 

            La troisième proposition est encore de Luther: «Combattre contre les Turcs, c'est s'opposer à Dieu, qui visite nos iniquités par leur moyen.» Que peut-on dire, je le demande, de plus insensé, de plus inique et de mieux fait pour perdre toute la République chrétienne que cette proposition? Faudra-t-il donc qu'aucun prince [227] ne réprime les brigands des grands chemins, les ravageurs des champs, les incendiaires, enfin les ennemis qui portent la ruine au dehors ou au dedans? Il est en effet certain que les hommes pervers qui tourmentent les bons, le font pour que, avec la permission de Dieu, ceux-ci soient visités par Dieu et corrigés. Faudra-t-il ne pas combattre la peste par les remèdes, la famine par les approvisionnements de diverses sortes, uniquement parce que, au moyen de ces afflictions, Dieu, non seulement nous visite et nous châtie, mais nous éprouve, nous traite comme siens et nous perfectionne? Pourquoi donc le prince porte-t-il le glaive et le soldat les armes, si ce n'est pour réprimer les attaques des ennemis et chasser les envahisseurs de la République? C'est pour cela, sans aucun doute, que les soldats sont loués, même dans l'Evangile, parce qu'ils peuvent être justes, comme Corneille, ce noble centurion dont il est question dans les Actes des Apôtres; c'est pour cela aussi qu'ils reçoivent l'approbation de Jean-Baptiste lui-même, non s'ils quittent la milice, mais s'ils ne frappent personne, s'ils ne font pas de calomnie et s'ils se contentent de leur solde. Le roi, dit saint Paul, ne porte pas le glaive sans cause, car il est le ministre de Dieu, le vengeur de sa colère. Au sujet des soldats, il existe un merveilleux Sermon de saint Bernard aux chevaliers du [228] Temple, tout à fait approprié à notre cas: «Marchez avec confiance, soldats, et chassez avec intrépidité les ennemis de la Croix du Christ, assurés que ni la mort, ni la vie ne pourra vous séparer de la charité de Dieu. Avec quelle gloire ils retournent victorieux du combat! Et ceux qui meurent au combat, quels bienheureux martyrs! La vie est pleine de fruits, la victoire pleine de gloire, mais à l'une et à l'autre est préférée une mort sainte.» Et plus loin: «Les soldats du Christ combattent avec assurance les combats de leur Seigneur, sans craindre le péché en tuant les ennemis, ou le péril en étant eux-mêmes tués. Oui, le soldat du Christ tue en toute sûreté, et meurt avec plus de sûreté encore; il est utile à lui-même en étant tué, au Christ en tuant. Certes, en mettant à mort un méchant, il mérite d'être appelé, non homicide, mais, qu'on me passe l'expression, malicide.»

 

QUATRIÈME PROPOSITION HÉRÉTIQUE ET POLITIQUE

 

Les lois des Princes n'obligent pas la conscience des sujets

 

            La quatrième proposition est celle de Calvin niant que les lois du Prince obligent en conscience. Pourquoi donc? Parce que, [229] dit-il, «nos consciences ont affaire, non avec les hommes, mais avec Dieu.»

                        «Mais le fameux Achille, dont tu te dis faussement le fils,

                        N'a pas agi ainsi avec son ennemi Priam.»

            Saint Paul a vécu en un temps où les princes et les empereurs, non seulement ne suivaient pas, mais poursuivaient le Christ et s'étaient ligués contre le Seigneur et contre son Christ. Et cependant il s'écrie: Que toute âme soit soumise aux autorités supérieures, car il n'y a point d'autorité qui ne vienne de Dieu. Celui qui résiste à l’autorité résiste à l'ordre de Dieu; mais ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes la condamnation. Il est donc nécessaire d'être soumis, non seulement par crainte du châtiment, mais aussi par motif de conscience, car ce sont des ministres de Dieu. Que réponds-tu à cela, Calvin? Ne vois-tu pas que nos consciences ont aussi affaire avec les hommes, à savoir avec ceux qui tiennent la place de Dieu dans l'administration du pouvoir ecclésiastique ou politique? Combien la proposition de Calvin diminue l'autorité des princes et des lois, chacun peut le voir, et les princes eux-mêmes peuvent le sentir et l'expérimenter [230], s'ils permettent à ces enseignements impies et séditieux de prendre racine dans leurs Etats.

 

CINQUIÈME PROPOSITION HÉRÉTIQUE ET POLITIQUE

 

Que les sujets ne doivent pas souhaiter la puissance de leurs Princes

 

            La cinquième proposition, dont je ne sais dire si elle est plus jolie ou plus dangereuse, est celle-ci de Calvin encore: Les sujets ne doivent pas souhaiter la puissance de leurs princes. Puis, parlant en particulier des Français et des Espagnols (on aurait pu croire qu'il parlât plutôt des Turcs ou des Indiens), il ajoute: Nous voyons dès lors quelle est la sottise de ceux qui désirent un roi puissant et commandant à de nombreuses provinces, et combien justement ils sont punis de leur ambition. Aujourd'hui la France et l'Espagne se glorifient d'obéir à de grands Princes; mais elles sentent à leurs dépens combien futile est ce qui les fascine sous le fallacieux prétexte de la gloire. Ainsi donc, si nous t'en croyons, Calvin, il sera bon et convenable, ou au moins utile, aux sujets de désirer l'abaissement de leurs princes!

            [O Rois, ô Princes, permettez-moi de crier, pour votre sécurité et celle de vos peuples: Que faites-vous? Qu'attendez-vous, [231] vous qui dans vos Etats favorisez, chérissez et recevez comme de grands prophètes de Dieu les auteurs et les sectateurs d'une doctrine aussi pernicieuse et pestilentielle? C'est vous seuls, en effet, que j'interpelle, en m'étonnant de votre conduite; non ceux qui, pour empêcher les guerres et les factions de tout troubler, font comme malgré eux acte de seule tolérance, même à l'égard de gens qu'ils haïssent.] Quand donc les royaumes et les peuples vivent-ils plus heureux que lorsque les princes gouvernent de très vastes provinces, pourvu qu'ils le fassent avec justice et équité? Quand donc la France a-t-elle été plus florissante que sous Charlemagne, roi et empereur très puissant? Quand donc les Israelites ont-ils été plus heureux que sous le règne du grand Salomon?

 

SIXIÈME PROPOSITION POLITIQUE ET HÉRÉTIQUE

 

Aucun état ne peut être heureusement administré par des lois

 

            La sixième proposition est de Luther (nous parlons indifféremment de Luther et de Calvin, parce que nous ne croyons pas que leur enseignement soit fort dissemblable): «Aucun état n'est heureusement administré par des lois.» Et lorsque nos docteurs [232] catholiques eurent tiré cette proposition des assertions de Luther et la lui eurent opposée comme une très absurde erreur, lui, non seulement ne la nia pas, mais l'affirma expressément et en donna la raison par ces paroles: «C'est là un fait d'expérience.» Quelle expérience, ô Luther? As-tu connu, peut-être, de tes yeux, par ouï dire, ou par tes lectures, un état monarchique, aristocratique ou démocratique, qui ne soit régi et dirigé par des lois? Es-tu par hasard meilleur politique et plus prudent que le Dieu très bon et très grand, ou mieux exercé dans l'art d'administrer heureusement un état? Or, à son peuple d'Israël, Dieu a proposé et ordonné des lois à observer, non seulement morales et cérémonielles, mais aussi politiques et judiciaires. Aussi la Sagesse éternelle dit-elle ceci: C'est par moi que les rois règnent, et que les législateurs décrètent ce qui est juste. Donc, ceux qui, comme rois, règnent par Dieu, ceux-là aussi par Dieu font des lois afin de décréter ce qui est juste. Il est inutile de discuter cette proposition d'après ce qu'en disent Aristote et les auteurs profanes; [je voudrais plutôt, si nous avions le loisir de le faire avec toute l'ampleur et l'abondance requises par la matière, traiter celle-ci comme elle le mériterait, d'après les raisons qui conviennent à un jurisconsulte, et que nous [233] fournirait facilement notre Jurisprudence.] Qu'il suffise de dire que jamais chez les chrétiens un état n'a été administré sans lois.

 

SEPTIÈME PROPOSITION POLITIQUE ET HÉRÉTIQUE

 

La conscience n'a rien à voir avec la justice terrestre

 

            La septième proposition de Luther, par laquelle nous voulons terminer, est tirée du passage qui traite de la différence entre la loi et l'Evangile: «La conscience n'a rien à voir avec la loi, les œuvres et la justice terrestre. Par contre, qu'en matière civile l'obéissance à la loi soit exigée très sévèrement; qu'on ignore tout de l'Evangile, de la conscience, de la grâce, de la rémission des péchés, de la justice céleste..., du Christ, pour ne s'en tenir qu'à Moïse, à la loi et aux œuvres.» Jusqu'ici, Luther. A l'opposé, le roi David avertit expressément tous les rois de servir le Seigneur avec crainte et tremblement: Et maintenant, dit-il, comprenez, ô rois; apprenez, ô vous qui jugez la terre. Servez le Seigneur dans la crainte, et tressaillez de joie avec tremblement. Attachez-vous à la discipline; ce qu'une autre version traduit ainsi: Baisez le Fils. Par ces paroles il est hors de doute, comme tous les [234] Anciens l'ont observé, que tous les rois sont invités au culte du Christ.

Est-ce que jamais la République chrétienne a été plus heureusement administrée que sous Constantin, Théodose l'ancien, Honorius, Théodose le jeune, Justinien, Charlemagne, Louis, nos Amédée [de Savoie.] tous empereurs, rois et princes très pieux? C'est pourquoi, comme il convenait à un si grand Prophète de Dieu, Isaïe a dit, en parlant du Christ et de l'Eglise: La nation et le royaume qui ne te servira pas, périra. Et si le Christ porte écrit sur sa cuisse: Roi des rois et Seigneur des seigneurs, ce n'est pas pour autre chose que pour apprendre aux rois qu'ils ne peuvent régner d'une manière plus heureuse et meilleure qu'en étant fidèles au Christ, à l'Evangile et à la piété, car le Christ est la Sagesse qui dit dans les Proverbes: C'est par moi que règnent les rois. [235]

 

MENSONGE INJURIEUX ET IMPUDENT DE LUTHER

CONTRE TOUS LES PRINCES CHRETIENS

 

            C'est donc un très mauvais service qu'a rendu Luther aux princes, répondant bien, cependant, à l'opinion qu'il avait d'eux. Il n'a pas honte, en effet, de qualifier tous les rois et les princes de «puissants chasseurs,» comme parle l'Ecriture au sujet de Nemrod: C'est faire trop d'honneur et donner trop de gloire, dit-il, «à la Papauté, que de dire qu'elle est la grande chasse de l'Evêque Romain»; «et cet exemple de Nemrod convient aussi à toutes les puissances séculières, auxquelles cependant Dieu veut que nous soyons soumis, en les honorant, les bénissant et priant pour elles.» Or saint Jérôme explique ainsi quel a été Nemrod et ce qui lui a valu le nom de «puissant chasseur»: c'est parce que, le premier, il s'empara d'un pouvoir tyrannique sur le peuple. Même interprétation chez Josèphe parlant du même personnage. Mais quelqu'un dira peut-être que Luther n'a pas eu cette pensée en disant que tous les princes sont semblables à Nemrod. Je le croirais facilement moi-même, si je ne voyais l'application en question figurer dans les Commentaires de Luther sur la Genèse. Il avertit, en effet, au [236] texte cité, que tous les tyrans et princes sont de puissants chasseurs, poursuivant, non les bêtes, mais les hommes, et il ajoute: «Plus tard ce fut le titre général de tous les tyrans et princes.»

            Si quelque part sur terre il y a un prince assez luthérien pour vouloir avouer devant toi, ô Luther, qu'il en est ainsi, tu es un digne conseiller pour un si indigne prince, puisque tu veux que les princes, imitateurs de Nemrod, s'appliquent à favoriser, non le Christianisme, mais l'athéïsme. Cependant, parmi ceux qui consentirent à avouer ou à supporter cela, tu ne pourras compter tous ces rois, ducs et princes chrétiens et catholiques, qui, de même qu'ils condamnent comme impies tes autres enseignements, aussi ne craignent-ils pas de taxer de témérité et d'impudence ta sotte et injurieuse dernière proposition. Peu leur importe ton opinion à leur sujet, pourvu qu'ils offrent des hommages agréables à Celui «auquel servir, c'est régner.»

            Louange donc gloire, honneur et bénédiction au Seigneur notre Dieu, à la miséricorde duquel nous devons de voir enfin commencer à diminuer de force et à s'écrouler toutes ces hérésies. Aujourd'hui, en effet, presque personne dans le monde ne se fait hérétique; seuls à le devenir sont ceux qui naissent parmi les hérétiques [237] et d'hérétiques, et qui n'ont jamais entendu parler de notre religion catholique, sinon par des calomniateurs; ou encore, ceux qui désirent plutôt abandonner l'état monastique ou sacerdotal que la religion elle-même, pour chercher parmi les hérétiques l'impunité des crimes qui les ont rendus infâmes parmi nous; ou bien pour obtenir une plus large commodité de se livrer à la luxure et à la débauche, commodité qu'ils «appellent liberté de conscience; ou enfin, ceux qui sont empêchés de revenir à nous pour des motifs d'utilité ou même de fausse honte, plutôt que pour des raisons tirées de la science ou de la conscience. Il y a cela de commun aux hérésies et aux courtisanes: elles plaisent et voient leur importance et leur empire augmenter à cause de leur seule nouveauté, et elles déplaisent et perdent de leur prestige à cause de leur seule vieillesse.

            J'ai de la peine vraiment, et une peine si profonde que je pleure presque en écrivant, de ce que tant d'hommes, nourris dès l'enfance de toutes ces sornettes, y persistent avec tant d'obstination; hommes, du reste, de grande valeur et remarquables par leur doctrine et leur esprit; bien mieux, plusieurs parmi eux (ce qui me chagrine davantage) sont à la fois des jurisconsultes et de grands amis à moi, que, en dehors de la question de religion, je vénère et [238] vénérerai toujours profondément. Si cela était permis, je souhaiterais d'être anathème pour eux, afin qu'ils viennent à résipiscence et ne se laissent pas effacer du Livre de vie.

            Je vous prie instamment, par les entrailles de la miséricorde du Christ, hommes illustres, vous tous en quelque lieu que vous soyez, vous surtout qui m'aimez, d'examiner enfin une affaire de si grande importance avec sérieux et tranquillité, comme il convient, et dans un esprit d'humilité, non de superbe, comme cela s'est pratiqué jusqu'ici. Vous avez bien trop accordé à Luther, à Calvin et à leur inspiration, vous qui avez jusqu'ici préféré les nouveautés de ces imposteurs aux anciens Pères, au Concile de Trente et à toute l'Eglise. Qui croira jamais que vous avez été d'assez grands jurisconsultes pour pénétrer tous les textes les plus obscurs et les plus cachés de Papinien, et que cependant vous, même avertis et éclairés par tant de livres de nos théologiens, vous n'avez pas su percer à jour leurs inepties si sottes et puériles, si éloignées du sens commun? Revenez, je vous en prie, à l'Eglise de Dieu qui vous a reçus avec bonté à votre naissance dans le bain de la régénération, et qui, pour vous recevoir de nouveau, toute vénérable par ses soupirs et ses larmes, va au-devant de votre conversion. La pénitence [239] ne sera jamais trop tardive, si elle est vraie; mais, elle sera plus digne de louanges, croyez-moi, et plus sûre, si elle est moins tardive. Combien n'avez-vous pas d'exemples de ceux qui avaient été des vôtres, et parmi les plus illustres, et qui, après être retournés à l'Eglise de Dieu, se sentaient seulement couverts de confusion d'avoir fait trop tard ce qu'ils auraient dû faire plus tôt! Vous ne niez pas que cette Eglise, dont vous vous dites les réformateurs, est à la fois la nôtre et l'Eglise Romaine; vous avouez donc que c'est la vraie. Autrement, c'était le mahométisme et le Coran, et non pas l'Eglise Romaine, qu'il fallait réformer, si vous ne cherchiez que la multitude des abus et la réforme d'une fausse Eglise. Si notre Eglise est la vraie, pourquoi en cherchez-vous une autre? pourquoi en créez-vous une nouvelle? Les abus, que vous étiez convaincus faussement d'y reconnaître si nombreux, ils devaient être corrigés dans la mesure où ils existaient, non par vous, mais par le Pasteur et le Recteur de l'Eglise. Quant à l'Eglise elle-même, il fallait la conserver telle quelle, parce qu'à la rendre nouvelle on la rendait par le fait même fausse. Si donc vous en créez une nouvelle, confessez qu'elle est fausse; si vous conservez la nôtre, c'est donc de la nôtre que Paul a dit qu'elle est la colonne de vérité, en union avec laquelle, par conséquent, vous ne pouvez pas plus errer que demeurer dans la vérité en vous en éloignant. [240]

            Pour finir, je vous demande, dans la charité de Dieu et avec le respect que je professe pour vous, que si vous estimez que j'aie dit quelque chose de trop acerbe contre les hérésies ou les hérésiarques, vous croyiez que ce n'est pas pour vous offenser comme des adversaires que je l'ai dit et écrit, mais pour vous faire sortir, comme des amis, de votre sommeil léthargique. [241]

 

 

XIII. Notes sur le Culte des Saints, 608 et 1613 (Inédit)

 

1

 

            Peregrinationum ad sacra loca exemplum, 2 Reg. XV; praecum pro defunctis, ibidem; videtur enim Absalon religiose videri velle se ad loca patrum proficisci.

            Panem appellant Hebrei omnem cibum. I Reg. 14. v. 27 et seqq.

 

2

 

            Sanctorum invocatio est in Missa Æthiopica, apud Geneb., c. 7, Liturgiae Dionisianae. «Finis canonis Patrum nos- [242] trorum Apostolorum, quorum oratio et benedictio sit nobiscum. Amen.»

 

3

 

            Piorum votorum ad Martyrum memoria et monumenta insigne exemplum: 2. Reg. XV.

 

 

 

1

 

            Exemple de pèlerinages à des lieux saints, II Rois, chap. XV; de prières pour les défunts, ibid.; car Absalon semble vouloir paraître se rendre en esprit de religion au pays de ses pères.

            Les Hébreux appellent pain toute sorte de nourriture; I Rois, chap. XIV, versets 27 et suivants.

 

2

 

            L'invocation des Saints est dans la Messe des Ethiopiens, dans Génébrard, chap. VII, de la Liturgie Dionisienne. «Fin du canon [242] de nos Pères les Apôtres, dont la prière et la bénédiction soient sur nous. Ainsi soit-il.»

 

3

 

            Remarquable exemple des vœux de dévotion que l'on fait pour honorer la mémoire et les monuments des Martyrs: II Rois, chap. XV.

 

 

XIV. Notes sur la Sainte Trinité [1600-1616] (Inédit)

 

I

 

            Unitas in trinitate, trinitas in unitate; trinitas determinat pluralitatem.

            Trinitas: trium unitas, at, e converso, unius tres personae.

            Trinitas, non triplicitas; trinus, non triplex; alius et alius, non aliud. [243]

            Arrius, Sabellius: ille tres substantias, hic unam personam. Distinctio, non diversitas aut differentia.

            Nomen separationis et divisionis vitandum; quia est totius in partes. Item, nomen disparitatis, ne tollatur aequalitas; nomen alieni et discrepantis.

            Vitandum est nomen singularitatis, ne tollatur communicabilitas; nomen unici, ne tollatur numerus personarumnomen confusi, ne tollatur ordo naturae.

            Solitarii.

 

Revu sur 1'Autographe conserve à la Visitation de Turin.

 

 

 

            Unité dans la trinité, trinité dans l'unité; trinité détermine le nombre.

            Trinité: unité en trois personnes, et, inversement, trois personnes en un seul Dieu.

            Trinité et non triplicité; trine et non triple; l'un distinct de l'autre, non différent. [243]

            Arius, Sabellius: celuï-là admettant trois substances, celui-ci une seule personne. Distinction, non diversité ou différence.

            Eviter les termes de séparation et division, parce que c'est un tout en parties distinctes. De même, le terme disparité, pour ne pas nier l'égalité; les termes étrangers et différents.

            Eviter le terme singularité, pour ne pas nier leur propriété de communication; le terme unique, pour ne pas nier le nombre des personnes; le terme confondus, pour ne pas nier l'ordre de nature.

            Solitaires.

 

 

XV. Note sur la présence réelle de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'Eucharistie [Paris, 1619] (Minute inédite)

 

            Le Concile de Trente, en la session treysiesme, chap. premier, parle ainsy:

             «Le saint Concile enseigne et confesse ouvertement et [244] simplement, qu'au tres auguste Sacrement de la sainte Eucharistie, apres la consecration du pain et du vin, Nostre Seigneur Jesus Christ, vray Dieu et vray homme, est contenu vrayement, reellement et substantiellement souz l'espece de ces choses sensibles.»

            Quand il est dit que «Jesus Christ, vray Dieu et vray homme,» y est, il est par consequent dit que le vray cors de Jesuschrist y est; car un vray homme ne peut estre sans un vray cors.

            Et affin de tellement declairer la presence de ce cors sacré au tressaint Sacrement que nul ne puisse plus douter comme les Catholiques la croyent, je dis et asseure: que le vray cors reel, substantiel, naturel de Jesus Christ, c'est a dire le mesme cors qui fut formé au ventre de la Vierge et de son tres pur sang, le mesme cors qui fut attaché en la croix et mis dans le sepulchre, le mesme cors qui fut resuscité, qui fut touché par saint Thomas, qui fut eslevé au Ciel et qui y est maintenant, lequel saint Estienne vid, ce mesme cors, dis-je, est vrayement, reellement et substantiellement present en ce divin Sacrement de l'Eucharistie.

            La sacree parole de Jesus Christ nous en asseure en saint Jean, 6; en saint Mathieu, 26; en saint Marc, 14; en saint Luc, 22; en la I. aux Corinth. XI, ou les paroles sont claires plus que le soleil du mydi, pour cette verité.

            Mays par ce qu'un cors, cors vrayement naturel, peut estre en quelqu'endroit ou naturellement ou surnaturellement, je dis que le sacré cors naturel, reel et substantiel de Nostre Seigneur Jesuschrist est au divin Sacrement non point naturellement, mais surnaturellement, par la toute puissance de Dieu. Ainsy, le vray cors naturel du Sauveur fut formé au ventre de la tressainte Vierge, non naturellement mais surnaturellement, par l'operation du Saint Esprit; ainsy ce mesme vray cors naturel fut enfanté de la tressainte Vierge, demeurant vierge, non naturellement [245] mais surnaturellement, par miracle; ainsy ce mesme cors naturel estoit transfiguré sur la montaigne de Thabor, non naturellement mais surnaturellement; ainsy est-il resuscité, non naturellement mais surnaturellement.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

 

 

 

XVI. Déclaration touchant une conférence avec le Ministre du Moulin (Minute)

 

Paris, [février ou mars] 1619.

 

            Monsieur de Geneve m'a dit, qu'il ne voudroit, pour chose quelcomque, nier la verité de ses manquemens; et qu'il est [246] donq vray qu'au rencontre quil eut chez madame la Mareschale de Fervasq, il commit un defaut de memoire, ne treuvant pas, en l'ancienne version latine de la Bible, un mot en l'endroit ou il pensoit le treuver, bien qu'il soit plusieurs foys ailleurs, en la mesme version, pour le mesme sujet. Et quoy que cela ne soit qu'une simple faute de [247] memoire, si est il marri qu'il luy soit arrivé, craignant que les espritz foibles n'en soyent troublés; ne pouvant croire, toutefois, que monsieur du Moulin se vante de rien pour ce rencontre fait sans ordre ni reglement. Puysque, quant au fons de la question, qui estoit a sçavoir mon, si Nostre Seigneur avoit ordonné aux Apostres de sacrifier en l'Eucharistie, il advoüa en fin qu'ouy, et que l'Eucharistie estoit un sacrifice representant celuy de la Croix: qui estoit tout ce qu'on pouvoit pretendre sur ce point. Dont ledit Monsieur de Geneve dit qu'il ne se veut nullement vanter, bien qu'il se res-jouiroit grandement si ledit [248] sieur du Moulin perseveroit franchement a confesser la verité dudit Sacrifiée.

 

Revu sur l'Autographe appartenant aux Missionnaires

de Saint François de Sales d'Annecy1. [249]

 

Appendice

 

 

 

A. Lettres de Monsieur Claude de Prez, Syndic de Thonon

 

I. A Monsieur Jean Gauthier, Secrétaire d'état a Genève

 

                        Monsieur mon Cousin,

            J'estimoys, suyvant celle quil vous avoyt pleu m'escripre, que monsieur Sarrazin seroyt venu pour y satisfere entierement; mais je voys bien que l'on luy a baillé sa leçon par escript, a fin de fere prendre long traict a ceste dispute et l'eviter entierement, sil est possible. Mais je laisse juger a la prudence de Messieurs si un faict si important peut estre traicté de ceste façon, car par ledit seigneur Sarrazin, leur delegué, et encores par vostre lettre ils sont obligés a la dispute. Que si l'on se veut excuser sur Messieurs de Berne, c'est aultant a dire que nous ny voulons pas entendre, d'aultant qu'eux aussi ne veulent pas entrer en jeu; mais ils ny ont pas si grand interest que vous, car ils n'ont envoyé personne et n'en ont faict aulcun semblant. Or, cecy n'est pas un affaire d'Estat ou il y aille aulcun hasard de perdre aulcune place; mais il est question de maintenir par dispute, publiquement, la doctrine de laquelle on faict profession, afin de desabuser ceux qui nous tiennent pour heretiques et de raffermir les infirmes en la foy et qui s'esbranlent par la veue d'une doctrine contraire; car les escripts de nos docteurs ne peuvent estre leus ni entendus du peuple, qui veut estre esclaircy par une conference faicte par vive voix, joint que tels escripts n'ont point de replicque. Ne venant donc point a ceste conference, ce sera donner a entendre que l'on n'a dequoy maintenir ceste doctrine.

            Cependant, je loue Dieu qui a encores enflammé le cueur de ces [251] bons Seigneurs pour la tüition de ceste querelle, laquelle je vois qu'ils embrassent a bon escient, n'ayants aultre veue que la gloyre de Dieu et le salut de leurs prochains: que sont tesmoignages d'une vraye charité, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens. Mais d'aultre costé, je m'esbahis de messieurs vos Ministres qui semblent ne vouloir incliner a ce party, soubs pretexte de certaines considerations humaines: comme s'il estoyt question de fere un gros d'armee pour assaillir ou defendre quelque place! Que pleut a Dieu l'on n'eusse pas esté si prompts a eschauffer les cueurs des Princes pour s'entreliguer a la guerre! nous ne serions pas a ceste heure en peyne de ceste dispute, jouïssantz auparavant de libre exercice de nostre religion aultant paisiblement que point de nos voysins. Mais puis que Dieu veut ainsi exercer nostre foy, et mesmes nous chastier du mespris de sa parolle, c'est a nous d'aller au devant de son ire, comme de Celuy duquel depend nostre victoyre et la delivrance de ces tentations si vives, que sans luy et sans son assistance nous n'en pouvons eschapper, nostre naturel resistant tous-jours au Sainct Esprit, a la façon dé nos peres qui ont mangé les aigretz et nous en avons les dentz agacez. Tant y a que nous avons esperance que Dieu benira le louable dessein de vos magnifiques Seigneurs en cest affaire, comme je l'en prie de tout mon cueur, et pour leur prosperité, et de la vostre en particulier, demeurant,

            Monsieur mon Cousin,

                        Vostre plus humble et affectionné cousin et serviteur,

                                                                                  Deprez.

            De Thonon, ce 18. 7bre 1598.

 

II. A Monsieur Simon Goulard, Ministre a Genève

 

            Monsieur,

            Jay receu le pacquet quil vous a pleu m'addresser, et vous en remercie tres humblement. Je me crains que pour plusieurs le remede ne soyt arrivé trop tard. Vous sçavez comme prevoyant le danger j'ay crié: A l'ayde! misericorde! nous perissons! Mais quand l'on nous a veu en danger et que l'on nous pouvoyt secourir sans danger, l'on s'est arresté sur des considerations humaines; et cependant les orages ont mis en piece nostre fresle vaisseau. Vous avez entendu le naufrage quasi general. Si S. Paul n'eut retenu les batteliers, ils feussent peris en la tourmente; mais les nautonniers Qui debvoyent secourir nostre barque nous ont regardé de loing. Toutesfois, pour l'esperance du residu qui demeure encor sus pieds [252] par la grace, je vous supplies au nom de Nostre Seigneur, que l'on ne recule plus ceste conference; aultrement tout est perdu.

            Je ne parle plus par cueur; mon apprehension n'est pas une terreur panique, vous en voyez les effects. Dieu, par sa grace, vueulle avoir pitié de sa pauvre Eglise et la delivrer de tous dangers, fortifiant ses enfans par sa vertu, afin qu'ils ne defaillent en la foy. Continues, je vous prie, a vos devotes prieres pour nous: elles sont tres necessaires.

            Je vous suis, Monsieur,

                                                                                  Plus humble et affectionné serviteur,

                                                                                                          DEPREZ.

            De Thonon, ce XI. 8bre 1598.

            Je salue treshumblement tous les peres et freres, me recommandant a leurs bonnes prieres.

                                   A Monsieur

                        Monsieur Goulard,

fidelle ministre de la Parolle de Dieu

                        a Geneve.

                        A. S. Geneve.

 

III. Aux Ministres de l'Eglise de Genève

 

                        Messieurs,

            Jay communiqué la vostre a ceux que jay peu de nostre Eglise, lesquels, au lieu d'en estre consolés, en ont comme receu un desespoir, puis qu'ils croyent vostre derniere resolution estre de ne vouloir entrer en dispute par vive voix: ce qui estoyt tres necessaire pour raffermir les infirmes, lesquels entrent en doute de la doctrine laquelle vous presches publiquement, et cependant ne la voules soustenir que par escript; forme de disputer qui ne prendra jamais fin, et n'en pourra on jamais tirer aulcune resolution, car il ny a là que pour les gens sçavants et de loysir qui peuvent lire et comprendre vos escripts.

            Vous avez veu comme l'orage et la tourmente ont rüiné nos eglises, sans que les nautonniers se soyent opposés. Dieu vueulle pardonner a ceux qui n'auront pas rendu leur debvoir a secourir ceux qui, perissants, ont imploré l'aide des spectateurs de telles tragedies.

            Christ n'est pas divisé: il faudroict donc tascher a reunir ses membres et oster toute occasion de schisme et division en l'Eglise de Dieu, puis qu'ainsi est qu'hors d'icelle il ny a point de salut. Ceux qui sont en possession, sont mieux fondés que ceux de dehors; si vous ne monstres aultre zele a la defense de vostre cause, vous la perdres tout quicte. Si les Apostres se feussent voulu contenter d'estre enfermés dans des chambres a leur aise, et enseigner le peuple par escript sans oser soustenir leur doctrine de vive voix, ils n'eussent pas donné grand avancement au regne de Jesus Christ, lequel estant establi par ce moyen, doibt estre conservé de mesme. [253] Vous ne pourres point accuser ceux qui se departiront de vostre doctrine, puis qu'au besoing vous ne les voules secourir lors quils vous declairent qu'ils n'ont plus que tenir.

            Nous sommes arrivés au temps de la desolation, et semble que Dieu, par un juste jugement, ayt bandé les yeux aux plus entendus et frappe les voyans d'aveuglement. Bref, les menaces d'Isaye sont executees sur nous. Dieu, par sa grace, nous fasse misericorde, car nous pouvons dire maintenant:

                        Las! nous n'avons nul signe accoustumé

                        De ta bonté, prophetes nous defaillent;

                        Nous n'avons nuls qui enseigne nous baillent:

                        Quand cessera ton courroux allumé?

            Et ce qui est dit ailleurs.

                        Tu nous as, contre nos plus proches,

                        Mis en querelles et reproches;

                        Nos haineux s'en mocquent bien fort.

                        Rallie nous, o Dieu tres fort! etc.

 

                        Las! elle est en cendre reduicte,

                        Elle est entierement detruicte,

                        Tous perissent par ton courroux;

                        Rallie nous, o Dieu tres doux! etc.

            Ce subit changement semblera bien estrange; mais que voules vous qu'un pauvre peuple fasse, qui est delaissé a l'abandon, destitué de pasteurs et de pasture?

                        Semé nous as de toutes pars

                        Parmy nations ennemyes.

C'est donc a vous, Messieurs, d'y penser, quand vous voyez brasier la maison de vostre voysin.

            Quant a moy, je pense que tous fidelles qui sont membres d'un mesme corps se doibvent unir par charité; car, comme dit S. Augustin: Non est particeps divines charitatis qui hostis est unitatis. Ceste union doibt estre recerchee plus soigneusement que nous ne faisons pas quand, au heu de nous approucher pour entrer en conference, nous reculions. Les determinations des anciens Conciles n'ont pas esté prinses entre des absents, mais entre des presens, apres que les doubtes ont esté debattues d'une part et d'aultre. Si ce chemin a esté licite, voyre choysible aultrefoys, pourquoy ne le sera il encores aujourdhuy? sinon que par nostre opiniastreté nous veulions donner lieu a nos passions plustost qu'a la raison.

            Je croy fermement qu'il ny a difficulté de religion qui ne se puisse resouldre entre gens charitables et vuydes de toutes preoccupations, ains seulement desireux de recercher la verité pour la gloyre de Dieu et le salut de son Eglise; car la promesse est infallible, que Jesus Christ a faicte aux siens, quil seroyt avec eux jusqu'à la consommation du monde. Mais comment sera il au milieu d'une division? Cerchons donc et embrassons, au nom de Dieu, ceste union, sans laquelle nous ne pouvons estre Chrestiens. [254] Le principal lien, c'est la charité: que donc elle nous eschauffe, afin que non point par vaines disputes et ergoteries, mais par le fil de la verité nous puissions amortir le feu de la dissention qui embrase tout le monde, afin que la charité de Nostre Seigneur nous unisse tous par une vraye et vive foy ensemble pour le glorifier eternellement.

            Excuses moy. Messieurs, si je parle si franchement a ceux a qui je doibs tout honneur et respect; mais le zele de lhonneur de Dieu et la ruïne de nos eglises me contrainct a vous dire ce que vous entendes mieux que moy, mais vous n'en sentes pas peut estre les aigullions qui alterent nos ames. Tant y [a] que Dieu ne delairra point son Eglise. Mais, comme j'escrivois dernierement a Monsr Goulard, il est necessaire, pour sauver le navire et ceux qui sont dedans, que les nautonniers demeurent aussi dedans, a peyne de naufrage. Vous ÿ adviseres donc, sil vous plaist; et ne lairres de me tenir tous jours,

            Messieurs,

                        Pour vostre plus humble et affectionné serviteur,

                                                                       DEPREZ.

            De Thonon, ce XII. 8bre 1598.

                                   A Messieurs

                        Messieurs les Ministres de l'Eglise de Geneve.

                                   A Geneve.

 

Revu sur les photographies des autographes

conservés à la Bibliothèque publique de Genève (Mss. M. f. 8). [255]

 

B. Eloge de saint François de Sales par le President Antoine Favre

 

Extrait du dernier article du premier Titre de son Codex Fabrianus

 

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            Etsi autem non de suo tantum episcopatu, sed de tota etiam Republica Christiana vir tantus ob alia permulta bene ac praeclare meritus videri debet, nulla tamen de causa melius et praeclarius, quam quod vivus defuncto sibi successorem talem elegit, diu quidem multumque reluctantem, sed hoc ipso digniorem; qualem certe decebat esse Pontificem et Episcopum Gebennensem, qui faucibus ipsis haereticorum expositus obturaret ore suo leonum ora, et pro Ecclesia Dei constitueretur caput ejus civitatis, in qua haeresis arcanorum suorum omnium caput sedemque collocasset.

            Successor is fuit FRANCISCUS DE SALES, (quid enim laudibus ejus efficere debet quod vivat, meque fraterno et amore et nomine prosequatur, quominus a me nominetur, qui ab omnibus laudatur?) non modo splendore generis inter nobiliores totius patrise familias clarissimus, sed etiam doctrinae ac, quod primum est, pietatis et conspicuae innocentiae gloria perillustris; jurisconsultus (nam et hoc ad rem nostram pertinet) ipso etiam Senatus nostri judicio eximius, theologus vero inter doctissimos quosque subtilissimus, et inter subtilissimos scientissimus; praedicator etiam non solum disertissimus, quod ei cum multis commune est, sed etiam, quod cum perpaucis, eloquentissimus; scriptor vero, sive Latina sive Gallica lingua scribendum habeat, elegantissimus, et venustatis aeque ac succi plenus; is denique, quem non aliter aut melius pro dignitate laudare possim, quam si impetrem, ut sufficiat nominasse. Ne alio qui postquam omnia quaenam et qualis fuerit, vix aliud respondere possim, quam continuam fuisse et perpetuam quandam praedicationem, non modo ad erudiendos Catholicos, quibus haud dubie tanti Praelati exemplum pro eximio doctore potuit esse et debuit, sed etiam ad sanandos et revocandos haereticos, qui ante hac Episcopis fere omnibus, impudenter licet plerumque et falso, ut solent, nihil nisi vitam ipsam pro crimine exprobrabant. Dignum plane, cujus episcopatum fortunaverit Deus Opt. Max. prima et praecipua haereticorum totius Chablasiensis ducatus conversione, et sanctissimo illo, omniumque post hominum memoriam extra ordinem amplissimo Jubileo, quo urbem Tononensem decoravit Clemens VIII, anno 1602, in honorem Dei et venerationem Beatissimae Mariae Virginis de Compassione: ut scilicet prudentiae, pietatis et sanctitatis suae testes haberet remotissimas quasque provincias ex quibus cum plura quam credi possit hominum millia dixero, quibus [256] vel laudabilissime cujusque viri laus contenta esse possit, quia tamen multa praetermisero, quae minime tacenda essent, praevaricatoris partes explevisse videar potius quam adulatoris suspicionem, quod non minus execror, incurrisse. Possum enim vere, ita salvus sim, affirmare quicquid est, sive pietatis et sanctimoniae pene incomparabilis, sive eruditionis admirabilis, quod in caeteris Episcopis vel requirere vel laudare possis, totum id in hoc uno elucere tam magnifice ac eminenter, nec eo minus tamen circa ostentationis invidiam: ut sive familiariter colloquentem videas, incredibilem in ore dignitatem, in sermone comitatem, in utroque miram suavitatem morum statim agnoscas; sive graviter ac pie, ut semper solet, concionantem audias, non facile possis decernere an eloquentia praestet, an doctrina, et an gravitate sententiarum ac orationis majestate superet, an apposite ac partite loquendi facilitate; sive, denique, cum haereticis disputantem observes, omnino dubitandum habeas majorene ille eruditione certaverit et vicerit (certare, nempe, illi semper vincere est), an modestia et patientia. Adeo urget ipse acerrimus quidem et efficacissimis argumentis, sed ea lenitate et charitate quasi melle temperatis, cui non magis haereticorum superbia et insolentia fella plena possit respondere, quam ipsorum insania resistere Spiritui qui loquitur in illo. In summa, putes te videre vel audire antiquos illos Chrysostomos, Hieronymos, Augustinos, Gregorios et alios, si qui sunt ex veteribus Episcopis celebriores, quos antiquitas religiosissime ac sanctissime venerata pro magnis et sanctis viris habuit, posteritas vero, quae tales hucusque vix ullos vidit, pro miraculis.

            Enimvero, quid tam magnum et grande est quod non sperare liceat, tanti Episcopi auspiciis et conatibus, perfici posse, quem Deus Opt. Max. suis benedictionibus adeo beavit, ut prius etiam quam in Episcopum eligeretur, ac sub Episcopi sui Claudii de Granier imperiis, ducatum Chablasiensem universum finitimasque provincias gladio verbi Dei subactas ad ovile Christi reduxerit, quae Bernensium dominationem et imperium antea expertae indeque sacrosanctae religionis Catholicae jacturam per annos plus minus sexaginta perpessae, vix unquam haeresim abjuraturae credebantur?

            Subscribet his laudibus non nostra tantum Sabaudia, quae tanti partus matrem se et alumnam esse non immerito gloriatur, sed tota etiam Gallia, quam ille tot concionibus, praesertim Lutetiae Parisiorum, Divione, Lugduni, nonnullis etiam in ipso Regis Christianissimi conspectu habitis, nec minus Regem ipsum quam regnum fama sui nominis et admiratione complevit. Subscribet ipsa etiam Roma, et amplissimus atque augustissimus Illustrissimorum Cardinalium consessus, qui tentatam, exploratam testatamque cum lachrymis gaudii et exultationis ab ipso Summo Pontifice Clemente VIII Salesii nostri prudentiam et eruditionem in publico examine admirati, dignissimum omnes ore uno pronunclaverunt [257], quem Claudio de Granier, tum Episcopo Gebennensi, anxie id ambienti, etiam invitum, Coadjutorem cum futura successione Summus Pontifex daret, ut beneficium quod alioqui magnum videbatur, non tam personae quam meritis, ipsique Ecclesiae universae datum esse constaret, curante id prae caeteris enixissime, ac favente Cardinale tum Borghesio, nunc Paulo V, Pontifice Opt. Max., qui cum mandatam eo tempore haberet a Sede Apostolica curam omnium quae ad haereticorum nostrorum conversionem adjuvandam pertinebant, postquam ex frequentioribus cum Salesionostro colloquiis, praestantiam ipsius et dignitatem certius introspexit, nullum exinde sibi finem fecit prosequenti eum, quibus potuit, officiis ut modis omnibus testaretur quam dignum esse crederet, in quo praecipue amando et ornando sibi tantopere placeret.

            Quid plura? O utinam (quidni enim exclamem, ut votis saltem assequar, quod verbis exprimere, non datur?), utinam iterum atque iterum, utinam multos haec nostra aetas haberet Salesios I Utinam vero etiam superior habuisset! is maxime in locis in quibus haereticorum defectionem ab Episcoporum, sive inscitia, sive ignavia, principium sumpsisse compertum est; nunc de profligandis haeresibus et de dirutis Jacob restituendis non laboraremus. Sed cum ad collapsas res quasque maximas reparandas non aliud aptius remedium esse credatur, quam si omnia quantum fieri potest ad initia sua revocentur, non despero fore, ut quemadmodum sola fere posteriorum Episcoporum incuria viam haeresibus patefecit ad audaciam, ita novo tanti Episcopi exempio plane efformato ad prototypum illum veterum Episcoporum, victi sine bello haeretici tandem resipiscant, nec diutius reluctentur, quominus liceat nobis impetrare a divina misericordia quod Ecclesia Dei, tot lachrymis perfusa non desinit a Sponso suo flagitare, ut tam graviter misereque agitatam per tot annos Petri naviculam, sedatis fluctibus, brevi conquiescere omniumque Christianorum Pastorem unum, sub uno Christo, qui divisus non est, et ovile unum factum esse videamus. Fiat, fiat, fiat. [258]

 

 

 

 

 

 

 

Quatrième série. Administration Episcopale

 

A- Diocèse de Genève et clergé en général

 

 

I. Mandement pour le Carême et le Synode de 1603. Obligation des bénéficiers a la résidence

 

Annecy, 15 janvier 1603.

 

            FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique, Evesque et Prince de Geneve, a tous ceux qui ces presentes verront, salut.

            Suyvant les ordonnances et Constitutions apostoliques, et le general consentement de l'Eglise de Dieu, Nous intimons par ces presentes le jeusne et abstinence du saint Caresme en tout ce diocese, defendant tres expressement a toutes personnes, de quelle qualité qu'elles soyent, de ne point manger, vendre ni debiter les viandes lesquelles, selon les loix et coustumes de l'Eglise, sont prohibees en ce tems la, sans expresse licence par escrit de Nous, nostre Vicayre general ou autres a ce deputés, nommés au bas des presentes.

            Par lesquelles Nous intimons encor le Sinode pour le mercredy du second Dimanche apres Pasques, selon la louable coustume; commandant a tous curés et autres a qui il appartiendra, de s'y trouver personnellement pour y entendre les Constitutions et ordonnances necessaires a leur charge et bien de leur troupeau. [261]

            Nous intimons aussi la residence a tous ceux qui ont des benefices qui, de droit ou par coustume, la requierent; a ce que, dans deux moys precisement des la publication des presentes, ilz ayent a se rendre en leur devoir pour exercer personnellement leurs charges et offices, ou dire cause pour laquelle ilz pourroyent pretendre n'y estre obligés; a faute dequoy il sera procedé contre eux, selon la rigueur des loix et canons.

            Donné a Neci, le 15 janvier 1603.

 

II. Constitutions faites au Sinode du Diocese de Genève celebré a Annessi le 2 octobre 1603

 

            FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve: a tous les ecclesiastiques de Nostre diocese, salut. [262]

            Desirant que les ordonnances faittes au dernier Sinode (qui a esté le premier celebré sous Nostre charge) soyent soigneusement observees, Nous les avons fait imprimer, affin que la communication en estant plus aysee, vous ne pretendies cause d'ignorance, mays que, les ayans devant vos yeux, vous les prattiquies selon leur teneur qui s'ensuit.

            I. Nous avons intimé et de rechef publié les Canons des anciens Conciles qui defendent aux personnes ecclesiastiques de tenir en leurs maysons et logis aucunes femmes desquelles la demeure et sejour avec eux puisse justement estre suspect; et, en tant que de besoin, avons fait de nouveau ladite prohibition, sur peyne de rigoureuse punition.

            II. Nous avons donné et donnons pouvoir aux Reverens Surveillans de ce diocese de dispenser de l'observation des festes commandees es parroisses qui leur sont commises, [263] selon la necessité, inhibant a tous curés et autres quelconques, notamment aux officiers laicz, de ne point donner telles licences.

            III. Sur le differend qui pourroit naistre entre les curés pour les aumosnes, aux sepultures des fidelles qui meurent en une parroisse et sont enterrés en l'autre, il a esté ordonné que les luminaires seront partagés esgalement entre les-ditz curés, qui aussi, de part et d'autre, feront prieres et Sacrifices pour le deffunct. Neanmoins, le service annuel se fera par le curé qui aura ensevely le cors, au moyen dequoy le linceul et autres aumosnes des funerailles luy demeureront; tous autres differens estant remis au jugement des Surveillans.

            IV. Tous curés enseigneront le Cathechisme de l'Illustrissime Cardinal Bellarmin les Dimanches et festes commandees, a l'heure qui sera jugee plus propre selon [264] la condition des lieux; et, pour cet effect, s'essayeront les jours ouvriers d'apprendre ledit Cathechisme aux petitz enfans, affin qu'ilz en puissent respondre.

            V. Les curés feront vuider leurs eglises, et notamment les chœurs d'icelles, des meubles profanes qui, pendant la guerre, y ont esté mis en asseurance, et ne permettront [265] cy apres telles choses y estre mises sans evidente necessité.

            VI. Tous ecclesiastiques suyvront en tout et par tout les decretz du tressaint Concile de Trente, et specialement en ce [266] qui est de l'Office divin et celebration de la Messe; et nul ne sera receu dores-en-avant a l'examen pour estre ordonné prestre, qu'il n'apporte attestation du Surveillant de son lieu de sçavoir exactement les saintes ceremonies de la divine Messe, selon l'usage de Trente.

            VII. Tous les curés fourniront ou procureront pour leurs eglises des tabernacles, avec des ciboires propres pour reposer le tressaint Sacrement sur l'autel; changeront tous les premiers Dimanches du moys les Communions qui sont reservees pour les malades, et ne garderont le Saint Sacrement qui aura esté exposé en la Feste Dieu que jusques au jour suyvant immediatement l'octave, auquel ilz le consumeront.

            VIII. La residence est intimee a tous curés et ayans charge d'ames (s'ilz ne sont legitimement excusés), a peyne de privation de leurs benefices ceste servant pour la derniere sommation. [267]

            IX. Est enjoint a tous ecclesiastiques de se maintenir en habit convenable et d'avoir tousjours la tonsure et couronne clericale en teste, et la barbe coupee sur la levre superieure.

            X. Les tavernes et cabaretz sont interditz a tous ecclesiastiques es lieux de leur residence, sans aucune exception de quel pretexte que ce soit, mesme des appointemens et par tout ailleurs, sinon en cas d'evidente necessité, auquel ilz s'y comporteront en toute modestie et sobrieté.

            IX. Leur sont defenduz les jeux illicites en tous lieux, et les licites et autres passetems es places, carrefours, ruës, chemins et autres lieux publiqs. Comme aussi la chasse qui se fait a course de chiens et avec l'arquebuse, de laquelle le port leur est totalement inhibé; et de plus, toutes autres chasses qui se trouveront defendues aux laicez mesmes, selon la diversité des lieux.

            XII. Tous curés prendront lés saintes Huyles chaque annee des mains de ceux qui sont establis pour les leur distribuer, et les tiendront en des vases honnestes et non fragiles; et ceux qui les distribueront tiendront roolle de ceux qui les auront pris. [268]

            XIII. Nul ecclesiastique ne demandera, sous aucun pretexte quel qu'il soit, tant pieux et devot puisse il paroistre, aucun argent pour l'exhibition de la tressainte Communion, ni directement ni indirectement en quelque sorte que ce soit, sous peyne d'estre chastié exemplairement.

            XIV. Nul ne fera au prosne aucune publication des choses et negotiations seculieres et profanes, ains seulement de celles qui concernent le service [de Dieu] et des ames.

            XV. Les curés ne permettront cy apres aux dames et autres femmes de dresser leurs bancs dans les chœurs des eglises, et procureront de faire oster ceux qui par abus y auroyent esté mis; comme aussi que les chassis ou vitres de leurs eglises soyent entiers et fermés, notamment ceux qui respondent aux autelz, pendant qu'on y celebre la sainte Messe.

            XVI. Nul n'exorcisera dores-en-avant, s'il n'est specialement et de nouveau appreuvé. Et est defendu a tous exorcistes generalement de commander au malin qu'il aye a reveler les sorciers et sorcieres par leurs noms, ni aucune autre sorte de peché.

            XVII. Les foires et marchés sont defendus aux ecclesiastiques, sinon en cas de necessité, qui arrive peu souvent; et en ce cas, se comporteront selon leur qualité, non en marchans et negotiateurs. [269]

            XVIII. Est enjoint a tous ayans charge d'ames de tenir en bon estat les Registres des baptesmes, mariages et enterremens, et d'en rapporter a chaque Sinode des copies signees, dans Nostre greffe.

            XIX. Les curés feront publier au Prosne par troys divers Dimanches que les recteurs ou fondateurs des chappelles qui sont en leurs parroisses, ayent dans un moys apres la derniere publication, a comparoistre par devant nostre Vicaire general pour l'instruire du service et moyen d'entretenir lesdites chappelles; a faute dequoy elles seront rasees, et le revenu qui se trouvera, appliqué au maistre autel de la parroisse ou a quelqu'autre, selon qu'il sera plus convenable.

            XX. Les curés tiendront main a ce que les chappeliers rendent leur devoir, et les recevront aussi charitablement, leur communiquant les choses necessaires a la celebration des Messes, qu'ilz leur permettront de sonner a heure et en maniere competente.

            XXI. Les curés feront au plus tost venir par devant eux les sages femmes de leurs parroisses pour les examiner de la forme et matiere du Baptesme, et, si elles l'ignorent, la leur apprendront, a ce qu'en cas d'extreme necessité elles puissent baptizer, avec la matiere, la forme et l'intention requises.

            XXII. Est prohibé l'usage des parolles inconneues, caracteres [270] et signes superstitieux, aux prieres et adjurations qui se font contre la tempeste.

            XXIII. Toute autre façon de Prosne que celle qui a esté publiee par feu Monseigneur nostre predecesseur (que Dieu absolve) est entierement prohibee.

            XXIV. Comme aussi toute autre sorte de forme d'absolution que celle qui s'ensuit :

            Misereatur tui, [etc.] Indulgentiam, [etc.] [271]

 

ABSOLUTIO

 

            Dominus noster Jesus Christus, qui est sumtnus Pontifex, te absolvat; et ego authoritate ipsius, mihi licet indignissimo concessa, absolvo te in primis ab omni vinculo excommunicationis, in quantum possum et indiges; deinde, ego te absolvo ab omnibus peccatis tuis, in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen.

 

PRECES POST ABSOLUTIONEM

 

            Passio Domini nostri Jesu Christi, communio Beatae Maria semper Virginis et omnium Sanctorum, quidquid boni feceris, et mali patienter sustinueris, sit tibi in remissionem peccatorum tuorum, in augmentum graties et praemium, vitae aeternae. Amen.

            Il est en fin commandé a tous curés et vicayres d'avoir les presentes Constitutions et les affiger en leurs sacristies, ou autre lieu de leurs eglises ou ilz les puissent souvent voir et considerer, a la gloire de Dieu et salut du peuple.

            FRANÇOIS, Evesque de Geneve.

DECOMBA. [272]

 

III. Règlements pour l'enseignement du Catéchisme

 

[Octobre 1603]

 

1. Pour la ville d'Annecy (Fragment)

 

……………………………………………………………………………………………………..

            On establira deux garçons pour faire l'assemblee des enfans, dont l'un les ramassera dela les pontz et l'autre deça.

            L'un et l'autre portera une courte dalmatique bleue, avec le nom de JESUS peint devant et derriere, et porteront chacun une clochette par le son delaquelle se fera la convocation des enfans. [273]

            Il n'y aura que deux classes, l'une pour les petitz enfans et l'autre pour les plus avancés.

            Au commencement du Cathechisme on chantera quelques cantiques, en attendant l'heure de midy, et de rechef a la fin on en chantera un autre. [274]

            On commencera le Dimanche apres la feste du Cathechisme.

            Seront priés Messieurs du Conseil faire publier l'Edict fait par Son Altesse pour la Doctrine chrestienne.

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Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [275]

 

2. Pour les paroisses du diocèse

 

            On convoquera le peuple par le signe de la cloche, devant Vespres, de si bonne heure, que le Cathechisme puisse avoir deux heures, sur tout en tems d'esté.

            Le signe de la cloche estant donné, le Portier ouvrira l'eschole ou l'eglise, disposera les bancs et attendra a la porte ceux qui viendront; introduira les enfans et leur enseignera la façon de saluer, affin qu'ilz sçachent dire: Dieu nous donne sa paix, et former le signe de la Croix avec l'eau benite, comme aussi de reciter l'Orayson Dominicale et la Salutation Angelique; ou s'ilz ne sont pas capables, il taschera pour le moins qu'ilz fassent la genuflexion au tressaint Sacrement devant le grand autel. Apres cela, il les envoyera a leurs bancs.

            Le Prieur deputera quelques autres freres au secours du Portier, qui feront le mesme; et ce Prieur et les autres [276] officiers tascheront de se trouver de bonne heure a l'eschole, et auront soin que les enfans soyent enseignés et observent le silence.

            On enseignera autant de tems que le Prieur trouvera estre a propos, lequel prendra garde qu'un chacun fasse bien sa charge; et s'il n'est empesché de son office, assignera ceux qui devront disputer et respondre, choysissant tous-jours les mieux instruitz et plus capables.

            Le Sousprieur et Admoniteur prendront pareillement garde qu'il ne se fasse point de bruit, autrement ilz en feront signe tacitement au Silencier; c'est pourquoy ceux cy demeureront en divers endroitz de l'eschole, sinon que le Prieur conferast avec eux ce pendant que les autres enseignent.

            Apres que quelque tems aura ainsy esté employé, de sorte que les maistres ayent eu une entiere liberté d'enseigner (qui, pour l'ordinayre, auront quatre ou six enfans), le Prieur baillera le signe avec la clochette et, s'agenouillant, en fera faire autant aux autres; apres quoy il recitera l'orayson accoustumee d'estre faitte devant la dispute, et, ayant pris avec ses enfans la benediction du prestre (s'il y en a quelqu'un), il les fera monter en lieu eminent d'où ilz puissent estre veuz, les uns d'un costé et les autres de l'autre. Ces enfans ayant formé le signe de la Croix et prononcé les parolles hautement, reciteront la partie du Cathechisme qui leur aura esté assignée, ceux cy en interrogeant, ceux la en respondant. Il les fera quelquefois arrester et leur demandera ce qu'il voudra, affin de les rendre par ce moyen plus prudens et plus attentifz. Toutefois, qu'il prenne garde que la dispute se fasse des choses qui auront esté dittes; et pour ce, tous les enfans d'un mesme ordre et classe seront assis en un mesme lieu, affin que, sans perdre tems, il puisse demander a un chacun selon ce qui escherra. Et prenant occasion de ce qui aura esté recité, il fera un brief discours et abbregé, affin que tous puissent mieux imprimer ceste doctrine en leurs espritz; et s'il ne peut pas le faire, il en priera quelqu'un des maistres ou officiers.

            Quoy estant fait, on lira les petites Constitutions des [277] bonnes mœurs, que tous entendent; et en apres on fera l'orayson, selon qu'il aura esté ordonné.

            En fin (sinon qu'il fallust marquer les absens, ou corriger quelqu'un) il renvoyera ses enfans, les advertissant d'estre modestes, de se resouvenir des choses qui auront esté dittes et de revenir de bonne heure au premier jour de feste suyvant.

            Il baillera des recompenses a ceux qui auront esté diligens et modestes: comme de devotes images, chapeletz, medailles et autres choses semblables; car il fera, par ce moyen, qu'ilz se comporteront tousjours mieux. Le Chancelier marquera les absens au catalogue, ou, s'ilz sont malades, en fera le rapport au Prieur et aux autres officiers. Apres cela on entendra le sermon ou l'exhortation qui se fera par le prestre.

            Tous les moys une fois pour le moins, le Prieur envoyera quelqu'un des officiers ou maistres a la Congregation generale ou diocesaine, qui rapportera tout l'estat et les necessités de son eschole; comme pareillement toutes les escholes se visiteront les unes les autres par quelqu'un des leurs, affin qu'il se fasse une sincere et sainte communication de tous les fruitz et utilités spirituelles a la plus grande gloire de Dieu. [278]

 

IV. Avertissements aux confesseurs, 1603 ou 1604

 

Epitre dédicatoire

 

            Aux Reverens Curés et Confesseurs du diocese de Geneve, paix et dilection en Nostre Seigneur.

                        Mes tres chers Freres,

            L'office que vous exerces est excellent, puisque vous estes establis de la part de Dieu pour juger les ames avec tant d'authorité, que les sentences que vous prononces droittement en terre sont ratifiees au Ciel. Vos bouches sont les [279] canaux par lesquelz la paix coule du Ciel en terre sur les hommes de bonne volonté; vos voix sont les trompettes du grand JESUS, qui renversent les murailles de l'iniquité, qui est la mistique Hiericho.

            C'est un honneur extreme aux hommes d'estre eslevés a ceste dignité a laquelle les Anges mesme ne sont point appellés; car, auquel des ordres angeliques fut il onques dit: Receves le Saint Esprit; de ceux desquelz vous remettres les pechés, ilz seront remis? Cela neanmoins fut dit aux Apostres et, en leurs personnes, a tous ceux qui par succession legitime recevroyent la mesme authorité. Estans donques employés pour cest admirable office, vous y deves nuit et jour appliquer vostre soin, et moy une grande partie de mon attention.

            A ceste cause, ayant, il y a quelque tems, fait un amas de plusieurs remarques que j'estime propres pour vous ayder en cest exercice, j'en ay extrait ce petit Memorial que je vous presente, estimant qu'il vous sera bien utile. [280]

 

ADVERTISSEMENS AUX CONFESSEURS

 

Chapitre I. De la disposition du confesseur

 

            Ayes une grande netteté et pureté de conscience, puisque vous pretendes de nettoyer et purger celle des autres, affin que l'ancien proverbe ne vous serve de reproche: Medecin, gueris toy toy mesme; et le dire de l'Apostre: En ce que tu juges les autres, tu te condamnes toy mesme. Si donq estant appellé pour confesser vous vous trouvies en peché mortel (ce que Dieu ne veuille), vous devez premierement aller a confesse et recevoir l'absolution; ou, si vous ne pouves avoir ce bien, faute de confesseur, vous deves exciter en vous la sainte contrition.

            Ayes un ardent desir du salut des ames, et particulierement de celles qui se presentent a la Penitence, priant Dieu qu'il luy playse de cooperer a leur conversion et avancement spirituel.

            Souvenes vous que les pauvres penitens au commencement de leurs confessions vous nomment Pere, et qu'en effect vous deves avoir un cœur paternel en leur endroict, les recevant avec un extreme amour, supportant patiemment leur rusticité, ignorance, imbecillité, tardiveté et autres imperfections; ne vous lassant jamais de les ayder et secourir tandis qu'il y a quelque esperance d'amendement en eux, suyvant le dire de saint Bernard: La charge des Pasteurs n'est pas des ames fortes, mays des foibles et debiles, car les fortes font asses d'elles mesmes, mays il faut porter les foibles. Ainsy, quoy que l'enfant prodigue revinst tout nud, crasseux et puant d'entre les pourceaux, son bon pere neanmoins l'embrasse, le bayse amoureusement et pleure dessus luy parce qu'il estoit son pere, et que le cœur des peres est tendre sur celuy des enfans.

            Ayes la prudence d'un medecin, puysque aussi les pechés sont des maladies et blesseures spirituelles, et consideres [281] attentivement la disposition de vostre penitent pour le traitter selon icelle. Si donques, par exemple, vous le voyes travaillé de honte et de vergogne, donnes luy asseurance et confiance, luy remonstrant que vous n'estes pas ange, non plus que luy; que vous ne trouves pas estrange que les hommes pechent; que la confession et penitence rend infiniment plus honnorable l'homme que le peché ne l'avoit rendu blasmé; que Dieu premierement, ni les confesseurs n'estiment pas les hommes selon qu'ilz ont esté par le passé, mais selon ce qu'ilz sont a present; que les pechés, en la confession, sont ensevelis devant Dieu et le confesseur, en sorte que jamais ilz ne soyent rememorés.

            Si vous le voyes effronté et sans apprehension, faittes luy bien entendre que c'est devant Dieu qu'il se vient prosterner; qu'en ceste action il s'agit de son salut eternel; qu'a l'heure de la mort il ne rendra conte d'aucune chose si estroittement que des confessions qu'il aura mal faittes; qu'en l'absolution on employe le pris et le merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur.

            Si vous le voyes craintif, abbattu et en quelque desfiance d'obtenir le pardon de ses pechés, releves le en luy monstrant le grand playsir que Dieu prend en la penitence des grans pecheurs; que nostre misere estant plus grande, la misericorde de Dieu en est plus glorifiee; que Nostre Seigneur pria Dieu son Pere pour ceux qui le crucifioyent, pour nous faire connoistre que, quand nous l'aurions crucifié de nos propres mains, il nous pardonneroit fort librement; que Dieu fait tant d'estime de la penitence, que la moindre penitence du monde, pourveu qu'elle soit vraye, luy fait oublier toute sorte de peché, de façon que si les damnés et les diables mesmes la pouvoyent avoir, tous leurs pechés leur seroyent remis; que les plus grans Saintz ont esté grans pecheurs: saint Pierre, saint Matthieu, sainte Magdeleine, David, etc.; et en fin, que le plus grand tort qu'on peut faire a la bonté de Dieu et a la Mort et Passion de Jesus Christ, c'est de n'avoir pas confiance d'obtenir le pardon de nos iniquités, et que, par article de foy, nous sommes obligés de croire la remission des pechés, affin que nous ne doutions point de la recevoir lhors que nous [282] recourons au Sacrement que Nostre Seigneur a institué pour cest effect.

            Si vous le voyes en perplexité pour ne sçavoir pas bien dire ses pechés, ou pour n'avoir sceu examiner sa conscience, promettes luy vostre assistance, et l'asseures que, moyennant l'ayde de Dieu, vous ne laisseres pas pour cela de luy faire faire une bonne et sainte confession.

            Sur tout, soyes charitables et discretz envers tous les penitens, mays specialement envers les femmes, pour les ayder en la confession des pechés honteux.

            1. S'ilz s'accusent d'eux mesmes, quelques parolles deshonnestes qu'ilz prononcent, ne faittes nullement le delicat ni aucun semblant de les trouver estranges, jusques a ce que toute la confession soit achevee; et lhors, doucement et amiablement, vous leur enseigneres une façon plus honneste de s'exprimer en ces matieres la.

            2. Si en ces pechés honteux ilz embrouillent leur accusation d'excuses, de pretextes et d'histoires, ayes patience et ne les troubles nullement, jusques a ce qu'ilz ayent tout dit; et lhors vous commenceres a les interroger sur ce peché pour leur faire faire plus parfaittement et distinctement la declaration de leurs fautes, leur monstrant amiablement et faysant connoistre les superfluités, impertinences et imperfections qu'ilz avoyent commis en s'excusant, palliant et desguisant leur accusation, sans toutesfois les tancer en aucune façon.

            3. Si vous voyes qu'ilz ayent de la difficulté de s'accuser eux mesmes de ces pechés honteux, vous commenceres a les interroger des choses les plus legeres, comme d'avoir pris playsir d'ouyr parler de choses deshonnestes, d'en avoir eu des pensees; et ainsy, petit a petit, descendant de l'un a l'autre, a sçavoir, de l'ouye aux pensees et des pensees aux desirs, aux volontés, aux actions, a mesure qu'ilz se descouvriront, vous les ires encourageant a tousjours passer plus avant, leur disant parfois telles ou semblables paroles: Que vous estes heureux de vous bien confesser! croyes que Dieu vous fait une grande grace; je connois que le Saint Esprit vous touche au cœur pour vous faire faire une bonne confession. Ayes bon courage, mon enfant, dites hardiment [283] vos pechés et ne vous mettes nullement en peyne; vous aures tantost un grand contentement de vous estre bien confessé, et ne voudries pour chose du monde n'avoir si entierement deschargé vostre conscience. Ce vous sera une grande consolation a l'heure de la mort d'avoir fait ceste humble confession. Dieu benisse vostre cœur qui est si bien disposé a se bien accuser. — Et ainsy vous presseres tout bellement et doucement leurs ames a faire une parfaitte confession.

            4. Quand vous rencontreres des personnes qui, pour des enormes pechés, comme sont les sorcelleries, accointances diaboliques, bestialités, massacres et autres telles abominations, sont excessivement espouvantees et travailles en leurs consciences, vous deves par tous moyens les relever et consoler, les asseurant de la grande misericorde de Dieu, qui est infiniment plus grande pour leur pardonner que tous les pechés du monde pour les damner, et leur promettes de leur assister en tout ce qu'ilz auront besoin de vous pour le salut de leurs ames.

 

 

 

Chapitre II. De la disposition exterieure

 

            S'il y a aucun Sacrement en l'administration duquel il faille paroistre en gravité et majesté, c'est celuy de la Penitence, puisqu'en iceluy nous sommes juges deputés de la part de Dieu. Vous y seres donq en robbe et surplis, et l'estole au col et le bonnet en teste, assis en lieu apparent de l'eglise, avec une face amiable et grave, laquelle vous ne deves jamais changer par aucuns gestes ou signes exterieurs qui puissent tesmoigner de l'ennuy ni du chagrin, de peur de donner quelque occasion a ceux qui vous verront de soupçonner que le penitent vous die quelque chose de fascheux et execrable.

            Vous feres que vostre penitent tourne son visage a costé du vostre, en sorte qu'il ne vous voye pas, ni ne vous parle pas droit dans l'oreille, ains a costé d'icelle. [284]

 

 

 

Chapitre III. Des demandes qu'il faut faire au penitent avant qu'il s'accuse

 

            Le penitent estant arrivé, il faut avant toutes choses s'enquerir de luy quel est son estat et condition: c'est a dire, s'il est marié ou non, ecclesiastique ou non, Religieux ou seculier, advocat ou procureur, artisan ou laboureur; car, selon sa vacation, il faudra proceder diversement avec luy.

Il faut, apres cela, sçavoir s'il n'a pas intention de bien s'accuser de toutes ses fautes, sans rien celer a son escient; comme aussi de quitter et detester entierement le peché, et de faire ce qui luy sera enjoint pour son salut. Que s'il n'a pas ceste volonté, il faut s'arrester la et l'y disposer, si faire se peut; que s'il ne se peut faire, il le faut renvoyer, apres luy avoir fait entendre le dangereux et miserable estat auquel il est.

 

 

 

Chapitre IV. De quoy il faut que le penitent s'accuse

 

            C'est un abus intolerable que les pecheurs ne s'accusent de nul peché d'eux mesmes, sinon entant qu'on les interroge. Il leur faut donques apprendre a s'accuser premierement eux mesmes en ce qu'ilz pourront, et puys les ayder et secourir par les demandes et interrogations.

            Il ne suffit pas que le penitent accuse seulement le genre de ses pechés, comme seroit a dire, d'avoir esté homicide, luxurieux, larron; mais est requis qu'il nomme l'espece, comme par exemple: s'il a esté meurtrier de son pere ou de sa mere, car c'est une espece d'homicide different des autres et s'appelle parricide; s'il a tué dans l'eglise, car en cela il y a sacrilege; ou bien s'il a meurtry un ecclesiastique, car c'est un parricide spirituel et est excommunié. De mesme au peché de luxure: s'il a defleuré une vierge, car c'est un stupre; s'il a conneu une femme mariee, c'est adultere; et ainsy des autres pechés.

            Non seulement on doit s'enquerir de l'espece du peché, mais aussi du nombre d'iceux, affin que le penitent s'en [285] accuse, disant combien de fois il a commis tel peché, ou environ plus ou moins, au plus pres qu'il pourra selon sa souvenance, ou au moins disant combien de tems il a perseveré en son peché et s'il y est fort addonné; car il y a bien de la difference entre celuy qui n'aura blasphemé qu'une fois, et celuy qui aura blasphemé cent fois, ou qui en fait mestier.

            Il faut de plus examiner le penitent sur la diversité des degrés du peché. Par exemple, il y a bien de la difference entre se courroucer, injurier, frapper du poing, ou avec un baston, ou avec l'espee; qui sont divers degrés du peché de cholere. Item, il y a bien a dire entre le regard charnel, l'attouchement deshonneste et la conjonction charnelle; qui sont divers degrés d'un mesme peché. Il est vray que celuy qui a confessé une action mauvaise n'a besoin de confesser les autres qui sont necessairement requises pour faire celle la: ainsy, celuy qui s'est accusé d'avoir violé une fille une seule fois, il n'est pas obligé de dire les baysers et attouchemens qu'il a faitz parmi cela et a ceste occasion; car cela s'entend asses sans qu'on le die, et l'accusation de telles choses est comprinse en la confession de l'action finale du peché.

            J'en dis de mesme des pechés desquelz la malice se peut redoubler et multiplier en une seule action: par exemple, celuy qui desrobbe un escu fait un peché; celuy qui en desrobbe deux ne fait aussi qu'un peché, et tout de mesme espece, mais toutesfois la malice de ce second peché est double au pris du premier. De mesme, il se peut faire qu'avec un mauvais exemple on scandalizera une seule personne, et avec un autre mauvais exemple de mesme espece on [en] scandalizera trente ou quarante, et n'y a point de proportion entre l'un et l'autre peché; c'est pourquoy il faut particulariser, tant qu'il se peut bonnement faire, la quantité de ce qu'on a desrobbé, des gens qu'on a scandalizés par une seule action; et ainsy consecutivement des autres pechés, desquelz la malice croist et decroist selon la quantité de l'object et de la matiere.

            Encor faut il penetrer plus avant et examiner le penitent touchant les desirs et volontés purement interieures, comme [286] seroit s'il a desiré ou voulu faire quelque vengeance, deshonnesteté ou semblable chose, car ces mauvaises affections sont pechés.

            Il faut passer plus outre, et esplucher les mauvaises pensees, encor qu'elles n'ayent esté suivies de desir et de la volonté. Par exemple: celuy qui prend playsir a penser en soy mesme a la mort, ruine et desastre de son ennemy, encor qu'il ne desire point telz effectz, neanmoins, s'il a volontairement et a son escient pris delectation et res-jouissance en telles imaginations et pensees, il a peché contre la charité et doit s'en accuser rigoureusement. C'est tout de mesme de celuy qui, volontairement, pour prendre playsir, s'amuse et prend contentement aux pensees et imaginations des voluptés charnelles; car il peche interieurement contre la chasteté, dont il se doit confesser, d'autant qu'encores qu'il n'a pas voulu appliquer son cors au peché, il a neanmoins appliqué son cœur et son ame. Or, le peché consiste plus a l'application du cœur qu'a celle du cors, et n'est nullement loysible de prendre a son escient playsir et contentement au peché, ni par les actions du cors, ni par celles du cœur. J'ay dit, a son escient, d'autant que les mauvaises pensees qui nous arrivent contre nostre gré ou sans que nous y prenions entierement garde ne sont nullement peché, ou ne sont pas peché mortel.

            Outre tout cela, encor faut il que le penitent s'accuse des pechés d'autruy, a l'exemple de David; car si par mauvais exemple ou autrement il a provoqué quelqu'un a peché, il en est coulpable, et cela s'appelle proprement scandale. Au contraire, il faut empescher le penitent de ne point nommer ni donner a connoistre ses complices au peché, tant que faire se pourra.

 

 

 

Chapitre V. Du soin que doit avoir le confesseur de ne point absoudre ceux qui ne sont point capables de la grace de Dieu

 

            Le confesseur, apres cela, doit connoistre si le penitent est capable de recevoir l'absolution, laquelle ne doit estre conferee a certaines sortes de personnes desquelles je vous proposeray [287] quelques exemples qui vous serviront de lumiere pour tout le reste.

            1. Ceux qui sont en excommunication majeure, le confesseur ne les en peut absoudre sans l'authorité du Superieur, sinon qu'elle ne fust point reservee par iceluy.

            2 .Item, ceux qui ont quelque peché reservé au Pape ou a l'Evesque ne peuvent estre absous sans leur authorité; il les faut donq renvoyer a ceux qui ont le pouvoir, ou bien les faire attendre jusques a ce qu'on l'ayt obtenu, si cela se peut aysement.

            3. Item, les faussaires, faux tesmoins, larrons, usuriers, usurpateurs et detenteurs des biens, tiltres, droitz et honneurs d'autruy, et de mesme les detenteurs des legatz pieux, aumosnes, primices, decimes, plaideurs iniques, calomniateurs, detracteurs, et generalement tous ceux qui tiennent tort au prochain ne peuvent estre absous s'ilz ne font reparation du tort et dommage en la meilleure façon que faire se pourra, ou au moins qu'ilz ne promettent de satisfaire par effect.

            4. Item, les mariés qui vivent en dissension l'un sans l'autre, ou qui ne veulent se rendre les devoirs de mariage, ne doivent estre absous pendant qu'ilz perseverent en ceste mauvaise volonté.

            5. Les ecclesiastiques mal pourveuz de leurs benefices, ou qui en ont des incompatibles sans legitime dispense, ou qui ne resident pas sans suffisante excuse, ou qui font mestier de ne point dire l'Office et ne se vestir ecclesiastiquement; tous ceux la ne doivent estre absous qu'ilz ne promettent d'y mettre ordre et corriger tous ces defautz.

            6. Item, les concubinaires, adulteres, ivroignes ne doivent estre absous s'ilz ne tesmoignent un ferme propos non seulement de laisser leurs pechés, mays aussi de quitter les occasions d'iceux: comme sont, aux concubinaires et adulteres, leurs garces, lesquelles ilz doivent esloigner d'eux; aux ivroignes, les tavernes; aux blasphemateurs, les jeux: ce qui s'entend de ceux qui font coustume de telz pechés.

            7. En fin, les querelleux qui ont des rancunes et inimitiés, ne peuvent recevoir l'absolution s'ilz ne veulent de leur costé pardonner et se reconcilier avec leurs ennemis. [288]

 

 

 

Chapitre VI. Comme on doit imposer les restitutions ou reparations du bien et honneur d'autruy

 

            Apres donq que le confesseur a bien reconneu l'estat de la conscience du penitent, il doit disposer et ordonner ce qu'il voit estre necessaire pour le rendre capable de la grace de Dieu, tant en ce qui concerne la restitution des biens d'autruy et la reparation des tortz et injures qu'il a faittes, comme aussi en ce qui regarde l'amendement de sa vie et fuite ou esloignement des occasions de mal faire.

            Et pour le regard des reparations et restitutions que l'on doit faire au prochain, il faut trouver moyen, s'il est possible, de les faire secrettement, sans que le penitent puisse estre diffamé. Et par ainsy, si c'est un larcin, il le faut faire rendre, ou chose equivalente, par quelque personne discrette qui ne nomme ni decele en aucune façon le restituant; si c'est une fause accusation ou imposture, il faut procurer dextrement que le penitent donne, sans en faire semblant, contraire impression a ceux devant lesquelz il avoit commis la faute, disant le contraire de ce qu'il avoit dit, sans faire semblant d'autre chose. Mais quant aux usures, faux proces et autres semblables embrouillemens de conscience, il est besoin d'en ordonner les reparations avec une exquise prudence, de laquelle si le confesseur ne se trouve pas prouveu suffisamment, il doit doucement demander au penitent quelque loysir pour y penser; puys, s'addresser aux plus doctes, comme sont les deputés des quartiers, lesquelz, si le cas le merite, prendront Nostre advis, ou de nostre Vicaire general. Mays sur toute chose, il faut prendre garde que ceux desquelz on prend le conseil ne puissent en façon quelconque connoistre ou deviner le penitent, si ce n'est par son congé tres expres; encor ne le faut il faire avec son congé, si ce n'est par une grande necessité et qu'il en prie le confesseur hors et apres la confession. [289]

 

 

 

Chapitre VII. Des cas reservés et de la confession de ceux qui sont en evident peril et article de mort

 

            Or, les cas reservés a Sa Sainteté sont en asses grand nombre, mais neanmoins la pluspart sont telz qu'ilz n'adviennent presque point deça les monts; et quant a ceux qui peuvent arriver, ilz ne sont pas de grand nombre. Il y en a cinq hors la Bulle In Cœna Domini:

            1. Tuer ou frapper griefvement une personne ecclesiastique, par malice et volontairement. J'ay dit griefvement, parce que, quand le coup est leger et le mal de peu d'importance [290], il peut estre absous par l'Evesque, sinon que le coup, quoy que leger de soy mesme, fust grandement scandaleux: comme par exemple, estant donné a un prestre faisant l'Office, ou en un lieu et compaignie de grand respect et considerable.

            2 .La simonie et confidence reelle.

            3. Le peché du duel en ceux qui appellent provoquement et font le combat.

            4. Les violateurs de la closture de monasteres des Religieuses enfermees, quand telle violation se fait a mauvaise fin.

            5. La violation des immunités de l'Eglise, lequel cas cinquiesme estant difficile a discerner et n'arrivant gueres souvent, et tousjours par des actions publiques, ne se decide presque point en confession qu'il n'ayt esté decidé hors d'icelle par les Evesques ou leurs Vicayres.

            Les cas de la Bulle Cœna Domini qui peuvent arriver, sont aussi peu en nombre:

            1. L'heresie, le schisme, avoir et lire les livres heretiques, la falsification des Bulles et Lettres Apostoliques.

            2. La violation des libertés et privileges de l'Eglise, biens et personnes ecclesiastiques, qui se fait volontairement; l'usurpation des biens des ecclesiastiques entant qu'ecclesiastiques. [291]

            Les cas que Nous nous sommes reservés sont peu en nombre:

            1. Quant au premier commandement, Nous avons reservé la sorcellerie et les charmes ou nouëment d'esguillettes qui se font contre l'effect du mariage.

            2. Quant au quatriesme, Nous avons reservé le parricide, qui se fait tuant ou battant pere, mere, beaupere, bellemere.

            3. Quant au cinquiesme commandement, Nous avons reservé le meurtre effectué volontairement.

            4. Quant au sixiesme, Nous avons reservé la bestialité et sodomie, l'inceste au premier et second degré, et le sacrilege qui se commet avec les Nonains et Religieuses, violence et forcement de filles et de femmes.

            5. Quant au septiesme commandement, Nous avons reservé le bruslement volontairement fait des maysons d'autruy, le pillement et larcin es choses sacrees.

            Or, pour tous ces cas reservés, vous deves observer deux regles:

            1. C'est de consoler les penitens qui les auront commis et ne point les desesperer, ains les renvoyer doucement a ceux ausquelz Nous avons donné le pouvoir, que Nous avons mis en grand nombre en tous les endroitz du diocese; car encores qu'ilz ne puissent pas absoudre des cas reservés au Pape, si est ce neanmoins qu'ilz leur donneront tousjours addresse pour obtenir l'absolution.

            2. En cas d'extreme necessité et en l'article de la mort, tous prestres, encores qu'ilz ne soyent point admis, de quelle sorte ou qualité qu'ilz soyent, peuvent et doivent absoudre de tous pechés generalement. Mesme celuy qui estant malade a demandé le confesseur, si apres cela il perd la parole et ne peut donner aucun signe, il doit estre absous sur le simple desir qu'il a eu de se confesser. Et de plus, on doit absoudre celuy lequel, bien qu'il n'aye pas [292] demandé le prestre, le voyant neanmoins et l'escoutant, donne signe de vouloir l'absolution.

 

 

 

Chapitre VIII. Comment il faut imposer les penitences et des conseilz qu'on doit donner aux penitens

 

            Le confesseur doit imposer la penitence avec des parolles douces et consolatoires, sur tout quand il voit le pecheur bien repentant, et luy doit tousjours demander s'il le fera pas volontier ; car en cas qu'il le vid en peyne, il feroit mieux de luy en donner une autre plus aysee, estant beaucoup meilleur, pour l'ordinaire, de traitter les penitens avec amour et benignité (sans toutesfois les flatter dans leurs pechés) que non pas de les traitter asprement. Et neanmoins, il ne faut pas oublier de faire connoistre au penitent que, selon la gravité de ses pechés, il meriteroit une plus forte penitence, affin qu'il face ce qu'on luy enjoint plus humblement et devotement.

            Les penitences ne doivent point estre embrouillees et meslangees de diverses sortes de prieres et oraysons: comme par exemple, de dire trois. Pater, une hymne, les oraysons des Collectes, d'antiennes, de Psaumes: ni ne doit pas estre donnee en varieté d'actions: comme par exemple, de donner troys jours l'aumosne, de jeusner troys vendredis, de faire dire une Messe, de se discipliner cinq foys. Car il arrive deux inconveniens de cest amas d'actions ou d'oraysons: l'un, que le penitent s'en oublie, et plus, demeure en scrupule; l'autre, c'est qu'il pense plus a ce qu'il a a dire ou a faire que non pas a ce qu'il dit ou qu'il fait, et ce pendant qu'il va cherchant en sa memoire ce qu'il doit faire, ou dedans ses Heures ce qu'il doit dire, la devotion se refroidit. Il est donques mieux d'enjoindre des prieres tout d'une mesme sorte, comme tout des Pater, ou tout des Psaumes qui soyent de suitte et qu'il ne faille pas aller chercher ça et la les uns apres les autres. Et mesme il sera bon de donner quelques unes de ces choses en penitence: comme, de lire un tel ou tel livre qu'on juge propre pour ayder le penitent, de se confesser tous les moys un an durant [293], de se mettre d'une Confrerie, et semblables actions lesquelles ne servent pas seulement de punition pour les pechés passés, mais de preservatif contre les pechés futurs.

            Et pour le regard des conseilz que le confesseur doit donner au penitent en general, voyci les plus utiles a toutes sortes de personnes: se confesser et communier tres souvent et de choysir un bon confesseur ordinaire; hanter les sermons et predications; avoir et lire des bons livres de devotion, comme entre autres ceux de Grenade; fuir les mauvaises compaignies et suivre les bonnes; prier Dieu bien souvent; faire l'examen de conscience le soir; penser a la mort, au jugement, au Paradis, a l'enfer; avoir et bayser souvent de saintes images, comme de Crucifix et autres.

 

 

 

Chapitre IX. Comme il faut donner l'Absolution

 

            Cela fait, avant que de donner la sainte absolution, vous demanderes au penitent s'il ne requiert pas humblement que ses pechés luy soyent remis, s'il n'attend pas ceste grace du merite de la Mort et Passion de Nostre Seigneur, s'il n'a pas volonté de vivre des-ormais en la crainte et obeissance de Dieu.

            Apres cela, vous luy pouves faire sçavoir que la sentence de son absolution que vous prononceres en terre, sera advoüee et ratifiee au Ciel; que les Anges et les Saintz de Paradis se resjouiront de le voir revenu en la grace de Dieu; et que partant il vive des-ormais en sorte qu'a l'heure de la mort il puisse jouïr du fruict de ceste confession, et puisqu'il a lavé sa conscience au sang de l'Aigneau immaculé, JESUS CHRIST, il prenne garde de ne la plus souiller. [294]

            Telles ou semblables parolles de consolation estans dittes, vous osteres le bonnet pour dire les prieres qui precedent l'absolution. Et ayant proferé ces parolles: Dominus noster Jesus Christus, vous vous couvrires et estendres la main droitte vers la teste du penitent, poursuivant l'absolution ainsy qu'elle est mise au Rituel.

            Il est vray, comme le dit le docteur Emmanuel Sa, «es confessions de ceux qui se confessent souvent» on peut retrancher toutes lés prieres qu'on fait devant et apres l'absolution, «disant simplement: Ego te absolvo ab omnibus peccatis tuis. In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti.» On en doit dire de mesme quand il y a multitude de penitens et que le tems est court, car on peut prudemment abbreger l'absolution, ne disant sinon: Dominus noster Jesus Christus te absolvat, et ego authoritate ipsius absolvo te ab omnibus peccatis tuis, in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen.

            Comme aussi quand il y a presse de penitens qui se confessent souvent, on peut les advertir qu'ilz dient le Confiteor a part eux, avant que de se presenter au confesseur, affin qu'immediatement estans arrivés devant luy et fait le signe de la Croix, ilz commencent a s'accuser; car ainsy il ne se fait nulle obmission et l'on gaigne beaucoup de tems.

            Le Pere Valere Reginald, de la Compaignie de Jesus, lecteur en Theologie a Dole, a nouvellement mis en lumiere [295] un livre de la Prudence des Confesseurs, qui sera grandement utile a ceux qui le liront.

            Voyla, mes chers Freres, 25 articles que j'ay jugés dignes de vous estre proposés, pendant que, distrait a plusieurs autres occupations, je n'ay sceu ni les mieux ageancer, ni mettre en escrit le reste. Recommandes tousjours mon [296] ame a la misericorde de Dieu, comme, de mon costé, je vous desire sa sainte benediction.

V. Fragment de conseils aux confesseurs [1603 ou 1604?]

 

            Prenes garde sur tout de ne pas user de parolles trop rudes a l'endroit des penitens; car nous sommes quelques-fois si austeres en nos corrections que nous nous monstrons en effect plus blasmables que ceux que nous reprenons ne sont coulpables. Dieu ne veut pas cela; il se plaint que nos humeurs trop severes rendent ses autelz desertz et ses sacrifices sans victimes: Parce que vous commandes, dit nostre Seigneur parlant a nous autres prestres, dans un pouvoir si absolu, mes pauvres brebis s'en sont fuyes de crainte.

            Jesus Christ nostre Maistre n'eust jamais destiné les hommes pour estre confesseurs s'ilz n'eussent esté pecheurs. Or, les confesseurs estans eux mesmes pecheurs, ilz sont obligés d'estre humbles, debonnaires, et de se ravaler avec les pauvres penitens par une douce condescendance. Cependant, c'est ce que la pluspart des peres spirituelz ne sçavent point faire, et je m'en estonne, car la pierre de touche [297] d'un parfait confesseur c'est qu'il soit pitoyable au vice d'autruy et implacable au sien propre. La veritable pieté, dit saint Hierosme, a tousjours de la compassion, et la fause n'a que de la barbarie.

            En la Loy de grace il n'y a que douceur. La cholere de Nostre Seigneur est semblable aux pluyes de l'esté qui ne font que toucher la terre. Le Filz de Dieu est une paste de misericorde, et expres il s'est fait homme pour se joindre a une humeur misericordieuse; pour cela, sa divine ame s'est unie a son humanité pour endurer, et elle a esté attachee a son cors affin de compatir avec douceur a ses creatures et se faire semblable a ses freres. Je n'entens pas cette compassion qui pose un oreiller au vice et un carreau pour mettre le peché a son ayse; non, j'entens seulement que nous nous accommodions a la portee de chascun, donnant quelque chose, non pas a la malice, mais a l'infirmité. Les espritz ne veulent pas estre rudoyés, mais ramenés doucement; tel est le naturel de l'homme. Il faut une dexterité toute sainte pour cette conduitte; la conscience doit estre nostre guide en ces rencontres.

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Ordonnances Synodales

 

5 mai 1604

 

            (Pour les Ordonnances faites aux Synodes de 1604, 1606-1612, 1614-1616, nous n'avons que les sommaires insérés par le greffier épiscopal dans les Registres de l'ancien Evêché de Genève. On y trouve la pensée de saint François de Sales et les mesures prises par lui pour le bon gouvernement de son diocèse, mais exprimées dans un style qui, souvent, n'est pas de lui; pour cette raison, nous croyons devoir renvoyer ces documents à l'Appendice I.) [298]

 

 

 

VI. Avis aux confesseurs et directeurs pour discerner les opérations de l'Esprit de Dieu et celles du malin esprit dans les ames [Après 1604]

 

            Mes Freres, si Dieu vous a destinés a la conduitte des ames, vous deves continuellement luy demander ses lumieres pour bien connoistre les veritables operations de son Esprit. Si donques vous aves la direction de quelques personnes favorisees de ses dons extraordinaires et relevés, prenes garde:

            Premieremént, si elles se portent plus au sens le moins receu de l'Escriture qu'a celuy qui, pour estre le plus commun, est le moins dangereux, parée que l'Escriture Sainte est la regle des conduittes de Dieu sur les ames.

            2. C'est encor un effect de l'Esprit de Dieu, de jetter une grande crainte avec une extreme confiance en ceux qu'il cherit: l'une vient de la connoissance de nostre infirmité, et l'autre descoule du saint amour. Le diable, au contraire, porte a des hautes pensees et a des sentimens bien relevés de vertu et d'une bonne vie, persuadant de se reposer en sa propre suffisance et en ses bonnes œuvres.

            3. Mays la pierre de touche pour esprouver le bon d'avec le mauvais esprit et faire la difference de celuy qui commence d'avec l'autre qui est bien avancé, c'est d'estre prompt a souffrir: car le mauvais devient pire par les afflictions, et murmure contre la providence de Dieu; celuy qui commence se fasche d'endurer, et puys il a regret de s'estre laissé saisir a l'impatience. Celuy qui avance traisne [299] d'abord un peu sa croix; toutesfois, quand il regarde son Sauveur et son Maistre portant la sienne au Calvaire, il la releve, il prend courage, il se resout a la patience et a benir Dieu. Le parfait, qui est un oyseau plus rare en ce siecle que le phœnix en l'Arabie, non seulement attend les affrontz, les persecutions et les calomnies, mais mesme va au devant sans temerité, et y court comme au festin des noces, jugeant encor qu'il est indigne d'avoir des livrees qui le font prendre pour un serviteur de la mayson de Dieu.

            4. C'est encor une marque de l'Esprit de Dieu, d'estre doux et misericordieux a son prochain, lhors mesme qu'il est plus proche de tomber sous la rigueur de sa justice, de peur de l'ensevelir sous ses ruynes. C'est aussi le signe d'un esprit trompé du diable en ses devotions ou en sa conduitte, lhors que, sous certain zele, il fait l'exact juge de tout, et veut tout chastier, sans user de pitié et sans aucune clemence.

            5. Ne pas quitter l'exercice des vertus pour les difficultés qui s'y rencontrent, est encor le signe d'une ame dont le sacrifice est aggreable a Dieu; parce que cette Bonté infinie ne presente point d'espees flamboyantes pour empescher l'entree de son Paradis a ceux qui le cherchent purement, et bien qu'il permette que ses esleuz soyent dans les rigueurs, dans les souffrances et dans les croix, il les remplit de tant de grace, de force et de douceur, qu'ils s'estiment tres heureux et advantagés de patir pour l'amour de luy. Le diable, au contraire, leur fait voir une vengeance effroyable en Dieu, pour punir leurs moindres defautz; il leur represente une cholere et une rigueur extreme en Celuy qui ne peut entendre crier la moindre de ses creatures sans luy donner du secours, et qui se rend a la premiere larme qui sort d'un cœur veritablement contrit. Mais prenes garde a la ruse de nostre ennemy: avant que de les avoir portés au peché, il leur represente Dieu sans mains et sans foudre; et quand il les a renversés par terre, il le fait venir en leur imagination environné d'esclairs et de flammes, et tout couvert de feu pour les reduire en cendre.

            6. Examines encor si ces personnes se perdent en leur propre estime en relevant leurs graces et leurs propres dons, [300] et lesquelz au contraire traittent avec mespris ou tiennent pour suspectes les faveurs que Dieu depart aux autres; car la marque la plus asseuree de la sainteté c'est quand elle est fondee sur une vraye et profonde humilité et une ardente charité. Les operations surnaturelles, dit saint Bernard, se peuvent aussi bien faire par les personnes hypocrites que par les Saintz; les humbles de cœur en font reconnoistre la solidité et la verité.

            7. Et pour ce qui regarde les personnes trompees, Dieu mesme, si vous les en croyes, leur sert de garant et de couverture. Mays observes leurs parolles spirituelles, et en matiere de ces expressions extraordinaires, soyes bien sur vos gardes. Par exemple, quand elles disent: Je suis asseuree de ce que Dieu veut de moy; il vous advertit par ma bouche de ce qui est necessaire a vostre salut et a vostre conduitte, faites cela par mon advis, j'en respons devant Dieu; et semblables paroles qui marquent un grand esclarcissement des choses interieures et une conversation dans les Cieux: juges avec discretion si leurs actions sont conformes a ces hautes lumieres.

            8. Voyes aussi si le rapport que l'on fait a ces personnes de l'infirmité d'autruy leur donne plus de mouvement d'indignation et d'horreur que de compassion et de pitié de leur misere; parce que c'est un faux zele de s'escrier contre le vice de son frere, d'en descouvrir les defautz sans necessité et contre la charité. Telles personnes, d'ordinaire, pensent faire admirer leur vertu en publiant les fautes du prochain.

            9. De plus, examines si, lhors qu'on parle de Dieu, ces personnes s'esgarent en des termes affectés, voulant faire voir que leur feu ne peut demeurer sous la cendre et que, par ceste estincelle, on pourra descouvrir les brasiers qui sont en leur interieur.

            10. Si vous voules probablement juger si ces ames ont de vrays sentimens de Dieu et si les graces qu'elles disent recevoir de sa Bonté sont veritables, voyes si elles ne sont point attachees a leur propre jugement et a leur propre volonté, et a ces mesmes faveurs; mais au contraire, si elles [301] leur donnent du soupçon et les laissent irresolues jusques a tant que, par l'advis de leurs directeurs et de plusieurs personnes pieuses, doctes et experimentees, elles soyent confirmees en la creance de ce qu'elles doivent estimer de tout cela: car le Saint Esprit cherit sur toutes choses les ames humbles et obeyssantes; il se plaist merveilleusement a la condescendance et a la sousmission, comme estant Prince de paix et de concorde. Au contraire, l'esprit de superbe donne de l'asseurance, et rend ceux qu'il veut tromper fiers, opiniastres et fort resoluz, et leur fait tellement aymer leur mal, qu'ilz ne craignent rien a l'esgal de leur guerison, leur persuadant que ceux qui leur parlent portent plus d'envie a leur bonheur que d'affection a leur salut. Tel est le genie des novateurs.

            11. En fin, pour conclure tout ce discours, voyes si ces personnes sont simples et veritables en leurs parolles et en leurs actions; si elles ne recherchent point de produire leurs graces sans qu'il soit necessaire; si elles desirent ce qui esclate a l'exterieur.

            12. C'est, tout au contraire, un effect de l'heureuse conduite du Pere des lumieres d'inspirer par des sentimens interieurs, se couler doucement dans l'ame et y descendre comme la pluye sur la toison. Saint Jean Chrisostome dit qu'a la verité Dieu fit entendre aux Hebreux ses commandemens avec de grans effroys et plusieurs bruitz de tonnerres, mays il le failloit pour espouvanter des gens qui ne se fussent pas rendus a composition que par crainte; et que, d'autre part, nostre Seigneur vint doucement a ses Apostres, qui estoyent plus dociles et moins ignorans des misteres divins. Il est vray qu'il y eut quelque son et un petit bruit; mays Dieu le permit a cause des Juifz, et pour des raysons marquees en l'Escriture Sainte. [302]

 

 

 

VII. Exhortation aux ecclésiastiques pour qu'ils s'appliquent a l'étude [1603-1605?]

 

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            Ceux d'entre vous qui s'employent a des occupations qui leur empeschent l'estude font comme ceux qui veulent manger des viandes legeres, contre le naturel de leur estomach grossier, et de la vient qu'il defaille peu a peu. Je vous puis dire avec verité qu'il n'y a pas grande difference entre l'ignorance et la malice; quoy que l'ignorance soit plus a craindre, si vous consideres qu'elle n'offence pas seulement soy mesme, mais passe jusques au mespris de l'estat ecclesiastique.

            Pour cela, mes tres chers Freres, je vous conjure de vaquer serieusement a l'estude, car la science, a un prestre, c'est le huitiesme Sacrement de la hierarchie de l'Eglise, [303] et son plus grand malheur est arrivé de ce que l'Arche s'est trouvee en d'autres mains que celles des Levites. C'est par la que nostre miserable Geneve nous a surpris, lhors que, s'appercevant de nostre oysiveté, que nous n'estions pas sur nos gardes et que nous nous contentions de dire simplement nostre Breviaire, sans penser de nous rendre plus sçavans, ilz tromperent la simplicité de nos peres et de ceux qui nous ont precedés, leur faisant croire que jusqu'alhors on n'avoit rien entendu a l'Escriture Sainte: ainsy, tandis que nous dormions, l'homme ennemy sema l'ivraye dans le champ de l'Eglise, et fit glisser l'erreur qui nous a divisés et mis le feu par toute ceste contree; feu duquel vous et moy eussions esté consumés avec beaucoup d'autres, si la bonté de nostre Dieu n'eust misericordieusement suscité ces puissans espritz, je veux dire les Reverens Peres Jesuites, qui s'opposerent aux heretiques et nous font en nostre siecle glorieusement chanter: Misericordiae Domini quia non sumus consumpti. Ces grans hommes, en la seule vertu de Celuy duquel ilz portent le nom, commencerent fortement a diviser ce parti, a l'heure mesme que Calvin pensa separer la realité dedans le Testament que Dieu nous a laissé. Pour cela, pressés des heretiques, mays plus sensiblement oppressés de ceux qui ne sont nos freres qu'en apparence, ilz souffrirent et souffrent encor des persecutions qui sont toutes venues de Geneve; mays leur courage infatigable, leur zele sans apprehension, leur charité, leur profonde doctrine et l'exemple de leur sainte et religieuse vie, les a, par revelation de leur saint Fondateur, asseurés que ces violences dureroyent un siecle, apres lequel ilz seroyent triomphans de l'erreur et des heretiques. Aussi voyons nous des-ja qu'on cesse d'oppresser leur innocence a mesure que deschet la secte [304] des calvinistes; ainsy se va diminuant la hayne populaire que les heresiarques avoyent jetté dans l'esprit du vulgaire contre eux. Ce sont des austruches qui digerent le fer des calomnies en la mesme façon qu'ilz devorent les livres par leurs continuelles estudes; qui ont, en supportant une infinité d'injures et d'outrages, estably et affermy nostre creance et tous les sacrés misteres de nostre foy; et encor aujourd'huy, par leurs grandissimes travaux, remplissent le monde d'hommes doctes qui destruisent l'heresie de toutes partz.

            Et puysque la divine Providence, sans avoir esgard a mon incapacité, m'a ordonné vostre Evesque, je vous exhorte a estudier tout de bon, affin qu'estans doctes et de bonne vie, vous soyes irreprochables, et prestz a respondre a tous ceux qui vous interrogeront des choses de la foy.

 

 

 

VIII. Constitutions synodales

 

20 avril 1605

 

            La negligence que la pluspart des ecclesiastiques sousmis a Nostre charge a monstré a l'observation de nos premieres Ordonnances, et la necessité que Nous avons conneu estre au commencement de Nostre Visite generale, affin [305] d'obvier aux contentions et disputes qui pourroyent arriver entre les curés et les parroissiens, Nous ont poussé a faire ces Constitutions.

            Premierement, Nous avons ordonné que les Constitutions par Nous faittes au Sinode du second octobre l'an mil six cens et trois seront derechef publiees, mesme en ce qui est des tavernes et cabaretz, sous quelque pretexte que ce soit, pour estre observees avec les presentes.

            Que tous possedans des benefices ayant charge d'ames, ayent a resider en personne dans six semaines, a peyne d'excommunication, s'ilz ne sont deuement dispensés; dequoy ilz seront tenus de faire apparoir par devant Nous ou par devant nostre Vicayre general dans le mesme tems. Et affin que les possesseurs de ces benefices ne pretendent cause d'ignorance, il est enjoint a leurs vicayres de les en advertir et leur notifier la presente Ordonnance, de bouche ou par escrit, et de rapporter dans le moys a nostre Vicayre general un acte par lequel il apparoisse de leur diligence; a peyne, contre chaque defaillant, de cinquante livres.

            Il est inhibé a tous ecclesiastiques de n'exorcizer par cy apres, sinon qu'ilz soyent de nouveau admis par Nous ou par nostre Vicayre, et l'admission sera donnee par escrit a ceux qui seront treuvés capables d'exercer telle charge; ausquelz Nous defendons, a peyne d'excommunication, [306] d'exorcizer sinon dans les eglises, et de tenir les possedés dans leurs maysons, sur tout les femmes et filles, et de faire des voyages et pelerinages avec elles; a peyne de vingt cinq livres, et autre arbitraire.

            Il ne sera loysible a aucuns Religieux, de quel Ordre qu'ilz soyent, de prescher riere Nostre diocese s'ilz n'ont la permission par escrit, de Nous ou de nostre Vicayre; laquelle ilz seront tenus de monstrer aux curés des lieux ou ilz voudront prescher, et de les en advertir avant qu'ilz commencent leurs Grandes Messes, affin qu'ilz ayent loysir d'en advertir les parroissiens pour y assister.

            Tous les parroissiens seront tenus de se confesser a Pasques vers leurs curés, ou autres qui auront pouvoir d'ouyr les confessions; et pour la sainte Communion, seront tenus de la prendre en leur parroisse, de la main de leurs curés ou autres par eux deputés. Que s'il s'en treuvoit quelques uns qui ne voulussent pas se communier de la main de leurs curés, ilz seront tenus de les en advertir et de leur demander licence d'aller ailleurs, laquelle leur sera donnee par le curé sans s'informer autrement de l'occasion; et les mesmes parroissiens rapporteront attestation, dans huit jours apres Pasques, du prestre qui les aura communiés, a peyne d'estre tenus pour heretiques.

            Pour ce qui est de ceux qui frequentent parmi les terres des heretiques, voysins de Nostre diocese, ou bien qui sont contraintz d'y demeurer pour gaigner leur vie, Nous avons donné pouvoir a tous curés et autres qui ont permission de confesser, de les ouyr en confession, et absoudre de n'avoir pas celebré les festes commandees par nostre Mere la sainte Eglise, de n'avoir pas jeusné les jours de Veille, de [307] Quatre Tems et de Caresme; comme aussi d'avoir mangé de chair ces mesmes jours, excepté les vendredis et samedis; et pareillement, d'avoir esté aux presches des ministres, pourveu qu'ilz n'ayent pas pris la Cene.

            Pour eviter plusieurs differens et disputes qui arrivent entre les curés et les parroissiens de Nostre diocese a l'occasion du linceul qui se met sur les deffunctz les portans en terre, Nous avons ordonné qu'il sera au choix des heritiers du deffunct, ou autres qui auront charge des funerailles, de laisser ce linceul au sieur curé, ou de le reprendre en luy payant six florins; et pour le couvrechef ou toilette qui se met sur les petitz enfans, deux florins.

            Sur les plaintes qui Nous ont esté faittes que plusieurs curés retiennent le luminaire que l'on porte aux funerailles et obseques le jour de l'enterrement, sans en vouloir fournir pour les Messes qui se disent le lendemain, mays en demandent d'autre, Nous avons ordonné que les curés seront tenus de representer le luminaire le lendemain et pendant les troys jours que l'on a accoustumé de faire prier pour les deffunctz, si tant est que ce luminaire puisse suffire; passé lesquelz troys jours, ce qui restera appartiendra aux curés. Et advenant que l'on ne face pas dire les Messes le lendemain, ilz ne seront nullement tenus de representer le luminaire.

            Parce qu'en plusieurs eglises de Nostre diocese les curés sont priés de fournir le luminaire des sepultures et, quand il vient au payement, sont contrainctz bien souvent d'en tomber en proces avec leurs parroissiens: desirant d'y obvier, Nous avons ordonné que les curés fournissans le luminaire le peseront en presence de ceux qui le leur feront fournir, avant que de le donner, comme aussi quand ilz le reprendront; et leur sera payé de la cire qui se treuvera usee a rayson de cinq florins pour livre du poids d'Annessi; et a mesme prix leur sera payé le luminaire qu'on leur fera fournir tout le long de l'annee. [308]

            Ayant reconneu qu'il y a plusieurs chappelles de peu de revenu et chargees par la fondation de grand service, auquel les recteurs ne peuvent pas satisfaire, Nous avons ordonné que le recteur d'une chappelle qui n'aura, pour exemple, que dix florins de revenu, ne sera obligé de dire que vingt Messes par an, a rayson de six solz pour Messe, et ainsy des autres; n'entendant pas, toutesfois, d'obliger ceux qui possedent des chappelles de bon revenu a plus de service qu'elles ne se treuvent chargees par leur fondation.

            Nous commandons a tous ecclesiastiques demeurans riere Nostre diocese de faire par cy apres celebrer la feste de saint Pierre aux Liens avec son octave, comme estant le Patron de Nostre Eglise cathedrale; comme aussi le jour de la Dedicace d'icelle, qui est le huitiesme d'octobre.

            Nous estant venu a notice que plusieurs curés et autres possedans des benefices riere Nostre diocese intentent des proces contre leurs parroissiens, quelquefois plustost par animosité que pour zele qu'ilz ayent de maintenir les biens de leurs eglises et benefices, et lesquelz il seroit facile d'appointer au commencement: Nous avons defendu a tous curés et autres beneficiers d'intenter par cy apres des proces avec leurs parroissiens qu'au prealable ilz n'en ayent conferé avec leur Surveillant, lequel ayant entendu les parties, taschera de les mettre d'accord; que s'il voit le tort estre du costé des parroissiens et qu'ilz ne veuillent pas se mettre a la rayson, il sera permis aux curés de poursuivre leur droict par justice.

            Sur la remonstrance qui Nous a esté faitte par nostre [309] Procureur fiscal que, bien que toutes alienations des biens d'Eglise soyent defendues de droict, sinon qu'elles soyent evidemment au prouffit et utilité d'icelle (auquel cas faut il avoir encor la permission des Superieurs), plusieurs beneficiers, tant curés, recteurs des chappelles qu'autres, sans Nostre sceu et consentement ou de nostre Vicayre general, vendent, eschangent et alienent les fons de leurs benefices, ce qui donne occasion a beaucoup de procez, ausquelz desirant obvier: Nous avons declairé nulz tous les contractz d'alienation et eschange des ecclesiastiques, faitz et qui se feront par cy apres sans Nostre sceu ou de nostre Vicayre, enjoignant aux possesseurs des benefices de remettre dans six moys ce qui se treuvera aliené de la façon, a peyne de cinquante livres; avec inhibition a tous beneficiers de n'aliener les biens dependans de leurs benefices sans Nostre permission, a peyne de cent livres; commandant aux Surveillans d'y tenir la main, chacun riere sa surveillance, et d'advertir nostre Procureur fiscal de ceux qui contreviendront, pour y estre par apres pourveu ainsy que de rayson.

 

 

 

ORDONNANCES SYNODALES

 

12 avril 1606

 

(Voir à l'Appendice I la pièce B, et ci-dessus,

la note de la page 298.) [310]

 

 

 

IX. Compte-rendu de l'état du diocèse de Genève envoyé a sa Sainteté Paul V, Novembre 1606 (Minute)

 

Status Ecclesiae Gebennensis

 

            Septuagesimus primus jam excurrit annus ex quo Episcopus [311] Gebennensis, cum suo clero, ab haereticis civitate sua expulsus, et per summam injuriam omnibus bonis mobilibus ac maxima immobilium parte spoliatus extitit; quare sedem in oppido Annessiacensi, ducatus Gebenesii, nunc habet, [expectans donec veniat reductio sua.] [312]

            Census episcopalis mensae admodum tenues, qui, scilicet, vix ac ne vix quidem, ad summam mille scutorum auri ascendunt; [ut detractis stipendiis officiariorum Episcopatus, minime supersit quo decenter se suamque familiam sustentet. Verum, qui non didicit abundare, noscat penuriam pati].

            Qui nunc vivit Episcopus Gebennensis, FRANCISCUS DE SALES, sextus est eorum qui extra civitatem Gebennensem praefuerunt; ex ipsa dioecesi oriundus, et e gremio ecclesiae Cathedralis (cujus per decem annos fuit Praepositus) assumptus. Residet et quartum suae ad episcopatum promotionis ac consecrationis annum, agit. [Cumque bellorum aestu ac tempestate, duobus primis annis impeditus [313] fuerit ne diocaesim visitaxet, duobus iisce posterioribus ad ducentas et sexaginta parrochiales ecclesias personaliter visitavit, et per seipsum verbi Dei panem ubique, quantum illi per suam tenuitatem licuit, populo porrexit ac fregit, Sacramentumque Confirmationis innumeris fidelibus contulit] caeteram diocaesim anno sequenti visitaturus. [314]

            Praedecessorem habuit Claudium de Granier, Praesulem aeterna dignum memoria, qui ex Decretis ecclesiasticis Synodum quotannis cogebat; ad ecclesiarum parrochiahum curam, ex praescripto sacratissimi Concilii Tridentini, per examen digniores promovebat; singuhs fere Quatuor Temporibus Ordinationem sacram faciebat, ac Officium ubique ad usum Romanum persolvi curabat. Hujus vestigiis quoad potest pressissime insistit, indignus hcet, successor. [315]

 

Status Ecclesiæ cathedralis

 

            In Ecclesia Gebennensi, quae Beati Petri a vinculis liberati miraculo ac nomine dedicata est, sunt triginta Canonici, Praeposito qui dignitatem habet majorem, ac Cantore et Sacrista, quae officia perpetuo existunt, inclusis; quorum singuh unam praebendam aequalem omnino percipiunt, ita ut Praepositus nihilo plus caeteris excipiat. Sunt in ea sex pueri chori cum magistro, octo mansionarii, qui cantui et musicae incumbunt, ac alii quatuor, qui tum cruci portandae, campanis pulsandis, caeremoniis dirigendis ac sacris vestibus conservandis dant operam.

            Porro, omnibus deductis oneribus ac expensis necessariis, quae cuihbet Canonico portio contingit valorem annuum quadraginta scutorum auri non attingit, impar omnino vel minimo homini alendo praebenda. Mirum autem [316] quam concinne et devote, in tanta penuria, Officia divina ab hac Ecclesia celebrentur, [ut non, in salicibus suspensis organis, obmutuerit ob exilium, sed hymnum cantet de canticis Sion et canticum Domini in terra aliena. Officia autem ejusmodi persolvit] in ecclesia Fratrum Minorum de Observantia hujus oppidi Annessiacensis. Omnes Canonici, aut ex utroque parente nobiles, aut doctores, ex antiquo eorum Statuto a Sancta Sede confirmato, existunt; inter quos etiamnum decem sunt verbi Dei concionatores egregii.

 

Status Cleri Diocæsis Gebennensis

 

            In Diocaesi Gebennensi sunt quatuor ecclesiae collegiatae: Annessiacensis, 12 Canonicorum et totidem beneficiatorum; Salanchiacensis, tredecim Canonicorum et quatuor beneficiatorum; Rupensis, 15 Canonicorum; [317] Samoensis, decem Canonicoram. In quibus omnibus omnia divina Officia cum cantu quotidie celebrantur; sed omnes pariter tenues admodum habent annuos redditus.

            Sunt praeterea sex Abbatiae virorum: Alpium, Altacombae, Seyseriaci, Ordinis Cisterciensis; Abundantiae et Sixi, Canonicorum regularium Sancti Augustini, et Intermontium, Canonicorum Sancti Rufi; quæ omnes a commendatariis possidentur.

            Sunt etiam quinque Prioratus conventuales; Sancti Sepulchri Annessiacensis, Beatae Mariae de Pellionnex, ambo Canonicorum regularium; Tallueriarum, Ordinis Savigniacensis; Contaminae et Bellevalhs, Ordinis Cluniacensis; [quorum omnium solus postremus possidetur in titulum.]

            Sunt quatuor caenobia Carthusianorum. [318]

            Item, 35 prioratus rurales diversorum Ordinum, ex quibus 12 diversis ecclesiis, tam ipsius diocaesis quam aliarum uniti, reperiuntur; ex reliquis autem, undecim in titulum, duodecim in commendam possidentur.

            Ecclesiae parrochiales sunt 450, in quibus omnibus Sacramenta administrantur, et plebs pro ejus captu de religionis Catholicae capitibus eruditur.

            Sunt quatuor conventus mendicantium: Seyselh unus, Sancti Augustini; secundus, Annessii, Fratrum Praedicatorum; tertius, item Annessii, quartus Clusis, Fratrum Minorum de Observanti. Quibus, fante decennium, [319] additus est quintus, Fratrum Capucinorum Annessii.]

            Mulierum autem reclusarum duo sunt caenobia Sanctae Clarae: unum Annessii, alterum Aquiani.

            Duo item Monasteria mulierum, sive Abbatiae: Sanctae [320] Catherinae (sic), prope urbem Annessii, et Boni Loci, Ordinis Cysterciensis.

            Unum etiam Cartusianarum, Melani.

 

Status-populi

 

            Populus universus praedictarum parrochiarum vere catholicus est et antiquae pietatis cultor, quamvis in septuaginta parrochiis ex suprascriptis inter annos [viginti] haeresis Calviniana vigeret; nam Serenissimi Ducis authoritate, et multorum concionatorum, partim secularium partim variorum Ordinum, sigillatim vero Patrum Capucinorum et PP. Societatis Jesu praedicationibus, conversi [321] sunt ad Pastorem animarum suarum, ita ut cum fuerint ante illa tempora tenebrae, nunc sint lux in Domino.

            Sunt quindecim puerorum scolae, in quibus grammatica et litteris humanioribus juvenum animi ac imprimis Doctrina Christiana cathechistice initiantur. In decem vero castellis quotidie toto Quadragesimae tempore Mot Dei praedicatur. [322]

 

 

 

Etat de l'Eglise de Genève

 

            Il y a soixante-et-onze ans que l'Evêque de Genève, en même [311] temps que son clergé, fut chassé de sa ville épiscopale par les hérétiques, et se vit indignement dépouillé de tous ses biens meubles et de la majeure partie de ses biens immeubles. C'est pourquoi il a aujourd'hui comme résidence Annecy, dans le duché de Genevois, [en attendant que vienne pour lui le jour du retour.] [312]

            Les revenus de la mense épiscopale sont très restreints: à peine arrivent-ils à la somme de mille écus d'or; [en sorte que, après avoir défalqué les honoraires des officiers de l'évêché, il ne reste pas de quoi entretenir décemment l'Evêque et sa famille domestique. Mais celui qui n'a pas appris à être dans l'abondance, doit apprendre à supporter la pauvreté.]

            L'Evêque actuel de Genève, FRANÇOIS DE SALES, est le sixième des évêques qui ont eu leur résidence hors de la ville de Genève. Il est natif du diocèse même, et a été choisi dans le Chapitre cathédral, dont il fut le Prévôt pendant dix ans. Il pratique la résidence, et se trouve dans la quatrième année de son élection et de son sacre. [Ayant été empêché, pendant les deux premières années, par suite des guerres et des mauvais temps, de visiter son diocèse, [313] il a, ces deux dernières années, visité personnellement deux cent soixante églises paroissiales, distribué lui-même au peuple partout, du mieux que ses faibles moyens le lui ont permis, le pain de la parole de Dieu, et administré le Sacrement de la Confirmation à d'innombrables fidèles.] Il compte l'an prochain visiter le reste du diocèse. [314]

            Il a eu pour prédécesseur Claude de Granier, Prélat digne d'une mémoire éternelle, qui chaque année, selon les décrets ecclésiastiques, réunissait le Synode; qui, d'après la prescription du Concile de Trente, élevait aux charges curiales ceux qu'un examen avait désignés comme les plus dignes; qui presque à chaque Quatre-Temps faisait les Ordinations, et qui avait soin de faire réciter l'Office selon l'usage romain. Son successeur, bien qu'indigne, tâche de suivre le plus possible ses traces. [315]

 

Etat de l'Eglise cathédrale

 

            Dans l'Eglise de Genève, qui a pour Patron Saint-Pierre-aux-Liens, il y a trente chanoines, y compris le Prévôt, dignité majeure, le Chantre et le Sacristain; trois charges qui ont toujours existé. Chacun des chanoines reçoit une prébende qui est absolument égale pour tous, en sorte que le Prévôt ne touche rien de plus que les autres. Il y a aussi six enfants de chœur avec leur maître, huit mansionnaires qui s'occupent du chant et de la musique, et quatre autres qui ont pour fonction de porter la croix, de sonner les cloches, de diriger les cérémonies et de veiller aux ornements sacrés.

            Or, déduction faite des charges et dépenses nécessaires, la part qui revient à chaque chanoine n'arrive pas à quarante écus d'or par an; c'est là une prébende tout à fait insuffisante à entretenir le moindre individu. Il est cependant remarquable de voir avec [316] quelle perfection et dévotion, malgré une si grande pauvreté, les Offices divins sont célébrés par cette Eglise [laquelle, loin de suspendre ses instruments aux saules et de se taire à cause de son exil, chante sur la terre étrangère le cantique de Sion et le cantique du Seigneur]. Elle fait ses Offices dans l'église des Frères Mineurs de l'Observance à Annecy. Tous les chanoines sont ou nobles de père et de mère, ou docteurs, d'après leur Statut confirmé par le Saint-Siège; parmi eux il s'en trouve actuellement dix qui sont de bons prédicateurs de la parole de Dieu.

 

Etat du Clergé du Diocèse de Genève

 

            Dans le Diocèse de Genève il y a quatre églises collégiales: celle d'Annecy, avec douze chanoines et autant de bénéficiers; celle de Sallanches, avec treize chanoines et quatre bénéficiers; celle de La Roche, avec quinze chanoines; celle de Samoëns avec dix [317] chanoines. Dans ces quatre Collégiales l'Office divin se célèbre chaque jour avec chant; mais toutes ont également de fort petits revenus.

            Il y a aussi six abbayes d'hommes: Aulps, Hautecombe, Chézery, de l'Ordre de Cîteaux; Abondance et Sixt, des Chanoines réguliers de Saint-Augustin, et Entremont, des Chanoines de Saint-Ruf. Elles sont toutes possédées par des commendataires.

            Il existe aussi cinq prieurés conventuels: le Saint-Sépulcre d'Annecy, Notre-Dame de Peillonnex, tous deux des Chanoines réguliers; Talloires, de l'Ordre de Savigny; Contamine et Bellevaux, de l'Ordre de Cluny. [Le dernier seul est possédé en titre.]

            Il y a quatre monastères de Chartreux. [318]

            Item, trente-cinq prieurés ruraux de divers Ordres, dont douze se trouvent unis à diverses églises, soit du diocèse, soit d'ailleurs. Parmi les autres, onze sont possédés en titre, douze en commende.

            Les églises paroissiales sont au nombre de quatre cent cinquante, dans chacune desquelles les Sacrements sont administrés et le peuple est instruit des points de la religion catholique par un enseignement à sa portée.

            Il y a quatre couvents de mendiants: à Seyssel, de Saint-Augustin; à Annecy, de Frères Prêcheurs; encore à Annecy et à Cluses, de Frères Mineurs de l'Observance. [Depuis dix ans, [319] un cinquième, de Frères Capucins, est venu s'ajouter à Annec.]

            Il y a deux monastères de femmes cloîtrées de Sainte-Claire: l'un à Annecy, l'autre à Evian.

            De même deux monastères ou abbayes de femmes: Sainte-Catherine [320] près d'Annecy, et Bonlieu, de l'Ordre de Citeaux.

            Un aussi de Chartreusines, à Mélan.

 

Etat de la population

 

            Tonte la population des paroisses ci-dessus est vraiment catholique et professe la piété antique, bien que pendant vingt ans l'hérésie de Calvin ait régné dans soixante-dix paroisses; car, grace à l'autorité du Sérénissime Duc et aux prédications de nombreux ouvriers apostoliques, soit séculiers soit réguliers appartenant à divers Ordres, spécialement Capucins et Jésuites, les hérétiques sont [321] revenus au Pasteur de leurs âmes, en sorte que, après avoir été alors ténèbres, ils sont maintenant lumière dans le Seigneur.

            Il existe quinze écoles de garçons, où sont enseignées la grammaire, les humanités et surtout la Doctrine chrétienne en forme de Catéchisme. Dans dix bourgs la parole de Dieu est prêchée chaque jour pendant tout le temps du Carême. [322]

 

 

 

Ecclesiæ Gebennensis incommoda ac mala quæ opportunis remediis a Sancta Sede Apostolica curari possunt et auferri

 

De Seminario erigendo

 

            Nulla in orbe Christiano dioecesis clericorum Seminario magis indiget quam haec Gebennensis; attamen hactenus in eo erigendo perperam laboratum est. Mensa enim episcopalis tenuior est, quam ut ex ea quicquam amputari aut resecari debeat; mensa Capituli cathedralis pauperrima est, nec alendis Canonicis sufficit, ut et aliae pariter ecclesiae seculares Collegiatae. Ex Abbatiis autem vel Prioratibus, quantumvis pinguibus, nihil omnino extorqueri potest; quod qui ea tenent, teneant, et plerumque variis impositis pensionibus satis reddantur exangues. Si tamen Sedes Apostolica ahquot Prioratus rurales primo vacaturos, summa authoritate ad Seminarii erectionem destinaret, sine dubio res optime cessura esset. Ommino tamen, vel [323] isto modo, vel per communem cleri contributionem, opus hoc erigi par est.

 

De Theologo et Pænitentiario

 

            In sola Ecclesia cathedrali theologiae magister theologalem habet praebendam, et Poenitentiarius aham, ut confessionibus audiendis vacet. At isti, quia suis praebendis sustentari minime possimt, quandoquidem ad valorem annuum 40 scutorum non ascendunt, non possunt rite sua obire munera. Huic malo occurri posset si Sedes Apostolica ex vicinioribus Monasteriis duas praebendas [324] laicales praedictis praebendis theologali et poenitentiali uniret.

 

De Regularibus reformandis

 

            Mirum quam dissipata sit omnium Regularium disciplina in Abbatiis et Prioratibus hujus diocaesis (Carthusianos et Mendicantes excipio). Reliquorum omnium argentum versum est in scoriam et vinum mistum est aqua, imo versum est in venenum; unde blasphemare faciunt inimicos Domini, dum dicunt per singulos dies: Ubi est Deus istorum? [325]

            Huic malo occurri potest, vel immittendo meliores aliorum Ordinum, vel istos visitando quotannis et coercendo, vel denique in eorum locum seculares Canonicos sufficiendo. Primum remedium longe facillimum; tertium utilissimum et ad majorem Dei gloriam, inspecta hujus provinciae necessitate, praestantissimmn; secundum difficillimum et incertissimum, nam quod vi fit, vix fit.

 

De Monialibus quibusdam reformandis et aliis juvandis

 

            Sororum Cysterciensium portae omnibus omnino [326] patent, et monialibus ad egressum et viris ad ingressum.

            Omnibus autem, tam Cisterciensibus quam Sanctae Clarae, illud solatium deest quod Concilium Tridentinum, non sine Spiritus Sancti instinctu, illis vult concedi: ut scilicet, ter saltem quotannis illis confessarius extraordinarius constituatur; coguntiu: enim uni eidemque semper confiteri, neque unquam illis liberum est alterius operam expetere; quod quanto animarum illarum periculo fiat, nescio, Deus scit.

            Item, nunquam puellas sistunt aut Episcopo aut ejus [327] Vicario, qui earum voluntatem ad Religionis amplectenda vota explorare possit.

 

De numero ecclesiarum parrochialium augendo

 

            Est haec diocaesis Gebennensis in medio montium altissimorum posita, in quorum tamen plerumque cacuminibus et praeruptis pagos numerosissimis familiis refertos videre est; quibus ut de religione provideretur, majores ecclesias aedificaverunt ad quas pastores in imis vallibus commorantes, singulis diebus festis accederent, plebem sacratissimo Missae Sacrificio recreaturi. Verum cum initio rarae admodum incolarum in tam asperis locis essent famihae, iha extemporaria visitatio pastorum satis superque esse debebat, quandoquidem praesertim ob agrorum et agricolarum paucitatem, non possent ex illorum decimis ah ac sustentari [328] clerici qui inter eos residerent. At nunc, cum Deus et gentem illam multiplicavit, et deserta, gentis labore ac industria, in arva et prata mutata sint, desiderandum esset illis quoque addid rectores animarum, quibus alendis decimae quas quotannis persolvunt sufficerent.

            Quominus autem id fiat causa haec est: plerumque semper illorum locorum decimae ad Abbates et Monasteria spectant, quibus scilicet tunc attribuebantur, cum promptuaria spiritualia Monasteriorum plena essent, eructantia ex hoc in illud, et monachi, velut oves fætosæ, abundarent in egressibus suis. Nunc vero, cum passim, ut supradictum est, in successoribus solum monachorum vestimentum animadverti queat, clamant pauperes illi montium habitatores, velut oves pascuis destitutae: Quare lacte nostro nutriuntur isti et lanis operiuntur, gregem autem nostrum non pascunt nec per se, nec per alios? Et justa videtur oratio eorum.

            Vidi ego et visitavi parrochialem ecclesiam in altissimo [329] monte positam, ad quam nemo, nisi pedibus ac manibus reptans, accedere queat, per sex milliaria Italica distantem ab alia ecclesia, cujus pastor unicus et solus utramque regebat, ac in utraque singulis Dominicis diebus Missam celebrabat, quo labore, quo periculo, quo dedecore non est quod dicam, praesertim hieme, cum omnia glacie ac nive istis in partibus sint obruta. Ubi appuli, statim ad [330] me clamores undique, a viris a mulieribus, a majoribus a minoribus: Quid est quod jura ecclesiastica omnia servamus, decimas ac primitias persolvimus, et nullus nobis pastor conceditur, sed sumus sicut arietes non invenientes pascua? Nimirum ab Abbate propinquiori omnia percipiebantur.

            Et quidem Episcoporum est in his decernere quid expediat; sed hoc vix fieri potest. Nam primum lites excitantur pro possessorio coram laicis; tum si res non succedat, appellationibus variis onerant decernentem, quibus non [331] utuntur, sed abutuntur; non quod graventur, inquit Sanctus Bernardus, sed ut gravent. Utinam vero, atque utinam, aliquis authoritate Apostolica Visitator veniret, fidelis et prudens, qui singulis ecclesiis, veluti familiis, daret tritici necessariam cuique mensuram!

 

De hæreticis hujus Diæcesis

 

            Praeter 450 illas parrochias quas a veris catholicis incoli diximus, supersunt aliae 130 numero, quae partim in potestate tyrannica Bernensium sunt, partim in ditione Regis Christianissimi. Et quidem, quod ad illas attinet, quae a Bernensibus occupantur, nihil sperandum est donec urbs ipsa Bernensis in ordinem redigatur.

            Quod autem spectat ad alias quae a Rege Christianissimo possidentur, [recte quidem ipse Rex semper sperare jubet, et ejus jussu hactenus toto quadriennio speravi; sed nunc deficiunt propemodum oculi mei in ejus eloqium [332], dicentes: Quando consolabitur me? Hac de re tota scientissimus est Illustrissimus Cardinalis del Bufalo qui dum Sanctae Sedis Nuntius esset in Gallia, maxima contentione, pro suo erga Dei gloriam zelo, conatus est Regem adducere, ut nobis in illis parrochiis idem jus faceret ecclesiastica bona recipiendi ac, quod caput est, catholicae [333] religionis munera obeundi, quod alibi toto regno caeteris Episcopis ac clericis constitutum est.]

            De Geneva autem nihil addam, cum enim quod Roma est Angelis et Catholicis, illa sit idem diabolis et haereticis. Omnibus qui romanam, id est orthodoxam fidem colunt, ac maxime Summi Pontificis et Principum curae, ut scilicet aut evertatur Babilon illa, aut convertatur, sed magis ut convertatur et vivat, laudetque viventem in secula seculorum.

 

                        FRANCS, Eps Gebennensis.

 

Revu sur l'Autographe conservé dans les Archives de l'Evêché de Saint-Jean de Maurienne. [334]

 

 

 

Inconvénients et maux de l'Eglise de Genève auxquels le Saint-Siège Apostolique peut apporter remède

 

De l'érection d'un Séminaire

 

            Il n'y a point de diocèse dans le monde chrétien qui ait plus besoin d'un Séminaire de clercs que celui de Genève. Cependant, jusqu'ici c'est en vain qu'on a travaillé à son érection. La mense épiscopale, en effet, est trop faible pour qu'on puisse rien en retrancher; la mense capitulaire est très pauvre et ne suffit pas à nourrir les chanoines, comme d'ailleurs les autres églises collégiales. Quant aux abbayes ou prieurés, bien que riches, on ne peut rien en toucher du tout, parce que ceux qui les tiennent les tiennent bien, et que le plus souvent ces bénéfices sont rendus exsangues par suite des diverses pensions qui leur sont imposées. Si cependant le Siège Apostolique, dans sa suprême autorité, destinait à l'érection du Séminaire quelques prieurés ruraux aussitôt qu'ils viendront à vaquer, sans aucun doute l'affaire réussirait fort bien. Pourtant il faut absolument [323] qu'elle se fasse, soit de cette façon, soit par une contribution générale du clergé.

 

Du Théologal et du Pénitencier

 

            Dans la seule Eglise cathédrale le maître de théologie possède une prébende théologale, et le Pénitencier une autre, pour s'employer à recevoir les confessions. Mais ces deux chanoines, ne pouvant être sustentés sur leurs prébendes, qui ne montent pas à quarante écus par an, ne peuvent remplir convenablement leurs fonctions. On pourrait remédier à cet inconvénient, si le Siège Apostolique [324] unissait aux prébendes de théologal et de pénitencier deux prébendes laïques à prendre sur les Monastères voisins.

 

De la réforme des Réguliers

 

            Il est surprenant de voir à quel point la discipline régulière est partout ruinée dans les abbayes et prieurés de ce diocèse (j'excepte les Chartreux et les Mendiants). Chez tous les autres l'argent s'est changé en scorie et le vin a été mêlé d'eau, bien plus, s'est transformé en venin. Aussi font-ils blasphémer les ennemis de Dieu, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens? [325]

            On peut remédier à ce mal, soit en envoyant des sujets meilleurs pris dans d'autres Ordres, soit en faisant des visites annuelles et en employant des moyens de coercition, soit enfin en remplaçant les Religieux par des chanoines séculiers. Le premier remède est très facile; le troisième est très utile et, vu les besoins de cette province, serait excellent pour procurer la plus grande gloire de Dieu; le second est très difficile et très incertain, car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas.

 

De certaines Religieuses à réformer et d'autres à aider

 

            Les portes des monastères des Sœurs Cisterciennes sont ouvertes [326] à tous, aux moniales pour sortir et aux hommes pour entrer.

            D'un autre côté, soit les Cisterciennes, soit les Clarisses manquent du secours que le Concile de Trente, non sans y être poussé par l'Esprit-Saint, veut leur voir accordé: à savoir, qu'au moins trois fois par an leur soit donné un confesseur extraordinaire. Elles se trouvent, en effet, obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, et il ne leur est jamais loisible de demander le ministère d'un autre: avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait.

            De même, elles ne présentent jamais les postulantes à l'Evêque [327] ou à son Vicaire, pour que soit examiné leur désir d'embrasser les vœux de Religion.

 

De l'augmentation du nombre des églises paroissiales

 

            Le diocèse de Genève est situé au milieu de très hautes montagnes, dont cependant les sommets et les escarpements sont semés le plus souvent de villages renfermant des familles très nombreuses. Dans le but de fournir à ces familles les secours de la religion, nos aïeux bâtirent des églises où pussent venir, à chaque jour de fête, les curés habitant le fond des vallées, pour apporter à la population le bienfait du très saint Sacrifice de la Messe. Àu début, le nombre des familles étant très restreint en ces lieux de difficile accès, cette visite extraordinaire des curés devait tout à fait suffire; d'autre part, il eût été impossible de maintenir là à demeure des clercs, qui, surtout à cause du petit nombre des champs et des paysans, n'auraient pu être nourris et entretenus sur la dime fournie [328]  par les habitants. Mais aujourd'hui que Dieu a multiplié ces populations, et que les déserts ont été, grâce au travail et à l'industrie, changés en champs et en prairies, il serait à souhaiter qu'on attachât des pasteurs à ces troupeaux spirituels; les dîmes qu'on touche chaque année suffiraient à les entretenir.

            Ce qui empêche que cela se fasse, le voici: à peu près toujours, les dîmes des lieux en question appartiennent à des Abbés et à des Monastères. Elles leur ont, en effet, été attribuées lorsque les greniers spirituels des Monastères étaient pleins, débordant de l'un dans l'autre, et que les moines, tels des brebis fécondes, abondaient dans leurs sorties. Mais aujourd'hui, que généralement, comme cela a été dit plus haut, leurs successeurs n'ont conservé du moine que l'habit, ces pauvres habitants des montagnes crient comme des troupeaux sans pâturages: Pourquoi donc ces gens-là se nourrissent-ils de notre lait s'habillent-ils de notre laine, et ne paissent notre troupeau ni par eux ni par d'autres? Et ce qu'ils disent paraît juste.

            J'ai vu de mes yeux et visité une église paroissiale située sur [329] une très haute montagne, où personne ne peut arriver qu'en grimpant des pieds et des mains, et distante de l'église la plus voisine de six milles italiens. Or, un seul et unique curé administrait les deux églises et célébrait la Messe aux jours de fête dans l'une et l'autre, au prix de quelle peine, de quel péril, de quelle inconvenance, je n'ai pas à le dire, surtout l'hiver, lorsque tout est couvert de glace et de neige dans ces parages. Dès que j'arrivai, tout le [330] monde, hommes et femmes, du premier au dernier du pays, de s'écrier: Comment se fait-il que nous respections tous les droits ecclésiastiques, que nous payions les dîmes et les prémices, et qu'aucun curé ne nous soit accordé, mais que nous soyons au contraire comme des béliers qui ne trouvent pas de pâturages? Tout, en effet, était touché par l'Abbé le plus voisin.

            Sans doute, c'est aux Evêques à décider ce qu'il y a à faire dans ces cas; mais cela ne peut presque se réaliser. D'abord, des procès s'entament devant des laïques pour le possessoire; ou bien, dans [331] le cas contraire, ils font tomber sur celui qui a osé prendre une décision toutes sortes d'appels, dont ils abusent plutôt qu'ils n'usent: n'étant pas chargés d'un grand poids, ils en font peser un sur autrui, comme dit saint Bernard. Plût à Dieu qu'un Visiteur Apostolique, fidèle et prudent, pût venir donner à toutes les églises, comme à autant de familles, la mesure de froment qui est nécessaire à chacune!

 

Des hérétiques de ce Diocèse

 

            Outre les quatre cent cinquante paroisses qui, nous l'avons dit, sont habitées par de vrais catholiques, il y en a cent trente autres qui sont, partie sous la domination tyrannique de Berne, partie sous le gouvernement du Roi Très Chrétien. Pour ce qui regarde celles qui sont occupées par les Bernois, il n'y a rien à en espérer jusqu'à ce que la ville de Berne elle-même soit ramenée à l'ordre.

            Pour ce qui regarde les autres qui sont en la possession du Roi Très Chrétien, [avec raison le Roi lui-même ordonne de toujours espérer, et sur son ordre j'ai espéré pendant quatre longues années; mais mes yeux commencent à se lasser d'attendre sa parole, et [332] disent; Quand me consolera-t-il? Au sujet de toute cette affaire, le très docte et Illustrissime cardinal del Bufalo, étant Nonce du Saint-Siège en France, poussé par son zèle pour la gloire de Dieu, a fait les plus grands efforts pour amener le Roi à établir pour nous, dans les églises en question, le même droit d'entrer en possession des biens ecclésiastiques et, ce qui est le principal, de [333] remplir les fonctions de la religion catholique, qui a été établi dans tout le reste du royaume en faveur des Evêques et des clercs (*).]

Je n'ajouterai rien au sujet de Genève, car ce que Rome est pour les Anges et les Catholiques, Genève l'est pour le diable et les hérétiques. Que tous ceux qui professent la foi romaine, c'est-à-dire la foi orthodoxe, que surtout le Souverain Pontife et les princes aient à cœur que cette Babylone ou soit détruite, ou se convertisse, mais plutôt qu'elle se convertisse et vive, et qu'elle loue Celui qui vit aux siècles des siècles.

            FRANÇOIS, Evêque de Genève. [334]

 

X. Mémoire touchant les revenus et les charges de la mense Episcopale

 

[Novembre 1606, ou vers le 15 janvier 1607]

 

Summa totius redditus mensae episcopalis Gebennensis

 

            Habet mandamentum vulgo nuncupatum de Thiez, ex quo percipit florenos hujus monetae……………….7500 [335]

            Deinde, ex scribania episcopatus, florenos…………………………………..700

            Nihil praeterea habet, ne quidem quam possit humilem habitare casam.

 

Onera mensae episcopalis Gebennensis

 

            Vicario generali et Sigillifero loco stipendii persolvit quotannis, florenos……450

            Pro locatione domus residentiae episcopalis, florenos…………………….500

            Pro locatione domus carceris, florenos……………....................................40

            Pro conviviis quo solemnioribus festis fieri debent omnibus Canonicis altari et Episcopo celebranti inservientibus, florenos…………………………………..100

            Item, prater eleemosinas spontaneas et arbitrio Episcopi faciendas, tenetur ex consuetudine singulis hebdomadis saltem unum quartum frumenti mendicis dividere; constat autem sinnma frumenti quotannis, circiter florenos…………………….150 [336]

            Item, renovandis libris quos vocant Recognitionum feudalium, praefati mandamenti de Thiez, ut nunc fit, expendendi erunt floreni…………………………….3000

            Non autem renovandi sunt quotannis, sed trigesimo saltem quoque anno.

            Remanent itaque, deductis praedictis necessariis expensis, circiter floreni ad septem millia pro Episcopi sustentatione, id est, nummi aurei circiter……………………..860

 

            Sed rursus notandum est, quod si vel hieme nimio, vel aestu vehementiori, vel tempestate, vel peste, arva et agri vel laedantur vel inculta remaneant, tunc minuuntur quidem census Episcopi, sed non onera, quae tunc temporis maxime potius augentur, nisi velit esse crudehor struthione in deserto. Si htibus jus Ecclesiae prosequendum, id omne Episcopi expensis fit ut par est.

            Haec autem omnia verissima esse compertum et testatissimum facio.

            Quare, cum jure merito sacratissimum Concilium Tridentinum [337] censuerit, nullam imponi debere pensionem Episcopis quorum mensae valorem annuum mille ducatorum non excederent, aequum sane non est ut Episcopus Gebennensis decimae solutione gravetur, quandoquidem,

            EPISCOPO GEBENNENSI, pro ejus sustentatione et familiae episcopalis non remanent 860, et regimen illi incumbit 600 ecclesiarum parrochialium: regimen difficillimum, gravissimum ac variis expensis maxime obnoxium, ut cum aegre admodum ac ne vix quidem necessariis sumptibus obeundis censuum tenuitas qualem recensui par esse possit. Si deinceps non habenti auferatur etiam quod habet, non modo publica res ecclesiastica difficilius conservabitur in hac diaecesi, sed omnino corruat necesse sit, nisi Deus, farina Ægipti carentibus, manna de caelo iterum praestare dignetur.

                        FRANÇS, Eps Gebennensis.

 

Revu sur l'Autographe appartenant aux Missionnaires de Saint-François de Sales d'Annecy. [338]

 

 

 

Total du revenu de la mense épiscopale de Genève

 

            Elle possède le mandeent de Thiez, duquel elle perçoit en florins de notre monnaie………………………….7500 [335]

            En outre, de la secrétairerie épiscopale, florins……………………………………700

            Elle ne possède rien d'autre, pas même une modeste maison où puisse habiter l'Evêque.

 

Charges de la mense épiscopale de Genève

 

            Emoluments fournis annuellement au Vicaire général et au Chancelier, florins…450

            Location de la maison où réside l'Evêque, florins………………………….500

            Location de la maison de la prison, florins……………………………………..40

            Repas dus, aux fêtes plus solennelles, à tous les chanoines qui servent à l'autel l'Evêque officiant, florins………………………….100

            Item, outre les aumônes spontanées et à la volonté de l'Evêque, celui-ci est tenu de par la coutume, de partager aux mendiants chaque semaine au moins un quart de froment; or, le total du froment annuellement distribué monte environ à florins…………………...150 [336]

            Item, pour renouveler les livres qu'on appelle des Reconnaissances féodales, du susdit mandement de Thiez, comme l'on fait maintenant, il faudra dépenser florins….3000

            On ne renouvelle pas ces livres chaque année, mais au moins tous les trente ans.

            Il reste donc, une fois prélevé les dépenses nécessaires susdites, environ sept mille florins pour l'entretien de l'Evêque, c'est-à-dire environ, en écus d'or………………860

 

            Cependant, il faut de nouveau noter que si, par suite d'un hiver ou d'un été excessif, d'une tempête ou d'une peste, les champs ont à souffrir ou restent incultes, les revenus de l'Evêque diminuent bien, mais nullement ses charges, lesquelles alors surtout augmentent plutôt, à moins qu'il ne veuille être plus cruel que l'autruche dans le désert. S'il y a des procès à poursuivre pour les droits ecclésiastiques, tout se fait, naturellement, aux frais de l'Evêque.

            Tout cela est exactement vrai: je n'affirme que ce qui est connu et appuyé sur les meilleures preuves.

            Aussi, le très saint Concile de Trente ayant décidé qu'aucune [337] pension ne devait être imposée aux Evêques dont la mense n'excéderait pas la valeur de mille ducats par an, il n'est pas équitable que l'Evêque de Genève soit obligé à payer un droit de décime, posé que.

            A L'EVÊQUE DE GENÈVE, pour son entretien personnel et celui de sa famille, il ne reste que 860 écus, et qu'il a à gouverner six cents paroisses: gouvernement très difficile, très pénible et très exposé à des dépenses variées, tellement que des revenus aussi maigres que je l'ai dit ne suffisent qu'à grande peine aux charges même nécessaires. Si dorénavant on enlève à celui qui est dépourvu même ce qu'il a, non seulement l'administration publique ecclésiastique sera conservée plus difficilement dans ce diocèse, mais elle se verra forcée à tomber tout à fait, à moins que Dieu ne daigne de nouveau accorder sa manne céleste à ceux qui manqueront de la farine d'Egypte.

            FRANÇOIS, Evêque de Genève. [338]

 

 

 

XI. Premier mandement pour le Jubilé de Thonon (Minute)

 

Annecy, [mars] 1607.

 

            FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés, Vicaires et autres Ecclesiastiques ayans charge des ames en son diocaese.

            Ayans receu la Bulle du Jubilé, delaquelle le present Sommaire est extrait, Nous vous commandons et ordonnons de le publier, en toutes vos eglises, aux peuples qui vous sont commis, vous res-jouissans mesme de Nostre part avec eux de cette grande commodité quilz auront de proffiter spirituellement, recueillans avec devotion et charité les graces qui si liberalement leur sont departies en leur propre diocaese. A quoy vous les convierés et exhorteres le plus quil vous sera possible, au nom de Nostre Seigneur, duquel je vous souhaite la sainte benediction.

            Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Trévise (Italie). [339]

 

XII. Publication d'Indulgences (Minute inédite)

 

INDULGENCES CONCEDEES PAR N. S. PERE PAUL V POUR LES

CHAPELETZ, ROSAIRES, CORONNES, MEDAILLES, CROIX ET IMAGES BENITES

A L'INSTANCE DE TRES ILLUSTRE ET REVERENDISSIME PERE EN DIEU

MR FRANÇOIS DE SALES, EVESQUE ET PRINCE DE GENEVE

LE MOYS D'APVRIL 1607

 

            1. Ayant une de ces croix, medailles, couronnes, images, chapelletz et rosaires, en se confessant, ou communiant, ou celebrant Messe, et disant apres la Messe, ou Communion, ou Confession un Pater noster et Ave Maria, ou priant Dieu en quelqu'autre maniere pour Sa Sainteté, pour l'exaltation de nostre Mere sainte Eglise, extirpation des haeresies et pour les ames de Purgatoire, a chasque foys on gaigne Indulgence pleniere.

            2. Item, disant la couronne ou le chapelet, ou l'Office de Nostre Dame ou l'Office des Trespassés, ou les Pseaumes penitentielz, ou aucune des Laetanies generales, ou les particulieres de Nostre Seigneur ou de Nostre Dame, on gaigne toutes les Indulgences et graces concedees a ceux qui visitent ce jour-la toutes les eglises qui sont dedans et dehors les murailles de Romme.

            3. Item, chasque fois qu'on dira cinq fois le Pater noster par devotion du tressaint nom de Jesus, ou des cinq Playes, ou bien disant cinq foys l'Ave Maria, ou faysant commemoration, avec l'antienne Sub tuum praesidium et une [340] orayson de Nostre Dame, par devotion d'icelle sacree Vierge, ou faysant quelqu'autre chose pour son amour, ou devotion de quelque Saint ou Sainte, on gaigne deux cens ans d'Indulgence.

            4. Chasque fois qu'on fait l'examen de conscience avec repentance de ses pechés, ou qu'on aura propos de les confesser, soixant'ans d'Indulgence.

            5. Item, chasque fois qu'on s'exercera en quelqu'œuvre de misericorde, ou qu'on accompaignera ou visitera le Saint Sacrement, ou escoutera la Messe ou le sermon, ou par devotes leçons ou meditations on acquerra ferveur d'esprit ou bons propos, ou qu'on recommandera a Dieu les ames de Purgatoire, ou priera pour celles qui sont en peché mortel, on gaigne cent et cinquante ans d'Indulgence.

            Item, concede que douze fois l'annee on puisse delivrer un'ame de Purgatoire, disant ou faysant dire cinq Messes pour chasque fois.

            Item, jeusnant les vendredy de l'annee, en devotion de la Passion de Nostre Seigneur, et les samedy, en devotion de Nostre Dame, on gaigne pour chascun desditz jours sept ans et sept quaranteynes, et pour les jours d'un an entier Indulgence pleniere en forme de Jubilé; et mourant sans avoir achevé cette devotion, l'intention suffit.

            Item, disant un Pater noster et Ave Maria, ou le Psalme Laudate Dominum omnes gentes, ou faysant un (sic) commemoration de Nostre Dame avec l'antienne et orayson, ou Magnificat, quant a ceux qui sçauront, ou ceux qui ne sçauront avec un Salve, on supplee au (sic) defautz commis recitant l'Office divin ou escoutant la Messe.

            Prononçant le nom de JESUS a l'article de la mort, et ne pouvant de bouche, l'invoquant de cœur, Indulgence pleniere.

            Disant trois Pater et Ave pour les ames des fideles decedés ou qui decederont ce jour-la, en memoire et honneur des trois fois que Nostre Seigneur pria au Jardin des Olives, on gaigne tous (sic) les Indulgences que Sa Sainteté a concedees a quelquonques autres medailles, images, croix, couronnes, rosaires, a la requeste de quelle personne que ce soit. [341]

            Donnant bon exemple ou exhortant, ou, en quelle sorte que ce soit, estant cause que quelqu'un quitte un peché ou un vice, ou un mauvais propos, on gaigne la remission de la troysiesme partie de ses pechés.

            Toutes les susdites graces et chascune d'icelles se peut appliquer pour les ames de Purgatoire; et pour les gaigner, il suffit d'avoir quelqu'une des susdites choses benites, propre et (sic) empruntee. Que si quelqu'une se perdoit ou rompoit, on en peut mettr'un'autre en sa place qui aura les mesmes Indulgences.

            Toutes les dittes choses n'ont leur valeur que deça les mons et non point en Italie.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.

 

 

 

XIII. Second mandement pour le Jubilé de Thonon

 

Thonon, 8 mai 1607.

 

            FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Saint Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, aux RR. Curés et autres ayans charge des eglises de Nostre diocaese.

 

            Affin que les peuples qui Nous sont commis ne perdent point la favorable occasion de prendre les graces du saint Jubilé qui se celebre maintenant en cette ville de Thonon, ainsy que ci devant il a esté publié, Nous ordonnons par ces presentes que vous ayes a repeter la publication d'iceluy, exhortans de rechef un chacun d'employer cette benediction [342] au proffit et salut de son ame, asseurans de Nostre part qu'en laditte ville de Thonon ni es lieux circonvoysins il ni a aucune sorte, pas mesme de soupçon, de maladie contagieuse, ni incommodité qui puisse empescher le libre et desirable acces a cette sainte devotion.

            Si supplions tous les Seigneurs Rmes Ordinaires des autres lieux, de vouloir prendre la mesme asseurance sur ce tesmoignage que Nous en faysons, et la faire donner aux peuples de leurs diocaeses, affin que ceux qui auroyent l'intention [et devote] volonté de venir puiser en cette pleyne source les saintes Indulgences, n'en soyent point [343] divertis par les faux bruitz que l'ennemi des ames fidelles a respandu a cett'intention.

            A Thonon, le VIII may 1607.

                                   FRANÇS, E. de Geneve.

                                                                       Par commandement de mondict Seigneur,

                                                                                  B. MANIGLIER.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme la comtesse Statella,

à Syracuse (Sicile).

 

 

 

ORDONNANCES SYNODALES

30 juin 1607 et 23 avril 1608

(Voir à l'Appendice I les pièces C, D, et ci-dessus,

la note de la page 298.) [344]

 

XIV. Requête de saint François de Sales et de Monseigneur Milliet, Evêque de Maurienne au duc de Savoie. La piété, apanage des princes de Savoie. — «Maligne production de proces» contre les gens d'Eglise. — Prière au duc d'assurer aux suppliants et à leur clergé la conservation et la paisible jouissance des revenus ecclésiastiques, suivant la teneur des «Articles» qu'ils envoient à Son Altesse.

 

Janvier 1609.

 

A SON ALTESSE.

 

                        Monseigneur,

            Encor qu'entre tant de perfections desquelles Dieu a comblé les ancestres de Vostre Altesse, il soit malayse de discerner celle qui tient le premier rang, si est ce que la pieté envers Dieu presente un esclat si particulier et si signalé entre toutes, qu'il donne toute asseurance aux tres humbles et tres obeissans orateurs de Vostre Altesse, Philibert, Evesque de Maurienne, François, Evesque de Geneve, supplians, tant a leur nom que de leur clergé, et aux autres ecclesiastiques soubsignés, de luy remonstrer:

            Que le malheur de cest aage a tellement perverti la conscience de plusieurs que, destournant l'usage du secours de la justice a une inique et maligne production de proces, se ruinant eux mesmes ilz font miserablement consumer, par toutes sortes de procedeures, contentions et chicaneries, les personnes, moyens et loysir des gens d'Eglise qui estoyent destinés au service de Dieu et des ames, au grand prejudice du bien publiq et de l'intention de ceux qui, anciennement, ont fait les fondations pieuses; entre lesquelles, [345] comme les devanciers de Vostre Altesse tiennent en toute sorte le premier rang, aussi semble il qu'Elle ayt plus d'interest a la maintenance et conservation d'icelles.

            C'est pourquoy les susditz ecclesiastiques la supplient? tres humblement de les relever de tant d'ennuis par une favorable, mais tres juste et tres equitable declaration, suyvant les Articles ci jointz, affin qu'avec plus de tranquillité ilz puissent s'acquitter de leurs devoirs spirituelz envers Dieu et le peuple; continuant d'implorer la souveraine bonté de Dieu pour la prosperité et benediction de la couronne de Vostre Altesse, laquelle ne les obligera pas moins en la grace qu'Elle leur fera de les rendre paysibles en la jouissance de leurs revenuz, que ses Serenissimes praedecesseurs ont fait leur en donnant les droitz et tiltres.

                        PHILIBERT, Evesque de Maurienne, tant a son nom que de son Clergé.

                        FRANÇOIS, Evesque de Geneve, tant a son nom que de son Clergé.

                        H. ABBE DE LA MANTE.

                        VESPASIEN, Abbé de Nostre Dame d'Abondance.

                        CHARLES DE LA TOUR, Prieur de Talloires.

            D. THOMASO BERGIERA, conservatore della Santa Casa della Madona Santissima in Tonone. [346]

            DE BLONAY, pour le Prieur de Saint Paul.

            D. THOMASO BERGIERA, per il Priore di Bordigni.

            Son Altesse mande au Senat de Savoye de pourvoir promptement sur le contenu en la Requeste et Articles dont elle faict mention et a icelle attachez.

            Thurin, le dernier janvier 1609.

                                                                                                                      BOURSIER.

 

 

 

Articles presentés a son Altesse pour la conservation des biens ecclesiastiques de Savoye affin qu'il luy playse d'en ordonner l'observation

 

            D'autant que les dismes et premices doivent estre payees a l'Eglise, tant par disposition du droict divin que humain, et neanmoins, a tous propos et contre toutes les raysons, les payemens d'icelles sont differés, evités et empeschés par mille sortes de subterfuges que la longueur des proces fournit: playse a Son Altesse d'ordonner a ses magistratz, entant que de leur connoissance et ïurisdiction, pourvoir a ce que, sans difficulté ni dilation, lesdittes dismes et premices soyent payees aux ecclesiastiques, au moins par provision, moyennant bonne et suffisante caution de rendre le tout, avec despens, dommages et interestz, s'il est dit en fin de cause.

            Parce que plusieurs, sans tiltre ni fondement, refusent le payement des dismes des biens de leurs universités et aux communs par eux cultivés et ensemencés, apres l'expiration de troys annees des leur culture et ensemencement et de la collecte des fruitz; comme aussi ilz le refusent des terres semees de meslange d'orge et pesettes, avoyne et pesettes, et encor de toutes lesdittes troys especes que l'on appelle communement bataille, au moyen dequoy, par divers artifices, petit a petit ilz s'exemptent dudit payement: playse a Son Altesse ordonner que les dismes seront payees de tous lesditz fons et desdittes batailles, comme dessus.

            D'autant qu'en plusieurs lieux et presque par tout il se treuve [347] grande diversité de quotes de la disme en la mesme dismerie, sans qu'il y ayt autre rayson que de la diversité des humeurs, du pouvoir et de la conscience des personnes, les plus riches et moins conscientieux amoindrissant tous-jours la quote, appuyés sur les commodités qu'ilz ont de donner delay et duree aux proces; au moyen dequoy les ecclesiastiques n'ont aucune certitude de leur revenu, d'autant que les dittes dismes leur sont differenciees, non seulement par regions, mais voire aussi par particulieres prestations en chacune d'icelles, au moyen de quoy lesditz ecclesiastiques les vont petit a petit perdant par la continuelle mutation de la quote: playse a Son Altesse ordonner qu'en chacune dismerie la disme se payera a mesme quote et la plus commune d'icelle dismerie, et uniformement par tous, sinon que les particuliers refusans fussent munis de tiltres suffisans au contraire.

            Comme aussi les servis et prestations annuelles deuës aux ecclesiastiques seront payés sur une reconnoissance et deux confins deuement verifiés par devant les commissaires, qui, a ces fins, seront deputés par les juges, au moins par provisions et a caution telle que dessus.

 

 

 

ORDONNANCES SYNODALES

6 mai 1609, 28 avril 1610 et 20 avril 1611

(Voir à l'Appendice I les pièces E, F, G, et ci-dessus,

la note de la page 298.) [348]

 

 

 

XV. Quelques pièces du rituel de 1612

 

1. Præfatio ad parochos

 

8 février 1612

 

            FRANCISCUS DE SALES, Dei et Apostolicae Sedis gratia Episcopus et Princeps Gebennensis, dilectissimis in Christo [349] et Reverendis ecclesiarum parrochialium diaecesis Gebennensis Rectoribus, salutem aeternam.

            Quod Holoferni Bethulianos obsidenti in mentem venit, dilectissimi Fratres, ut aquaeductum illorum fontesque omnes circumquaque incideret et occuparet, ne vel tantillum aquae siti obsessorum extinguendae uspiam superesset, id sane omnibus, horum maxime temporum, haereticis Ecclesiam vexantibus, solemne fuit consilium ac decretum; scilicet Sacramenta per quae, veluti per canales ac meatus quosdam opportunos, Salvator optimus maximus aquam gratiae salutaris in corda nostra derivat ac diffundit, vel omnino praecidere, vel pravis opinionibus inficere et occupare, ne fluminis in vitam aeternam salientis suavissimus impetus civitatem Dei deinceps laetificare posset. Ac primum quidem, Poenitentiam, Ordinem, Confirmationem, Matrimonium et Extremam Unctionem unica negationis impressione facta, penitus convellere nituntur; mox Baptismo efficacem peccatorum remissionem, Eucharistiae vero vivifici Corporis Dominici praesentiam, per summam sive impietatem, sive impudentiam, adimunt.

            Ritus denique illos antiquos quibus, veluti fimbriis [350] aureis circumamicta, in suorum administratione Sacramentorum, gratissima varietate fulget splendetque Mater Ecclesia, non solum negare, sed etiam dicteriis et cachinnis explodere, totis viribus moliuntur. Verum, quoniam Ecclesia, non extra muros, sed in medio sui Sanctum habet Spiritum, fortem illum videhcet aquarum viventium fontem, qui inde per Sacramenta in animos fidelium defluit, propterea de hac nostra Christianorum Bethulia, siti premenda vel ad deditionem cogenda, frustra et puerihter ab hsereticis cogitatum, dehberatum et tentatum est. Rivulorum enim originem a civitate trahentium praecisionem, non civibus inclusis, sed potius hostibus exclusis, non obsessis, sed obsidentibus, aquarum copiam intercidere et auferre manifestum est.

            Quin etiam quo vehementiori conatu ac uberiore intemperantia in Sacramentorum numerum, dignitatem, cultumve hostes Ecclesiae aciem converterunt, eo fortius ac firmius, pro sacro illo septenario numero, pro rituum religiosa solemnitate, ac rerum sacramentahum sanctitate, ab omnibus primum Antistibus in augustissimo Concilio Tridentino conjunctim, deinde etiam a plerisque fere omnibus [351] in suis provinciis seorsim, majore semper alacritate certatum est.

            Inter hos autem ex Nostris praedecessoribus, magnum Angelum Justinianum, incomparabilis doctrinae et ingenii virum, e Concilio cui interfuerat redeuntem, maximam operam huic rei impendisse meminimus; sed cum recenti ac miseranda Gebennensis dvitatis defectione hanc diaecesim universam tantisper exagitatam reperisset, primam laborum suorum partem in asserenda fide Catholica collocandam censuit. Quamvis enim inter populares nostros nemo palam haeresim profiteretur, aliqui tamen haeresis crimen non ita ut par est execrandum existimabant: homines non frigidi quidem, sed certe neque etiam calidi in fide; pauci quoque aliquot scioh, rerum literarumque humaniorum spectatores, ritus catholicos non sane damnare, sed tamen ad censuram et in discrimen suo judicio examinandos revocare contendebant. Quibus omnibus animorum aegritudinibus, eximia, qua pollebat, de rebus divinis [352]  dicendi ac disserendi virtute, frequentissimis concionibus, privatisque colloquiis, remedium praesentissimum attulit optimus Pontifex, effecitque tandem, ut passim in diaecesi, sed in hac maxime civitate, haereses haereticorumque nomen, infame, horrendum ac abominandum omnibus videretur et esset. In his ergo curis, necnon variis difficillimisque nodis dissolvendis, quibus temporum hominumque malitia optimorum Patrum conatus impedire solet, distentus et implicatus, non potuit Antistes, quantumvis vigilantissimus et fortissimus, brevi duodecim annorum spatio quibus episcopatum gessit, externum ecclesiasticae disciplinae Sacramentorumque splendorem penitus restituere.

            Porro igitur, ecce successit in ejus locum Claudius de Granier, vir dilectus Deo et hominibus, cujus memoria in benedictione est, quemque, propter veritatem, et mansuetudinem et pietatem, mirabiliter deduxit dextera Excelsi, similem illum faciens in gloria sanctorum ut honestaret eum in laboribus et impleret labores illius; huic enim praestantissimo Praesuli, quicquid propemodum in hac diaecesi non poenitendum videmus, nos ingenue [353] acceptum ferre justum est. Is preces Officiaque ecclesiastica ad praescriptum Concilii Tridentini emendata, in omnes diaecesis ecclesias suavissime pariter et efficacissime intulit. Parrochiales ecclesias per concursum conferendi, ex ejusdem Concilii decreto, quo nihil utilius, nihil sanctius excogitari poterat, saluberrimum morem, primus omnium in istis provinciis Gallicis, amplexus est, aliisque Praesulibus exemplum dedit, ut quemadmodum ille fecerat, ita et ipsi facerent. Sacerdotum vestes, quantum per locorum incommoda fieri potuit, ad modestiam clericalem revocavit; pias Sanctissimi Sacramenti Beatissimaeque Virginis cultui devotas sodalitates ubique propemodum erexit; Synodi quotannis celebrandae consuetudinem reparavit; sacros excubitores, quos Supervigiles vocant, variis locis sparsim collocavit, quibus caeteros sacerdotes erigere, monere, hortari eorumque moribus invigilare facultatem et munus contulit: nihil denique, quoad illi per temporum injuriam licuit, intactum reliquit, ut rem ecclesiasticam ad antiquum meliorum temporum statum reduceret. [354]

            Ac quidem, in his quæ in eum finem animo conceperat, non ultimo loco reponendam existimo novam Ritualis, ad normam sanctae Romanae Ecclesiae, exactam editionem. Nam quamvis multa extent Ritualium exemplaria, quorum inscriptio rituum Ecclesiae Romanae ordinem ac seriem lectori pollicetur, vix tamen ulla invenies quae inscriptioni penitus respondeant, idque praestent quod illa promisit. Quare merito operae pretium fore censebat optimus Antistes, si Ritualem librum edendum curaret, quem ad ipsissimum Romani Ritualis exemplar conformatum, omnes in hac diaecesi unanimiter et solum haberent, ac proinde, in tanta rituum varietate, unicam rituum celebrandorum rationem sequerentur.

            At enim, quia propemodum ultimo suo aetatis decennio, partim bellorum cladibus, partim variis ecclesiis restituendis multisque haereticorum millibus ad poenitentiam per se suosque reducendis (quos deinde flenti Matri Ecclesiae, tanquam filios redivivos, reddidit), fractus, occupatus, impeditus, interim dum editio Ritualis differtur, maximum omnibus bonis sui desiderium relinquens, ipse nobis aufertur, et in Caelos, uti sperandum est, effertur. [355] Propterea Nos, qui nobiscum foelicissime actum iri credimus si tanti Patris, non solum in munere quod gessit subeundo, sed etiam in eodem obeundo successores et imitatores fuerimus, Ritualem hunc librum nunc tandem aliquando, quod ipse multum optaverat, vobis expectantibus exhibemus.

            Rem autem ita fecimus. Primum, aliquot Ecclesiae Nostrae cathedralis doctis piisque hominibus nobiscum adhibitis, variarumque provinciarum Ritualibus libris in medium allatis, ex solo quidem Romano omnia quae ad ritum administrandorum Sacramentorum spectant adamussim excerpsimus; ex aliis, ac maxime ex antiquo Gebennensi, plurimas benedictionum formulas accepimus, quarum usum inter populares nostros pro laudabili recepta consuetudine retinendum existimavimus. Ex omnibus vero, quos habere potuimus, hinc inde mixtim, varios canones ac permulta documenta eduximus, quae maximam lucem parrochis eorumque vicariis ad rectam sui muneris exercitationem afferent; atque ita, apum exemplo, ex diversis floribus, mellificium in alveolum nostrum congessimus [356]. Calendarium etiam adjecimus, in quo festa et Officia notavimus quae in hac diaecesi, tum antiquo more, tum novissimis synodalibus Constitutionibus, stabilita sunt et admissa. Ac tandem formulam singulis diebus Dominicis summa capita religionis Christianae populis proponendi, quam jampridem jussu Reverendissimi Praedecessoris Nostri editam seorsim habebatis, nunc recognitam mendisque quibus maculata erat, purgatam huic libro addidimus, ut omnia quae ad munus vestrum maxime spectant, uno hoc volumine comprehensa, facilius prae oculis haberetis.

            Nihil enim propemodum amplius in hac re desiderari posse videbatur, praeter eas quas a me frequenter plerique vestrum postularunt, cathechisticas et familiares de Sacramentis et reliquis praecipuis capitibus religionis exhortationes; quas tamen, Deo propitio, me quoque daturum polliceor, ubi variarum solicitudinum actionumque mihi hinc inde occurrentium turba otium aliquod spiritumve mihi permiserit. Atque tunc videbitis, opinor, operam [357] illam huic libro Rituali minime adjungi debuisse, quippe quae volumen ipsa seorsim integrum postularet.

            Ergo, quandoquidem rei tot annis expetitae opportunum hunc finem, Deo dante, imposuimus, superest ut ea nunc omnes libenter et unanimiter utamini. Quod, ne quis per socordiam aut negligentiam praetermittat, Nos, in nomine Domini, cuilibet vestrum sigillatim et vobis omnibus simul mandamus et praecipimus, ne quis deinceps alios ritus, praeter eos qui hoc Rituali continentur, in Sacramentorum administratione sacrarumve benedictionum et actionum solemnitate usurpare, quovis praetextu, vel adhibere praesumat. Sic enim omnes, non tantum eadem fide, sed etiam uno eodemque ore ac vultu, in ecclesiis benedicemus Deo Domino, et juxta praeceptum Apostolicum, omnia inter nos honeste et secundum ordinem fient.

            Datum Annessii Aliobrogum, die octava Februarii, anno millesimo sexcentesimo duodecimo. [358]

 

 

 

1. Preface aux cures

 

            FRANÇOIS DE SALES, par la grâce de Dieu et du Siège Apostolique Evêque et Prince de Genève, aux très chers dans le Christ et [349] Révérends Recteurs des églises paroissiales du diocèse de Genève, salut éternel.

            Ce qu'Holopherne imagina, Frères très chers, lorsqu'il assiégeait Béthulie et qu'il fit couper et occuper de toutes parts son aqueduc et toutes ses fontaines, afin qu'il ne restât pas la moindre goutte d'eau pouvant étancher la soif des assiégés: c'est ce que reproduisent tous les hérétiques qui combattent l'Eglise, surtout ceux de notre temps. Ils ont résolu, en effet, soit de supprimer tout à fait, soit de corrompre par leurs fausses opinions les Sacrements, au moyen desquels comme par autant de canaux et de conduits bien adaptés, notre Sauveur très bon et très grand fait couler dans nos cœurs les ondes salutaires de la grâce. Ils empêchent ainsi que la très suave impétuosité du fleuve qui jaillit jusqu'à la vie éternelle ne puisse continuer à réjouir la cité de Dieu. Tout d'abord, ils s'efforcent, par une simple négation, d'abolir entièrement la Pénitence, l'Ordre, la Confirmation, le Mariage et l'Extrême-Onction; puis, par une souveraine impiété ou impudence, ils enlèvent au Baptême la rémission efficace des péchés, et à l'Eucharistie la présence du Corps du Seigneur qui donne la vie.

            Quant aux rites antiques par lesquels notre Mère l'Eglise, comme [350] revêtue de tissus d'or d'une agréable variété, brille et resplendit dans l'administration de ses Sacrements, ils s'efforcent de tout leur pouvoir, non seulement de les repousser, mais de les faire disparaître sous leurs sarcasmes et leurs éclats de rire. Mais l'Eglise possédant, non hors de ses murs, mais au milieu d'elle-même le Saint-Esprit, cette source abondante d'eaux vivifiantes qui, par les Sacrements, se répand dans les âmes des fidèles, c'est chose vaine et puérile de la part des hérétiques d'avoir imaginé, délibéré et tenté de prendre par la soif et de réduire à discrétion la Béthulie des chrétiens. En effet, couper des ruisseaux qui tirent leur origine de la ville elle-même, c'est manifestement priver d'eau, non les citoyens enfermés, mais bien plutôt les ennemis qui se tiennent au dehors, non les assiégés, mais les assiégeants.

            Bien plus: par le fait même que les ennemis de l'Eglise, avec des efforts plus violents et une excessive audace, ont tourné leurs attaques contre le nombre, la dignité et les cérémonies des Sacrements, tous les Evêques d'abord, réunis au très auguste Concile de Trente, puis la plupart d'entre eux séparément dans leurs provinces, avec une ardeur toujours croissante, ont lutté avec d'autant plus d'énergie et de fermeté en faveur de leur nombre sacré de sept, de [351] la religieuse solennité de leurs rites et de la sainteté qui appartient à tout ce qui les touche.

            Parmi eux, et au nombre de Nos prédécesseurs, Nous rappelons l'illustre Ange Giustiniani, homme d'une doctrine et d'un talent incomparables, qui, au retour du Concile, où il intervint, dépensa les plus grands efforts dans ce sens. Mais ayant, par suite de la récente et malheureuse défection de la ville de Genève, trouvé tout ce diocèse un peu troublé, il jugea à propos de consacrer la principale partie de ses travaux à la confirmation de la foi catholique. Quoique, en effet, parmi nos populations, personne ne professât ouvertement l'hérésie, quelques-uns toutefois ne jugeaient pas le crime d'hérésie aussi exécrable qu'il l'est en réalité : hommes non pas froids à l'égard de la foi, il est vrai, mais sans doute non plus bien chauds. En outre, quelques demi-savants, grands admirateurs de belles-lettres et d'antiquité classique, prétendaient, non certes condamner les cérémonies catholiques, mais les soumettre à leur censure et jugement. A toutes ces maladies de l'âme, l'excellent Pontife, avec la puissance remarquable de parole qu'il avait [352] lorsqu'il devait traiter des choses divines, opposa un remède de toute actualité par ses très fréquentes prédications et ses entretiens particuliers. Il obtint enfin que généralement dans le diocèse, mais surtout dans cette cité [d'Annecy], les hérétiques et leurs hérésies fussent tenus pour infâmes, dignes d'horreur et d'abomination. Au milieu de ces soucis, occupé et empêché aussi par les embarras multiples et très compliqués, par lesquels la malice des hommes et des temps a coutume d'entraver les efforts des meilleurs pasteurs, notre Evêque, quoique plein de vigilance et de force, ne put, dans le bref espace des douze années qu'il exerça sa charge épiscopale, rendre entièrement leur splendeur à la discipline ecclésiastique et à l'administration des Sacrements.

            Mais voici que lui succède Claude de Granier, homme cher à Dieu et aux hommes, dont la mémoire est en bénédiction; homme que la droite du Très-Haut conduisit d'une manière admirable à cause de son amour de la vérité, de sa douceur et de sa piété, lui faisant partager la gloire des saints, afin de l'enrichir dans ses pénibles labeurs et de faire fructifier ses travaux. En effet, tout ce que nous voyons dans ce diocèse qui ne soit pas à regretter, tout [353] cela à peu près, il est juste que nous le reportions avec simplicité à ce remarquable Prélat. C'est lui qui introduisit dans toutes les églises du diocèse, avec autant de douceur que d'efficacité, les prières et Offices ecclésiastiques corrigés selon les prescriptions du Concile de Trente. C'est lui qui, le premier dans nos provinces françaises, adopta la coutume, on ne peut plus utile et sainte, et prescrite par le même Concile, de conférer les églises paroissiales au concours: il donna ainsi l'exemple aux autres Evêques, afin que, comme il avait fait, ils fissent aussi eux-mêmes. Il ramena à la modestie cléricale le costume des prêtres, autant que les difficultés des lieux le permirent; il érigea presque partout de pieuses confréries dédiées au culte du Très Saint Sacrement et de la Bienheureuse Vierge Marie; il rétablit l'usage de célébrer chaque année le Synode; il plaça de ci et de là des ecclésiastiques appelés Surveillants, ayant faculté et mission de relever, d'avertir, d'exhorter les autres prêtres et de veiller sur leur conduite. Enfin il n'omit rien, autant que le lui permit la dureté des temps, pour ramener la vie de l'Eglise à l'antique coutume de temps meilleurs. [354]

            Or, parmi les projets qu'il avait formés dans ce but, je n'estime pas qu'il faille mettre au dernier rang celui d'une nouvelle et exacte édition du Rituel, sur le modèle de celui de la sainte Eglise Romaine. S'il existe, en effet, de nombreux exemplaires de Rituels dont le titre annonce au lecteur l'ordre et la série des rites de l'Eglise Romaine, on n'en rencontre presque pas qui répondent au titre et tiennent ce que celui-ci promettait. Aussi, notre excellent Prélat estimait, et avec juste raison, qu'il ferait chose avantageuse en éditant un Rituel, de tout point conforme au Romain, que tous dans ce diocèse adopteraient unanimement à l'exclusion de tout autre, et qu'ils suivraient comme règle unique dans la célébration des rites, au milieu des divergences si grandes qui existaient.

            Mais, pendant environ les dix dernières années de sa vie, il se trouva tracassé, occupé et empêché en partie par des guerres désastreuses, en partie par le devoir de restituer plusieurs églises au culte et d'amener à la pénitence, par lui-même ou par ses collaborateurs, des milliers d'hérétiques qu'il rendit, tels des fils ressuscités, à notre Mère l'Eglise qui les pleurait. Sur ces entrefaites, pendant que se différait l'édition du Rituel, notre Evêque, au très grand regret de tous les bons, nous est enlevé et, comme il faut l'espérer, [355] élevé au Ciel. C'est pourquoi Nous, qui Nous estimerons très heureux, non seulement d'avoir remplacé un tel Père dans sa charge, mais de Nous montrer son successeur et imitateur dans la façon dont Nous la remplirons, Nous vous présentons enfin cette édition du Rituel qu'il avait lui-même grandement souhaitée.

            Et voici maintenant Notre procédé. Tout d'abord, Nous étant adjoint quelques membres doctes et pieux de Notre clergé cathédral et ayant réuni un certain nombre de Rituels de diverses provinces, Nous avons extrait avec soin du seul Rituel Romain tout ce qui touche aux cérémonies de l'administration des Sacrements; des autres, surtout de l'ancien Rituel de Genève, plusieurs formules de bénédictions qu'il Nous a paru à propos de maintenu dans nos populations à cause de la louable coutume qui en a été introduite. Ensuite, de tous les exemplaires qu'il Nous fut possible de consulter, Nous avons de ci et de là tiré différentes règles et de nombreux enseignements qui fourniront une ample lumière aux curés et à leurs vicaires sur l'exercice bien réglé de leurs fonctions; c'est ainsi que, à l'exemple des abeilles, Nous avons, de diverses fleurs, amassé le miel dans notre ruche. Est aussi ajouté un Calendrier [356], où sont notés les fêtes et Offices établis et reçus dans Notre diocèse, soit par la coutume ancienne, soit par les récentes Constitutions synodales. Enfin, Nous avons joint à ce livre l'abrégé des principaux points de la religion chrétienne tels qu'ils doivent être exposés aux fidèles chaque dimanche. Vous aviez déjà à part ce formulaire édité par ordre de Notre Révérendissime Prédécesseur; maintenant, vous le trouverez ici revu et corrigé des erreurs qui s'y étaient glissées, afin que le présent volume réunissant tout ce qui touche à votre ministère, vous l'ayez ainsi plus facilement sous les yeux.

            Il ne paraissait pas, en effet, qu'on pût désirer autre chose touchant le sujet qui Nous occupe, sinon ces exhortations catéchistiques et familières sur les Sacrements et autres principaux points de la religion, que la plupart d'entre vous m'ont souvent demandées. Je vous promets, s'il plaît à Dieu, de vous les donner aussitôt que les nombreuses sollicitudes et occupations qui m'envahissent de toute part m'auront accordé un peu de loisir et de tranquillité d'esprit. Vous verrez alors, je pense, que ce travail ne devait pas être uni au Rituel, mais qu'il requiert un volume entier à part. [357]

            Maintenant donc que, par la grâce de Dieu, Nous avons opportunément terminé une œuvre désirée depuis tant d'années, il vous reste à vous en servir tous avec joie et unanimité. Et afin que personne n'omette de le faire par paresse ou négligence, Nous vous ordonnons et prescrivons au nom du Seigneur, à chacun de vous en particulier et à tous ensemble, que dans l'administration des Sacrements et l'accomplissement solennel des bénédictions et cérémonies saintes, nul dorénavant n'ait la présomption, sous aucun prétexte, d'employer d'autres rites que ceux qui sont contenus dans ce Rituel. Ainsi tous, non seulement d'une même foi, mais d'une seule et même bouche, d'une seule et même façon, nous bénirons le Seigneur Dieu dans les églises et, suivant le précepte de l'Apôtre, tout se fera parmi nous avec bienséance et avec ordre.

            Donné à Annecy, le 8 février 1612. [358]

 

 

 

2. Appendix ad calendarium in quo index habetur festorum quorum officia, non solum in ecclesia cathedrali, sed etiam ab omnibus clericis Diocesis Gebennensis recitari debent

 

In mense Januario

 

            Die 22 Januarii, festum SS. Martyrum Vincentii et Anastasii celebratur; duplex.

 

In Februario

 

            Prima die Februarii, festum S. Brigidae, virginis; duplex, et festum S. Ignatii transfertur in primam diem non impeditam festo novem lectionum.

            Die 3 Februarii, festum S. Blasii, Episcopi et Martyris; semiduplex.

            Die 11 Februarii, festum SS. Martyrum Victoris et Ursi, qui passi sunt cum reliqua legione Thebaea in agro Agaunensi finitimo, duce Beato Mauritio; semiduplex. [359]

 

In Aprili

 

            Die 22 Aprilis, festum S. Anselmi, Confessoris Pontificis, qui ex finitima Augustana diaecesi oriundus, ad archiepiscopatum Cantuariensem in Anglia evectus, exemplis, scriptis, miraculis, universam Ecclesiam illustravit. Semiduplex, sed ob festum SS. Martyrum Sotheris et Caii, transfertur in primam diem duplici vel semiduplici non impeditam.

 

In Maio

 

            Die 4 Maii, festum Sacratissimae Sindonis, quae diu in hac provincia asservata, magnam apud omnes semper habuit venerationem. Duplex solemne.

            Die 8 Maii, festum S. Petri, Episcopi et Confessoris, qui finitimam Ecclesiam archiepiscopalem Tarentasiensem mira vitae sanctitate diu administravit. Semiduplex, sed propter Apparitionem S. Michaelis, transfertur in primam diem duplici vel semiduplici non impeditam.

 

In Junio

 

            Die 6 Junii, festum S. Claudii, Episcopi et Confessoris, [360] qui Archiepiscopus Vesuntinus extitit, cujusque reliquiae, ob innumera miracula, in monasterio Sancti Eugendi, hujus diaecesis finitimo, maximo fidelium concursu passim celebrantur. Duplex.

            Die 15 Junii, festum S. Bernardi de Menthone, Confessoris non Pontificis, qui illustri loco in hac diaecesi natus, Archidiaconus Augustensis effectus, vitae sanctimonia ac plurimis miraculis has omnes praecipue regiones illustravit. Duplex, cum commemoratione SS. Martyrum Viti, Modesti et Crescentiae.

            Die 19 Junii, festum SS. Martyrum Gervasii et Prothasii; semiduplex.

            Die 26 Junii, festum S. Anthelmi, Episcopi et Confessoris, qui ex Ecclesia cathedrali Gebennensi, cujus Praepositus diu fuerat, Carthusianus effectus, ad episcopatum finitimum Bellicensem promotus, magna sanctitate et miraculorum varietate claruit. Semiduplex, sed propter festum SS. Martyrum Joannis et Pauli, transfertur in diem non impeditam festo novem lectionum. [361]

 

In mense Julio

 

            Die 2 Julii, in Officio Visitationis Beatae Mariae Virginis fit commemoratio SS. Martyrum Processi et Martiniani.

            Die 28 Julii, festum SS. Martyrum Nazarii et Celsi, et Innocentii, Papae et Confessoris, quorum Sanctus Nazarius ex Italia Treverim iter faciens, ac in civitate Gebennensi aliquamdiu moratus, plurimos ibidem ad fidem convertit, inter quos Celsum, admodum juvenem, civem Gebennensem, quem postea martyrii socium habuit. Duplex.

            Die 31 Julii, festum S. Germani, Episcopi et Confessoris; semiduplex.

 

In Augusto

 

            Die prima Augusti, festum S. Petri Apostoli ad vincula, Patroni Ecclesiae cathedralis Gebennensis; duplex solemne cum octava. Et in die octava, festum SS. Cyriaci et Sociorum transfertur in sequentem, cum commemoratione vigiliae et S. Romani.

            Die 2 Augusti, SS. Machabeorum, Martyrum, quorum festum, ob Ecclesiae cathedralis Patroni solemnia, translatum est ex prima die in sequentem. Duplex. [362]

            Die 16 Augusti, festum S. Theoduli, Episcopi et Confessoris, qui Ecclesiae Sedunensi, nobis finitimae, miram spirans vitae sanctimoniam, foelicissime praefuit, cujusque memoria, propter miraculorum frequentiam, ubique in his regionibus celeberrima est.

 

In Septembri

 

            Die 7 Septembris, festum S. Grati, Episcopi et Confessoris, qui finitimam Ecclesiam Augustanam rexit.

            Die 20 Septembris, festum SS. Martyrum Eustachii et Sociorum; semiduplex, cum commemoratione vigiliae.

            Die 22 Septembris, festum SS. Mauritii et Sociorum, quorum sanguine his omnibus locis propemodum conspersis, harum provinciarum tutelares apud Deum intercessores jam olim a majoribus nostris magna religione habiti sunt, Duplex.

            Die 27 Septembris, festum SS. Martyrum Cosmae et Damiani; duplex.

 

In Octobri

 

            Prima die Octobris, festum S. Angeli Custodis, juxta Officium Pauli V, Pontificis Maximi, jussu recenter editum; duplex. [363]

            Die 2 Octobris, festum S. Leodegarii, Episcopi et Martyris; semiduplex.

            Die 8 Octobris, Dedicatio ecclesiae S. Petri Gebennensis; duplex solemne, cum octava.

            Die 9 Octobris, festum SS. Martyrum Dionisii et Sociorum; duplex, cum commemoratione octavae.

            Die 15 Octobris, octava Dedicationis ecclesiae Gebennensis; duplex.

            Die 26 Octobris, Revelatio SS. Mauritii et Sociorum; semiduplex, cum commemoratione S. Evaristi.

 

In Novembri

 

            Die 22, festum S. Caeciliae, Virginis et Martyris; duplex.

 

In Decembri

 

            Die 6 Decembris, festum S. Nicolai, Episcopi et Confessoris; duplex.

Singulis porro diebus jovis, extra tempus Quadragesimale, Adventus et vigiliarum, si nullum occurrat festum [364] duplex sive semiduplex, fit Officium semiduplex de Sanctissimo Eucharistiae Sacramento, cujus cum adoratio ab haereticis per summam perfidiam irrideatur, consonum est ut in hac maxime diaecesi, quanta fieri poterit maxima devotione, celebretur.

 

 

 

2. Appendice au calendrier contenant l'index des fêtes dont les offices doivent être récités non seulement dans l'église cathédrale, mais aussi par tous les clercs du Diocèse de Genève

 

En janvier

 

            Le 22 janvier, fête des saints martyrs Vincent et Anastase; double.

 

En février

 

            Le 1er février, fête de sainte Brigitte, vierge; double, et la fête de saint Ignace est transférée au premier jour non empêché par une fête de neuf leçons.

            Le 3 février, fête de saint Biaise, évêque et martyr; semi-double.

            Le 11 février, fête des saints martyrs Victor et Ursus, qui souffrirent avec le reste de la légion Thébaine dans la plaine d'Agaune, toute voisine, ayant pour chef le bienheureux Maurice; semi-double. [359]

 

En avril

 

            Le 22 avril, fête de saint Anselme, confesseur pontife, lequel, originaire du diocèse voisin d'Aoste, élevé à l'archevêché de Cantorbéry en Angleterre, illustra toute l'Eglise par ses exemples, ses écrits et ses miracles. Semi-double, mais qui, à cause de la fête des saints martyrs Sotère et Caïus, est transféré au premier jour non empêché par un double ou un semi-double.

 

En mai

 

            Le 4 mai, fête du Très Saint Suaire, lequel, longtemps conservé dans cette province, a toujours été chez tous les nôtres en grande vénération. Double solennel.

            Le 8 mai, fête de saint Pierre, évêque et confesseur, qui administra longtemps, avec une admirable sainteté de vie, l'Eglise archiépiscopale voisine de Tarentaise. Semi-double; mais à cause de l'Apparition de saint Michel, on le transfère au premier jour non empêché par un double ou un semi-double.

 

En juin

 

            Le 6 juin, fête de saint Claude, évêque et confesseur, qui fut [360] archevêque de Besançon, et dont les reliques, à cause d'innombrables miracles, sont honorées d'un concours extraordinaire de fidèles au monastère de Saint-Oyend, voisin de ce diocèse. Double.

            Le 15 juin, fête de saint Bernard de Menthon, confesseur non pontife, qui, né dans ce diocèse d'une illustre famille, devenu archidiacre d'Aoste, illustra spécialement toutes nos régions par la sainteté de sa vie et de nombreux miracles. Double, avec mémoire des saints martyrs Vite, Modeste et Crescence.

            Le 19 juin, fête des saints martyrs Gervais et Protais; semi-double.

            Le 26 juin, fête de saint Anthelme, évêque et confesseur, lequel, après avoir été longtemps prévôt de l'Eglise cathédrale de Genève, puis Chartreux, fut élevé à l'évêché voisin de Belley, et brilla par sa grande sainteté et ses divers miracles. Semi-double, mais transféré, à cause de la fête des saints martyrs Jean et Paul, à un jour non empêché par une fête de neuf leçons. [361]

 

En juillet

 

            Le 2 juillet, en l'Office de la Visitation de la Bienheureuse Vierge Marie, on fait mémoire des saints martyrs Processe et Martinien.

            Le 28 juillet, fête des saints martyrs Nazaire et Celse, et de saint Innocent, Pape et confesseur. Saint Nazaire, faisant route d'Italie à Trèves et s'étant un peu arrêté dans la ville de Genève, y convertit plusieurs personnes à la foi, entre autres Celse, tout jeune homme, citoyen de Genève, qu'il eut ensuite comme compagnon de martyre. Double.

            Le 31 juillet, fête de saint Germain, évêque et confesseur; semi-double.

 

En août

 

            Le 1er août, fête de saint Pierre Apôtre ès-liens, Patron de l'Eglise cathédrale de Genève; double solennel avec octave. Et le jour octaval, la fête de saint Cyriaque et de ses Compagnons est transférée au jour suivant, avec mémoire de la vigile et de saint Romain.

            Le 2 août, des saints Machabées, martyrs, dont la fête, à cause de la solennité du Patron de l'Eglise cathédrale, a été transférée du 1er août au jour suivant. Double. [362]

            Le 16 août, fête de saint Théodule, évêque et confesseur, qui gouverna très heureusement l'Eglise voisine de Sion en répandant une merveilleuse odeur de sainteté, et dont la mémoire, à cause de la multitude de ses miracles, est très célèbre partout dans nos contrées.

 

En septembre

 

            Le 7 septembre, fête de saint Grat, évêque et confesseur, qui gouverna l'Eglise voisine d'Aoste.

            Le 20 septembre, fête des saints martyrs Eustache et ses Compagnons; semi-double, avec mémoire de la vigile.

            Le 22 septembre, fête des saints Maurice et ses Compagnons, dont le sang a baigné presque tous ces pays, qui sont les protecteurs devant Dieu de nos provinces et ont été déjà autrefois très honorés par nos aïeux. Double.

            Le 27 septembre, fête des SS. Martyrs Côme et Damien; double.

 

En octobre

 

            Le 1er octobre, fête du saint Ange Gardien, d'après l'Office récemment publié par l'ordre de Paul V, Souverain Pontife; double. [363]

            Le 2 octobre, fête de saint Léger, évêque et martyr; semi-double.

            Le 8 octobre, Dédicace de l'église de Saint-Pierre de Genève; double solennel, avec octave.

            Le 9 octobre, fête des saints martyrs Denis et ses Compagnons; double, avec mémoire de l'octave.

            Le 15 octobre, jour octaval de la Dédicace de l'église de Genève double.

            Le 26 octobre, Révélation des saints Maurice et ses Compagnons; semi-double, avec mémoire de saint Evariste.

 

En novembre

 

            Le 22, fête de sainte Cécile, vierge et martyre; double

 

En décembre

 

            Le 6 décembre, fête de saint Nicolas, évêque et confesseur; double.

            En outre, tous les jeudis, hors du Carême, de l'Avent et des vigiles, s'il ne se rencontre aucune fête double ou semi-double, on fera [364] l'Office semi-double du Très-Saint-Sacrement de l'Eucharistie. L'adoration de ce Sacrement étant, par une insigne perfidie, un objet de moquerie de la part des hérétiques, il convient que, surtout dans ce diocèse, on l'honore avec la plus grande dévotion possible.

 

 

3. Formulaire du prone

 

IN NOMINE PATRIS, ET FILII, † ET SPIRITUS SANCTI. AMEN.

 

            Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu exauce [365] toutes les prieres qui luy sont devotement presentees au nom de Jesus Christ son Filz, toutesfois il s'est reservé des lieux et des jours esquelz il veut estre plus particulierement servi et invoqué; comme aussi en iceux il reçoit plus favorablement nos requestes. C'est pourquoy la sainte Eglise, fondee sur les divines promesses et coustumes apostoliques, a tres bien ordonné qu'es saintz jours de Dimanches et festes nous nous assemblions en l'eglise, laquelle a esté appellee par Nostre Seigneur mayson de Dieu et de priere. Et c'est pour, en icelle, celebrer le tressaint Sacrifice de la Messe, auquel nostre Sauveur, par les mains des prestres, s'offre et presente reellement, sous les especes de pain et de vin, a Dieu son Pere eternel, pour hostie et offrande vivante, en remembrance et commemoration de sa Mort et Passion; affin que, par ce divin Sacrifice, nous fassions hommage, reconnoissance et action de graces a Dieu nostre Createur de tous nos biens et personnes, et qu'en vertu d'iceluy nos prieres soyent encor plus aggreables devant le throsne de sa divine Bonté.

            Pour donq faire aujourd'huy cette sainte celebration au mieux que nous pourrons, sçachans que Dieu regarde volontier a la priere des humbles et ne mesprise point le coeur contrit et humilié, nous mettrons les genoux a terre et, nous humiliant de tout nostre cœur devant sa divine face, nous le remercierons de tous les biens que nous avons eus et qui nous sont preparés, et principalement de la Mort et Passion de Nostre Seigneur Jesus Christ, par laquelle nous avons esté delivrés de la damnation eternelle; nous tenans et reconnoissans pour ses pauvres et miserables creatures, indignes et inutiles serviteurs, dependans en tout et par tout de sa sainte misericorde et mercy, a laquelle nous recourons pour avoir pardon et remission de nos offenses et iniquités.

            Et a cette intention nous nous accuserons de tous nos pechés en general, avec vray propos de les confesser en particulier en tems et heu, selon l'ordonnance de Dieu et de son Eglise. Nous dirons donq en cette sorte:

            «Je me confesse a Dieu tout puyssant, a la glorieuse [366] Vierge Marie, au bien heureux saint Michel Archange, au bien heureux saint Jean Baptiste et a saint Pierre et saint Paul, apostres, a monseigneur saint N., mon Patron, et a tous les Saintz et Saintes de Paradis, et a vous, mon Pere spirituel, pour ce que j'ay grandement peché en pensees, en parolles et en œuvres: et le tout par ma faute, par ma coulpe et par ma tres grande coulpe. Et partant, je prie la glorieuse Vierge Marie, le bien heureux saint Michel Archange, le bien heureux saint Jean Baptiste, saint Pierre et saint Paul, apostres, monseigneur saint N., mon Patron, et tous les Saintz et Saintes de Paradis, et vous, mon Pere spirituel, de prier pour moy vers mon Dieu, mon Createur, affin qu'il luy playse me pardonner.»

            Misereatur vostri, etc.

            Indulgentiam, etc.

            En cette mesme reconnoissance et humilité, nous demanderons a Dieu son ayde et secours pour toutes nos necessités:

            Et premierement, qu'il luy playse dresser nos ames a son saint service, affin que, sur le fondement de la vraye foy, nous puissions avoir une sainte esperance de nostre salut par le moyen de la charité, en l'observation de ses commandemens.

            Nous prierons par apres pour tous nos superieurs, tant spirituelz que temporelz; pour nostre Saint Pere le Pape et pour tous les Prelatz, pasteurs et personnes ecclesiastiques qui sont legitimement deputés au gouvernement des ames, et specialement pour Monseigneur le Reverendissime nostre Evesque et Pasteur, affin qu'il playse a Dieu leur faire la grace de si bien repaistre et guider les brebis qui leur sont commises, que, estans garantis de toutes fauses opinions et seductions, elles vivent et perseverent ça bas en l'union de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, attendans d'estre receus en l'Eglise triomphante, la haut en Paradis.

            Nous prierons de mesme, comme conseille saint Paul, pour tous Princes et magistratz chrestiens, et particulierement pour Sa Majesté et pour la Reyne regente et pour [367] Messeigneurs les Princes du sang; et non seulement pour eux, mays pour tous ceux qu'ilz ont ordonnés pour gouverner de leur part, affin qu'il playse a Dieu leur donner le don de force et de conseil pour nous maintenir en sainte paix et tranquillité, et administrer droittement la justice, affin que, sous leur obeissance, «nous passions tellement par les biens temporelz, que nous ne perdions pas les eternelz.»

            Davantage, s'il est ainsy que nostre Sauveur prevoyant la ruine de Hierusalem pleura sur icelle, nous devons deplorer et regretter de tout nostre cœur la perdition des pauvres ames des infideles, schismatiques, desvoyés et faux chrestiens, qui se font un thresor de l'ire de Dieu pour le jour de son courroux, a ce qu'il luy playse les esclairer de sa sainte grace et verité.

            De plus, Nostre Seigneur reputant estre fait a soy ce qui est fait au moindre des siens, nous prierons pour tous les pauvres affligés et necessiteux, pour les vefves, orphelins, malades, prisonniers, pelerins, et generalement pour tous ceux qui sont en tribulation et adversité, affin qu'il playse au Pere des misericordes et de toutes consolations de les assister de son Saint Esprit, affin que, recevans leur affliction en humilité, ilz puissent posseder leurs ames en patience.

            Specialement nous prierons qu'il playse a Dieu avoir en sa garde les femmes enceintes, et mesme de cette parroisse, conduisant le fruict de leur ventre au saint Sacrement de Baptesme pour avoir part a l'heritage du Ciel.

 

S'IL FAUT RECOMMANDER QUELQU'UN:

 

            Nous prierons aussi pour tel N., ou telle N., de cette parroisse, lequel estant touché d'une griefve maladie se recommande a vostre charité, a ce qu'il playse a Dieu luy envoyer ce qu'il sçait luy estre plus prouffitable a son salut. [368]

            Nous demanderons aussi a ce Pere celeste nostre pain quotidien, ainsy qu'il nous a enseigné, le priant de conserver et multiplier les fruitz de la terre et de donner sa benediction aux labeurs de nos mains, affin que nous les puissions recueillir en bonne paix et santé, pour user sobrement d'iceux, selon sa volonté, et en faire part aux pauvres necessiteux.

            Finalement, puisque la Sainte Escriture tesmoigne et l'Eglise a tous-jours creu que c'est une sainte et salutaire pensee de prier pour les fidelles trespassés, nous prierons pour nos peres, meres, freres, parens et amis et tous autres fidelles decedés, et en particulier pour ceux desquelz les cors reposent en cette eglise ou cimetiere, et tous bienfacteurs d'icelle (et mesme pour tel N. ou telle N.), lesquelz estans trespassés au giron de l'Eglise, sont et seront tous-jours ses enfans, appartenans a un mesme Royaume de Jesus Christ et membres d'un mesme cors avec nous; affin que, s'ilz estoyent detenus en quelque peyne, il playse a Dieu les en retirer et les colloquer au repos eternel.

            Or, affin que nos requestes soyent plus aggreables au Pere eternel, nous les luy presenterons selon la forme que Nostre Seigneur son Filz nous a monstree en l'Orayson dominicale, laquelle nous reciterons maintenant, tant pour nous en resouvenir que pour commencer nos prieres par icelle.

            Vous dires donq humblement avec moy:

            Pater noster, [etc.] C'est a dire:

            Nostre Pere qui estes es cieux, vostre nom soit sanctifié, vostre Royaume nous advienne, vostre volonté soit faitte en la terre comme au Ciel. Donnes nous aujourd'huy nostre pain quotidien, et nous pardonnes nos offences comme nous pardonnons a ceux qui nous ont offencé, et ne nous induises point en tentation, mais delivres nous du mal. Ainsy soit il.

            Nous reciterons aussi la Salutation angelique, tant en memoire de nostre Redemption qui fut annoncee par l'Ange en cette Salutation, que pour nous joindre a la communion de tous les Saintz en la personne de la glorieuse Vierge Marie, laquelle nous prions de prier pour [369] nous Dieu le Pere, au nom de son Filz, nostre unique Sauveur. Donq vous dires apres moy:

            Ave, Maria, gratia plena, [etc.] C'est a dire:

            Je vous salue Marie, pleine de grace, le Seigneur est avec vous; vous estes benite entre les femmes et benit est le fruit de vostre ventre, JESUS. Sainte Marie, Mere de Dieu, pries pour nous pecheurs, maintenant et a l'heure de nostre mort. Ainsy soit il.

            De plus, parce que non seulement nos prieres, mais aussi toutes nos actions doivent estre fondees en la vraye foy, sans laquelle, comme dit l'Escriture, il est impossible de plaire a Dieu, nous ferons generale protestation de vouloir vivre et mourir en la foy de l'Eglise Catholique, Apostolique et Romaine, par le recit du Symbole des Apostres, disans:

            Credo in Deum Patrem omnipotentem, [etc.] C'est a dire:

            Je croy en Dieu le Pere tout puyssant, [etc.]

            Benedicite Dominus, nos et ea quae sumus sumpturi, benedicat dextera Christi. In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Amen. C'est a dire:

            Benisses le Seigneur, ains plustost, que le Seigneur nous benisse, et que, tant nous que tout ce qui est pour nostre usage, soit beni par la dextre de Jesus Christ. Au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit. Ainsy soit il.

            Encores est il requis sur toutes choses au vray chrestien d'observer la volonté de Dieu pour parvenir a la vie eternelle, la foy sans les œuvres estant morte, comme dit saint Jaques Oyes donq avec reverence les Commandemens de Dieu, pour les apprendre et garder de point en point, moyennant sa sainte grace.

            1. Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ay tiré de la terre d'Egipte, de la mayson de servitude. Tu n'auras point d'autre Dieu que moy. Tu ne te feras tailler aucune idole ou semblante des choses qui sont en haut au ciel, ou de celles qui sont ça bas en terre, ou de celles qui sont es eaux sous la terre. Tu ne les adoreras ni serviras.

            2. Tu ne prendras point le nom de ton Seigneur Dieu en vain, [etc.]

            (Quelquefois se pourront dire les Commandemens comme dessus est escrit, et d'autres fois comme s'ensuit :)

            Voyla les Commandemens de Dieu ainsy qu'ilz furent [370] donnés a Moyse, lesquelz, pour en avoir meilleure souvenance, on peut reduire en la maniere suyvante:

            1. Un seul Dieu tu adoreras et aymeras parfaitement; [etc.]

            Or, non seulement Dieu veut estre ouy et obey, mays aussi il veut que l'Eglise soit escoutee et obeye, a peyne, pour ceux qui font au contraire, d'estre reputés devant luy pour infidelles, payens et publicains, ne pouvant «avoir Dieu pour Pere, qui n'aura l'Eglise pour Mere.» Vous apprendres donq ses Commandemens et les garderes de bon cœur; c'est a sçavoir:

            1. Les Dimanches Messe ouyras, et festes de commandement; [etc.]

            S'il y a des festes ou vigiles on pourra dire: Obeyssans donq ausditz Commandemens, vous jeusneres tel ou tel jour, et vous observeres la feste de N. tel ou tel jour, vous abstenans de toute œuvre servile, pour vacquer au service de Dieu ne plus ne moins que le jour de Dimanche ou de Noël (selon la feste).

            S'il y a quelque feste de vœu, il dira: Vous aves (tel jour) la feste de N., que vos predecesseurs ont voüee pour telle occasion, laquelle vous estes obligés de faire comme le Dimanche, selon vostre vœu.

            S'il y a quelque feste de devotion, il dira: Vous aves (tel jour) la feste de N., laquelle n'est pas de commandement, mays seulement de devotion, pour ceux qui la voudront garder.

            Puis il pourra adjouster: Et quant a present, vous n'aves autre feste de commandement.

            S'il faut publier quelque mariage, il dira: Il y a traitté de mariage en la face de nostre Mere sainte Eglise entre N. et N.; parquoy, si quelqu'un sçait aucun empeschement pour lequel ledit mariage ne deust sortir en son plein et dernier effect, qu'il ayt a le reveler, autrement il n'en sera creu par apres.

            S'il faut adviser de quelque larcin ou de quelque chose perdue: J'advise ceux ou celles qui auront desrobbé ou treuvé N. N., qu'ilz le rendent, autrement ilz encourront [371] la malediction donnee contre ceux qui violent la loy de Dieu.

            S'il y a aussi quelque Monitoire, il se publiera icy.

            Que s'il n'y a aucune feste a commander, il dira: Quant a cette semaine, vous n'aves aucune feste de commandement ni de devotion.

            Et finira disant: Mays seulement je vous recommande d'aymer Dieu sur toutes choses et vostre prochain comme vous mesmes. Que donq tous desbatz, vengeances, dissensions et malveuillances cessent et ne se treuvent jamais entre vous. Et la benediction, grace et paix de Dieu vous soit donnee a jamais, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit. Ainsy soit il.

Ou bien:

            Et la benediction donnee a saint Pierre et saint Paul, a sainte Marie Magdeleyne repentante, au bon Larron en l'arbre de la Croix, vous soit donnee a tous et a toutes, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit. Ainsy soit il.

 

 

ES JOURS DES PESTES SOLEMNELLES ET AUTRES COMMANDEES

L'ON POURRA COMMENCER, AU COMMENCEMENT DU PROSNE:

 

            «Peuple chrestien, encor que nostre bon Dieu,» etc., et le reste qui s'ensuit jusques a l'absolution: Indulgentiam, etc., inclusivement. Et apres l'on pourra faire la fin de cette sorte:

            Je vous recommande d'aymer Dieu sur toutes choses et vostre prochain comme vous mesmes. Parquoy tous desbatz, vengeances, dissensions et malveuillances cessent et ne se treuvent jamais entre vous. Et la benediction, grace et paix de Dieu vous soit donnee a jamais, † au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit. Ainsy soit il. [372]

 

 

SECUNDA DOMINICA POST EPIPHANIAM

OMNES PAROCHI, CONCEPTIS VERBIS DECRETUM CONCILII TRIDENTINI DE MATRIMONIO, PROMULGABUNT HOC MODO:

 

            Le Sacrement de Mariage estant de si grande importance a l'Eglise et republique chrestienne, affin que desormais il soit celebré plus convenablement et saintement, nostre Mere la sainte Eglise Catholique, Apostolique, Romaine a declairé nulz et de nul effect tous mariages qui se font sans la presence de l'Evesque ou du Curé, ou de quelqu'un deputé de la part de l'Evesque ou de la part du Curé, et sans l'assistence de deux tesmoins. Laquelle ordonnance ayant des long tems esté publiee par tout ce diocese, vous est maintenant derechef declairee, publiee et annoncee, affin que nul n'en pretende cause d'ignorance.

 

SINGULIS VERO FESTIVITATIBUS SANCTISSIMAE TRINITATIS

OMNES PAROCHI DOCEBUNT POPULUM DE MODO ET RITU

SACRAMENTI BAPTISMATIS ADMINISTRANDI, SUB HAC VERBORUM FORMULA:

 

            Parce que l'Eglise nous propose aujourd'huy en l'Escriture de l'Evangilement de Baptesme, et que d'ailleurs chaque fidelle peut et doit l'administrer en cas d'extreme necessité, partant vous deves sçavoir qu'en ce cas la d'extreme necessité, c'est a dire quand il y a danger que la creature qui doit estre baptizee ne meure promptement, il suffit de prendre de l'eau naturelle et commune, et la respandre sur l'enfant en telle sorte qu'elle le touche, en disant ces paroles: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

            Et affin que vous les puissies mieux retenir, pour en user en cas de laditte necessité, je dis encor une fois, que, mettant l'eau et la respandant sur la creature en telle sorte qu'elle la touche, il faut dire: Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Saint Esprit.

 

SINGULIS DOMINICIS QUINQUAGESIMAE

UNUSQUISQUE PAROCHORUM MONEBIT POPULUM HIS VERBIS:

 

            Mercredy prochain nous commencerons le saint Caresme et ferons l'imposition des saintes Cendres, selon l'institution apostolique et catholique. Partant, un chacun soit adverty de rendre son devoir, en s'abstenant despuis ledit [373] jour jusques au jour de Pasques de l'usage de la chair, des œufs et du fromage, sinon que pour quelque cause raysonnable il en fust dispensé des Superieurs ecclesiastiques. Comme aussi un chacun doit jeusner tous les jours, le Dimanche reservé, sinon que pour l'aage, maladie ou autres occasions il en soit exempté. Et parce que ce saint tems est sayson de la cueillette spirituelle des bonnes œuvres, on vous exhorte au nom de Dieu de vacquer plus soigneusement a prieres, aumosnes et penitences, en vous preparant de faire la sainte Confession et Communion de Pasques, a la gloire de Dieu et salut de vos ames.

 

 

4. Fêtes commandées et fêtes de dévotion

 

Les festes de commandement en janvier sont:

            Le premier jour, la Circoncision de Nostre Seigneur.

            Le 6, les Roys.

 

Les festes de devotion:

            Le 17, saint Anthoyne.

            Le 20, saint Sebastien, Martyr.

 

En febvrier, festes de commandement:

            Le 2, la Purification de Nostre Dame.

            Le 24, saint Mathias, Apostre.

 

Feste de devotion en febvrier:

            Le premier, sainte Brigide, Vierge.

 

En mars, feste de commandement:

            Le 25, Annonciation de Nostre Dame.

 

En avril, festes de devotion:

            Le 23, saint Georges, Martyr. Le 25, saint Marc, Evangeliste.

 

En may, feste de commandement:

            Le premier, saint Jaques et saint Philippe, Apostres.

 

Festes de devotion en may:

            Le 3, l'Invention de la sainte Croix.

            Le 4, le Saint Suaire.

 

En juin, festes de commandement:

            Le 24, la Nativité de saint Jean Baptiste.

            Le 39, saint Pierre et saint Paul, Apostres. [374]

Festes de devotion en juin:

            Le 6, saint Claude, Evesque.

            Le 11, saint Barnabé Apostre.

            Le 15, saint Bernard de Menthon.

 

En juillet, feste de commandement:

            Le 25, saint Jaques, Apostre.

 

Festes de devotion en julliet:

            Le 2, la Visitation de Nostre Dame.

            Le 22, sainte Marie Magdeleyne.

 

En aoust, festes de commandement:

            Le 10, saint Laurent.

            Le 15, l'Assomption de Nostre Dame.

            Le 24, saint Barthelemy, Apostre.

 

Festes de devotion en aoust:

            Le premier, saint Pierre aux Liens.

            Le 16, saint Roch et saint Theodose.

 

En septembre, festes de commandement:

            Le 8, la Nativité de Nostre Dame.

            Le 21, saint Matthieu, Apostre.

            Le 29, saint Michel, Archange.

 

Festes de devotion en septembre:

            Le 6, saint Grat, Evesque.

            Le 14, l'Exaltation de la sainte Croix.

            Le 22, saint Maurice, Martyr.

 

En octobre, feste de commandement:

            Le 28, saintz Simon et Jude, Apostres.

 

Feste de devotion en octobre:

            Le 18, saint Luc, Evangeliste.

 

En novembre, festes de commandement:

            Le premier, la feste de Toussaintz.

            Le 30, saint André, Apostre.

 

Festes de devotion en novembre:

            Le 11, saint Martin, Evesque.

            Le 25, sainte Catherine, Vierge et Martyre.

 

En decembre, festes de commandement:

            Le 21, saint Thomas, Apostre.

            Le 25, la Nativité de Nostre Seigneur Jesus Christ.

            Le 26, saint Estienne, Protomartyr.

            Le 27, saint Jean l'Evangeliste et Apostre. [375]

 

Festes de devotion en decembre:

            Le 6, saint Nicolas, Evesque.

            Le 8, la Conception de Nostre Dame.

            Le 28, les Innocens.

            Le 31, saint Sylvestre, Pape.

 

            Notes que sont aussi de commandement tous les jours du Dimanche, le second et tiers jours de Pasques, le jour de l'Ascension de Nostre Seigneur, le second et tiers jours de Pentecoste, le jour de la Feste Dieu; item, les jours des Dedicaces et Patrons des eglises, comme de mesme les testes legitimement voüees par authorité du Praelat, a chacun selon sa parroisse et lieu d'habitation. Toutes lesquelles festes de commandement un chacun doit sanctifier, s'abstenant de toutes œuvres serviles et oyant entierement et devotement la sainte Messe; et ce, sous peyne de peché mortel, s'il n'y a legitime excuse. Et quant aux autres festes de devotion, combien que personne ne soit astreint sous aucune peyne de les garder ou celebrer, toutes-fois celuy fera bien qui, selon la louable coustume du diocese, rendra en icelles son devoir envers Dieu, les Saintz et l'Eglise.

            Au reste, est defendu a tous curés et vicayres de ne publier au Prosne et solemnité de la sainte Messe aucune chose profane, comme venditions, accensemens de biens, payement de tailles, ou servis, et autres choses semblables; ains seulement ce qui concernera le service de Dieu et de son Eglise, comme festes, jeusnes, processions et autres commandemens qui viennent de la part de Monseigneur le Reverendissime.

 

 

 

5. Casus episcopales Gebennensis Diæcesis

 

            1. Incendium domorum, frugum et aliarum rerum majoris momenti, ex proposito factum.

            2. Homicidium voluntarium actu perpetratum.

            3. Parricidium, non tantum eorum qui parentes suos occidunt, sed etiam qui eos graviter mutilant aut vulnerant. [376]

            4. Peccatum contra naturam, ut bestialitas et sodomiticum.

            5. Incestus, tam consanguinitatis quam affinitatis, necnon spiritualis cognationis inter compatrem et commatrem, susceptos et suscipientes.

            6. Adulterium publicum.

            7. Usura publica.

            8. Veneficium et maleficium, eonun praesertim qui per ligaturas aut similes incantationes matrimonii consummationem impediunt.

            9. Sacrilegium furti rei sacrae notabilis in loco sacro.

            10. Item, sacrilegium fornicationis cum Moniali, vel cum alia quacumque persona in loco sacro.

            Sciant praeterea, non posse quemquam absolvere ab excommunicationibus reservatis Episcopo, tam a jure quam ab homine, nec etiam vota permutare, aut ab illis dispensare, nec a delectu ciborum Quadragesimali tempore prohibitorum absolvere, sine expressa ejus venia et facultate.

 

 

 

6. Exorcismus pro impeditis in matrimonio a dæmone vel maleficis

 

            v. Adjutorium nostrum in nomine Domini.

            Pv. Qui fecit caelum et terram.

            v. Dominus vobiscum.

            Pv. Et cum spiritu tuo.

 

OREMUS

            Domine Jesu Christe, Dei et beatae Mariae Virginis Filius, qui in paradiso terrestri matrimonium instituisti in officium [377] et conservationem et multiplicationem humanae naturae, et ipsum matrimonium mirabiliter honorasti in adventu tuo ex primordiis miraculorum tuorum: Tu, per merita et preces beatissimae Virginis Mariae, Matris tuae, et omnium Sanctorum et Sanctarum tuarum, digneris hos, quos matrimonialiter conjunxisti, bene † dicere, ac plene liberare ab omni ligamento, fascinamento et maleficio Satanae, et dare foecunditatem et gratiam, ut libere possint uti matrimonio suo ad generandum, concipiendum, portandum, pariendum et nutriendum proles gratas Deo et hominibus.

            In nomine Pa † tris, et Fi † lii et Spiritus † Sancti. Amen.

            JESUS, Mariae Filius, mundi salus et Dominus, sit vobis clemens et propitius. Amen.

 

PSALMUS 127

            Beati omnes qui timent Dominum: qui ambulant in viis ejus, [etc.]

            Gloria Patri, et Filio, [etc.]

            v. Dominus vobiscum.

            Pv. Et cum spiritu tuo.

 

OREMUS

            Domine Jesu Christe, Fili Dei vivi, qui uterum beatae Virginis Mariae mirabiliter foecundasti, ut de Spiritu Sancto conciperet, portaret, pareret ac nutriret, Te, Deum ac Dominum Salvatorem nostrum, suppliciter invocamus per clementiam tuam, ut his famulis tuis N. et N. foecunditatem donare digneris, ut generare, concipere, portare, parere, ac nutrire tibi valeant prolem in vitam aeternam. Amen.

            In nomine Patris † et Filii † et Spiritus † Sancti. Amen.

 

PSALMUS 1

            Beatus vir qui non abiit in concilio impiorum et in via peccatorum non stetit, [etc.]

            Gloria Patri, et Filio, [etc.]

            JESUS, Mariae Filius, mundi salus et Dominus, qui beatissimae Virgini Mariae, Matri suae, foelicem partum tribuit: Ipse tibi concedat, ut possis in utero portare, fovere, parere et bene nutrire prolem Deo gratam et hominibus.

            In nomine Patris † et Filii † et Spiritus † Sancti.

            Pv. Amen. [378]

            Et in fine curabit parochus, aut alius sacerdos qui eos exorcizavit, ut sponsus et sponsa proferant magna cum devotione hunc versum sequentem Psalmi 96; aut, a sacerdote dicatur super ipsos:

            Confundantur omnes qui aiorant sculptilia et qui gloriantur in simulachris suis.

 

XVI. Notes pour des Ordonnances Synodales 24 avril [1613?] (Inédit)

 

            24 Aprilis.

            Sacerdotibus admissis liceat omnes alios sacerdotes quovis tempore, audire.

            Item, extra tempus paschale, omnes parochi et vicarii possint audire confessiones omnium laicorum ad eos venientium. At vero, ubi parochus externus venerit ad aliquam parrochiam non suam, si velit publice confessiones audire, petat consensum a parocho proprio loci.

            Declarer qu'es oppositions qui se feront aux proclamations des mariages, l'opposant sera tenu de specifier la cause de son opposition, laquelle sera mentionnee au renvoy qu'en fera le proclamant; et, en tous cas, seront tous-jours renvoyees les parties par devant 1'Official. sans que les curés en ayent aucune connoissance de cause.

            Item, que les fiancemens seront tenus pour nulz, si les promesses ne se font par paroles expresses entre ceux qui peuvent parler, et sous le tesmoignage de deux tesmoins (masles ou femelles).

            Des Monitoires: qu'on jurera de ce que l'on dit avoir perdu.

            Grenade, consense.

            Les bourgades, pour le Catechisme.

M. de la Croix.                                                                      M. du Crest.

M. Gariod.                                                                            M. Pruma. [380]

            De residentia, et pluralitate beneficiorum incompatibilium.

De candelis monendum.                                            De informationibus a laicis non faciendis.

De superiore mensis maii                                          Des chastelains qui molestent ceux qui ont                                                                                     licence de travailler.

            De confessione sacerdotum et curatorum.

            De cantu.

            Pour les Messes nouvelles: que nul n'en die de solemnelle sans avoir l'attestation du Surveillant, et qu'en icelle ne se facent balz et carroux. Pour a quoy obvier, les sieurs Surveillans assistent auxdittes Messes.

            Non osculatur liber, nisi a dominis Canonicis vestitis ad officia Missae.

            Pax dabitur a D. Assistente Cantoribus, qui dant dominis Canonicis ecclesiarum collegiatorum; deinde, D. Assistens major dabit antiquioribus Canonicis cathedralibus.

            Qui discedunt ad haereticos moneantur ut accipiant a [381] curatis licentiam, qui eos docebunt ne comedant carnes diebus prohibitis, et, Nostro nomine, cum eis dispensent super observatione festorum non solemnium, et revertantur, in Paschate, ad curatos propinquiores.

            Les deputes de dehors viendront aux fraiz des provinces qui les desirent.

            D. Decanus.

            In locis in quibus Catholici vivunt admixti hæreticis, fiet professio fidei.

            Inculquer les assemblees, et enjoindre aux sieurs Surveillans d'envoyer les roolles des presens, et des raysons des absens.

            Foires es jours de feste. — Saint Bedouillier, 2e jour de Pentecoste a Mioucy. — Bazoche. [382]

            Absolutio a casibus reservatis Supervigilibus.

            Defenses, dans le Rituel, contre la bazoche et les tavernes, es jours de feste et pendant les Messes parroissiales.

            Les provisions de ceux qui n'ont pas [été] enregistrés.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.

 

 

 

XVII. Fragment d'un compte-rendu de l'état du Diocèse de Genève concernant les monastères [Janvier ou février 1614] (Minute)

 

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            Mirum quam dissipata sit omnium Regularium disciplina (Chartusianos et Mendicantes excipio), ut eorum [383] argentum versum sit in scotiam; unde blasphematur nomen Domini propter eos ab haereticis, dum dicunt per singulos dies: Ubi est Deus istorum?

            Tribus autem modis huic malo remedium adhiberi posse reor:

            Primo, immittendo meliores monachos aliorum Ordinum, ut verbi gratia: in locum Cisterciensium, Fullienses; in locum Canonicorum regularium hujus urbis Annessiacensis, Barnabitas; et sic de caeteris. Atque jam ita ceptum est fieri in monasterio Abundantiae, in quo Fullienses, in locum Canonicorum regularium, suffecti simt.

            Secundo, in locum regularium, sufficiendo seculares Canonicos. Quod etsi forsan in omnibus fieri duriusculum [384] videretur, in plerisque tamen opportunum esset; nam Canonici regulares nihilo distant a secularibus, in hac diocaesi, praeterquam quod frocum (quod vocant, aut alias patientiam) gerunt, et quod Canonici seculares per quotidianas distributiones percipiunt, ipsi per prebendas solent accipere; quibus perceptis, cum volunt Officiis intersunt; sin minus, nihilo pauperiores efficiuntur. Caeterum, nulla inter eos disciplinae regularis observantia, nullae scriptae Constitutiones, nullius voti expressa emissio. Cur ergo isti non mutentur in seculares, Reipublicae Christianae longe utiliores? Eo etiam maxime quod magna copia est in hac Sabaudia nobilium hominum qui censibus idoneis carent, quorum filiis qui ecclesiasticam professionem sequuntur, hoc modo commode provideri posset. Atque si idem de aliquot aliis Monachis fieret, res meo quidem judicio foeliciter haberet. [385]

            Tertio, istos Monachos si relinquantur, quotannis visitando et coercendo. Sed visitatio ista a Superioribus Ordinum illorum minime fieri par esset; nam Cluniacenses, Savigniacenses, Sancti Rufi Monachi et Abbates, neque quid sit reformatio norunt; et cum sint sal infatuatum, quo modo condiendis inferioribus adhiberi possunt?

            Canonicorum vero regularium in his partibus Monasteria nullius sunt Congregationis, neque ulla celebrant Capitula, nullis visitationibus, nulla Regula utuntur. Etsi vero Monasterium de Six et de Pellionnex ab Ordinario visitetur, cui antiquo jure subjacet (licet hactenus vix obedire voluerint), nihil tamen a Nobis cum illis actum est, quia Regula et Constitutionibus carent, et satis modeste se gerunt quod ad clericalem professionem attinet; itaque, visitari ab alio Visitatore deberent.

            Sed, ut verum fatear, primum et secundum remedium [386] utilissima futura sunt, nam hoc tertium difficillimum est et incertissimum; nam quod vi fit, vix fit.

            Jam quod ad Moniales attinet, Monasteria duo Sanctae Clarse optime sane se habent, nihilque desiderari posse video, nisi ut Monialibus illud solatium detur quod sacrum Concilium Tridentinum, non sine Spiritus Sancti instinctu, illis concessit ac dari voluit, ut scilicet illis, ter saltem quotannis, confessarius extraordinarius attribuatur. Nam coguntur uni eidemque confessario semper confiteri, ut nullo casu, nulla ratione alteri confiteri possint, quod quanto animarum periculo fiat, nescio, Deus scit.

            Idem sane de Melanensibus Carthusianis dicendum, quae hactenus satis laudabiliter vixerunt, non quidem servata exacta clausura, sed sufficienti. Nam egrediuntur circa monasterium, ad animorum recreationem, in prata quaedam [387] vicina, sed non nisi turmatim, et in ecclesiam quoque interdum; ac vicissim, omnium secularium mulierum ingressum admittunt, solis viris exclusis.

            Cisterciensium vero Monialium monasteria omnino patent, et Monialibus ad egressum in propinquorum et consanguineorum loca, et viris ad ingressum. Nulla autem ratione reformari posse arbitror, nisi in urbes deducantur, et aliis subdantur Superioribus, qui earum animis tractandis majorem adhibeant operam.

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Revu sur les deux Autographes indiqués dans la première note de cette pièce. [388]

 

 

 

            Il est surprenant de voir jusqu'à quel point la discipline de tous les Réguliers (j'excepte les Chartreux et les Mendiants) est détruite, en sorte que l'argent, chez eux, a été changé en scorie. C'est pourquoi le nom du Seigneur est blasphémé à cause d'eux chez les [383] hérétiques, qui disent chaque jour: Où est donc le Dieu de ces gens-là?

            Je pense qu'on peut remédier à ce mal de trois façons:

            D'abord, en introduisant des moines meilleurs, appartenant à d'autres Ordres, par exemple: à la place des Cisterciens, les Feuillants; à la place des Chanoines réguliers de cette ville d'Annecy, les Barnabites; et ainsi pour les autres. C'est ce qui a déjà commencé à se faire au monastère d'Abondance, où les Feuillants ont été substitués aux Chanoines réguliers.

            En second lieu, en remplaçant les Chanoines réguliers par des chanoines séculiers. Si pour tous les cas cela peut paraître un [384] peu dur, pour la plupart cependant ce serait opportun; car dans ce diocèse, les chanoines réguliers ne diffèrent des séculiers qu'en ce qu'ils portent le froc, comme on l'appelle, et ailleurs la patience [ou scapulaire]. Ce que les chanoines séculiers touchent par des distributions journalières, eux ont coutume de le toucher par des prébendes, et, après les avoir touchées, ils assistent aux Offices quand cela leur plaît; s'ils n'y assistent pas, ils n'en sont pas plus pauvres. Du reste, aucune observance de la discipline régulière parmi eux, aucunes Constitutions écrites, aucune émission expresse de vœu. Pourquoi donc ne sont-ils pas transformés en chanoines séculiers, bien plus utiles à la république chrétienne ? D'autant plus qu'il y a ici en Savoie une multitude de gens nobles, sans revenus suffisants, dont les fils, parmi ceux qui suivent la profession ecclésiastique, pourraient de cette manière être commodément pourvus. Et si l'on agissait de même à l'égard de certains autres moines, il n'y aurait, à mon avis, qu'à s'en féliciter. [385]

            En troisième lieu, si ces moines étaient maintenus, il faudrait les visiter chaque année et user à leur égard de coercition. Mais il ne conviendrait pas du tout qu'une telle visite fût faite par les Supérieurs de leurs Ordres; car les moines et les Abbés de Cluny, de Savigny et de Saint-Ruf ne savent pas même ce que c'est que réforme. Or, étant un sel affadi, comment pourraient-ils appliquer à leurs inférieurs le remède nécessaire?

            Pour ce qui est des monastères de Chanoines réguliers de ces régions, ils n'appartiennent à aucune Congrégation, ne célèbrent aucun Chapitre, ne sont soumis à aucune visite ni à aucune Règle. Quoique les Monastères de Sixt et de Pellionnex soient visités par l'Ordinaire, auquel ils sont assujettis par un droit antique (bien que jusqu'ici ils aient à peine voulu obéir), cependant Nous n'avons rien obtenu d'eux, parce qu'ils manquent de Règle et de Constitutions, et que par ailleurs, en ce qui regarde la profession ecclésiastique, ils se conduisent avec assez de bienséance. Aussi devraient-ils être visités par un autre Visiteur.

            J'avoue que le premier et le second remèdes semblent devoir être très utiles, tandis que le troisième est très difficile et très [386] incertain; car ce qui s'obtient par la force est presque comme n'existant pas.

            Quant aux Religieuses, les deux Monastères de Clarisses marchent fort bien, et je n'y vois rien à désirer si ce n'est qu'il soit donné aux Religieuses le secours que le saint Concile de Trente, non sans être inspiré de l'Esprit-Saint, leur a accordé et a voulu qu'on leur donnât: à savoir, qu'au moins trois fois par an un confesseur extraordinaire leur soit envoyé. Car elles sont obligées de se confesser toujours à un seul et même confesseur, ne pouvant, dans aucun cas et sous aucun prétexte, se confesser à un autre; avec quel danger pour les âmes, je l'ignore, Dieu le sait.

            Il faut en dire de même des Chartreusines de Mélan, qui jusqu'ici ont mené une vie assez digne de louange, sans garder exactement la clôture, mais cependant avec une clôture suffisante. Elles sortent, en effet, près du monastère, pour se récréer, dans des prés [387] voisins, mais toujours en commun, et vont parfois à l'église. Réciproquement, elles permettent à toutes les femmes séculières d'entrer chez elles, les hommes seuls étant exclus.

            Mais les monastères de moniales Cisterciennes sont entièrement ouverts, et aux moniales pour aller visiter chez eux leurs proches et leurs parents, et aux hommes pour entrer chez elles. Je ne vois aucun antre moyen de les réformer, sinon de les établir dans les villes et de les soumettre à d'autres Supérieure, qui s'occupent plus sérieusement du soin de leurs âmes.

……………………………………………………………………………………………….. [388]

 

 

 

ORDONNANCES SYNODALES

 

16 avril 1614, 6 mai 1615 et 20 mai 1616

 

(Voir à l'Appendice I,

les pièces J, K, L, et ci-dessus la note de la page 298.)

 

 

 

XVIII. Ordonnances Synodales (Minute). Ordonnances faictes et prononcees par Monseigneur le Reverendissime au Synode de l'an 1617

 

1

 

            Tous ceux qui, de droict, sont obligés d'estre presents au Synode, y comparoistront désormais en surplis et bonnetz quarrés, et les Surveillans prendront garde de venir de si bon'heure qu'ils puissent assister a l'assemblee qui se faict sur le jour avant la celebration dudict Synode, pour preparer ce que l'on doit proposer et declarer selon les difficultés et necessités du diocaese.

 

2

 

            Tous les curés, apres leur retour du Sinode, diront trois Messes: une du Saint Esprit, pour tout le clergé de ce [389] diocese; un'aultre pour la paix et pour la prosperité de noz Princes et bonne conduicte des magistrats establis par iceulx; la troisiesme, pour les Evesques, curés et ecclesiastiques du diocaese, trespassés.

 

3

 

            Tous les curés exhorteront leurs parroissiens aux prieres particulieres pour la paix et conservation des Estats de Son Altesse, lesquelles ils feront ez villes tous les jours; es villages, les jours des festes et Dimanches, sur le soir, ou a Vespres, si on les y chante et que le peuple y accoure.

 

4

 

            Les Surveillants estants es heux de leurs surveillances appelleront a eux tous les confesseurs extraordinaires, a sçavoir ceux qui ne sont pas curés, pour voir leurs admissions et r'envoier ceux qui n'en ont poinct. Et pour ce que plusieurs, apres les avoir obtenues, sont devenus extremement ignorans, les Surveillants les examineront pour voir s'il sera expedient continuer leurs admissions tout le temps que leurs patentes designent, ou bien s'il [390] sera bon de les revocquer; auquel cas leurs (sic) declareront la revocation d'icelles de Nostre part.

 

5

 

            Les prebstres qui vouldront estre admis a l'administration des Sacrements se presenteront aux Examinateurs deputés au Synode, le premier jeudy de chasque moys, si l'ors ne se rencontre feste solemnelle; et en ce cas, ils se presenteront le jeudy prochainement suivant pour estre examinés, et puis appreuvés par le Reverend sieur nostre Vicaire general ou ses substituts. Et dequoy les curés feront advertir les autres prestres de leurs parroisses, affin qu'ilz ne se presentent les aultres jours, esquels ils ne seront receus.

 

6

 

            Ceux qui doresnavant vouldront estre promeus aux Ordres sacrés se presenteront, en suitte de l'ordonnance du sainct et sacré Concile de Trente, avec bon et suffisant tiltre; lequel ne sera estimé tel s'il n'est au moins de six vingt florins, et sil n'est faict et stipulé en la presence du Surveillant. Ils representeront aussy attestations de leurs curés comme trois proclamations auront esté faictes au prosne de leurs eglises, sans quil se soit treuvé aulcun empechement en eux pour la reception des Ordres sacrés. Ils seront aussy tenus de s'exercer en l'exercice des Ordres quilz ont et d'en apporter le certificat de leurs curés par [391] escrit, comme encores de leurs aages et bonnes meurs; en quoy les sieurs curés sont exhortés et conjurés, de la part du Juge eternel, d'estre fort conscientieux et veritables.

 

7

 

            Nul ecclesiastique, tant seculier que regulier, ne sera receu a prescher la parohe de Dieu avant quil soit examiné par les deputés et appreuvé par Nous ou nostre Vicaire general. Nous exceptons touttesfois les docteurs et gradués en theologie, qui pourront estre admis sans examen, et ceux ausquels par le passé Nous avons donné telle licence; et n'entendons comprendre en cette defence les sieurs curés qui, par leurs establissemens, non seulement peuvent, mais doivent enseigner les peuples a eux commis, selon leur portee.

 

8

 

            Tous les confesseurs de ceste ville, tant seculiers que reguliers, et encores ceux de la surveillance d'icelle, s'assembleront deux fois l'annee, asçavoir, avant Caresme et la Toussainct, pour faire une conference touchant le Sacrement de Penitence; pour laquelle conference tous les confesseurs de chasque surveillance s'assembleront aussy une fois l'annee, asçavoir avant le Caresme, en la bourgade ou se distribuent les sainctes Huiles, et ce en la presence du Surveillant ou autre deputé pour y presider.

 

9

 

            La distribution des sainctes Huiles se fera premièrement [392] par le petit Ouvrier ou sous Sacristain de l'Eglise cathedrale, aux deputés des villes et bourgades, qui luy avanceront, pour chasque cure qui sera marquee en leurs reolles, deux sols. Et les deputés les distribueront aux curés designés en leurs roolles; de chascun desquels ils recepvront quattre sols, deux desquels seront pour le remboursement des deux avancés audict sous Sacristain, et les aultres deux pour la despense faite a venir prendre et accroistre l'huile. Ce qui se fera precisement dans le temps qui est entre Pasques et Pentecoste, et dans la quinzaine suivante lesditz distributeurs envoyeront a nostre Vicaire general le rooïïe de ceux qui ne les auront prises. Adviseront en la refusion desdictes sainctes Huiles, de verser petit a petit l'huile non sacree dans la sacree, et non au contraire, et de ne les bailler a porter qu'a personnes constituees en Ordres sacrés.

 

10

 

            Nous implorerons le bras seculier affin que les libraires, tant residants au païs qu'estrangers, n'exposent leurs livres en vente premier qu'avoir donné la liste d'iceulx a nostre Vicaire general, en ceste ville, et allieurs aux curés des lieux esquels ils les vouldront exposer; pour empecher que les livres prohibés ne soient semés au prejudice des consciences.

 

11

 

            Tous ecclesiastiques qui tiennent des femmes, de quel aage qu'elles soient, pour leurs services ou aultrement, les congedieront et feront retirer dans le mois; a peine d'excommunication termino elapso incurrendae, reservee a Nous, et aultre chastiment arbitraire. Saufz celles que le droict permet: comme meres, sœurs, belles meres, belles sœurs, cousines germaines et niepces de frere ou de sœur. [393] Que si, le mois passé, il se treuve quelqu'un qui n'ayt satisfait a la presente constitution, les Surveillants en donneront certificats a nostre Vicaire general.

 

12

 

            Pour remedier, aultant que Nous pouvons, aux grands scandales que plusieurs ecclesiastiques donnent au peuple chrestien par la frequentation des tavernes, mesprisants les deffences auparavant faictes, Nous les renouvelions soubz plus grande peine, asçavoir, d'excommunication ipso facto incurrendae et reservee a Nous; laquelle encourront tous ecclesiastiques qui, dans l'enclos de leurs parroisses et lieux de leur sejour, boiront et mangeront en taverne, saufz es cas de nopces, baptesme, funerailles et Confrairies seulement; dont Nous n'exceptons aucunement les fiançailles, ni anniversaires, ni mises de dismes, ni appointements, ni aultre pretexte quel quil soit.

 

13

 

            Tous beneficiés, tant curés que chappellains, apporteront ou envoiront le plustot quils pourront tous les tiltres et docmnents de leurs eglises et chappelles es archives de l'Evesché, pour y estre conservés et gardés; lesquels seront communiqués aux possesseurs et recteurs desdites eglises et chappelles selon les occurrences et necessités. Et de ce, les Surveillants advertiront les curés et aultres beneficiés de leurs quartiers, affin quils dressent des registres de leurs dicts tiltres, qui leurs (sic) suffiront pour l'exaction de leurs revenus. Les Chapitres remettront esdites archives au moins les registres generaulx de leurs tiltres.

 

14

 

            Tous les curés remettront ou envoiront dans trois mois les livres baptismaulx, matrimoniaulx et funeraulx au [394] greffe de l'Evesché; a peine de suspension ab officio les-ditz trois mois estants expirés.

 

15

 

            Les confesseurs advertiront les femmes de n'entrer ez monasteres des Religieux, en suitte des ordonnances des saincts Peres et Souverains Pontifes de l'Eglise.

 

16

 

            Les confesseurs prendront garde de n'ouir les confessions des femmes dans les sacristies, chambres et aultres lieux particuliers, mais es confessionnaulx et lieux exposés a la veue de tous.

 

17

 

            Nous renouvehons la deffence des jeux illicites, conformement aux saincts Canons, voire encores des licites ez lieux publicqs et sacrés, ou aultres esquels l'on peut donner scandale.

 

18

 

            La modestie de l'ornement corporel sera tellement recommandee aux ecclesiastiques, que l'on ne les verra plus porter les moustaches longues, ni les petradilles ou rotondes, mais feront voir en eux grande moderation en touttes sortes d'habits.

 

19

 

            Nous renouvellons le commandement de la residence es benefices aiants charge d'ames, en suitte du sainct Concile, avec ordonnance de citer ceux qui ne resident n'en estants dispensés par la faveur des induits apostolicqs.

 

20

 

            Les ecclesiastiques paroistront des ores ez assemblees publiques, avec le bonnet carré, ils marcheront es villes avec [395] la sotane et le manteau; es villages, au moins avec la sotanelle.

 

21

 

            Les ecclesiastiques n'intenteront aulcun proces, tant criminel que civil, quils n'ayent communiqué avec les moderateurs deputés qui resideront en ceste ville, pour voir si le proces petit estre evité ou appoincté, et, quand besoing seroit de plaider, pour ne le faire sans bon fondement.

 

22

 

            S'il arrive quil soit necessaire a quelque ecclesiastique de vendre son vin en detail, il ne vendra soub ce pretexte aulcune aultre chose, et ne permettra que le vin soit beu es chambres de sa maison.

 

23

 

            Tous ecclesiastiques seculiers sachent quils sont obligés a l'obeissance des Constitutions synodales, et que les Reguliers les observent en ce qui les regarde: comme de n'ouir les confessions ni prescher sans approbation, de n'absouldre des cas reservés les personnes de ce diocese, et generalement, quils gardent les aultres ordonnances qui les concernent traictants avec les seculiers.

 

24

 

            Tous les curés assisteront au Synode, a peyne d'amende arbitraire. Et estants arrivés, se presenteront au greffier de l'Evesché pour donner leurs noms et payer le droict que les saincts Canons appellent cathedraticum, estimé a deux sols; et ceux qui n'assisteront au Synode feront le mesme debvoir par procureurs.

 

25

 

            Les curés des villes et bourgades ne manqueront de faire la Doctrine chrestienne en leurs eglises tous les Dimanches; a peine de chastiment arbitraire. Les curés [396] encores des villages sont exhortés de ce faire selon les commodités quils en auront.

 

26

 

            Nous renouvelions le commandement d'avoir et tenir le Rituel dressé pour l'usage de ce diocese, et faire le Prosne y contenu, en le lisant au peuple.

 

27

 

            Les curés adviseront de n'adjouster aux prieres que l'on faict pour les trespassés, tant es funerailles qu'es anniversaires, nouveaux responsoires ni proses non approuvees qui ne sont contenues au Rituel de ce diocese.

 

28

 

            Les curés permettront a leurs parroissiens de faire leurs confessions aux confesseurs approuvés quils desireront; mais quils leur en rapportent des certificats, a faute de quoy ils ne seront tenus pour confessés. Ils ne donneront pas touttesfois ce congé, si bon ne leur semble, pour la saincte Communion.

 

29

 

            Les curés bailleront les proclamations des mariages et rendront les Monitoires publiés et signés, sans demander aulcun emolument.

 

30

 

            L'on intimera et observera l'ordonnance de l'Eglise de ne celebrer les mariages que de matin a la Messe, en laquelle les filles recepvront la benediction; et seront exhortés, avec leurs espoux, de se communier en la mesme Messe, en suitte de la rubriche (sic) du Messel.

 

31

 

            Les curés adviseront soigneusement que l'on ne chante [397] es eglises certains Noels pleins de parolles indignes, profanes et contraires a la pieté et reverence deue aux lieux et choses sacrees, comme encores de n'adjouster es Psalmes que l'on chante es solemnités de la Nativité de Nostre Seigneur, certaines parolles ridicules et pleines de blaspheme; mais observeront diligemment au service de Dieu les sainctes et seules cerimonies que l'Eglise Catholique a religieusement instituees.

 

Revu sur l'original conservé à la Visitation d'Annecy.

 

XIX. Sentiment sur la collation des bénéfices et la nomination des curés

 

            Il est raysonnable de remettre le soin d'une [charge] a celuy qui en peut le moins abuser; et si j'avois de la [398] creance pres les grans, je prefererois la conscience a la science et a la qualité de la mayson; aucun n'auroit charge dans l'Eglise, qui ne fust deschargé des vices qui l'ont esbranlee. Je distribuerois les dignités a ceux qui les fuyent, et non pas a ceux qui les suivent; mais je n'advancerois pas, comme fit un Roy de France, un prestre qui dormiroit en l'eglise. Tous ces poursuivans qui recherchent leur fortune au domaine de Jesus Christ tesmoignent manifestement qu'ilz en sont incapables, et coulpables d'ambition; ilz n'y recherchent pas, dit saint [399] Paul aux Romains , la justice de Dieu, mais leurs interestz propres .

            Ceux qui dient qu'il faut remplir les sieges vacans et donner leurs places aux doctes, n'en disent pas asses s'ilz n'y adjoustent: et humbles; car la science enfle et ne doit estre estimee qu'autant qu'elle est fructueuse a salut.

            Il y a bien des degrés auparavant que d'entrer au cabinet de la vraye doctrine: il faut passer par devant ceux qui veulent sçavoir pour sçavoir, et qu'on appelle curieux; de la, venir a ceux qui veulent sçavoir pour paroistre sçavans, et qu'on nomme vains; par apres, a ceux qui veulent sçavoir pour tirer la science a leur usage et a leur commodité, et qu'on peut estimer avaricieux; et puis, monter a ceux qui veulent sçavoir pour edifier, et c'est la qu'est la charité. Mais le [plus haut] point est a vouloir sçavoir pour estre edifié, car c'est la le cabinet de la vraye science.

……………………………………………………………………………………………………..

            C'est que les bons curés ne sont pas moins necessaires que les bons Evesques, et les Evesques travaillent en vain s'ilz ne sont soigneux de pourvoir leurs eglises parroissiales de curés devotz, de vie exemplaire et de suffisante doctrine, parce que ce sont les pasteurs immediatz qui doivent marcher devant les brebis, leur enseigner le chemin du Ciel et leur donner l'exemple qu'elles doivent suivre. L'experience m'a fait connoistre que le peuple se [400] portoit facilement aux exercices de devotion lhors qu'il avoit des personnes ecclesiastiques qui, par la parole de Dieu et le bon exemple, l'excitoyent a fuir le vice et embrasser la vertu; et qu'au contraire la populace se detraquoit fort facilement de l'exercice des vertus chrestiennes lhors que leurs prestres estoyent ignorans, peu soigneux du salut des ames et de mauvaise vie. [401]

 

Appendice

 

I. Sommaires des Ordonnances Synodales de saint François de Sales

 

A. Ordonnances du 5 mai 1604

 

            A esté dict et arresté que pour chose que sera (sic) esté prinse et derobbee ne surpassant la valeur de trois florins, ne sera lasché aucun Monitoire.

            Et que au paravant que venir a la seconde publication, l'impetrant se viendra purger par serment sur la verité du contenu en icelluy, entre les mains du curé ou vicaire des lieulx. Que si il le faut publier en divers lieulx, attestation au pied, dudict curé.

            Ceux qui sont tenus pour concubinaires notoirement, et neantmoins ne le confessent, le curé sera tenu Nous en advertir.

            Les ventemens qui se font en plusieurs endroictz de ce diocese, par les vicaires, curés et autres prebstres tant seculiers que reguliers, avec les corporaux, sur ceux qui ont mal aux yeux, sont des a present prohibés; comme aussi d'y mettre de l'eau qui a esté versee dans le calice apres la Postcommunion. Bien permettons Nous de leur toucher les yeux avec la patene et les corporaux apres la celebration de la saincte Messe, et apres que l'Evangile de sainct Jehan sera dict. [403]

            Au paravant que impartir la benediction nuptiale, laquelle se fera de mattin, estant deuement confessés et communiés l'espoux et espouse.

            Seront tenus tous curés Nous rapporter rolle de ceulx qui n'ont poinct communié a Pasques.

            L'Office des mortz ne se doibt fere les jours de Dimenche; neantmoins cela est toleré pour eviter a scandale et ne lever la devotion des gentz.

            Et si, avons ordonné que tous curés et beneficiés seront tenus ballier au vray la valeur de leurs benefices toutes foys et quantes quilz en seront summés, avec purgation de serment entre les mains du commissaire deputé.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1602-1607,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

B. Ordonnances du 12 avril 1606

 

            Monseigneur le Reverendissime, en l'assistence des sus nommés et autres de son Clergé, a ordonné et statué de nouveau que les defenses des tavernes estoient reiterees, et autres constitutions pourtees par ses Ordonnances synodales faictes le second octobre 1603; et notamment la residence a tous curés de sa diocese, et aux vicaires de le notifier a leurs maistres, et de justifier de la dispense dans six sepmaynçs, a peyne de privation de leurs benefices.

            Plus est inhibé a tous curés et exorcistes de ne exorciser aucune femme sans Nostre permission, ou de nostre Vicaire, dans leur cure, sinon publiquement dans l'eglise, ni les tenir dans leur cure; pareillement, ne fere aucune peregrination avec lesdictes femmes: a peyne de vingt cinq livres et autre peyne arbitraire.

            Ne sera loisible a aucun Religieux incogneu, de quel Ordre quil soit, de prescher en aucune parroche, sil n'a lettres patentes de Nous ou de nostre Vicaire general.

            Tous seront tenus se confesser [à Pâques] vers leurs curés, ou vers autres qui seront de Nous licentiés, ayant touttesfois attestation des confesseurs, ou vers ceulx qui auront privilege de Sa Saincteté, en rapportant attestation d'eux a Pasques seulement; et se communier en leur parroche audict temps de Pasques, a peyne d'excommunication.

            Et lesquelz confesseurs pourront recepvoir au sainct Sacrement de Communion ceulx qui auront habité vers les heretiques pour cause de leur pauvreté et pour gagner leur vie, et qui n'auront celebré les festes de l'Eglise; mais ceulx qui font actes heretiques ne seront receuz.

            Et par ce quil Nous est venu a notice que, en plusieurs endroictz et parroches de ceste diocese, la coustume est que ensepvelissant les [404] decedés, de mettre ung linceul sus les corps d'iceulz et de se servir d'un linceul honneste, lequel les curés ne perçoipvent, mais appartient [aux héritiers]: affin que l'honneur deubt et service soit faict avec la decence requise, a esté ordonné quil ne sera plus exigé par cy apres pour ledict linceul sinon six florins, et pour le couvre-chief accoustumé mettre sus les petitz enfans, deux florins seulement.

            Et pour l'aulmone qui se donne pour la celebration des Messes, qu'elle sera, pour la Grande Messe de quattre solz, et pour la petite de deux solz; et neantmoins sera permis de prendre ce que sera donné de libre volonté.

            Et dautant quil y a des chappelles ausquelles les recteurs sont chargés de celebration de Messes plus que le revenu ne peut porter, l'on a reduict icelles Messes a six solz, et que a concurrence dudict revenu et proportion elles seront celebrees.

            Et comme Nous avons heu des plaintes et veu des proces sur l'excessive exaction qu'aucuns curés font de luminaire qui se faict en la sepulture des decedés et durant l'annee du dueil: a quoy desirant obvier, a esté dict quil ne sera loisible a qui que ce soit d'user es eglises que de cire pure, et que pour chasque livre de ladicte cire pure fournye par les curés, ne sera permis de demander et se fere paier plus haut que de cinq florins, poidz de ceste ville d'Annessy, lequel sera pesé au commencement et a la fin du dueil.

            Plus a esté ordonné que le luminaire qui sera mis en faisant les funerailles et Office, ledict Office achevé et cessé, appertiendra au curé. Est touttesfois ordonné que le curé sera tenu de donner deux chandoilles pour les pauvres.

            Plus a esté ordonné que la feste de sainct Pierre ad vincula, avec l'octave, seront celebrees par toute la diocese; ensemble, le jour de la Dedicasse le jour qu'elle tombera, qu'est le huictiesme d'octobre.

            Et finalement, attendu quil y a des curés, chappelliers et autres qui se rendent odieulx a leurs parrochains a cause des proces quilz intentent contre leurs parrochains et autres, a esté ordonné que aucun proces ne sera meu que prealablement ilz n'ayent communiqué avec les Surveilliantz pour en avoir leur advis.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1602-1607,

de l'ancien Evêché de Genève. [405]

 

 

 

C. Ordonnances du 30 juin 1607

 

            Monseigneur FRANÇOIS DE SALES, par la grace de Dieu et du Sainct Siege Apostolique Evesque et Prince de Geneve, avec son Clergé assemblé dans le refectoir de Sainct François de ceste ville d'Annissi, a dict, constitué et ordonné:

            Que pour eviter a tous pechés que pourroient estre commis par les parrochains de chasque parroche occasion des testes qui ne sont observees, que par cy apres les Survelliantz en ballieront dispense.

            Plus a esté conclud, ordonné et arresté, par l'advis de mondict Seigneur et sondict Clergé, que dores en avant il sera permis a tous de pouvoir user de beurre en temps de Caresme, en conferant l'aulmone aux pauvres, telle que sera ordonné, ou d'assister a une procession [en compensation]; en consideration que, en ce pais, ny a ny huille d'olive ny de noix des environ trois ou quattre annees.

            Tous curés et vicaires seront tenus de fere les quattre livres des baptizés, communiés, [mariés] et decedés, chacun en leur parroche, mesme de ceulx qui ne feront leur debvoir a Pasques; les appourter et remettre par devers nostre greffe, et lesdictz vicaires s'en allantz, les laisser [à la cure]. Et ce, a peyne de cinquante livres.

            Est aussy inhibé et defendu a tous curés, vicaires et autres prebstres de ne baptizer avec cerimonies dans les maisons; a la mesme peyne que dessus.

            Nul ne sera receu au sainct Sacrement de Mariage sans recepvoir la benediction, qui n'aura esté oncques marié; et sera neantmoins celebree la Messe de sponso et sponsa ou, si fere ne se peut, sera faicte commemoration de sponso et sponsa.

            Tous vicaires sont suspendus de l'exercice de l'administration des sainctz Sacrementz jusques a ce quilz ayent comparu par devant les Surveilliantz pour sçavoir silz ont le pouvoir et admission. Et l'ayantz, iceulx prebstres [sont tenus] d'user de la forme d'absolution par Nous prescripte, a peyne cinquante livres.

            Tous curés ou vicaires tiendront le Sainct Sacrement reveremment et decemment, avec les ournementz requis et necessaires a un [tel] tressainct et auguste Sacrement; lequel Sacrement iceulx prebstres feront consumer dans l'octave.

            Ausquelz prebstres, de quelle qualité et condition quilz soient, sont rafraischies [les défenses des] tavernes, soub les peynes cy devant indites, et [l'ordre] de pourter la barbe et habitz decentz a leur qualité.

            Ausquelz curés et prebstres enjoignons, que se presentant l'occasion [406] de la decision de cas de conscience, que l'on s'addresse au Penitentier.

            Et dautant que les messagiers de Sainct Bernard, Sainct Antoenne et Nostre Dame du Puys, faisant cuelliette des questes par les parroches de ceste diocese, vont faisant icelles questes par les maisons pour frustrer les curés de leur quattriesme, avons dict [et] ordonné que de toutes lesdictes oblations, lesdictz curés en auront la quattriesme partie par cy apres et comme ilz ont heu cy devant.

            Tous beneficiés paieront [les] decimes, suivant ce quilz sont cottizés au cottet respectivement, entre cy et la feste de sainct Jehan Baptiste; laquelle passee, sera mis un exacteur a leurs des-pens, auquel sera remis le cottet, qui retirera deux solz pour florin.

            Et affin que tous confesseurs puissent sçavoir comme ilz se pourront compourter pour les cas de conscience, l'on fait sçavoir que tous les quatriesme jours du mois l'on s'assemblera en ceste ville, si ce n'est jour de feste, pour decider des questions occurrentes; ceulx qui ne pourront y assister, ilz pourront mander par missive.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1602-1607,

de l'ancien Evêché de Genève. [407]

 

 

 

D. Ordonnances du 23 avril 1608

 

            Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur la plainte faicte par le seigneur et commandeur de Sainct Antoenne de Chambery, sur ce que, allant et venant leur messagier et procureur a la queste par ce diocese de Geneve, quelques uns des curés et seculiers les veullent molester et inquieter en leurs questes: suivant la coustume de tous temps observee, a esté dict et ordonné que des aulmones et questes que seroient faictes en commun aux eglises, les curés en retireroient seulement la quatriesme partie; et pour le regard des Messes et aulmones donnees ausdietz messagiers de Sainct Antoenne en particulier, que lesdietz curés ny prendroyent et percepvroient aucune chose: avec inhibitions et defenses a tous scindiques et curés de les troubler, ny en retirer rien et d'emploier aucune chose en taverne ny autre usage prophane; et ce, a peyne de l'amende de dix livres.

            Comme aussi pour les Messes et aulmones qui se font par les parroches pour la boyte de touttes ames et trespassés, que les curés exigent plus exactement quilz ne doibvent: a esté dict, que les Survelliantz se transpourteront par les parroches dependant de leur surveillance, pour avoir instruction des coustumes observees en icelles, pour, icelles instructions veues et rapportees par devers Nous, estre donné tel ordre et reiglement que verrons estre expedient et de raison.

            Plus a esté dict et ordonné que aucun Monitoire apostillé ne sera publié par aucun curé; lesquelz Monitoires les impetrantz d'iceulx seront tenus aporter au paravant la Messe: autrement, la publication sera diferee au prochain Dimenche par ledict curé, auquel est inhibé que pour la publication d'iceulx, ny pour autres offices pastoraulx quelz qu'ils soyent, ilz n'en prennent aucune chose, sinon que ilz fussent requis se transporter par les maisons.

            Ausquelz curés est faicte injunction de porter habit decent, et la barbe selon leur qualité ecclesiastique.

            Est inhibé de ne frequenter jeux publics, tavernes, sous les peynes pourtees par nos precedentes Constitutions sinodales, et ne travailler de labeurs rustiques [publiquement.]

            Comme aussy, de ne conferer le sainct Sacrement de Baptesme [408] par les maisons et chappelles avec application du sainct cresme et autres cerimonies de l'Eglise, a peyne de vingt cinq livres, sinon que ce soit de Nostre particuliere et expresse licence; ce qui se faisant, sera le tout redigé par escript, [et] lesdictes cerimonies avoir estés observees.

            Et seront tenus iceulx curés enseigner les meres sages de chacune parroche la maniere et forme de baptizer l'enfant, prenant par trois fois de l'eau, disant: «Je te baptize au nom du Pere, et du Filz, et du Sainct Esprit».

            Et de comparoir toutes les annees au Sinode et appourter les quattre livres que leur [est] commandé de fere; iceulx remettre par devers le greffe, a peyne de l'amende de dix livres. Ou bien, mander souffisante excuse ou procure souffisante, avec lesdictz registres.

            Et si, est de rechiefz inhibé et defendu de n'intenter aucun proces sans le sceu et advis de leurs Survelliantz, a la mesme [peine] que dessus, suyvant nos precedentes Sinodales.

            Toutes persones mariees nouvellement en premieres nopces seront tenu prendre la benediction a la Messe, ou bien, [a] defaut de la Messe, le lendemain au mattin.

            Est ordonné ne recepvoir a confesse et a la saincte Communion ceulx qui vont a Geneve et mangent le vendredy et sammedy de la chair, prennent la Cene et font autres actes par lesquelz ilz renoncent purement a nostre religion [catholique]; et ne seront neantmoins refusés ceulx qui, par necessité, se transportent a Geneve et travaillient les jours de feste, et ne sont obligés icelles observer, en cas de necessité.

            Les chappelles ausquelles ne sera faict aucun service, combien que soient esté proclamees par trois diverses Dimenches, suyvant les attestations rapportees, les revenus d'icelles seront joinctz et unis au maistre autel.

            Item, que toutes permissions de travallier les jours de feste seront par cy apres donnees solemnellement et autentiquement, affin que l'on n'en puisse abuser.

            Tous desirantz estre promeuz aux sacrés Ordres seront tenus fere fere trois proclamations aux parroches de leur origine. Sil y a persone qui sçache quelque empechement, soit de leur parentage, vie et deportementz, quilz ayent a le declarer et reveler, et de ce en rapporter attestation; autrement, a faute de ce, ne seront poinct receuz.

            Et finalement a esté dict et arresté que les trois [jours] de la celebration du Sinode, comme la veille, jour d'icelluy et de lendemain, seront par cy apres privilegiés, et ne se pourra esdictz jours fere aucune execution, quelle qu'elle soit, a peyne de nullité et de l'amende.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1608-1611,

de l'ancien Evêché de Genève. [409]

 

 

 

E. Ordonnances du 6 mai 1609

 

            Mondict Seigneur le Reverendissime, en l'assemblee de sondict Clergé, sur les plaintes et contestes qui seroient survenues sur les permutations de benefices pourtant cure d'ames qu'autres simples benefices, aurait dict, statué et ordonné, comme il [appert] par les presentes Constitutions synodales:

            Que tous beneficiés desirant resigner leurs benefices par cause de permutation, par devant Nous ou nostre Vicaire general, seront tenus par cy apres exprimer la situation et vraye valeur du revenu et en quoy le dict revenu consiste. Et en cas que telles permutations soient treuvees justes et raisonnables, seront les dictes permutations registrees par devers le greffe deuement, a charge tout-tesfois que les provisions qui pourraient estre faiçtes en suite d'icelles ne pourront et ne sera loysible d'estre expediees que passés et escoulés vingt jours entiers, y comprenant le jour de ladicte resignation. Autrement, et en cas que les provisions fussent expediees avant ledict temps de vingt jours sus establys espiré, a declaré telles provisions nulles et nullement faictes, lesdictz benefices vaccans, et sera d'iceulx benefices proveu par voye de concours. Que si lesdictz benefices sont chappelles dependant de droict de patronage, seront les patrons et presentateurs d'icelles tenus presenter et nommer pour recteurs desdictz benefices, dans le temps pourté par le droict, gentz capables pour estre institués: a faute de quoy fere, seront les chappelles par Nous conferees comme si icelles chappelles ne dependoient d'aucun presentateur.

            Et cas advenant que pendant les susdictz vingt jours sus ordonnés il arrivat que l'un des permutans vint a deceder au paravant que les permutations heussent sorti leur plain et entier effect, sera permis a l'autre permutant survivant de demeurer dans son benefice paisiblement, sans contredite, sans que telle permutation et resignation luy peut appourter prejudice et comme si oncques elle n'eut esté faicte.

            Tous tenant cures ou qui en obtiendront par cy apres, qui les auront resigné ou resigneront par cause de permutation avec des chappelles ou autres benefices en faveur de quelques uns, soit moiennant provision ou permutation simplement, des a present ne leur [sera] permys de se pouvoir inscrire au concours pour en obtenir d'autres.

            Sera touttesfois loisible a ceulx qui auront obtenu benefices ou qui en obtiendront par cy apres, et desquelz ilz seront possesseurs, de se pouvoir inscrire a un autre concours, a charge neantmoins qu'en obtenant un'autre cure ou benefice, ilz seront tenus au mesme instant de resigner purement et simplement entre [Nos] mains, ou de nostre Vicaire general, celle qu'ilz possedoient au paravant, pour estre mise en concours.

            Tous impetrans benefices, soit simples ou autres, seront tenus [410] d'exprimer l'incompatibilité dans leurs provisions; autrement, seront telles provisions nulles et de nul effect, et comme telles les declarons.

            Et par ce que plusieurs chappelliers tiennent et possedent chappelles sans estre d'icelles institués, a esté dict et ordonné que tous chappelliers feront et Nous rapporteront leurs institutions par devers le greffe dans trois mois; autrement, et a faute de ce, seront par Nous tenus comme intrus, et d'icelles en sera par Nous proveu a d'autres comme verrons a fere.

            Tous tenant benefices, soient (sic) cures ou chappelles, seront tenus de remettre le rolle du revenu d'iceulx, et en quoy il consiste, dans trois mois; a peyne de vingt cinq livres contre les defalliantz, des a present declaré. Et si ledict revenu consiste en rentes volantes ou censes foncieres, en rapporter inventaire, et iceulx fere renover dans deux ans.

            Sur la plaincte a Nous faicte que aucuns curés prennent argent pour publier mariages et Monitoires, des a present il est inhibé a tous curés que, pour publication de mariages ou Monitoire, il n'en soit prins aucun argent; a peyne de vingt cinq livres et autre plus grande, sil y eschoit.

            Ne sera aussy publié aucun Monitoire que preallablement les impetrantz d'iceulx ne se purgent par serment sur la verité du contenu en iceulx. Et ou ledict Monitoire sera esté refusé de publier, sera mis au pied: «N'a esté publié par ce que l'impetrant ne s'est purgé par serment.»

            Tous curés ne pourront recepvoir en confession [à Pâques], les parrochains d'autre parroche sans la permission de leur curé ou vicaire en icelle.

            Lesquelz cafés tascheront de n'imposer aux penitentz penitences confuse», mais specifiques (sic) et tendantz a douceur plus tost qu'a rigueur. Et ne pourront absoudre concubinaires.

            Et par ce que plusieurs prebstres ignorantz s'entremeslent de la collation des Sacrementz sans avoir permission de Nous ou de nostre Vicaire, Nous avons enjoinct a tous Surveilliantz de Nostre diocese de Nous rapporter rolle desdictz vicaires et prebstres, pour, sur ce, estre proveu.

            Et par ce que il se treuve plusieurs riere Nostre diocese qui font profession d'enseigner la jeunesse, qui ne sont d'Eglise, avons dict et ordonné quilz seront tenus au paravant fere profession de foy entre les mains de leur Surveilliant; a peyne d'estre declaré incapable et rigoureusement chastié.

            Ausquelz Surveilliantz est permis donner a leurs parrochains, en cas de necessité seulement, permission par escrit de pouvoir travallier, et defendu de ny commettre aucun abus; qui n'en pourront estre recherchés aucunement. Et touttesfois, leur est commandé de fere inhibition a leurs parrochains de prevariquer les festes locales et de les interrompre.

            Puisque par Nos Sinodales cy devant faictes estoit inhibé a [411] tous prebstres ne tenir femmes suspectes, est derechef inhibé de ne tenir femme, sinon que ce soit mere, bellemere, tante, seur; a peyne d'estre chastié rigoureusement.

            Comme semblablement les tavernes et jeux en lieu public sont defendus a tous prebstres, sous les peynes cy devant par Nous indites.

            Si est commandé a tous curés de ce diocese ayant leur esglise propre, d'enseigner le Cathechisme aux enfans; a peyne de dix livres, et a Nos officiers d'y tenir main.

            Comme aussy de Nous rappourter rolle des communiantz de leur parroche touttes les annees, sous la mesme peyne que dessus, et des baptizés et mariages.

            Ausquelz curés est inhibé de ne recepvoir aucunes patentes de passagiers, qui soient trassees, rompues et deschirees.

            Sur la remonstrance verbale faicte [par] nostre Procureur fiscal, comme encour qu'il soit pourté par Nos Constitutions sinodales cy devant faictes, se presenter au Sinode et de rapporter annuellement leurs quattre livres, ce neantmoins, au mespris d'icelles, plusieurs curés ne tiennent compte d'obeir a icelles, de sorte quil Nous auroit requis qu'elles fussent refrechies: quoy ouy par Monseigneur le Reverendissime, seroit esté dict et ordonné que tous curés seroient tenus de se presenter audict jour de Sinode touttes les annees personnellement, produire et remettre leurs quattre livres en bonne et deue forme; a peyne de dix livres. Ou bien, [en] cas de necessité, envoyer lesdictz registres, avec souffisante attestation et excuse de leur indisposition.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1608-1611,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

F. Ordonnances du 28 avril 1610

 

            Mondict Seigneur le Reverendissime, apres avoir donné acte de la presentation de comparantz pour leur servir et valloir ainsi que de raison, a dict [et] ordonné quil sera passé a la celebration dudict Sinode par les cy devant nommés, que sera autant vallable comme si tous avoient esté presentz. Et neantmoins, faisant droict sur les requisitions dudict Procureur fiscal, a dict et ordonné que tous curés seront tenus de comparoir au Sinode par cy apres et donner leur nom, payer deux solz; a peyne de l'amende de dix livres, laquelle est declaree contre chacun contrevenant et defaillant.

            Plus, tous curés seront tenus de enseigner le Cathechisme. [412]

            Plus, d'achepter les Tables des Cas de conscience. — Tous curés achepteront les [Tables des] Indulgences que sont concedees a ceulx que sont de la Confrarie du Sainct Sacrement.

            Pour la celebration des festes, le Manuel se dresse, en fin duquel se mettront les lestes qui se debvront celebrer. Ausquelz [curés] est inhibé de ne dispenser en façon que soit, sinon aux Survelliantz, ausquelz Nous avons permis de pouvoir dispenser.

            Les defenses des tavernes sont refrachies, sauf quand il se font des festins pour mariages, baptizés, chantres et sepultures.

            Comme [aussi sont interdits] les habitz indecens, jeux en lieu public et les jeux des cartes et dés; aux mesmes peynes.

            Tous ayant cures, pour venir en concours, resigneront] au mesme temps leur cure pour obtenir autre, suivant Nos precedentes Sinodales.

            Tous tenans benefices incompatibles seront tenus iceulx resigner dans six mois; autrement seront declarés vaccans, sinon quilz ayent obtenu dispense.

            Pour eviter aux contestes des fruictz des benefices a qui doibvent appertenir, est declaré que la prise de tout benefice commence a la feste de sainct [Jean] Baptiste et finissent (sic) a l'autre sainct Jehan suivant; et s'adjugeront ad ratam temporis.

            Tous curés seront tenus venir prendre, toutes les annees, les sainctz Huilles aux lieulx accoustumés et establys, a peyne de dix livres contre les contrevenantz; desquelz curés Nous en sera donné le nombre dans la feste de sainct Jehan Baptiste, et la distance de chasqun lieu, pour provoir sur la dispense pour venir [les] querir et conferer a iceulx.

            Tous venantz et se presentantz aux Ordres seront tenus appourter attestation vitae et morum de leur curé, a forme du statut de Milan; autrement ne seront receus.

            Tous curés ministrantz le sainct Sacrement de Baptesme escripront le jour de la nativité par cy apres; ausquelz est defendu de ne baptizer solemnellement dans les maisons, a peyne d'irregularité. Quand l'on assiste au Baptesme, se contracte affinité; et si c'est en necessité, ny a poinct d'affinité, laquelle survenant, l'Evesque en peut dispenser. Estant l'enfant baptizé par un laic, sera redigé par escript.

            Tous curés sont exhortés de celebrer et de conferer le Sacrement de Mariage le mattin, affin que l'on puisse [donner] la benediction matrimoniale, quoy qu'il est loisible le conferer a toutte heure; que si viennent le soir, de les exhorter de venir le mattin.

            Il sera loisible de ne laisser le linceulx sur le corps des decedés, [413] mais paieront le linceulx selon la commune valeur. Et quant au luminaire, paieront au curé fournisseur cinq florins pour livre. Ceulx qui ne fourniront aucun luminaire, en sorte que [l'on] soit contrainct de le fournir, l'on ne fournira que deux chandoilles; que si ilz en vëullent davantage, ce sera a leurs despens.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1608-1611,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

G. Ordonnances du 20 avril 1611

 

            Mondict Seigneur le Reverendissime... dict que tous les absentz seront adjournés pour comparoir par devant nous, [Procureur fiscal,] pour se voir declarer d'avoir encouru la peyne de dix livres.

            Sont des a present reiterees les defenses a tous prebstres et curés, des jeux, tavernes, propos lascifz, barbe et habit indecentz et non convenables a leur qualité; sous les peynes de dix livres. Comme semblablement, frequenter les foires et marchés, et ne passer contractz usuraires; sous lesdictes peynes.

            Item, ne pourront prendre les curés ny vicaires aucune chose pour la publication des mariages ni Monitoire, sinon quil fallut que allassent hors leur maison d'habitation et parroche; a peyne de six livres contre les contrevenantz.

            Quand l'espoux et l'espousee sont de deux parroches, se celebrera le mattin la Messe ou se converront, et ce faict, leur sera donné la benediction nuptiale; sinon que l'espousee estant amenee en la maison de leur (sic) espoux, sera celebré lendemain, et non passé midy.

            En touttes villes et bourgades sera enseigné le Cathechisme.

            Et ne sera permis a aucun prebstre de prescher sans Nostre permission, ou de nostre Vicaire; et sont exhortés avoir des bons livres.

            Item, est inhibé a tous prebstres de ne administrer aucun Sacrement sans permission des curés ou leurs vicaires.

            Item, est inhibé a tous ne se confesser allieurs [à Pâques] sans permission de leur curé; et ou ilz se confesseront, en rapporter attestation.

            Et sera ballié roolle des prebstres qui ministreront les Sacrementz sans permission.

            Et n'est loisible a aucun curé ou prebstre pour ouyr confession [414] prendre aucune sorte d'argent, sinon [ce] qui leur sera ballié par voye d'aulmone.

            Au registre des baptizés, d'autant que il advient que plusieurs sont baptizés long temps apres leur naissance, sera apposé le jour de ladicte collation du Baptesme, et neantmoins dict: «naiz tel jour.» Et tous prebstres qui auront baptizé [enfants] qui ne sont de leur parroche, seront tenus le rappourter en la parroche dudict baptizé.

            En la reception des permutations, a esté ordonné que touttes permutations seront faictes par les permutantz en plaine santé; a ce appeller les Examinateurs, pour sçavoir si elles seront de recepvoir ou non. Et seront tenus les dictz permutantz de ballier la valeur du revenu d'iceulx [bénéfices].

            Tous prebstres et curés seront tenus de comparoir par cy appres au Sinode avec le surpellis, bonnet carré et habitz decens; a peyne de trois livres. Et ne pourront estre executés pour aucun debte civile pendant trois jours, sçavoir: de l'arrivee, jour du Sinode et du lendemain.

            Et par ce quil y a plusieurs proces pour le Clergé, que aussy quil y a restatz, a esté dict et ordonné que les deputés du Clergé s'assembleront demain a une heure apres midy, pour les afferes dudict Clergé, au pallais de Monseigneur le Reverendissime, pour deliberer ce qui sera de fere pour le bien et utilité dudict Clergé.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1608-1611,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

H. Ordonnances du 9 mai 1612

 

            Monseigneur le Reverendissime... dict et declare avoir esté dressé un Manuel pourtant la maniere de ballier et conferer les sainctz Sacrementz, lequel veut et entend estre observé dans son diocese par tous les curés estantz dans icelle (sic), et d'en achepter chacun et d'en avoir dans deux mois, a peyne de l'amende.

            Ledict Rituel a l'usage de Rome, auquel est contenu un Calendrier ou sont des estoilles pour monstrer les festes que doibvent estre celebrees.

            Et sont des a present les defenses rafreschies, sous les peines cy devant indites, voire de suspension sur la diffamation. [415]

            Sur le refus que font quelques curés d'ouyr en confession leurs parrochains en autre temps que aux festes solemnes, a esté dict, enjoinct et commandé d'ouyr en confession leurs parrochains tout-tes fois et quantes quilz se presenteront.

            Est inhibé de n'en prendre rien, sinon quil leur sera loisible de dresser un tronc pour y mettre des oblations que leur seront donnees.

            Et que le Cathechisme sera enseigné pour l'instruction de la jeunesse, affin que le service de Dieu soit faict.

            Que tous curés comparoistront au Sinode, a peyne de dix livres, sinon en cas d'extreme necessité; ou bien feront apparoir de souffisante excuse.

            Que par cy apres ne sera publié aucun Monitoire quil ne soit deuement scellé et signé, et en probante forme.

            Qu'il ne sera celebré Messe en la sepulture d'aucun [corps] lors et quand lesditz corps seront apportés apres midy.

            Et finalement, que au Mariage sera observé le Rituel par Nous dressé.

            Et que les deputés du Clergé comparoistront demain, a deux [heures] apres midy, dans Nostre pallais de Nostre residence, pour deliberer sur ce que touche les afferes et negoces de Nostre dict Clergé.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1612-1613,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

I. Fragment d'Ordonnances de 1605-1613

 

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            Attendu la grande estendue de Nostre diocese, environné en divers endroitz d'heretiques avec lesquelz une partie de nos diocesains sont contraintz non seulement de frequenter, mays encor de demeurer la pluspart du temps; desirans sçavoir si un chacun fait devoir de vray catholique, Nous enjoignons a tous curés, vicayres et autres ayans charge d'ames riere ce diocese, de rapporter toutes les annees au Sinode, par devant Nous ou nostre Vicayre general et Official, les noms et surnoms dé ceux qui ne se seront confessés et communiés aux Pasques precedentes, ainsy que dessus a esté dit.

            Leur commandons d'abondant de rapporter aussi les noms et [416] surnoms des adulteres et concubinaires qu'ilz reconnoistront en leurs parroisses, lesquels ayant esté par eux admonestés de quitter telz vices n'y auront satisfait.

            Nous defendons a tous curés, vicayres et autres ecclesiastiques de publier aucuns Monitoires et censures les jours et festes de la Nativité de Nostre Seigneur, Pasques, Ascension, Pentecoste, du pretieux Cors de Nostre Seigneur, Annonciation et Assomption de Nostre Dame, saint Pierre aux Liens, la Toussaint et es jours du Patron et Dedicace des eglises, esquelles telles publications [ne] se devront faire………………………………………………………………….

 

 

 

J. Ordonnances du 16 avril 1614

 

            A esté dict, resolu et declaré que touttes oblations faictes particulierement aux chappelles sont et appertiennent aux curés des parroches riere lesquelles les chappelles sont situees et fondees.

            Est inhibé et defendu a tous curés de ce diocese de n'ouyr en confession, a Pasques, les parrochains d'autre parroche, sans la licence du curé de la parroche de laquelle sont parrochains; et se confessant allieurs, attendu ladicte licence, en seront tenus rapporter attestation.

            Que sur l'opposition de publication de Monitoire ou de mariage, les parties seront renvoyees par devant Nous ou nostre Vicaire general et Official, pour estre reiglé comme en ayant la cognoissance.

            Tous curés seront tenus et obligés publier Monitoire au prosne de leur eglise pour neant.

            Auront aussy tous curés de ce diocese le Rituel et [auront soin] d'observer les ceremonies portees par icelluy; a peyne de dix livres.

            A tous prebstres, de pourter habit decent, et aussy la barbe, et de pourter aussy la coronne, ausquelz prebstres, les tavernes sont defendues, aux peynes indites cy devant.

            A esté commandé a tous curés de fere le Cathechisme, comme aussy feront le Prausne le jour de Dimenche, selon la forme prescripte et balliee par le Rituel.

            Tous desirant venir aux sacrés Ordres, feront fere attestation d'avoir esté faictes proclamations super vita et moribus, a forme du Concile de Trente.

            Comme aussy, tous ceulx qui se vouldront marier seront tenus fere fere trois proclamations; et, se voulliantz espouser, venir de matin. Et [les] admonester de soi (sic) confesser et communier, et puis apres s'espouser.

            Que touttes resignations seront faictes vingt jours au paravant que de les mettre en execution. [417]

            Touttes provisions Apostoliques fulminees par devant Nous, ou nostre Officiai et Vicaire general, seront mises a execution et mises en possession par nostre greffier qui en fera registre dans le mois.

            Se paiera le luminaire fourny par les curés, a discretion des curés et ciriers voisins.

            Et finalement a esté ordonné que tous prebstres desirant obtenir admissionem in vicarium se presenteront le premier Dimenche de chacun mois, ou bien, sil est feste solemne, le lendemain.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1612-1615,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

K. Ordonnances du 6 mai 1615

 

            Monseigneur le Reverendissime, apres avoir conferé avec son dict Clergé, auroit dict et ordonné que pour l'annee prochaine 1616 seroit procedé a son Sinode a forme du Pontifical; a quelles fins tous curés de sa diocese comparoistront et demeureront trois jours, tousjours en habit decent, pour estre faict deliberations en les establissementz requis.

            Plus, a esté dict et ordonné que les festes commandees par le Rituel seront celebrees; et quant aux festes de devotion, l'on pourra travallier, et ne sera loisible adjouster condition. Que si l'on veut estre dispensé de la celebration [de quelque fête] il faudra recourre (sic) aux Survelliantz; ordonnant neantmoins que les festes seront faictes selon la coustume des lieulx.

            Quant aux Rogations, a esté dict quil les faut fere, car l'on est [obligé de] les fere suivant ce qu'est pourté au Missel; mais non pas fere feste, car il ny a poinct de commandement.

            Il a esté aussy ordonné quil sera loisible aux curés, comme par advertissement paternel, de pouvoir advertir les parrochains d'appourter argent, soit pour les tallies, que pour paier les soldatz, attendu l'urgente necessité.

            Que tous prebstres et curés de Nostre diocese observeront nos Sinodales cy devant faictes; aux peynes y indites.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1612-1615,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

L. Ordonnances du 20 mai 1616

 

            Monseigneur, en l'assistence de son dict Clergé,... auroit dict et ordonné que tous curés de ce diocese auroient quattre livres, sçavoir: des communiantz, mariages, decedés et des baptizés, ausquelz seroit inscript le jour de la naissance, le jour auquel seront baptizés, les noms des parrains et marrainnes, et le nom du curé et ministre; sus peyne de l'amende de dix livres. Et notamment des mariages, sçavoir: les noms de l'espoux et espouse, de leurs pere et mere respectivement, et des tesmoins, sçavoir de deux ou trois.

            Plus, que les flambeaux que seront donnés pour les funerallies des decedés, les heretiers d'iceulx s'en pourront servir pendant l'annee du dueil aux services; laquelle passee, appertiendront a l'eglise en laquelle le corps est enterré, sauf ceux qui sont donnés aux eglises qui accompagnent le corps.

            Plus, que tous curés viendront querir les sainctz Huilles touttes les annees et les viendront prendre vers les distributeurs accoustumés (ausquelz seront tenus paier quattre solz pour leurs despenses), qui registreront les noms de ceulx qui en seront [pourvus] et les remettront] par devers Nostre greffe dans l'octave de Pentecoste.

            Plus, que tous distributeurs qui pretendent d'avoir droict de distribuer les dictes Huilles feront apparoir de leurs droictz dans quinzaine; autrement sera sur ce proveu. Et [prendront garde] de ne les distribuer sinon a ceulx quilz en ont de coustume.

            Tous Survelliantz seront tenus de Nous donner advertissement et noms des curés qui tiendront femmes suspectes, et de la vie et meurs d'iceulx.

            Les tavernes, jeux es lieux publicqs sont defendus a tous ecclesiastiques, sinon a une lieue de son (sic) eglise.

            Plus, que le Praune sera faict selon la forme prescripte par Nostre antecesseur.

            Plus, que les osties des communions seront consumees de trois septmaines en trois septmaines.

            Plus, que tous curés maintiendront leur autel decemment.

            Plus, que tous venants aux Ordres, et mesmes ceulx qui seront desja subdiacres, [y viendront] en habits decents et convenables a leur qualité; lesquels seront tenus d'apprendre leur chant, autrement ne seront receuz.

 

Revu sur le texte inséré dans le Registre de 1616-1617,

de l'ancien Evêché de Genève.

 

 

 

II. Lettre de Charles-Emmanuel Ier au Sénat de Savoie

 

            CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu, Duc de Savoye, Prince de Piedmont, etc.

            A Nos tres chers, bien amés et feaux Conseillers, les gens tenans Nostre Senat dela les monts, salut.

            Veu les Requeste et Articles cy attachés, a Nous presentés de la part du Clergé de Savoye, et le tout bien consideré, attendu le faict dont il s'agit; de Nostre certaine science et avec l'advis de Nostre Conseil, vous mandons et ordonnons par ces presentes, que, le tout bien et deuement consideré, ayes a pourvoir sur les fins et conclusions desdicts articles le plus promptement que faire se pourra, ainsy et comme verres estre a faire par rayson et justice, vous donnant de ce faire plein pouvoir, authorité, mandement et commission: car tel est Nostre vouloir.

            Donné a Turin, le dernier janvier mil six cens neuf.

                                                                                                          C. EMANUEL.

                                                                                                                      Veu, PROVANA.

                                                                                                                      BOURSIER.

 

 

 

Extrait des Registres du Souverain Senat de Savoie

 

            Sur la Requeste presentee par les seigneurs Reverendissimes Evesques de Maurienne et de Geneve, les Reverens seigneurs Abbé d'Abondance et Conservateur de la Saincte Mayson de Nostre Dame de Thonon, du premier de ce mois, tendant a fin verification de lettres patentes par eux obtenues de Son Altesse le dernier janvier dernier, et Articles par eux presentés a sa dicte Altesse y attachés:

            Veu par le Senat ladicte Requeste presentee par lesdicts seigneurs demandeurs et supplians y nommés, du premier de ce mois, ensemble les dictes lettres par eux obtenues de Son Altesse, du dernier janvier, ensemble les Articles y attachés, et autre Requeste presentee a sa dicte Altesse dudict jour de janvier, avec les conclusions du Procureur general, signé FAVIER, et tout ce qui faisoit a voir et [420] considerer, et qu'a esté produict et remis par devant le Senat, veu et consideré:     Le Sénat, en enterinant quant a ce lesdictes lettres et Articles y annexés, a dict et ordonné que les supplians seront maintenus en la possession, jouissance et perception des dismes, premices et novelles y mentionnees, chacun en droict soy et riere leurs dismeries respectivement: le tout selon la coustume locale et ancienne observation des lieux ou lesdictes dismes, premices et novelles y sont deues, tant par la quote que qualité des fruicts decimables. Et en cas de refus et empeschemens, seront les possesseurs contraincts au payement de la quote accoustumee et dont les parties seront d'accord, et qualité des fruicts decimables; nonobstant opposition ou appellation, et sans prejudice d'icelle, en prestant par les supplians la caution offerte.

            Faict a Chambery, au Senat, et prononcé, au Procureur general et aux procureurs desdictes parties, le 9 avril 1609. [421]




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